Pour vraiment comprendre Daech, il faut expliquer la genèse de ce groupe terroriste né en 1999.
Qui est Daech, ce groupe terroriste qui frappe de stupeur l'occident et la communauté musulmane et qui sème la mort partout ? Quelles sont les raisons de son essor ? Pour répondre à ces questions Vox.com a raconté l'histoire de ce groupe né en 1999, devenu l'une des organisations terroristes les plus riches et les plus puissantes du monde.
1989-1999 - Les prémices : la guerre en Afghanistan
L'histoire de Daech est étroitement liée à celle d'al-Qaïda. Tout commence en 1979, avec l'invasion soviétique en Afghanistan. La présence de plus de 100.000 soldats soviétiques choque. Les Occidentaux sont persuadés que les Soviétiques veulent se rapprocher des routes stratégiques du golfe Arabo-Persique, par où transite une bonne partie du pétrole mondial. Côté musulman, la résistance islamique s'organise et appelle au jihad, la guerre sainte, pour chasser l'envahisseur étranger. C'est à cette période qu'Oussama Ben Laden rameute d'autres jeunes radicaux qui, ensemble, vont former le noyau d'al-Qaïda.
En 1989, un Jordanien, Ahmad Fadhil Nazzal, se joint à eux. Plus connu sous le pseudonyme d'Abou Moussab al-Zarqaoui, il est à l'origine du groupe Etat islamique. Lorsque Zarqaoui, au passé de petit délinquant, effectue ce premier voyage en Afghanistan, il n'est pas encore un fanatique religieux mais juste un fantassin ordinaire. Jusqu'à ce qu'il rencontre Abou Mohammed al-Maqdisi, un des principaux promoteurs de l'islam fondamentaliste. Emprisonné en Jordanie, Zarqaoui absorbe les théories salafistes, apprend par coeur le Coran et, surtout, fédère autour de lui un groupe de prisonniers. Profitant d'une amnistie royale, Zarqaoui part pour la deuxième fois en Afghanistan. Il fonde alors son propre mouvement sans rompre avec al-Qaïda.
Néanmoins, les relations entre Ben Laden et Zarqaoui ont très vite été compliquées. « Alors que Ben Laden a grandi dans la classe moyenne supérieure et avait une formation universitaire, Zarqaoui et ses proches venaient de milieux pauvres moins instruits », décrypte Aaron Zelin, chercheur à Washington sur la politique au Proche-Orient. « Le passé criminel de Zarkaoui et ses positions extrêmes sur le takfir ont créé des tensions » entre les deux hommes, explique-t-il. Pour mémoire, les takfiris considèrent que les musulmans ne partageant pas leurs points de vue sont des apostats, c'est-à-dire des musulmans qui ont renié leur foi et qui doivent mourir.
En 1999, Zarqaoui retourne en Jordanie où il crée son propre groupe, le Jamaat al-Tawhid wal-Jihad (JTWJ). Petit joueur parmi les djihadistes à ses débuts, éclipsé par al-Qaïda, ce groupe prendra plus tard le nom d'Etat islamique.
2003-2009 - L'ascension et la chute d'AQI
En 2003, l'invasion de l'Irak par une coalition emmenée par les Etats-Unis change tout dans le monde des djihadistes. La guerre menée par les Américains pour détruire l'Irak plonge de nombreux pays dans le chaos. Les combattants étrangers et les extrémistes commencent à se déplacer en Irak, aidé par le régime du président Bachar al-Assad en Syrie. Zarkaoui et son groupe sont parmi eux.
Zarkaoui regroupe autour de lui la frange la plus radicale de l'insurrection antiaméricaine y compris d'anciens officiers de Saddam Hussein. Sa notoriété grandit et attire l'attention d'al-Qaïda. En 2004, Zarqaoui promet la loyauté à al-Qaïda, en échange de quoi il reçoit des fonds et des combattants. Son groupe est alors rebaptisé al-Qaïda en Irak (AQI) et devient le premier groupe insurgé sunnite du pays.
AQI combat les Américains mais s'attaque aussi à d'autres Irakiens. Des mosquées chiites sont ainsi bombardées et des civils chiites sont tués. L'objectif d'AQI ? Faire en sorte que ces civils chiites se rebellent contre les sunnites qui ne verront alors pas d'autre alternative que de se rallier à AQI.
Ces méthodes contribuent à déclencher la guerre civile entre sunnites et chiites. Elles sont jugées trop vicieuses pour certains, même pour al-Qaïda. Celui-ci envoie un avertissement à Zarqaoui qui l'ignore. AQI s'installe sur une bande de territoire des régions sunnites de l'Irak mais manque de tout perdre à partir de 2006.
A cette période, en effet, les chefs tribaux sunnites détestent vivre sous la domination souvent violente de l'AQI. Ils sont de plus en plus convaincus que les chiites vont gagner la guerre civile qui sévit en Irak et pour éviter d'être du côté des perdants, ils prennent les armes contre AQI. Qui plus est, Zarqaoui est tué en 2006 par un raid aérien américain.
En 2009, presque tous les combattants de l'AQI sont morts ou en prison et le groupe n'est plus que l'ombre de lui-même.
Des années plus tard, par esprit de vengeance ou pour éviter que cet épisode ne se reproduise, le groupe terroriste abattra les membres des tribus sunnites en Irak.
2010 - Le retour d'AQI en Irak
Comment AQI a-t-il pu renaître de ses cendres aussi rapidement ? En grande partie grâce à la politique catastrophique menée en interne en Irak. En 2010, « l'Irak est dotée d'une relative bonne sécurité, d'un budget généreux de l'Etat, et les différentes communautés ethniques et religieuses du pays s'entendent relativement bien », écrit Zaid al-Ali, auteur de « La lutte pour l'avenir de l'Irak ». Mais le Premier ministre irakien, Nouri al-Maliki, détruit cet équilibre fragile en dépouillant ses adversaires politiques, en nommant ses amis à la tête de l'armée et en tuant des manifestants pacifiques. Il commet aussi l'erreur de privilégier la majorité chiite sur la minorité sunnite privant de facto ces derniers du contrôle légitime de l'Etat.
AQI, très affaibli, en profite néanmoins pour nommer un nouveau chef, l'Irakien Abou Bakr al-Baghdadi, un Irakien, rallier d'anciens officiers de l'armée de Saddam Hussein et recruter des sunnites mécontents.
Août 2011 - AQI en Syrie
En mars 2011, en Syrie, des manifestants descendent dans les rues pour exiger le départ de Bachar al-Assad. Le régime syrien répond par les armes et provoque délibérément une guerre civile.
Assad met alors tout en oeuvre pour grossir les rangs de l'opposition grâce aux extrémistes religieux. Entre mars et octobre 2011, en effet, il amnistie un nombre important d'entre eux. Assad fait le pari que si ses ennemis sont des militants islamiques, l'Occident n'interviendra pas contre lui, assure Fred Hof, conseiller spécial pour la transition en Syrie de l'administration Obama.
En Août 2011, Baghdadi envoie l'un de ses fidèles, Abou Mohammad al-Joulani, en Syrie, pour mettre en place une nouvelle branche d'AQI dans le pays. Joulani réussit et forme le Front al-Nusra en janvier 2012. Très vite al-Nusra se développe et grandit pour devenir l'une des plus puissantes organisations rebelles en Syrie.
Début 2012 - Le rôle essentiel des « business angels » du Golfe
Son développement, Daech le doit aussi à sa puissance financière. En 2012, la croissance du groupe vient surtout des dons étrangers, et notamment d’États arabes du Golfe comme le Koweït, l'Arabie saoudite et le Qatar. Ce ne sont pas les gouvernements qui investissent directement mais plutôt des particuliers qui veulent la chute de Bachar al-Assad et peut-être aussi la montée de l'extrémisme.
« Ces riches Arabes sont à l'AQI ce que sont les 'business angels' aux start-up technologiques, sauf qu'ils aident à démarrer des groupes qui veulent attiser la haine », expliquait en juin dernier, l'ex-amiral de l'Otan, James Stavridis sur NBC.
Ces bailleurs de fonds, bien moins importants aujourd'hui, ont eu un rôle crucial car ils ont fourni la manne nécessaire au démarrage de groupes terroristes. Une fois sur pied, ces derniers n'avaient plus qu'à lever des fonds par d'autres moyens, comme les enlèvements, la contrebande de pétrole ou bien la vente de femmes.
La suite...................................
Qui est Daech, ce groupe terroriste qui frappe de stupeur l'occident et la communauté musulmane et qui sème la mort partout ? Quelles sont les raisons de son essor ? Pour répondre à ces questions Vox.com a raconté l'histoire de ce groupe né en 1999, devenu l'une des organisations terroristes les plus riches et les plus puissantes du monde.
1989-1999 - Les prémices : la guerre en Afghanistan
L'histoire de Daech est étroitement liée à celle d'al-Qaïda. Tout commence en 1979, avec l'invasion soviétique en Afghanistan. La présence de plus de 100.000 soldats soviétiques choque. Les Occidentaux sont persuadés que les Soviétiques veulent se rapprocher des routes stratégiques du golfe Arabo-Persique, par où transite une bonne partie du pétrole mondial. Côté musulman, la résistance islamique s'organise et appelle au jihad, la guerre sainte, pour chasser l'envahisseur étranger. C'est à cette période qu'Oussama Ben Laden rameute d'autres jeunes radicaux qui, ensemble, vont former le noyau d'al-Qaïda.
En 1989, un Jordanien, Ahmad Fadhil Nazzal, se joint à eux. Plus connu sous le pseudonyme d'Abou Moussab al-Zarqaoui, il est à l'origine du groupe Etat islamique. Lorsque Zarqaoui, au passé de petit délinquant, effectue ce premier voyage en Afghanistan, il n'est pas encore un fanatique religieux mais juste un fantassin ordinaire. Jusqu'à ce qu'il rencontre Abou Mohammed al-Maqdisi, un des principaux promoteurs de l'islam fondamentaliste. Emprisonné en Jordanie, Zarqaoui absorbe les théories salafistes, apprend par coeur le Coran et, surtout, fédère autour de lui un groupe de prisonniers. Profitant d'une amnistie royale, Zarqaoui part pour la deuxième fois en Afghanistan. Il fonde alors son propre mouvement sans rompre avec al-Qaïda.
Néanmoins, les relations entre Ben Laden et Zarqaoui ont très vite été compliquées. « Alors que Ben Laden a grandi dans la classe moyenne supérieure et avait une formation universitaire, Zarqaoui et ses proches venaient de milieux pauvres moins instruits », décrypte Aaron Zelin, chercheur à Washington sur la politique au Proche-Orient. « Le passé criminel de Zarkaoui et ses positions extrêmes sur le takfir ont créé des tensions » entre les deux hommes, explique-t-il. Pour mémoire, les takfiris considèrent que les musulmans ne partageant pas leurs points de vue sont des apostats, c'est-à-dire des musulmans qui ont renié leur foi et qui doivent mourir.
En 1999, Zarqaoui retourne en Jordanie où il crée son propre groupe, le Jamaat al-Tawhid wal-Jihad (JTWJ). Petit joueur parmi les djihadistes à ses débuts, éclipsé par al-Qaïda, ce groupe prendra plus tard le nom d'Etat islamique.
2003-2009 - L'ascension et la chute d'AQI
En 2003, l'invasion de l'Irak par une coalition emmenée par les Etats-Unis change tout dans le monde des djihadistes. La guerre menée par les Américains pour détruire l'Irak plonge de nombreux pays dans le chaos. Les combattants étrangers et les extrémistes commencent à se déplacer en Irak, aidé par le régime du président Bachar al-Assad en Syrie. Zarkaoui et son groupe sont parmi eux.
Zarkaoui regroupe autour de lui la frange la plus radicale de l'insurrection antiaméricaine y compris d'anciens officiers de Saddam Hussein. Sa notoriété grandit et attire l'attention d'al-Qaïda. En 2004, Zarqaoui promet la loyauté à al-Qaïda, en échange de quoi il reçoit des fonds et des combattants. Son groupe est alors rebaptisé al-Qaïda en Irak (AQI) et devient le premier groupe insurgé sunnite du pays.
AQI combat les Américains mais s'attaque aussi à d'autres Irakiens. Des mosquées chiites sont ainsi bombardées et des civils chiites sont tués. L'objectif d'AQI ? Faire en sorte que ces civils chiites se rebellent contre les sunnites qui ne verront alors pas d'autre alternative que de se rallier à AQI.
Ces méthodes contribuent à déclencher la guerre civile entre sunnites et chiites. Elles sont jugées trop vicieuses pour certains, même pour al-Qaïda. Celui-ci envoie un avertissement à Zarqaoui qui l'ignore. AQI s'installe sur une bande de territoire des régions sunnites de l'Irak mais manque de tout perdre à partir de 2006.
A cette période, en effet, les chefs tribaux sunnites détestent vivre sous la domination souvent violente de l'AQI. Ils sont de plus en plus convaincus que les chiites vont gagner la guerre civile qui sévit en Irak et pour éviter d'être du côté des perdants, ils prennent les armes contre AQI. Qui plus est, Zarqaoui est tué en 2006 par un raid aérien américain.
En 2009, presque tous les combattants de l'AQI sont morts ou en prison et le groupe n'est plus que l'ombre de lui-même.
Des années plus tard, par esprit de vengeance ou pour éviter que cet épisode ne se reproduise, le groupe terroriste abattra les membres des tribus sunnites en Irak.
2010 - Le retour d'AQI en Irak
Comment AQI a-t-il pu renaître de ses cendres aussi rapidement ? En grande partie grâce à la politique catastrophique menée en interne en Irak. En 2010, « l'Irak est dotée d'une relative bonne sécurité, d'un budget généreux de l'Etat, et les différentes communautés ethniques et religieuses du pays s'entendent relativement bien », écrit Zaid al-Ali, auteur de « La lutte pour l'avenir de l'Irak ». Mais le Premier ministre irakien, Nouri al-Maliki, détruit cet équilibre fragile en dépouillant ses adversaires politiques, en nommant ses amis à la tête de l'armée et en tuant des manifestants pacifiques. Il commet aussi l'erreur de privilégier la majorité chiite sur la minorité sunnite privant de facto ces derniers du contrôle légitime de l'Etat.
AQI, très affaibli, en profite néanmoins pour nommer un nouveau chef, l'Irakien Abou Bakr al-Baghdadi, un Irakien, rallier d'anciens officiers de l'armée de Saddam Hussein et recruter des sunnites mécontents.
Août 2011 - AQI en Syrie
En mars 2011, en Syrie, des manifestants descendent dans les rues pour exiger le départ de Bachar al-Assad. Le régime syrien répond par les armes et provoque délibérément une guerre civile.
Assad met alors tout en oeuvre pour grossir les rangs de l'opposition grâce aux extrémistes religieux. Entre mars et octobre 2011, en effet, il amnistie un nombre important d'entre eux. Assad fait le pari que si ses ennemis sont des militants islamiques, l'Occident n'interviendra pas contre lui, assure Fred Hof, conseiller spécial pour la transition en Syrie de l'administration Obama.
En Août 2011, Baghdadi envoie l'un de ses fidèles, Abou Mohammad al-Joulani, en Syrie, pour mettre en place une nouvelle branche d'AQI dans le pays. Joulani réussit et forme le Front al-Nusra en janvier 2012. Très vite al-Nusra se développe et grandit pour devenir l'une des plus puissantes organisations rebelles en Syrie.
Début 2012 - Le rôle essentiel des « business angels » du Golfe
Son développement, Daech le doit aussi à sa puissance financière. En 2012, la croissance du groupe vient surtout des dons étrangers, et notamment d’États arabes du Golfe comme le Koweït, l'Arabie saoudite et le Qatar. Ce ne sont pas les gouvernements qui investissent directement mais plutôt des particuliers qui veulent la chute de Bachar al-Assad et peut-être aussi la montée de l'extrémisme.
« Ces riches Arabes sont à l'AQI ce que sont les 'business angels' aux start-up technologiques, sauf qu'ils aident à démarrer des groupes qui veulent attiser la haine », expliquait en juin dernier, l'ex-amiral de l'Otan, James Stavridis sur NBC.
Ces bailleurs de fonds, bien moins importants aujourd'hui, ont eu un rôle crucial car ils ont fourni la manne nécessaire au démarrage de groupes terroristes. Une fois sur pied, ces derniers n'avaient plus qu'à lever des fonds par d'autres moyens, comme les enlèvements, la contrebande de pétrole ou bien la vente de femmes.
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