L’hostilité dont Abdelmadjid Tebboune tente d’imprégner les rapports de son pays avec le Maroc a au final desservi, plus qu’elle ne lui a été de la moindre utilité, le nouveau président algérien.
C’est une rentrée diplomatique sous le signe de la débandade qu’est en train, actuellement, d’essuyer le régime algérien, et ce à tous les niveaux. Sahara marocain, Libye et même, plus récemment, le Mali: la junte au pouvoir donne, pour ainsi dire, l’impression de ne plus savoir où donner de la tête, tellement les échecs qu’elle accumule sont cuisants, et le moins que l’on puisse dire est que c’est à une véritable actualisation de son logiciel idéologique qu’elle devra incessamment procéder au risque de se retrouver, de proche en proche, encore plus isolée qu’elle ne l’est actuellement. Ce que, en dépit de tout, le Maroc ne souhaite pas, car l’Algérie reste bien sûr un pays important et un partenaire incontournable pour enfin faire aboutir le processus de construction maghrébine entamé en février 1989 à Marrakech.
Dans ce sens, il y a lieu de rappeler la main maintes fois tendue, dont ultimement dans son discours du Trône du 29 juillet 2019, par le roi Mohammed VI aux responsables algériens pour “oeuvrer (...) à la réalisation des aspirations à l’unité, à la complémentarité et à l’intégration, portée par nos peuples maghrébins frères”. Le Souverain avait ainsi plaidé, alors, les “liens de fraternité, de religion, de langue et de bon voisinage, qui unissent depuis toujours nos deux peuples frères”. Il avait en outre appelé, dans son discours de la Marche verte du 6 novembre 2018, à la mise en place d’un mécanisme politique conjoint de dialogue et de concertation, de sorte “à examiner toutes les questions bilatérales, avec franchise, objectivité, sincérité et bonne foi, sans conditions ni exceptions, selon un agenda ouvert”.
“Le Maroc est ouvert à d’éventuelles propositions et initiatives émanant de l’Algérie pour désamorcer le blocage dans lequel se trouvent les relations entre les deux pays voisins frères,” avait-il souligné. Alger n’y a toutefois, pour l’heure, pas donné suite; une “source autorisée” citée en novembre 2018 par le journal électronique Tout sur l’Algérie parlant notamment de “non événement” -alors que l’initiative du Maroc avait été saluée de par le monde, y compris par le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU), Antonio Guterres. Abdelmadjid Tebboune, et ce avant même d’être élu le 12 décembre 2019, a même forcé le trait en adoptant un discours volontairement boumédiénien envers le Royaume. Il avait ainsi par exemple exigé vis-à-vis de Rabat des excuses pour avoir expulsé, selon lui, 350.000 Algériens suite aux attaques terroristes de l’hôtel Atlas Asni fin août 1994 et fait dans la foulée fermer les frontières bilatérales -ce qui, bien sûr, ne saurait être plus faux car le Maroc n’avait alors fait qu’imposer un visa aux ressortissants de la voisine de l’Est, dans la mesure où ce sont des Franco-Algériens qui avaient perpétré lesdites attaques, sans parler du fait que personne ne s’était vu renvoyer par les autorités marocaines et que le chiffre de 350.000 correspond plutôt au nombre de Marocains chassés en décembre 1975 d’Algérie par Houari Boumédiène en représailles contre la Marche verte.
Devenu président, M. Tebboune allait, dès son discours d’investiture, assimiler le dossier du Sahara marocain à “une question de liquidation du colonialisme”, avant d’essayer par la suite de le porter sur l’arène internationale, d’abord celle de l’Union africaine le 9 février -il avait, là aussi, mis sur le carreau la rhétorique de “la seule question de décolonisation en suspens en Afrique”-, puis le 4 mai au Conseil de sécurité, où il eut même l’indécence d’assimiler le sort des Sahraouis à celui des Palestiniens. Pour les observateurs, il s’agit là d’une posture qu’adoptent systématiquement les dirigeants algériens dès lors qu’il essaient de marquer leur territoire.
Abdelaziz Bouteflika lui-même, qui fut pourtant un des soutiens les plus sonores de la récupération du Sahara espagnol par le Maroc du temps où il était ministre des Affaires étrangères de M. Boumédiène (septembre 1963-mars 1979), multiplia ainsi les signes d’inimitié au cours de ses premiers mois de mandat à El-Mouradia en accusant notamment le Maroc d’abriter les jihadistes du Groupe islamique armée (GIA) et en lâchant, fin septembre 1999, des éléments de l’armée algérienne plusieurs kilomètres à l’intérieur de la frontière du Royaume. Sauf que la sauce de M. Tebboune n’a jamais vraiment pris, dans la mesure où les peuples marocain et algérien, malgré la fermeture des frontières qui les condamne depuis fin août 1994 à la séparation, ont plus que jamais conscient de leur unité.
Chose qui a notamment été manifeste à travers la joie exprimée par les Marocains suite à la victoire, en juillet 2019, de l’Algérie en Coupe d’Afrique des nations (CAN) de football et à laquelle le roi Mohammed VI lui-même avait fait allusion dans son discours du Trône mentionné plus haut. Pis, l’hostilité dont M. Tebboune tente d’imprégner les rapports de son pays avec le Maroc a au final desservi, plus qu’elle ne lui a été de la moindre utilité, le nouveau président algérien. Ainsi, au niveau de l’ONU, le conseil de sécurité avait tout bonnement refusé, début septembre, d’inscrire la question du Sahara marocain dans son agenda du mois, cependant que le régime algérien avait fait des mains et des pieds pour alimenter les tensions dans la région. Ce dernier avait même fait déployer dans la zone tampon de Guergarat, à la frontière maroco-mauritannienne, des éléments du Front Polisario, espérant là sans doute reproduire le schmilblick d’il y a trois ans, lorsque le Conseil de sécurité avait été à 24h près d’asséner une condamnation en bonne et due forme au mouvement séparatiste.
Sur la Libye, la tentative des Algériens de s’accaparer le dossier a fini par se retourner contre eux, puisque la candidature de leur ancien ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, pour occuper le poste d’émissaire onusien a, en fin de compte, été balayée d’un revers de main le printemps dernier, et qui plus est c’est au Maroc que le dialogue interlibyen a été, le 6 septembre, relancé. Comble de la mauvaise foi, le chef de la diplomatie algérienne, Sabri Boukadoum, faisait l’impasse sur ce dialogue dans une interview diffusée le 8 septembre sur la chaîne d’information France 24, alors qu’il évoquait en même temps le pays de Omar El Mokhtar. Enfin, au Mali, les accords d’Alger de 2015 ont tourné en eau de boudin, le pays restant cinq ans plus tard instable et le devenant encore plus puisque le conflit, au départ limité au Nord, a fini par faire tache d’huile et s’étendre au Centre. Résultat des courses, le coup d’État mené, le 18 août 2020, contre le président Ibrahim Boubacar Keïta. Et c’est le Maroc qui désormais tient la corde, puisqu’il avait été, dès le 20 août, le premier pays à prendre langue avec les putschistes. Le connaissant, on peut toutefois gager que M. Tebboune ne changera sans doute, malheureusement, pas son fusil d’épaule...
par Wissam El Bouzdaini
C’est une rentrée diplomatique sous le signe de la débandade qu’est en train, actuellement, d’essuyer le régime algérien, et ce à tous les niveaux. Sahara marocain, Libye et même, plus récemment, le Mali: la junte au pouvoir donne, pour ainsi dire, l’impression de ne plus savoir où donner de la tête, tellement les échecs qu’elle accumule sont cuisants, et le moins que l’on puisse dire est que c’est à une véritable actualisation de son logiciel idéologique qu’elle devra incessamment procéder au risque de se retrouver, de proche en proche, encore plus isolée qu’elle ne l’est actuellement. Ce que, en dépit de tout, le Maroc ne souhaite pas, car l’Algérie reste bien sûr un pays important et un partenaire incontournable pour enfin faire aboutir le processus de construction maghrébine entamé en février 1989 à Marrakech.
Dans ce sens, il y a lieu de rappeler la main maintes fois tendue, dont ultimement dans son discours du Trône du 29 juillet 2019, par le roi Mohammed VI aux responsables algériens pour “oeuvrer (...) à la réalisation des aspirations à l’unité, à la complémentarité et à l’intégration, portée par nos peuples maghrébins frères”. Le Souverain avait ainsi plaidé, alors, les “liens de fraternité, de religion, de langue et de bon voisinage, qui unissent depuis toujours nos deux peuples frères”. Il avait en outre appelé, dans son discours de la Marche verte du 6 novembre 2018, à la mise en place d’un mécanisme politique conjoint de dialogue et de concertation, de sorte “à examiner toutes les questions bilatérales, avec franchise, objectivité, sincérité et bonne foi, sans conditions ni exceptions, selon un agenda ouvert”.
“Le Maroc est ouvert à d’éventuelles propositions et initiatives émanant de l’Algérie pour désamorcer le blocage dans lequel se trouvent les relations entre les deux pays voisins frères,” avait-il souligné. Alger n’y a toutefois, pour l’heure, pas donné suite; une “source autorisée” citée en novembre 2018 par le journal électronique Tout sur l’Algérie parlant notamment de “non événement” -alors que l’initiative du Maroc avait été saluée de par le monde, y compris par le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU), Antonio Guterres. Abdelmadjid Tebboune, et ce avant même d’être élu le 12 décembre 2019, a même forcé le trait en adoptant un discours volontairement boumédiénien envers le Royaume. Il avait ainsi par exemple exigé vis-à-vis de Rabat des excuses pour avoir expulsé, selon lui, 350.000 Algériens suite aux attaques terroristes de l’hôtel Atlas Asni fin août 1994 et fait dans la foulée fermer les frontières bilatérales -ce qui, bien sûr, ne saurait être plus faux car le Maroc n’avait alors fait qu’imposer un visa aux ressortissants de la voisine de l’Est, dans la mesure où ce sont des Franco-Algériens qui avaient perpétré lesdites attaques, sans parler du fait que personne ne s’était vu renvoyer par les autorités marocaines et que le chiffre de 350.000 correspond plutôt au nombre de Marocains chassés en décembre 1975 d’Algérie par Houari Boumédiène en représailles contre la Marche verte.
Devenu président, M. Tebboune allait, dès son discours d’investiture, assimiler le dossier du Sahara marocain à “une question de liquidation du colonialisme”, avant d’essayer par la suite de le porter sur l’arène internationale, d’abord celle de l’Union africaine le 9 février -il avait, là aussi, mis sur le carreau la rhétorique de “la seule question de décolonisation en suspens en Afrique”-, puis le 4 mai au Conseil de sécurité, où il eut même l’indécence d’assimiler le sort des Sahraouis à celui des Palestiniens. Pour les observateurs, il s’agit là d’une posture qu’adoptent systématiquement les dirigeants algériens dès lors qu’il essaient de marquer leur territoire.
Abdelaziz Bouteflika lui-même, qui fut pourtant un des soutiens les plus sonores de la récupération du Sahara espagnol par le Maroc du temps où il était ministre des Affaires étrangères de M. Boumédiène (septembre 1963-mars 1979), multiplia ainsi les signes d’inimitié au cours de ses premiers mois de mandat à El-Mouradia en accusant notamment le Maroc d’abriter les jihadistes du Groupe islamique armée (GIA) et en lâchant, fin septembre 1999, des éléments de l’armée algérienne plusieurs kilomètres à l’intérieur de la frontière du Royaume. Sauf que la sauce de M. Tebboune n’a jamais vraiment pris, dans la mesure où les peuples marocain et algérien, malgré la fermeture des frontières qui les condamne depuis fin août 1994 à la séparation, ont plus que jamais conscient de leur unité.
Chose qui a notamment été manifeste à travers la joie exprimée par les Marocains suite à la victoire, en juillet 2019, de l’Algérie en Coupe d’Afrique des nations (CAN) de football et à laquelle le roi Mohammed VI lui-même avait fait allusion dans son discours du Trône mentionné plus haut. Pis, l’hostilité dont M. Tebboune tente d’imprégner les rapports de son pays avec le Maroc a au final desservi, plus qu’elle ne lui a été de la moindre utilité, le nouveau président algérien. Ainsi, au niveau de l’ONU, le conseil de sécurité avait tout bonnement refusé, début septembre, d’inscrire la question du Sahara marocain dans son agenda du mois, cependant que le régime algérien avait fait des mains et des pieds pour alimenter les tensions dans la région. Ce dernier avait même fait déployer dans la zone tampon de Guergarat, à la frontière maroco-mauritannienne, des éléments du Front Polisario, espérant là sans doute reproduire le schmilblick d’il y a trois ans, lorsque le Conseil de sécurité avait été à 24h près d’asséner une condamnation en bonne et due forme au mouvement séparatiste.
Sur la Libye, la tentative des Algériens de s’accaparer le dossier a fini par se retourner contre eux, puisque la candidature de leur ancien ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, pour occuper le poste d’émissaire onusien a, en fin de compte, été balayée d’un revers de main le printemps dernier, et qui plus est c’est au Maroc que le dialogue interlibyen a été, le 6 septembre, relancé. Comble de la mauvaise foi, le chef de la diplomatie algérienne, Sabri Boukadoum, faisait l’impasse sur ce dialogue dans une interview diffusée le 8 septembre sur la chaîne d’information France 24, alors qu’il évoquait en même temps le pays de Omar El Mokhtar. Enfin, au Mali, les accords d’Alger de 2015 ont tourné en eau de boudin, le pays restant cinq ans plus tard instable et le devenant encore plus puisque le conflit, au départ limité au Nord, a fini par faire tache d’huile et s’étendre au Centre. Résultat des courses, le coup d’État mené, le 18 août 2020, contre le président Ibrahim Boubacar Keïta. Et c’est le Maroc qui désormais tient la corde, puisqu’il avait été, dès le 20 août, le premier pays à prendre langue avec les putschistes. Le connaissant, on peut toutefois gager que M. Tebboune ne changera sans doute, malheureusement, pas son fusil d’épaule...
par Wissam El Bouzdaini
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