Robert Gates n'est pas Donald Rumsfeld. Dès son arrivée au Pentagone, en décembre 2006, le nouveau secrétaire américain à la défense avait impressionné les journalistes en supprimant de la salle de conférences de presse le pupitre d'où professait M. Rumsfeld. Vendredi 2 mars, les militaires ont pu s'apercevoir que leur ministre n'avait pas l'intention de couvrir les manifestations d'incompétence.
Moins de deux semaines après les révélations sur le délabrement des installations où sont hébergés des centaines de blessés de la guerre d'Irak et d'Afghanistan, à l'hôpital Walter-Reed de Washington, M. Gates s'est séparé de son secrétaire d'Etat à l'armée de terre, Francis Harvey.
En 2004, lorsque le scandale des sévices à la prison d'Abou Ghraib en Irak avait éclaté, aucun officier de l'état-major n'avait jamais démissionné. "Ceux qui me connaissent savent que je n'ai pas une patience énorme pour les gens qui ne sont pas à la hauteur de leur tâche", a dit M. Gates.
Le ministre, qui avait déjà obtenu, jeudi, la démission du commandant de l'hôpital, le général George Weightman, a été furieux de s'apercevoir que son secrétaire à l'armée de terre avait nommé pour le remplacer temporairement le général Kevin Kiley, un homme qui avait lui-même laissé s'aggraver la situation alors qu'il commandait l'établissement avant M. Weightman, et qui avait reproché à la presse de monter en épingle le cas particulier d'une dizaine de blessés hébergés dans des chambres rongées par la moisissure.
M. Gates avait au contraire remercié la presse pour avoir sonné l'alarme, dans un hommage sans précédent de la part d'un haut responsable du gouvernement.
En moins de vingt-quatre heures, le général Kiley a été rétrogradé, de même que le général Weightman. "J'ai été déçu que certains dans l'armée n'aient pas pris la mesure du sérieux de la situation concernant les soins de jour donnés aux patients", a indiqué M. Gates.
Depuis que le Washington Post a révélé l'affaire le 18 février, accompagnée de la photo du sergent John Daniel Shannon, privé d'un oeil et en attente depuis deux ans d'un règlement administratif de sa situation, l'indignation n'a cessé de monter. L'hôpital Walter-Reed est considéré comme le "navire amiral" de la médecine militaire.
L'affaire ne fait que commencer. Le président de la commission de contrôle du gouvernement à la Chambre des représentants, Henry Waxman, a annoncé une séance d'auditions lundi 5 mars dans les locaux mêmes de l'hôpital Walter-Reed. Il a émis une assignation à comparaître à l'encontre du général Weightman pour l'obliger à se présenter.
Grand pourfendeur des marchés attribués sans appels d'offres à l'entreprise Halliburton en Irak, l'incorruptible Waxman a trouvé matière à alimenter ses auditions : une lettre de septembre 2006 par laquelle l'adjoint de général Weightman évoque "un risque de défaillance des services de soins" en raison de la pénurie de personnel consécutive à une privatisation des services généraux de l'hôpital.
A qui a été attribué le contrat de 120 millions de dollars sur cinq ans pour assurer les services non médicaux et la maintenance des locaux ? A l'entreprise IAP, dirigée par un ancien responsable de KBR, une filiale d'Halliburton.
Après l'ouragan Katrina, IAP s'était illustrée par le fait qu'elle n'avait pas réussi à livrer la glace qui lui avait été commandée. Le directeur de cette entreprise, Al Neffgen, avait déjà comparu devant la Chambre des représentants en 2004 pour défendre les surfacturations effectuées par Halliburton sur les services fournis à l'armée. "Il est à craindre que l'engagement idéologique à privatiser, quel que soit le coût pour les contribuables ou les conséquences pour les soldats blessés, soit responsable des conditions déplorables constatées à l'hôpital", a estimé M. Waxman.
HÔPITAL WALTER-REED.
Situé à 7 km de la Maison Blanche, l'hôpital accueille depuis 2002 un quart des blessés de retour d'Irak et d'Afghanistan. Le 18 février, le Washington Post révélait l'état déplorable de certaines chambres : moisissures, fuites de robinet, souris.
HALLIBURTON.
Société de service texane, Halliburton a eu pour PDG de 1995 à 2000 l'actuel vice-président américain Dick Cheney. Elle est passée du 19e rang des fournisseurs de l'armée américaine en 2002 au premier en 2003 après avoir bénéficié de juteux contrats dans des conditions douteuses, notamment en Irak. Elle a obtenu des contrats de reconstruction à La Nouvelle-Orléans après le passage du cyclone Katrina en 2005.
Par Le Monde
Moins de deux semaines après les révélations sur le délabrement des installations où sont hébergés des centaines de blessés de la guerre d'Irak et d'Afghanistan, à l'hôpital Walter-Reed de Washington, M. Gates s'est séparé de son secrétaire d'Etat à l'armée de terre, Francis Harvey.
En 2004, lorsque le scandale des sévices à la prison d'Abou Ghraib en Irak avait éclaté, aucun officier de l'état-major n'avait jamais démissionné. "Ceux qui me connaissent savent que je n'ai pas une patience énorme pour les gens qui ne sont pas à la hauteur de leur tâche", a dit M. Gates.
Le ministre, qui avait déjà obtenu, jeudi, la démission du commandant de l'hôpital, le général George Weightman, a été furieux de s'apercevoir que son secrétaire à l'armée de terre avait nommé pour le remplacer temporairement le général Kevin Kiley, un homme qui avait lui-même laissé s'aggraver la situation alors qu'il commandait l'établissement avant M. Weightman, et qui avait reproché à la presse de monter en épingle le cas particulier d'une dizaine de blessés hébergés dans des chambres rongées par la moisissure.
M. Gates avait au contraire remercié la presse pour avoir sonné l'alarme, dans un hommage sans précédent de la part d'un haut responsable du gouvernement.
En moins de vingt-quatre heures, le général Kiley a été rétrogradé, de même que le général Weightman. "J'ai été déçu que certains dans l'armée n'aient pas pris la mesure du sérieux de la situation concernant les soins de jour donnés aux patients", a indiqué M. Gates.
Depuis que le Washington Post a révélé l'affaire le 18 février, accompagnée de la photo du sergent John Daniel Shannon, privé d'un oeil et en attente depuis deux ans d'un règlement administratif de sa situation, l'indignation n'a cessé de monter. L'hôpital Walter-Reed est considéré comme le "navire amiral" de la médecine militaire.
L'affaire ne fait que commencer. Le président de la commission de contrôle du gouvernement à la Chambre des représentants, Henry Waxman, a annoncé une séance d'auditions lundi 5 mars dans les locaux mêmes de l'hôpital Walter-Reed. Il a émis une assignation à comparaître à l'encontre du général Weightman pour l'obliger à se présenter.
Grand pourfendeur des marchés attribués sans appels d'offres à l'entreprise Halliburton en Irak, l'incorruptible Waxman a trouvé matière à alimenter ses auditions : une lettre de septembre 2006 par laquelle l'adjoint de général Weightman évoque "un risque de défaillance des services de soins" en raison de la pénurie de personnel consécutive à une privatisation des services généraux de l'hôpital.
A qui a été attribué le contrat de 120 millions de dollars sur cinq ans pour assurer les services non médicaux et la maintenance des locaux ? A l'entreprise IAP, dirigée par un ancien responsable de KBR, une filiale d'Halliburton.
Après l'ouragan Katrina, IAP s'était illustrée par le fait qu'elle n'avait pas réussi à livrer la glace qui lui avait été commandée. Le directeur de cette entreprise, Al Neffgen, avait déjà comparu devant la Chambre des représentants en 2004 pour défendre les surfacturations effectuées par Halliburton sur les services fournis à l'armée. "Il est à craindre que l'engagement idéologique à privatiser, quel que soit le coût pour les contribuables ou les conséquences pour les soldats blessés, soit responsable des conditions déplorables constatées à l'hôpital", a estimé M. Waxman.
HÔPITAL WALTER-REED.
Situé à 7 km de la Maison Blanche, l'hôpital accueille depuis 2002 un quart des blessés de retour d'Irak et d'Afghanistan. Le 18 février, le Washington Post révélait l'état déplorable de certaines chambres : moisissures, fuites de robinet, souris.
HALLIBURTON.
Société de service texane, Halliburton a eu pour PDG de 1995 à 2000 l'actuel vice-président américain Dick Cheney. Elle est passée du 19e rang des fournisseurs de l'armée américaine en 2002 au premier en 2003 après avoir bénéficié de juteux contrats dans des conditions douteuses, notamment en Irak. Elle a obtenu des contrats de reconstruction à La Nouvelle-Orléans après le passage du cyclone Katrina en 2005.
Par Le Monde