Le leader est pris en tenailles entre l'ultimatum de Madrid et la pression des indépendantistes les plus radicaux.
Vous avez déclaré l’indépendance ou pas? La question a l’air d’une plaisanterie, c’est pourtant le sens de la requête envoyée très officiellement, mercredi, par le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, au président de la région de Catalogne, Carles Puigdemont. Il faut dire que rien n’est clair. Le discours du leader catalan a pris des tournures alambiquées, la veille, au parlement de Barcelone. Il a annoncé solennellement dans l’hémicycle qu’il estimait avoir «mandat pour déclarer l’indépendance et la proclamation de la république catalane», avant d’enchaîner en précisant qu’il suspendait immédiatement cette déclaration durant plusieurs semaines afin de permettre l’ouverture de négociations.
Pour Madrid, cette ambiguïté ne colle pas. Carles Puigdemont a cinq jours pour répondre et expliquer s’il s’est vraiment mis hors la loi en déclarant la sécession de la Catalogne ou bien si la manœuvre visait à mettre son projet séparatiste sur une voie de garage. C’est précisément la question que l’intéressé aurait voulu éviter. Mais il a perdu son pari. Coincé entre le marteau et l’enclume, entre les rappels à l’ordre du gouvernement central et les ultimatums des indépendantistes les plus radicaux.
Mariano Rajoy annonçait mercredi «l’envoi d’une requête formelle au gouvernement de la Generalitat (l’Exécutif catalan) afin qu’il confirme s’il a déclaré l’indépendance de la Catalogne». Il s’agit, a-t-il précisé, d’une vérification préalable avant d’activer l’article 155 de la Constitution espagnole, qui prévoit la possible suspension de l’autonomie d’une région «dans le cas où elle ne respecterait pas les obligations que lui imposent la Constitution et autres lois». Sa mise en application permettrait au gouvernement central de prendre le contrôle des points clés de l’administration catalane, comme les finances ou la police régionales, et dissoudre le parlement pour convoquer de nouvelles élections en Catalogne. Elle pourrait aussi signifier l’arrestation du président catalan, accusé de sédition.
Les sécessionnistes désunis
Pendant qu’à Madrid, il semble sur le point d’aller en prison, à Barcelone, Carles Puigdemont déçoit. Il s’était posé en champion de la cause catalane, assurant qu’il irait jusqu’au bout pour obéir au «mandat du peuple catalan». Il est maintenant le traître, celui qui a reculé au dernier moment et brisé le rêve des convaincus qui pensaient vivre le grand soir, mardi, en assistant à la proclamation solennelle de la République de Catalogne.
Il avait essayé jusqu’à la dernière seconde de maintenir l’unité du camp indépendantiste. Mais la brèche s’est creusée, entre les membres de son propre parti, le PdeCat (droite), et ceux de la CUP, le petit parti anticapitaliste qui est son allié indispensable au parlement. Les premiers lui demandaient de freiner pour chercher une médiation, inquiets de l’absence d’appui international et préoccupés de la débâcle économique qui s’annonçait. Mais les militants anticapitalistes, eux, bataillaient pour maintenir coûte que coûte l’objectif d’une déclaration unilatérale.
Le leader catalan a tenté de tracer une voie intermédiaire pour éviter la rupture. Son pas de côté a été salué par Podemos et tout particulièrement par la maire de Barcelone, Ada Colau, partisane d’une voie négociée, qui a fait l’éloge de «son sens des responsabilités». Mais les militants anticapitalistes l’ont déjà prévenu qu’ils lui retiraient leur soutien au parlement catalan.
L’espoir d’une fédération
A Madrid au contraire, Mariano Rajoy élargit ses appuis. L’aile droite de son parti et les centristes de Ciudadanos lui réclamaient avec insistance de recourir à l’article 155. Mais il a attendu d’avoir le soutien de l’opposition socialiste pour le faire. Le leader du PSOE, Pedro Sánchez, avait jusque-là marqué ses distances, critiquant notamment les violences policières qui se sont produites durant la journée du référendum d’autodétermination. Mais il vient finalement de se ranger pleinement aux côtés au gouvernement, au nom du respect de la Constitution, après avoir arraché au passage l’engagement d’ouvrir un débat sur une réforme constitutionnelle. Avec l’espoir d’ouvrir une troisième voie, fédérale, qui pourrait permettre de redéfinir des relations plus sereines entre Madrid et Barcelone.
(TDG)
Vous avez déclaré l’indépendance ou pas? La question a l’air d’une plaisanterie, c’est pourtant le sens de la requête envoyée très officiellement, mercredi, par le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, au président de la région de Catalogne, Carles Puigdemont. Il faut dire que rien n’est clair. Le discours du leader catalan a pris des tournures alambiquées, la veille, au parlement de Barcelone. Il a annoncé solennellement dans l’hémicycle qu’il estimait avoir «mandat pour déclarer l’indépendance et la proclamation de la république catalane», avant d’enchaîner en précisant qu’il suspendait immédiatement cette déclaration durant plusieurs semaines afin de permettre l’ouverture de négociations.
Pour Madrid, cette ambiguïté ne colle pas. Carles Puigdemont a cinq jours pour répondre et expliquer s’il s’est vraiment mis hors la loi en déclarant la sécession de la Catalogne ou bien si la manœuvre visait à mettre son projet séparatiste sur une voie de garage. C’est précisément la question que l’intéressé aurait voulu éviter. Mais il a perdu son pari. Coincé entre le marteau et l’enclume, entre les rappels à l’ordre du gouvernement central et les ultimatums des indépendantistes les plus radicaux.
Mariano Rajoy annonçait mercredi «l’envoi d’une requête formelle au gouvernement de la Generalitat (l’Exécutif catalan) afin qu’il confirme s’il a déclaré l’indépendance de la Catalogne». Il s’agit, a-t-il précisé, d’une vérification préalable avant d’activer l’article 155 de la Constitution espagnole, qui prévoit la possible suspension de l’autonomie d’une région «dans le cas où elle ne respecterait pas les obligations que lui imposent la Constitution et autres lois». Sa mise en application permettrait au gouvernement central de prendre le contrôle des points clés de l’administration catalane, comme les finances ou la police régionales, et dissoudre le parlement pour convoquer de nouvelles élections en Catalogne. Elle pourrait aussi signifier l’arrestation du président catalan, accusé de sédition.
Les sécessionnistes désunis
Pendant qu’à Madrid, il semble sur le point d’aller en prison, à Barcelone, Carles Puigdemont déçoit. Il s’était posé en champion de la cause catalane, assurant qu’il irait jusqu’au bout pour obéir au «mandat du peuple catalan». Il est maintenant le traître, celui qui a reculé au dernier moment et brisé le rêve des convaincus qui pensaient vivre le grand soir, mardi, en assistant à la proclamation solennelle de la République de Catalogne.
Il avait essayé jusqu’à la dernière seconde de maintenir l’unité du camp indépendantiste. Mais la brèche s’est creusée, entre les membres de son propre parti, le PdeCat (droite), et ceux de la CUP, le petit parti anticapitaliste qui est son allié indispensable au parlement. Les premiers lui demandaient de freiner pour chercher une médiation, inquiets de l’absence d’appui international et préoccupés de la débâcle économique qui s’annonçait. Mais les militants anticapitalistes, eux, bataillaient pour maintenir coûte que coûte l’objectif d’une déclaration unilatérale.
Le leader catalan a tenté de tracer une voie intermédiaire pour éviter la rupture. Son pas de côté a été salué par Podemos et tout particulièrement par la maire de Barcelone, Ada Colau, partisane d’une voie négociée, qui a fait l’éloge de «son sens des responsabilités». Mais les militants anticapitalistes l’ont déjà prévenu qu’ils lui retiraient leur soutien au parlement catalan.
L’espoir d’une fédération
A Madrid au contraire, Mariano Rajoy élargit ses appuis. L’aile droite de son parti et les centristes de Ciudadanos lui réclamaient avec insistance de recourir à l’article 155. Mais il a attendu d’avoir le soutien de l’opposition socialiste pour le faire. Le leader du PSOE, Pedro Sánchez, avait jusque-là marqué ses distances, critiquant notamment les violences policières qui se sont produites durant la journée du référendum d’autodétermination. Mais il vient finalement de se ranger pleinement aux côtés au gouvernement, au nom du respect de la Constitution, après avoir arraché au passage l’engagement d’ouvrir un débat sur une réforme constitutionnelle. Avec l’espoir d’ouvrir une troisième voie, fédérale, qui pourrait permettre de redéfinir des relations plus sereines entre Madrid et Barcelone.
(TDG)
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