Propos recueillis par
Fedoua Messat, à Washington
Interview exclusive. “Les musulmans doivent avoir le choix de culte”Fedoua Messat, à Washington
Laïque jusqu’à l’extrême, virulente jusqu’à la provocation, l’intellectuelle syro-américaine Wafa Sultan détaille ses positions sur l’islam et critique la “déficience intellectuelle” de ses détracteurs. Sans partager tous ses points de vue, TelQuel lui donne la parole. Pour comprendre.
Vous avez participé en Floride, l’année dernière, à une conférence sur l’islam laïque. Vous considérez-vous comme une musulmane laïque ?
Je suis une femme de naissance et d’éducation musulmanes, mais dont la pensée et les objectifs sont laïques. J’ai passé les deux tiers de ma
Avant de critiquer l’islam, avez-vous étudié les ouvrages d’exégèse islamique ?
J’ai étudié tous les ouvrages d’exégèse de A à Z. J’estime que ces livres ont accentué le côté négatif des enseignements de l’islam, à l’instar de cet adage africain qui dit que l’on ne peut expliquer quelque chose de mauvais que par plus mauvais. Je vous cite un exemple. Un verset dit : “Ne donnez pas votre argent aux vils…”. La plupart des livres d’exégèse, sinon tous, expliquent que le terme "vils" désigne les femmes et les enfants. Comment voulez-vous que je réagisse face à de telles explications ? Je devrais peut-être leur témoigner mon admiration ?
Quel est exactement votre problème avec l’islam ?
L'islam, en tant que dispositif doctrinaire, est à l'origine de l'arriération de l'homme musulman, intellectuellement et moralement. L’islam a déformé les concepts et a appelé les choses autrement que par leurs noms.
Pensez-vous que le milliard de musulmans que compte la planète ont tous été bernés ?
En ce qui concerne la relation métaphysique qui lie Dieu à la religion, je considère que tous les croyants ont été bernés, et pas seulement les musulmans. Personnellement, je ne crois pas à cette relation et je ne cherche même pas à savoir ce qu’il en est réellement. Ce qui est intéressant, ce sont les commandements de la religion, quelle qu’elle soit. C’est là que réside le danger pour le milliard de musulmans. J’ai souvent dit : “Adorez même les pierres, si vous voulez, mais ne me frappez pas avec”. Bien sûr que celui qui adore les pierres a été berné, mais tant qu’il ne me frappe pas avec, il n’y a aucun risque.
Le nombre de croyants en une idée quelconque n’est pas un indicateur de crédibilité de cette idée. Si les savants avaient pensé comme ça, nous n’aurions jamais connu toutes ces avancées techniques qui ont permis à l’humanité de progresser. Galilée a bien prouvé que le monde entier avait tort, non ? C’est la meilleure preuve de ce que je dis. Par ailleurs, si le nombre de croyants était un critère déterminant, pourquoi les chrétiens n’auraient-ils pas plus raison que les musulmans, alors qu’ils sont plus nombreux qu’eux ? Quand je me trouve, à titre personnel, en contradiction avec ce en quoi la nation d’Islam croit, il est de mon droit de me défendre, au même titre qu’elle. Je ne crois pas qu’une nation qui, historiquement, a autorisé les conquêtes, les rapines et les viols de femmes soit meilleure qu’une femme qui la décrie.
Dans une interview sur CNN, vous aviez déclaré que vous souhaitiez affronter les musulmans radicaux. Cela veut-il dire que vous reconnaissez, en creux, l’existence de musulmans modérés ?
Tout dépend de la définition qu’on donne à l’adjectif “modéré”. Si on désigne par ce terme ceux qui refusent le terrorisme et l’extrémisme au fond d’eux, alors oui, la très grande majorité des musulmans sont modérés. Si on y inclut ceux qui dénoncent l’extrémisme et le terrorisme, alors le nombre des modérés se rétrécit considérablement. Mais si on va encore plus loin, en intégrant parmi les modérés ceux qui sont prêts, non seulement à dénoncer, mais aussi à combattre l’extrémisme et tous les enseignements religieux qui y conduisent, alors il faudra un microscope pour repérer ceux qui restent… La vraie question est : où sont les modérés, et pourquoi ne les entend-on pas dénoncer haut et fort toutes ces dérives commises au nom de l’islam ?!
Dans ce cas, comment la communauté internationale doit-elle, selon vous, se comporter avec les musulmans ?
La communauté internationale doit d’abord différencier l’islam des musulmans. L’islam est une foi, alors que les musulmans sont comme tous les autres peuples : il y a parmi eux des “gentils” et des “méchants”. Il n’est pas impossible de réformer les esprits. Une solution à la crise actuelle serait que les musulmans puissent avoir le choix de culte, qu’au sein même du monde musulman, tous les cultes soient autorisés. Je dirais même que c’est la seule solution. Une certaine émulation naîtrait alors de cette proximité avec l’islam, et réduirait substantiellement son pouvoir de générer la violence. L’islam s’est imposé par la force de l’épée ; si on retire la menace de l’épée, sa dangerosité s’en trouvera réduite.
Croyez-vous que tous les musulmans sont des terroristes en puissance, prêts à se faire exploser à la première occasion ?
Non, je ne le crois absolument pas. 90% des musulmans non arabes ne connaissent pas un seul mot du Coran, sans parler des hadiths et de la Sunna. Ils défendent l’islam sans rien en connaître. J’en ai rencontré aux Etats-Unis, et je peux vous confirmer leur degré d’ignorance. En discutant avec une Pakistanaise, médecin de profession et très “crispée” religieusement, j’ai découvert que toute sa connaissance de l’islam se limitait à la formule “Mohamed, paix et salut sur lui”. Cette femme aussi est comptabilisée, comme beaucoup de ses pareils, parmi les musulmans. Le danger se retrouve plus facilement parmi les musulmans arabes. Le terrorisme islamiste n’est d’ailleurs arrivé dans les pays musulmans non arabes que grâce au financement de la toile d’araignée wahhabite, elle-même bénéficiant largement des subsides saoudiens.
Un rabbin a critiqué vos déclarations, vous accusant de saper tous les efforts de rapprochement entre les trois religions du livre. Même les religieux juifs n’approuvent pas vos déclarations !
Beaucoup de rabbins les désapprouvent, pas un seul. Croyez-moi si vous le voulez, leur avis est celui de beaucoup de juifs, qui croient que leur religion ne pourra se préserver que si, à côté, on préserve aussi les autres religions du Livre. Je respecte leurs convictions. Beaucoup de mes amis juifs n’approuvent pas mes critiques de l’islam, mais ils respectent mon droit à la différence et je respecte le leur. L’islam, le christianisme et le judaïsme sont toutes des religions du Livre, leur Dieu est le même, et malgré tout, ils ne sont pas arrivés à se rapprocher. Même après 14 siècles d’histoire commune. Pourquoi continuer à essayer ?
Vous défendez Israël, alors que vous avez été témoin de ses pratiques dans les territoires occupés…
Encore un mensonge. Je défie quiconque de prouver que je défends Israël et ses pratiques dans les territoires arabes. Oui, je défends le droit d’Israël à l’existence, mais je défends aussi le droit des Palestiniens à avoir un Etat indépendant et à y vivre en paix. Les Palestiniens ont énormément souffert, c’est un fait que personne ne peut nier. Mais je crois que le problème est religieux et non politique. Quand nous aurons résolu la composante religieuse du conflit, tout le reste suivra. Je ne m’occupe pas de politique et j’évite de parler de ce que je ne maîtrise pas.
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