L’attentat de Barcelone a été revendiqué par le groupe armé État islamique (EI) quelques heures après les événements. En plus de la charge symbolique que représente le fait d’avoir frappé l’une des premières destinations touristiques d’Europe, quelle lecture géopolitique peut-on faire de cette attaque ? Le Devoir a interrogé Thomas Juneau, professeur de l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa.
L’Espagne n’est que peu engagée dans la coalition internationale qui combat le groupe EI en Irak et en Syrie, à l’exception de militaires qui entraînent les forces irakiennes. Peut-on dire qu’elle joue tout de même un rôle au Moyen-Orient ?
Elle ne joue pas de rôle de premier plan au Moyen-Orient. Plus un pays joue un rôle dans la région, plus il a de chances d’être ciblé. Mais on a tout de même appris depuis 15 ans, depuis 2001, que les activités exactes d’un pays au Moyen-Orient ont un impact seulement partiel sur le fait d’être ciblé ou non. C’est aussi à cause de l’héritage historique, colonial, comme dans le cas de la France ou de la Grande-Bretagne, ou de la présence dans la région depuis quelques décennies dans le cas des États-Unis.
Mais la Belgique, par exemple, a été ciblée aussi, même si sa participation à la coalition est minuscule. Donc c’est une variable parmi tant d’autres.
Pourquoi l’Espagne alors ?
Ce n’est pas prudent de spéculer trop vite, quelques heures après un attentat.
Y a-t-il d’autres variables à prendre en compte dans le cas de l’Espagne, comme le retour des combattants étrangers ?
Il y a une population maghrébine importante dans le pays, mais ses liens avec l’EI sont limités, si on compare [l’Espagne] à des pays comme la Belgique ou la France. Il y aurait — attention aux chiffres incertains — une centaine de combattants étrangers espagnols seulement avec le groupe EI. Ce qui est beaucoup moins, en proportion, que la France et la Grande-Bretagne.
Leur retour gagnera-t-il en importance ?
On ne peut pas spéculer précisément sur l’attaque de jeudi. Si on va dans une analyse plus large, on peut dire qu’au fur et à mesure que le groupe EI s’affaiblit en Irak et en Syrie, la question du retour des combattants étrangers, en Europe, en Amérique du Nord, pourrait en effet poser problème et encore beaucoup plus au Moyen-Orient, dans le monde musulman, qui en a proportionnellement plus.
Il y a eu des milliers, jusqu’à 20 000 selon certaines estimations, de combattants étrangers. Beaucoup sont morts. Beaucoup vont rester dans la région et vont peut-être éventuellement mourir, à cause du retour impossible ou parce qu’ils veulent continuer à se battre.
Certains vont réussir à rentrer et voudront prendre leur retraite, parce qu’ils sont désabusés. Ça ne prend toutefois qu’une petite proportion de ceux qui vont rentrer pour perpétrer des actes violents.
En quoi le groupe EI est-il affaibli ?
La trajectoire du groupe EI est sur une pente descendante, pente progressive sans être rapide. Mossoul est pratiquement tombée, puisqu’il reste seulement de minuscules poches de résistance. Raqqa, la « capitale » autoproclamée, est tombée à environ 50 %.
Le groupe EI est donc progressivement en train de se transformer en insurrection. Le mouvement contrôle de moins en moins de territoire, et ce territoire se situe de plus en plus dans les zones rurales, qui ont un intérêt plus limité en termes stratégiques.
Qu’est-ce que cet affaiblissement va changer ?
Une des conséquences est qu’il y aura de moins en moins d’attaques dirigées et organisées par le centre. Proportionnellement, il y aura donc de plus en plus d’attaques « inspirées » par le groupe EI. Ses idées, et sa capacité à s’engager dans des opérations d’information, de propagande, vont continuer. Les messages sur les médias sociaux seront encore présents, l’effet d’inspiration se perpétuera. Les attaques de « loup solitaire », même si le terme n’est pas précis, survivront à l’affaiblissement du groupe.
Est-ce qu’il faut croire les revendications du groupe EI ?
Il faut les prendre en effet avec un grain de sel. Certaines voix vont prétendre parler au nom du groupe État islamique, mais elles ne représentent pas toujours son administration centrale. Si le groupe EI revendique un acte posé par un « soldat », ce n’est pas nécessairement un individu qui a été entraîné et dirigé par l’appareil central. Mais pour Barcelone, c’est trop tôt pour conclure.
le Devoir
L’Espagne n’est que peu engagée dans la coalition internationale qui combat le groupe EI en Irak et en Syrie, à l’exception de militaires qui entraînent les forces irakiennes. Peut-on dire qu’elle joue tout de même un rôle au Moyen-Orient ?
Elle ne joue pas de rôle de premier plan au Moyen-Orient. Plus un pays joue un rôle dans la région, plus il a de chances d’être ciblé. Mais on a tout de même appris depuis 15 ans, depuis 2001, que les activités exactes d’un pays au Moyen-Orient ont un impact seulement partiel sur le fait d’être ciblé ou non. C’est aussi à cause de l’héritage historique, colonial, comme dans le cas de la France ou de la Grande-Bretagne, ou de la présence dans la région depuis quelques décennies dans le cas des États-Unis.
Mais la Belgique, par exemple, a été ciblée aussi, même si sa participation à la coalition est minuscule. Donc c’est une variable parmi tant d’autres.
Pourquoi l’Espagne alors ?
Ce n’est pas prudent de spéculer trop vite, quelques heures après un attentat.
Y a-t-il d’autres variables à prendre en compte dans le cas de l’Espagne, comme le retour des combattants étrangers ?
Il y a une population maghrébine importante dans le pays, mais ses liens avec l’EI sont limités, si on compare [l’Espagne] à des pays comme la Belgique ou la France. Il y aurait — attention aux chiffres incertains — une centaine de combattants étrangers espagnols seulement avec le groupe EI. Ce qui est beaucoup moins, en proportion, que la France et la Grande-Bretagne.
Leur retour gagnera-t-il en importance ?
On ne peut pas spéculer précisément sur l’attaque de jeudi. Si on va dans une analyse plus large, on peut dire qu’au fur et à mesure que le groupe EI s’affaiblit en Irak et en Syrie, la question du retour des combattants étrangers, en Europe, en Amérique du Nord, pourrait en effet poser problème et encore beaucoup plus au Moyen-Orient, dans le monde musulman, qui en a proportionnellement plus.
Il y a eu des milliers, jusqu’à 20 000 selon certaines estimations, de combattants étrangers. Beaucoup sont morts. Beaucoup vont rester dans la région et vont peut-être éventuellement mourir, à cause du retour impossible ou parce qu’ils veulent continuer à se battre.
Certains vont réussir à rentrer et voudront prendre leur retraite, parce qu’ils sont désabusés. Ça ne prend toutefois qu’une petite proportion de ceux qui vont rentrer pour perpétrer des actes violents.
En quoi le groupe EI est-il affaibli ?
La trajectoire du groupe EI est sur une pente descendante, pente progressive sans être rapide. Mossoul est pratiquement tombée, puisqu’il reste seulement de minuscules poches de résistance. Raqqa, la « capitale » autoproclamée, est tombée à environ 50 %.
Le groupe EI est donc progressivement en train de se transformer en insurrection. Le mouvement contrôle de moins en moins de territoire, et ce territoire se situe de plus en plus dans les zones rurales, qui ont un intérêt plus limité en termes stratégiques.
Qu’est-ce que cet affaiblissement va changer ?
Une des conséquences est qu’il y aura de moins en moins d’attaques dirigées et organisées par le centre. Proportionnellement, il y aura donc de plus en plus d’attaques « inspirées » par le groupe EI. Ses idées, et sa capacité à s’engager dans des opérations d’information, de propagande, vont continuer. Les messages sur les médias sociaux seront encore présents, l’effet d’inspiration se perpétuera. Les attaques de « loup solitaire », même si le terme n’est pas précis, survivront à l’affaiblissement du groupe.
Est-ce qu’il faut croire les revendications du groupe EI ?
Il faut les prendre en effet avec un grain de sel. Certaines voix vont prétendre parler au nom du groupe État islamique, mais elles ne représentent pas toujours son administration centrale. Si le groupe EI revendique un acte posé par un « soldat », ce n’est pas nécessairement un individu qui a été entraîné et dirigé par l’appareil central. Mais pour Barcelone, c’est trop tôt pour conclure.
le Devoir
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