J’espère que ce topic ne dégènerera pas en gueguerre algéro-marocaine. Comme l’indique l’article, il s’agit de se questionner sur ce que pourrait proposer ce projet d’autonomie (ce dont tout le monde parle et que personne n’a vu) et ses conséquences sur la vie des Marocains.
C’est un article, sans parti-pris, mesuré et qui pose plus de questionnements qu’il n’apporte de réponse.
En lisant attentivement cet article, on se rend compte que le projet d’autonomie soulève des questions sur le devenir même du Maroc et des marocains au-delà de la question sahraouie. Ce projet a été géré de manière technocratique et ne donne lieu à aucun débat (ni au sein des partis et encore moins au sein de la société).
Marocaines , Marocains débattez de votre devenir.
C’est un article, sans parti-pris, mesuré et qui pose plus de questionnements qu’il n’apporte de réponse.
En lisant attentivement cet article, on se rend compte que le projet d’autonomie soulève des questions sur le devenir même du Maroc et des marocains au-delà de la question sahraouie. Ce projet a été géré de manière technocratique et ne donne lieu à aucun débat (ni au sein des partis et encore moins au sein de la société).
Marocaines , Marocains débattez de votre devenir.
«Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement».
Pour 2007, le challenge du projet d’autonomie tient en cette maxime. Explications.
Le Corcas a remis ses propositions pour le projet d’autonomie au roi début décembre. Malgré une conférence de presse organisée pour l’occasion, on ne connaît toujours pas le contenu dudit projet. Son président, Khalli Henna Ould Rachid, a juste indiqué que " la mise sur pied d’un gouvernement local, d’un parlement et d’une autorité judiciaire autonome " a été proposée. De toutes les façons, le Corcas ayant un rôle purement consultatif, rien n’oblige le roi à suivre ses recommandations à la lettre.
Il y a par contre un point sur lequel le mystère est levé : le projet d’autonomie nécessite une réforme de la Constitution puisque la notion même d’autonomie n’y figure pas. «Tant que le contenu précis du projet n’est pas connu, on ne peut pas se prononcer sur l’ampleur de cette réforme. Mais elle peut très bien se limiter à des amendements permettant à une entité autonome de fonctionner. D’un point de vue technique, elle n’a pas besoin d’aborder des problématiques comme la séparation des pouvoirs qui sont en réalité des problèmes politiques. Néanmoins, l’autonomie posera des questions de fond sur le rôle du roi
Si on prend l’exemple des tribunaux locaux :
-devront-ils, s’ils voient le jour, rendre les sentences au nom du roi ?
-L’autonomie juridictionnelle n’affectera-t-elle pas le statut de magistrat suprême du monarque ?», s’interroge le politologue Mohamed Madani.
Autre question qui se pose : l’autonomie doit-elle uniquement concerner le Sahara occidental ou doit-elle être possible pour d’autres régions ?
- Le régionalisme
est une donnée constante au Maroc qui a jusqu’ici été maîtrisée par un Etat-Nation centralisé et autoritaire. Le royaume vit par ailleurs une crise identitaire qui se manifeste, par exemple, dans les revendications politiques des Amazighs. Même si rien n’oblige le Pouvoir à se déterminer à court terme sur ce point, le choix de cantonner l’autonomie au Sahara occidental risque de jeter de l’huile sur le feu. Etendre l’autonomie aux autres régions et leur permettre ainsi de gérer leurs affaires de façon autonome peut contribuer à apaiser les tensions mais nécessite de la part du Palais de parfaitement calibrer ce qui sera accordé aux Sahraouis. Historiquement, la monarchie est en effet perçue comme le ciment stabilisateur de la Nation et a construit une partie de sa légitimité comme de sa puissance sur ce fondement…
On le voit, le projet d’autonomie dépasse de loin le cadre du Sahara occidental et peut avoir un impact sur la vie quotidienne de tous les citoyens. Au vu de ses enjeux, il est d’autant plus essentiel que ceux-ci puissent en débattre. «Un débat est nécessaire mais on ne sait pas quand il interviendra ni même s’il aura lieu. Jusqu’ici, le projet d’autonomie a été géré de façon technocratique et non comme un dossier politique. Le Sahara transcendant les clivages politiques, les partis s’alignent sur les positions du Palais et se refusent à politiser la question. Pour faire adopter la réforme constitutionnelle nécessaire à la mise en œuvre de l’autonomie, le roi peut passer par le Parlement ou par un référendum. Vu qu’aucun débat n’a été organisé au Parlement sur ce thème, il est peu probable que cette voie soit empruntée. Qui dit référendum dit campagne référendaire. Mais sur le dossier du Sahara, sera-t-il possible d’entendre des voix discordantes se prononcer contre l’autonomie, par exemple sur les chaînes de télévision nationales ? La question est ouverte…», estime Mohamed Madani.
Si l’option du référendum est retenue par le Palais, c’est tout le timing de la mise en œuvre du projet d’autonomie qui se pose en des termes bassement matériels. Quand interviendrait ce référendum ? Des législatives sont déjà programmées pour 2007 et les moyens logistiques comme financiers à mettre en œuvre pour gérer la même année des élections et un référendum sont trop importants. Retarder les élections reviendrait à donner plus de chances au PJD d’engranger de nouvelles intentions de votes, ce que refuse le Pouvoir. Retarder la présentation de la version finale du projet d’autonomie validée par le roi n’est pas une solution non plus. La communauté internationale s’impatiente. Elle réclame un projet sérieux doté d’un agenda de mise en œuvre précis.
La communauté internationale s’impatiente
Il faut dire qu’avec le Sahara occidental, la communauté internationale se trouve aussi face à un dilemme : comment mettre fin à ce conflit sans renier le droit à l’autodétermination des peuples,principe fondamental des Nations Unies. Le fait que le Conseil de Sécurité de l’ONU se garde bien de trancher se justifie par deux raisons. Primo, le conflit du Sahara occidental est perçu comme étant de faible intensité. Secundo, il renvoie la communauté internationale au débat philosophique de l’antagonisme entre la realpolitik et le respect absolu de la légalité internationale. Aujourd’hui, la tendance de la diplomatie est clairement à la realpolitik. Le Maroc a donc une carte à jouer. L’enjeu pour lui est d’enrichir le concept d’autodétermination en montrant qu’une population peut aussi se déterminer dans l’autonomie. Plus son projet sera crédible, plus tôt il sera mis en œuvre, plus il aura de chances de faciliter la tâche aux amis français et américains qui pourront alors plus facilement faire pression sur d’autres pays pour le soutenir. «Aidez-nous à vous aider», disaient les Américains. Hélas, le Maroc a échoué et n’a pas su saisir sa chance. La présentation ne serait-ce que d’une mouture de projet d’autonomie lui aurait évité de se décrédibiliser comme il l’a fait en 2006. La pagaille régnant au sein du Corcas et la mégalomanie de Khalli Henna Ould Rachid auront pesé lourd...
À cause de ces précieux mois perdus, le royaume doit maintenant composer avec un environnement international moins favorable. L’échec de la politique américaine en Irak et le retour en force de James Baker dans l’entourage du président américain ne sont pas de bonnes nouvelles. L’ancien envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU n’a jamais caché qu’il rendait le Maroc coupable du blocage de la situation parce qu’incapable de proposer une solution de sortie de crise. Dans les mois à venir, le Maroc aura aussi plus de mal à convaincre l’Arabie Saoudite de chanter ses louanges à Washington. Non seulement le prince Bandar ben Sultan, intime de Mohamed Benaissa, n’y est plus ambassadeur d’Arabie Saoudite. Mais en plus les Saoudiens voient d’un mauvais œil la réorientation de la politique américaine en Irak qui se profile pour 2007. Au vu de la guerre civile entre sunnites et chiites, ils sont réfractaires à un désengagement militaire à court terme des Américains. La récente démission surprise et la fuite des Etats-Unis du nouvel ambassadeur saoudien, Turki al-Fayçal, montre bien que les relations sont tendues.
Le Maroc a aussi perdu trop de temps avec la France. Son plus fervent défenseur, Jacques Chirac, quittera l’Elysée en juin 2007. Quel que soit son successeur, Nicolas Sarkozy ou Ségolène Royal, le futur président français devrait s’attaquer à l’amélioration des relations entre la France et l’Algérie. Une nouvelle impulsion que le président Bouteflika conditionne à la fin du soutien total de Paris au Maroc dans le dossier du Sahara occidental.
Enfin, tant que la situation se détériorera sur les fronts de l’immigration clandestine et du trafic de drogues, tant que le nombre de démantèlements de cellules présumées terroristes au Maroc ne baissera pas, l’Europe se montrera vigilante quant aux conséquences à long terme du projet d’autonomie : sera-t-il de nature à générer du chaos au Maroc, par exemple, en ouvrant la boîte de Pandore de la question identitaire ou en aggravant les inégalités entre les régions ?
Autant dire que l’enjeu de ce projet est triple : concevoir une autonomie crédible qui contribue à faire avancer le dossier du Sahara occidental sur la scène internationale, choisir un modèle d’autonomie qui garantisse la stabilité du royaume à long terme et, bien sûr, dire en quoi il consiste… un jour.
Par Catherine Graciet
Pour 2007, le challenge du projet d’autonomie tient en cette maxime. Explications.
Le Corcas a remis ses propositions pour le projet d’autonomie au roi début décembre. Malgré une conférence de presse organisée pour l’occasion, on ne connaît toujours pas le contenu dudit projet. Son président, Khalli Henna Ould Rachid, a juste indiqué que " la mise sur pied d’un gouvernement local, d’un parlement et d’une autorité judiciaire autonome " a été proposée. De toutes les façons, le Corcas ayant un rôle purement consultatif, rien n’oblige le roi à suivre ses recommandations à la lettre.
Il y a par contre un point sur lequel le mystère est levé : le projet d’autonomie nécessite une réforme de la Constitution puisque la notion même d’autonomie n’y figure pas. «Tant que le contenu précis du projet n’est pas connu, on ne peut pas se prononcer sur l’ampleur de cette réforme. Mais elle peut très bien se limiter à des amendements permettant à une entité autonome de fonctionner. D’un point de vue technique, elle n’a pas besoin d’aborder des problématiques comme la séparation des pouvoirs qui sont en réalité des problèmes politiques. Néanmoins, l’autonomie posera des questions de fond sur le rôle du roi
Si on prend l’exemple des tribunaux locaux :
-devront-ils, s’ils voient le jour, rendre les sentences au nom du roi ?
-L’autonomie juridictionnelle n’affectera-t-elle pas le statut de magistrat suprême du monarque ?», s’interroge le politologue Mohamed Madani.
Autre question qui se pose : l’autonomie doit-elle uniquement concerner le Sahara occidental ou doit-elle être possible pour d’autres régions ?
- Le régionalisme
est une donnée constante au Maroc qui a jusqu’ici été maîtrisée par un Etat-Nation centralisé et autoritaire. Le royaume vit par ailleurs une crise identitaire qui se manifeste, par exemple, dans les revendications politiques des Amazighs. Même si rien n’oblige le Pouvoir à se déterminer à court terme sur ce point, le choix de cantonner l’autonomie au Sahara occidental risque de jeter de l’huile sur le feu. Etendre l’autonomie aux autres régions et leur permettre ainsi de gérer leurs affaires de façon autonome peut contribuer à apaiser les tensions mais nécessite de la part du Palais de parfaitement calibrer ce qui sera accordé aux Sahraouis. Historiquement, la monarchie est en effet perçue comme le ciment stabilisateur de la Nation et a construit une partie de sa légitimité comme de sa puissance sur ce fondement…
On le voit, le projet d’autonomie dépasse de loin le cadre du Sahara occidental et peut avoir un impact sur la vie quotidienne de tous les citoyens. Au vu de ses enjeux, il est d’autant plus essentiel que ceux-ci puissent en débattre. «Un débat est nécessaire mais on ne sait pas quand il interviendra ni même s’il aura lieu. Jusqu’ici, le projet d’autonomie a été géré de façon technocratique et non comme un dossier politique. Le Sahara transcendant les clivages politiques, les partis s’alignent sur les positions du Palais et se refusent à politiser la question. Pour faire adopter la réforme constitutionnelle nécessaire à la mise en œuvre de l’autonomie, le roi peut passer par le Parlement ou par un référendum. Vu qu’aucun débat n’a été organisé au Parlement sur ce thème, il est peu probable que cette voie soit empruntée. Qui dit référendum dit campagne référendaire. Mais sur le dossier du Sahara, sera-t-il possible d’entendre des voix discordantes se prononcer contre l’autonomie, par exemple sur les chaînes de télévision nationales ? La question est ouverte…», estime Mohamed Madani.
Si l’option du référendum est retenue par le Palais, c’est tout le timing de la mise en œuvre du projet d’autonomie qui se pose en des termes bassement matériels. Quand interviendrait ce référendum ? Des législatives sont déjà programmées pour 2007 et les moyens logistiques comme financiers à mettre en œuvre pour gérer la même année des élections et un référendum sont trop importants. Retarder les élections reviendrait à donner plus de chances au PJD d’engranger de nouvelles intentions de votes, ce que refuse le Pouvoir. Retarder la présentation de la version finale du projet d’autonomie validée par le roi n’est pas une solution non plus. La communauté internationale s’impatiente. Elle réclame un projet sérieux doté d’un agenda de mise en œuvre précis.
La communauté internationale s’impatiente
Il faut dire qu’avec le Sahara occidental, la communauté internationale se trouve aussi face à un dilemme : comment mettre fin à ce conflit sans renier le droit à l’autodétermination des peuples,principe fondamental des Nations Unies. Le fait que le Conseil de Sécurité de l’ONU se garde bien de trancher se justifie par deux raisons. Primo, le conflit du Sahara occidental est perçu comme étant de faible intensité. Secundo, il renvoie la communauté internationale au débat philosophique de l’antagonisme entre la realpolitik et le respect absolu de la légalité internationale. Aujourd’hui, la tendance de la diplomatie est clairement à la realpolitik. Le Maroc a donc une carte à jouer. L’enjeu pour lui est d’enrichir le concept d’autodétermination en montrant qu’une population peut aussi se déterminer dans l’autonomie. Plus son projet sera crédible, plus tôt il sera mis en œuvre, plus il aura de chances de faciliter la tâche aux amis français et américains qui pourront alors plus facilement faire pression sur d’autres pays pour le soutenir. «Aidez-nous à vous aider», disaient les Américains. Hélas, le Maroc a échoué et n’a pas su saisir sa chance. La présentation ne serait-ce que d’une mouture de projet d’autonomie lui aurait évité de se décrédibiliser comme il l’a fait en 2006. La pagaille régnant au sein du Corcas et la mégalomanie de Khalli Henna Ould Rachid auront pesé lourd...
À cause de ces précieux mois perdus, le royaume doit maintenant composer avec un environnement international moins favorable. L’échec de la politique américaine en Irak et le retour en force de James Baker dans l’entourage du président américain ne sont pas de bonnes nouvelles. L’ancien envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU n’a jamais caché qu’il rendait le Maroc coupable du blocage de la situation parce qu’incapable de proposer une solution de sortie de crise. Dans les mois à venir, le Maroc aura aussi plus de mal à convaincre l’Arabie Saoudite de chanter ses louanges à Washington. Non seulement le prince Bandar ben Sultan, intime de Mohamed Benaissa, n’y est plus ambassadeur d’Arabie Saoudite. Mais en plus les Saoudiens voient d’un mauvais œil la réorientation de la politique américaine en Irak qui se profile pour 2007. Au vu de la guerre civile entre sunnites et chiites, ils sont réfractaires à un désengagement militaire à court terme des Américains. La récente démission surprise et la fuite des Etats-Unis du nouvel ambassadeur saoudien, Turki al-Fayçal, montre bien que les relations sont tendues.
Le Maroc a aussi perdu trop de temps avec la France. Son plus fervent défenseur, Jacques Chirac, quittera l’Elysée en juin 2007. Quel que soit son successeur, Nicolas Sarkozy ou Ségolène Royal, le futur président français devrait s’attaquer à l’amélioration des relations entre la France et l’Algérie. Une nouvelle impulsion que le président Bouteflika conditionne à la fin du soutien total de Paris au Maroc dans le dossier du Sahara occidental.
Enfin, tant que la situation se détériorera sur les fronts de l’immigration clandestine et du trafic de drogues, tant que le nombre de démantèlements de cellules présumées terroristes au Maroc ne baissera pas, l’Europe se montrera vigilante quant aux conséquences à long terme du projet d’autonomie : sera-t-il de nature à générer du chaos au Maroc, par exemple, en ouvrant la boîte de Pandore de la question identitaire ou en aggravant les inégalités entre les régions ?
Autant dire que l’enjeu de ce projet est triple : concevoir une autonomie crédible qui contribue à faire avancer le dossier du Sahara occidental sur la scène internationale, choisir un modèle d’autonomie qui garantisse la stabilité du royaume à long terme et, bien sûr, dire en quoi il consiste… un jour.
Par Catherine Graciet
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