Sahara. Tifariti mon amour
La marche vers Tifariti, organisée à l’initiative de l’Association du Sahara marocain, vient de subir un troisième report. La raison : les difficultés logistiques et le nombre d’inscrits… qui a triplé en quelques jours.
Tifariti. Sur les registres des collectivités locales du royaume, le nom correspond à une petite commune rurale comme tant d’autres. Elle est bien sûr un peu plus que cela : un no man’s land perdu aux confins du Sahara ! Même les Hommes Bleus, qui connaissent le désert comme leur poche, peuvent traverser cette bourgade sans s’en rendre compte.
Pas de panneau de bienvenue ni de “panneau 60” pour limiter la vitesse des automobilistes. Non, rien de tout cela. Pour peu, Tifariti pourrait se résumer à un puits sec creusé dans les années 50, quelques tentes remontant aux années 60, des vestiges d’une caserne militaire datant des années 70 et les restes d’un char oublié, là, depuis les années 80. Selon la très didactique encyclopédie Wikipédia, “Tifariti était une ville de 7 000 habitants en 1975, avant d’être abandonnée en 1976 à cause de la guerre. Elle a ensuite servi de place forte et de base militaire pour les deux adversaires (Ndlr. Le Maroc et le Front Polisario) à différents stades de la guerre de 1976-1991. Elle est aujourd'hui en ruines”. Voilà donc qui lève le doute : si ce village fantôme a droit de cité dans la fameuse encyclopédie interactive du Web, c’est qu’il est depuis quelque temps le théâtre des gesticulations du Polisario. Depuis deux ans, Mohamed Abdelaziz et sa bande organisent dans cette cité perdue dans le désert (qu’ils considèrent comme un “territoire libéré”) la fête de l’indépendance de “l’Etat sahraoui”. Le Polisario a même annoncé qu’il voulait y édifier le Parlement de la RASD. En fait, si Abdelaziz & co circulent librement sur ce territoire marocain, c’est que Tifariti est coincée de l’autre côté du dispositif défensif des Forces armées royales. À 50 kilomètres de Smara, c’est un terrain abandonné pour des motifs de stratégie militaire depuis l’édification du fameux Mur de défense dans les années 80. Mais ce n’est pas pour autant que les Marocains renoncent définitivement à ce territoire. Réda Taoujni et son association, au nom très explicite, l’Association du Sahara marocain (ASM), tentent d’organiser depuis un an une marche pour la reconquête de ce lieu désertique.
Lève-toi et marche !
Le projet a été reporté à deux reprises, sous la pression de l’ambassade des Etats-Unis. L’Oncle Sam voulait éviter une tempête de sable qui viendrait brouiller la stabilité de la région. Jamais deux sans trois ? Peut-être pas, puisque les Américains, assure Taoujni, ont choisi cette fois de laisser faire. Tout comme les Casques bleus de la Minurso, qui ne trouvent rien à y redire. “Au-delà du mur, il y a une bande de 5 kilomètres où sont interdites les incursions militaires. Mais dans le cas de cette marche, nous avons affaire à des civils, ce n’est donc pas une infraction”, explique une source de la mission onusienne. Côté marocain, on facilite la tâche à Taoujni et à son “projet”, né dès l’annonce de la tenue du dernier congrès du Polisario, en décembre 2007, à Tifariti. “Les Forces armées royales nous soutiennent. Elles nous ont même permis de dresser notre campement dans une zone militarisée à 12 kilomètres de Smara”, explique le président de l’ASM. À en croire Taoujni, tout était fin prêt pour le départ de cette caravane, prévu initialement le 27 janvier. Mais, victime de son succès, la marche a de nouveau été reportée. Car l’annonce de la caravane pour Tifariti a eu, comme le dit la chanson, un succès fou. “Nous avons été contactés par beaucoup de partis et d’associations marocaines, qui nous ont signifié que la marche ne peut pas prendre le départ sans leur participation”, explique Réda Taoujni. Ce dernier assure que 14 partis politiques et 42 associations ont exprimé leur volonté de prendre part à l’escapade, cause nationale oblige. “Toutes les ONG sahraouies sont de la partie. 70% des participants sont des Sahraouis, ce qui donne plus de crédibilité à cette marche : ce sont des citoyens sahraouis, qui se rendent sur des territoires marocains du Sahara”, explique le président de l’ASM, aguerri au sens de la formule. Chez toutes les grandes formations politiques, on confirme la mobilisation pour ce remake miniature de la Marche verte. “Nous avons été les premiers à répondre à cette marche. Nous avons désigné un député et des membres représentatifs de notre parti pour y participer”, explique Lahcen Daoudi, numéro 2 du PJD. “Oui, oui, l’Istiqlal sera représenté massivement lors de cette marche”, renchérit Mohamed Zidouh, du parti de Abbas El Fassi. Un “Oui” que le Premier ministre semble d’ailleurs applaudir des deux mains.
Le 16 mars… si tout va bien
Quelques voix sceptiques viennent cependant troubler ce bel unanimisme. Ici et là, des dirigeants politiques et des militants continuent à croire que la “marche” n’aura pas lieu, en dépit de tous les effets d’annonce. “Aller de report en report n’est pas vraiment sérieux. En attendant, c’est le Polisario qui marque des points, puisque tout report est considéré comme un recul du Maroc”, explique par exemple ce quadra de l’USFP. Pourtant, du côté de l’ASM, promis juré, la prochaine fois (la quatrième !) sera la bonne. Taoujni assure que la marche prendra son départ le 16 mars, soit trois jours après la fin du quatrième round de négociations à Manhasset, prévu entre les 11 et 13 mars prochain. “Nous avons choisi cette date pour le symbole, mais quels que soient les résultats des négociations, nous marcherons bien vers Tifariti”, anticipe le président de l’ASM. 3000 personnes devraient y prendre part, soit trois fois plus que le nombre prévu initialement. Du coup, les organisateurs veulent multiplier les itinéraires. “Un groupe prendra le départ de Smara et deux autres groupes de points différents à 180 et 200 kilomètres au sud de cette ville. Nous marcherons alors vers Tifariti, Bir Lahlou et Bir Oum Grayn”, explique Taoujni. Avant d’en arriver là, toute une logistique devra être mise en place. “En gros, nous aurons encore besoin de centaines de tentes, de voitures et de dizaines de camions et de médecins”. Les moyens, croit-on savoir, ne devraient pas poser de problème : l’ASM aurait déjà mobilisé un million de dirhams et, visiblement, les dons continuent d’affluer. “Même l’Etat nous a proposé un appui logistique, que nous avons décliné pour ne pas mettre en doute la sincérité et la crédibilité de cette marche. Nous nous sommes par contre tournés vers des particuliers, dont une dizaine d’hommes d’affaires sahraouis, qui n’ont pas hésité à mettre la main à la poche”, souligne Taoujni, tout en se gardant de dévoiler les noms de ses “sponsors”. “Ils seront connus la veille du départ, puisqu’ils prendront eux aussi part à la marche. Attendez le jour J et ouvrez bien l’œil”. On imagine déjà les Derham, El Joumani ou Ould Errachid dévalant les dunes, fredonnant des chansons patriotiques à bord de leurs luxueux 4x4 bardés de drapeaux marocains et de bannières blanches. Allez, rendez-vous au 16 mars. Si tout va bien.
La marche vers Tifariti, organisée à l’initiative de l’Association du Sahara marocain, vient de subir un troisième report. La raison : les difficultés logistiques et le nombre d’inscrits… qui a triplé en quelques jours.
Tifariti. Sur les registres des collectivités locales du royaume, le nom correspond à une petite commune rurale comme tant d’autres. Elle est bien sûr un peu plus que cela : un no man’s land perdu aux confins du Sahara ! Même les Hommes Bleus, qui connaissent le désert comme leur poche, peuvent traverser cette bourgade sans s’en rendre compte.
Lève-toi et marche !
Le projet a été reporté à deux reprises, sous la pression de l’ambassade des Etats-Unis. L’Oncle Sam voulait éviter une tempête de sable qui viendrait brouiller la stabilité de la région. Jamais deux sans trois ? Peut-être pas, puisque les Américains, assure Taoujni, ont choisi cette fois de laisser faire. Tout comme les Casques bleus de la Minurso, qui ne trouvent rien à y redire. “Au-delà du mur, il y a une bande de 5 kilomètres où sont interdites les incursions militaires. Mais dans le cas de cette marche, nous avons affaire à des civils, ce n’est donc pas une infraction”, explique une source de la mission onusienne. Côté marocain, on facilite la tâche à Taoujni et à son “projet”, né dès l’annonce de la tenue du dernier congrès du Polisario, en décembre 2007, à Tifariti. “Les Forces armées royales nous soutiennent. Elles nous ont même permis de dresser notre campement dans une zone militarisée à 12 kilomètres de Smara”, explique le président de l’ASM. À en croire Taoujni, tout était fin prêt pour le départ de cette caravane, prévu initialement le 27 janvier. Mais, victime de son succès, la marche a de nouveau été reportée. Car l’annonce de la caravane pour Tifariti a eu, comme le dit la chanson, un succès fou. “Nous avons été contactés par beaucoup de partis et d’associations marocaines, qui nous ont signifié que la marche ne peut pas prendre le départ sans leur participation”, explique Réda Taoujni. Ce dernier assure que 14 partis politiques et 42 associations ont exprimé leur volonté de prendre part à l’escapade, cause nationale oblige. “Toutes les ONG sahraouies sont de la partie. 70% des participants sont des Sahraouis, ce qui donne plus de crédibilité à cette marche : ce sont des citoyens sahraouis, qui se rendent sur des territoires marocains du Sahara”, explique le président de l’ASM, aguerri au sens de la formule. Chez toutes les grandes formations politiques, on confirme la mobilisation pour ce remake miniature de la Marche verte. “Nous avons été les premiers à répondre à cette marche. Nous avons désigné un député et des membres représentatifs de notre parti pour y participer”, explique Lahcen Daoudi, numéro 2 du PJD. “Oui, oui, l’Istiqlal sera représenté massivement lors de cette marche”, renchérit Mohamed Zidouh, du parti de Abbas El Fassi. Un “Oui” que le Premier ministre semble d’ailleurs applaudir des deux mains.
Le 16 mars… si tout va bien
Quelques voix sceptiques viennent cependant troubler ce bel unanimisme. Ici et là, des dirigeants politiques et des militants continuent à croire que la “marche” n’aura pas lieu, en dépit de tous les effets d’annonce. “Aller de report en report n’est pas vraiment sérieux. En attendant, c’est le Polisario qui marque des points, puisque tout report est considéré comme un recul du Maroc”, explique par exemple ce quadra de l’USFP. Pourtant, du côté de l’ASM, promis juré, la prochaine fois (la quatrième !) sera la bonne. Taoujni assure que la marche prendra son départ le 16 mars, soit trois jours après la fin du quatrième round de négociations à Manhasset, prévu entre les 11 et 13 mars prochain. “Nous avons choisi cette date pour le symbole, mais quels que soient les résultats des négociations, nous marcherons bien vers Tifariti”, anticipe le président de l’ASM. 3000 personnes devraient y prendre part, soit trois fois plus que le nombre prévu initialement. Du coup, les organisateurs veulent multiplier les itinéraires. “Un groupe prendra le départ de Smara et deux autres groupes de points différents à 180 et 200 kilomètres au sud de cette ville. Nous marcherons alors vers Tifariti, Bir Lahlou et Bir Oum Grayn”, explique Taoujni. Avant d’en arriver là, toute une logistique devra être mise en place. “En gros, nous aurons encore besoin de centaines de tentes, de voitures et de dizaines de camions et de médecins”. Les moyens, croit-on savoir, ne devraient pas poser de problème : l’ASM aurait déjà mobilisé un million de dirhams et, visiblement, les dons continuent d’affluer. “Même l’Etat nous a proposé un appui logistique, que nous avons décliné pour ne pas mettre en doute la sincérité et la crédibilité de cette marche. Nous nous sommes par contre tournés vers des particuliers, dont une dizaine d’hommes d’affaires sahraouis, qui n’ont pas hésité à mettre la main à la poche”, souligne Taoujni, tout en se gardant de dévoiler les noms de ses “sponsors”. “Ils seront connus la veille du départ, puisqu’ils prendront eux aussi part à la marche. Attendez le jour J et ouvrez bien l’œil”. On imagine déjà les Derham, El Joumani ou Ould Errachid dévalant les dunes, fredonnant des chansons patriotiques à bord de leurs luxueux 4x4 bardés de drapeaux marocains et de bannières blanches. Allez, rendez-vous au 16 mars. Si tout va bien.
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