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Désarmement nucléaire : La Corée du Nord fissure l’édifice du système

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  • Désarmement nucléaire : La Corée du Nord fissure l’édifice du système

    Pour sauvegarder la nature autocratique et socialiste de son régime, les forces armées de l’homme fort de Pyongyang, Kim Jong-un, viennent de tester avec succès le 3 septembre dernier selon un communiqué officiel une « bombe à hydrogène pouvant équiper un missile balistique intercontinental ». Par cet acte, la Corée du nord réalise une entrée forcée dans le club très select de pays détenteurs de l’arme atomique en fissurant le système international du désarmement nucléaire tel qu’il ressort du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TPN).

    Régime international du désarmement nucléaire
    Un des piliers fondamentaaux de ce système est le TPN signé le 1er juillet 1968 et entré en vigueur en mars 1970. Dans son préambule, le TPN constate que les dévastations qu’une guerre nucléaire ferait subir à l’humanité entière justifie et rend nécessaire l’édiction des mesures visant à écarter le risque d’une telle guerre et à préserver la sécurité des peuples. L’article premier du TNP déclare que « Tout État doté d’armes nucléaires qui est Partie au Traité s’engage à ne transférer à qui que ce soit, ni directement ni indirectement, des armes nucléaires ou autres dispositifs nucléaires explosifs, ou le contrôle de telles armes ou de tels dispositifs explosifs; et à n’aider, n’encourager ni inciter d’aucune façon un État non doté d’armes nucléaires, quel qu’il soit, à fabriquer ou acquérir de quelque autre manière des armes nucléaires ou autres dispositifs nucléaires explosifs, ou le contrôle de telles armes ou de tels dispositifs explosifs ».
    Selon le TNP, un État est dit doté d’armes nucléaires s’il a fabriqué et fait exploser cette arme ou un autre dispositif nucléaire explosif avant le 1er janvier 1967. Il s’agit là des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité de l’Organisation des Nations Unies: Les États Unis d’Amérique, la France, le Russie, le Royaume Uni et la Chine. Il est également interdit aux États Parties non dotés d’armes nucléaires d’accepter le transfert de ces armes, de les fabriquer ou de les acquérir (article 2). Cependant le traité ne constitue pas un obstacle aux activités de recherches scientifiques dans le domaine nucléaire lorsque le but de ces recherches vise un objectif qui est strictement pacifique (article 4.1). Le traité, même s’il encourage en son article 6 les États Parties « (…) à poursuivre de bonne foi des négociations sur les mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires (…) sous un contrôle international stricte et efficace », il ne se prononce pas en faveur de l’interdiction d’employer et de la destruction des armes nucléaires.
    En effet, le TNP cristallise le rapport discriminatoire entre les États dotés d’armes nucléaires et ceux qui ne le sont pas. Il interdit l’accès à ces armes à la seconde catégorie d’États par le biais d’accords de garantie que ces États passent avec l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA) qui a son siège à Vienne. Cette organisation qui dépend directement du Conseil de Sécurité est crée en 1957 et aux termes de l’article 2 de son Statut, elle a pour objectif de « (…) hâter et d’accroître la contribution de l’énergie atomique à la paix, la santé et la prospérité dans le monde entier. Elle s’assure, dans la mesure de ses moyens, que l’aide fournie par elle-même ou à sa demande ou sous sa direction ou sous son contrôle n’est pas utilisée de manière à servir à des fins militaires». Aussi l’article 3 du traité TNP lui permet de vérifier que les États non dotés d’armes nucléaires utilisent l’énergie nucléaire pour des fins strictement pacifiques. Le mécanisme de contrôle de l’AIEA s’est renforcé à partir de 1991 avec la découverte de l’existence d’un programme nucléaire militaire en Irak. C’est pour donner un sens à cette réorientation que fut adopté le 22 septembre 1998 un protocole additionnel complétant le régime existant. Ce protocole donne à l’AIEA d’importants pouvoirs intrusifs qui lui permettent par exemple de s’assurer qu’un État officiellement non doté d’armes nucléaires n’a pas ces armes et qu’il ne se livre pas à des activités nucléaires non déclarées. Il permet également aux inspecteurs de l’AIEA d’avoir un accès aux installations qui exploitent l’énergie nucléaire.
    Mise à mal du système
    Malgré tout, le régime international de lutte contre la prolifération des armes nucléaires est mis à rude épreuve par deux principaux facteurs. Le premier concerne la démarche de certains pays qui œuvrent pour rejoindre la catégorie d’États dotés de l’arme nucléaire. Il s’agit principalement de l’Iran et de la Corée du nord. Signataire du TNP, l’Iran est accusé par son proche rival, l’Israël et les pays occidentaux, en particulier les États Unis depuis 2000, de se livrer à des activités qui consistent à utiliser l’énergie nucléaire à des fins militaires. Cette suspicion avait pris de l’ampleur avec le refus de l’Iran de donner libre accès aux inspecteurs de l’AIEA à ses sites incriminés. Ce bras de fer qui lui a valu de sévères sanctions internationales commencent à connaitre un dénouement depuis la conclusion en juillet 2015 d’un accord avec le Groupe 5+1 composé des États Unis, de la France, du Royaume Uni, de la Chine, de la Russie plus l’Allemagne. Cet accord, fruit d’un compromis, permet de renforcer le contrôle international sur le programme nucléaire de l’Iran d’une part, et d’autre part, il permet d’aller vers une levée des sanctions internationales qui étouffent l’économie de ce pays. Mais l’arrivée de Trump aux États Unis a bouleversé le difficile accord trouvé avec l’Iran sous Barack Obama. Aujourd’hui cet accord commence à battre de l’aile, car la nouvelle administration américaine décidé de sanctionner l’Iran pour son soutien au terrorisme et l’Iran à son tour a décidé de poursuivre vigoureusement son programme balistique.
    En ce qui concerne la Corée du Nord, elle se trouve engagée dans un dialogue difficile avec l’occident depuis son retrait du TPN en janvier 2003. Aujourd’hui, ce pays dispose d’une capacité militaire évidente et menace directement les États Unis et ses voisins, le Japon et la Corée du sud.
    Le second facteur de menace à la viabilité du régime international de contrôle des armes nucléaires vient du développement des réseaux clandestins de trafic de technologies nucléaires. La dissolution de l’URSS a posé de nombreux problèmes comme par exemple le détournement du matériel nucléaire vers des États qui développent ou ont l’intention de mettre au point des programmes clandestins de fabrication d’armes nucléaires. Dans sa Résolution 1540 en date du 28 avril 2004, le Conseil de Sécurité des Nations Unies prenait la mesure du problème et a déclaré à ce titre qu’il était « gravement préoccupé par la menace du terrorisme et par le risque de voir des acteurs non étatiques (…), se procurer des armes nucléaires (…) et leurs vecteurs, en mettre au point, se livrer à leur trafic ou en faire usage » ainsi que « par la menace que constitue le trafic d’armes nucléaires (…) et de leurs vecteurs, ainsi que des matières connexes, qui ajoute une dimension nouvelle à la question de la prolifération de ces armes et fait également peser une menace sur la paix et la sécurité internationales ». Le Conseil demande à cet égard aux États de s’abstenir d’apporter une forme d’aide quelconque à des acteurs non étatiques qui tentent de mettre au point, de se procurer, de fabriquer, de posséder, de transporter, de transférer ou d’utiliser des armes nucléaires, chimiques ou biologiques et leurs vecteurs.
    Au final, l’épineux dossier du désarmement nucléaire fait face a l’obstination de quelques États dissidents. Il y a comme une fracture entre les États militairement puissants et certains États qui aspirent à la puissance dans le but de modifier l’équilibre stratégique issu de la seconde guerre mondiale. L’ultime preuve de cette mise en question vient d’être fournie par la Corée du nord qui n’a autre intention que de briser le système mis en place en 1968 par le TNP qui cristallise un rapport discriminatoire entre les États dotés d’armes nucléaires et ceux qui ne le sont pas. Pour les tenants du TPN le défi à relever se résume à ceci : comment sauver durablement le système mis en place par le TNP alors qu’un pays comme la Corée du nord se montre plus que jamais engagée à avoir le statut de puissance nucléaire.


    Youssouf Sylla, analyste-juriste, à Conakry
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