Pour la naissance de son troisième enfant, Tobias, un consultant automobile âgé de 30 ans qui réside avec sa famille à Berlin va prendre deux mois de congé paternité. Comme d'autres pères, il a décidé de profiter de la récente législation sur le salaire parental, entrée en vigueur le 1er janvier 2007 et qui permet aux parents d'un bébé d'interrompre pendant quatorze mois leur activité professionnelle, douze mois pour l'un et deux mois pour l'autre, en étant indemnisés à hauteur de 67 % du salaire net avec au maximum 1 800 euros mensuels.
Cette récente mesure incarne un changement de paradigme dans la politique familiale allemande. Longtemps voué à l'indifférence, ce domaine fait l'objet de toutes les attentions depuis l'arrivée du gouvernement d'Angela Merkel, en novembre 2005. Son gouvernement de coalition a aussi instauré de meilleures conditions fiscales pour la prise en charge des jeunes enfants et l'introduction d'un salaire parental. D'ici à 2013, 455 000 places supplémentaires en crèche doivent être créées et une réforme de l'imposition fiscale des familles est prévue.
A l'origine de cette politique, la ministre de la famille, la chrétienne démocrate Ursula von der Leyen, médecin et mère de sept enfants, est devenue l'une des figures les plus populaires et les plus controversées du gouvernement. A droite, dans son propre camp, des élus jugent sa politique trop social-démocrate et s'inquiètent de ses répercussions sur le modèle traditionnel de la famille, où la mère reste au foyer pour élever les enfants. A gauche, on s'irrite de la popularité de la ministre en soulignant que les réformes avaient été esquissées par la précédente ministre de la famille, Renate Schmidt (SPD).
TOURNER LE DOS À LA MATERNITÉ
Les réactions des cercles conservateurs de la CDU-CSU, relayées par certains intellectuels et représentants de l'Eglise catholique, montrent à quel point la conception classique de la famille continue d'imprégner la société allemande. "Ce n'est toujours pas quelque chose de naturel qu'une mère travaille", observe Karen Pfundt, auteur d'un livre sur la politique familiale. Outre-Rhin, les mères qui travaillent se voient souvent qualifiées de "mères corbeaux" et les experts n'en finissent pas de débattre de l'expérience de l'ancienne Allemagne communiste - dont est originaire la chancelière -, où toutes les entreprises avaient un système de garderie. Les opposants à la politique de Mme von der Leyen se réclament d'une tradition où l'Etat n'intervient pas dans la sphère familiale. "Il y a une image totalement idéalisée de la famille en Allemagne, avec l'idée qu'elle seule est compétente pour l'éducation des enfants", souligne Mme Pfundt.
Après le régime nazi, qui avait fait de la famille un objet politique, les gouvernements allemands d'après-guerre ont évité d'investir ce secteur, en s'en tenant au précepte du premier chancelier de la RFA, Konrad Adenauer (CDU), qui avait déclaré que "les gens font de toute manière des enfants". Cette époque a généré un système très défavorable aux mères de famille souhaitant travailler. Dans l'ouest de l'Allemagne, seuls 8 % des enfants âgés de moins de trois ans peuvent aujourd'hui compter sur une prise en charge en dehors du foyer familial. Aussi, un nombre croissant de femmes, surtout celles qui sont diplômées, tournent le dos à la maternité. Aujourd'hui, le taux allemand de fécondité est l'un des plus bas d'Europe avec 1,3 enfant par femme et l'Allemagne est devenue le pays où on souhaite le moins d'enfants.
"La réunification de l'Allemagne a permis d'enclencher un tournant dans la politique familiale", souligne le sociologue Hans Bertram, de l'université Humboldt, à Berlin. Renate Schmidt, la ministre de la famille du gouvernement Schröder, en a jeté les bases en instaurant une législation sur le temps de travail partiel et l'aménagement d'écoles ouvertes toute la journée. Mais cette politique a pris tout son essor avec le gouvernement Merkel. "Autrefois, on pensait que les femmes feraient plus d'enfants si on les tenait éloignées du monde du travail, maintenant on les aide à s'y maintenir pour qu'elles fassent des enfants", analyse Karen Pfundt. Les mentalités ont fini par évoluer : "Si on s'offusquait il y a encore quelques années à l'idée de mettre son enfant à l'école toute la journée, beaucoup de parents saluent aujourd'hui cette idée", observe cette spécialiste.
Reste les entreprises, qui "n'ont pas encore reconnu la valeur ajoutée des mères de famille", déplore le sociologue Hans Bertram. A court terme, les réformes devraient entraîner une légère augmentation du taux de fécondité, estime-t-il. Mais, pour mesurer l'efficacité de ces mesures "il faut attendre quatre ou cinq ans".
Par Le Monde
Cette récente mesure incarne un changement de paradigme dans la politique familiale allemande. Longtemps voué à l'indifférence, ce domaine fait l'objet de toutes les attentions depuis l'arrivée du gouvernement d'Angela Merkel, en novembre 2005. Son gouvernement de coalition a aussi instauré de meilleures conditions fiscales pour la prise en charge des jeunes enfants et l'introduction d'un salaire parental. D'ici à 2013, 455 000 places supplémentaires en crèche doivent être créées et une réforme de l'imposition fiscale des familles est prévue.
A l'origine de cette politique, la ministre de la famille, la chrétienne démocrate Ursula von der Leyen, médecin et mère de sept enfants, est devenue l'une des figures les plus populaires et les plus controversées du gouvernement. A droite, dans son propre camp, des élus jugent sa politique trop social-démocrate et s'inquiètent de ses répercussions sur le modèle traditionnel de la famille, où la mère reste au foyer pour élever les enfants. A gauche, on s'irrite de la popularité de la ministre en soulignant que les réformes avaient été esquissées par la précédente ministre de la famille, Renate Schmidt (SPD).
TOURNER LE DOS À LA MATERNITÉ
Les réactions des cercles conservateurs de la CDU-CSU, relayées par certains intellectuels et représentants de l'Eglise catholique, montrent à quel point la conception classique de la famille continue d'imprégner la société allemande. "Ce n'est toujours pas quelque chose de naturel qu'une mère travaille", observe Karen Pfundt, auteur d'un livre sur la politique familiale. Outre-Rhin, les mères qui travaillent se voient souvent qualifiées de "mères corbeaux" et les experts n'en finissent pas de débattre de l'expérience de l'ancienne Allemagne communiste - dont est originaire la chancelière -, où toutes les entreprises avaient un système de garderie. Les opposants à la politique de Mme von der Leyen se réclament d'une tradition où l'Etat n'intervient pas dans la sphère familiale. "Il y a une image totalement idéalisée de la famille en Allemagne, avec l'idée qu'elle seule est compétente pour l'éducation des enfants", souligne Mme Pfundt.
Après le régime nazi, qui avait fait de la famille un objet politique, les gouvernements allemands d'après-guerre ont évité d'investir ce secteur, en s'en tenant au précepte du premier chancelier de la RFA, Konrad Adenauer (CDU), qui avait déclaré que "les gens font de toute manière des enfants". Cette époque a généré un système très défavorable aux mères de famille souhaitant travailler. Dans l'ouest de l'Allemagne, seuls 8 % des enfants âgés de moins de trois ans peuvent aujourd'hui compter sur une prise en charge en dehors du foyer familial. Aussi, un nombre croissant de femmes, surtout celles qui sont diplômées, tournent le dos à la maternité. Aujourd'hui, le taux allemand de fécondité est l'un des plus bas d'Europe avec 1,3 enfant par femme et l'Allemagne est devenue le pays où on souhaite le moins d'enfants.
"La réunification de l'Allemagne a permis d'enclencher un tournant dans la politique familiale", souligne le sociologue Hans Bertram, de l'université Humboldt, à Berlin. Renate Schmidt, la ministre de la famille du gouvernement Schröder, en a jeté les bases en instaurant une législation sur le temps de travail partiel et l'aménagement d'écoles ouvertes toute la journée. Mais cette politique a pris tout son essor avec le gouvernement Merkel. "Autrefois, on pensait que les femmes feraient plus d'enfants si on les tenait éloignées du monde du travail, maintenant on les aide à s'y maintenir pour qu'elles fassent des enfants", analyse Karen Pfundt. Les mentalités ont fini par évoluer : "Si on s'offusquait il y a encore quelques années à l'idée de mettre son enfant à l'école toute la journée, beaucoup de parents saluent aujourd'hui cette idée", observe cette spécialiste.
Reste les entreprises, qui "n'ont pas encore reconnu la valeur ajoutée des mères de famille", déplore le sociologue Hans Bertram. A court terme, les réformes devraient entraîner une légère augmentation du taux de fécondité, estime-t-il. Mais, pour mesurer l'efficacité de ces mesures "il faut attendre quatre ou cinq ans".
Par Le Monde