Une défaite du groupe terroriste Etat islamique ne rimerait pas forcément avec un retour de la paix en Irak et en Syrie: les tensions entre belligérants sont autant de métastases qui menacent la stabilité de la région à long terme, d'après le Washington Post
1. Rebelles syriens contre Kurdes de Syrie
Ce conflit a déjà commencé. Les Kurdes de Syrie ont considérablement accru leur emprise sur les territoires au nord-est du pays, parfois au détriment des secteurs tenus par les rebelles et des zones de peuplement arabe. Les rebelles syriens reprochent également aux Kurdes leur connivence avec Damas. Les deux s'affrontent directement depuis l'intervention turque du 28 août dernier: les forces kurdes ont notamment coupé la route d'approvisionnement des rebelles encerclés dans Alep. Les Etats-Unis ont appelé à l'arrêt des combats, mais la première puissance mondiale n'a pas assez d'influence sur le terrain pour éviter l'escalade.
2. Turquie contre Kurdes de Syrie
C'est la grande peur de la Turquie: l'émergence d'un État Kurde autonome à sa frontière avec la Syrie. Car le PYD, qui contrôle cette région, est la branche syrienne du PKK. L'ennemi juré d'Ankara. Depuis le début de son intervention terrestre en Syrie, la Turquie clame sa volonté de repousser les Kurdes à l'est de l'Euphrate. Les combats ont déjà commencé. Et l'invasion de la zone kurde pourrait ne pas s'arrêter aux rives du fleuve, malgré la présence d'un faible contingent américain sur place.
3. Régime syrien contre Kurdes de Syrie
Le régime de Damas se sent lui aussi menacé par les ambitions territoriales des Kurdes. Jusqu'à récemment, les deux parties s'en tenaient à une connivence de fait contre le groupe Etat islamique. Bachar el-Assad s'était même vanté à plusieurs reprises de fournir des armes aux Kurdes de Syrie. Mais les relations se sont nettement refroidies depuis que ces derniers ont déclaré leur autonomie en janvier 2014. Les zones où les troupes cohabitent ont été le théâtre d'affrontements sporadiques. A Hassaké le 18 août, l'aviation du régime a bombardé pour la première fois des positions tenues par les forces kurdes. Un cessez-le-feu a été déclaré depuis, mais les aspirations indépendantistes des Kurdes pourraient s'opposer, à terme, à la volonté affichée par le président syrien de réunifier l'intégralité du pays.
4. Etats-Unis contre régime syrien
Ce conflit aurait pu éclater à plusieurs reprises depuis 2013, quand le président Obama avait fixé une ligne rouge à l'utilisation des armes chimiques par son homologue syrien. Entre-temps, l'un et l'autre ont tout fait pour éviter un affrontement direct, et ce scénario paraît aujourd'hui assez peu probable. Mais les milices soutenues par les Etats-Unis pourraient être amenées à affronter les forces gouvernementales à mesure que les lignes se resserrent. C'est notamment le cas autour de Raqqa, la capitale du groupe Etat islamique, visée début juin par deux offensives simultanées mais non coordonnées. Le mois dernier, des pilotes américains ont aussi intercepté deux chasseurs syriens qui bombardaient les forces kurdes.
5. Turquie contre régime syrien
Plusieurs accrochages ont eu lieu entre les armées des deux gouvernements: un avion turc a notamment été abattu par les troupes régulières syriennes en 2012. Plus récemment, Ankara a accumulé les gestes diplomatiques en faveur de la Russie et de l'Iran, les meilleurs alliés de Damas, qui ont donné en retour leur feu vert pour son intervention en Syrie. Si les forces turques continuent leur progression dans le territoire tenu par l'EI, elles se retrouveront tôt ou tard en face des soldats de Bachar el-Assad. Au risque de provoquer de nouvelles frictions. D'autant que l'opération "Bouclier de l'Euphrate" n'est soumise à aucune feuille de route précise et qu'une installation à long terme des chars turcs sur le sol syrien n'arrangerait pas les relations avec le régime en place.
6. Gouvernement irakien contre Kurdes irakiens
Tout comme les Kurdes syriens, les Kurdes irakiens ont profité de leurs victoires sur le groupe Etat islamique pour élargir leurs frontières. Quitte à s'emparer de secteurs où la population kurde n'est pas majoritaire et que Bagdad refuse de leur céder. D'importantes ressources pétrolières sont également en jeu. Les troupes du gouvernement central, appuyées par les Etats-Unis, ont annoncé leur volonté de reconquérir ces zones dès que le califat sera définitivement vaincu. Les forces kurdes, également soutenues par Washington, ont rétorqué qu'elles n'abandonneraient aucun territoire conquis avec le sang des Kurdes.
7. Kurdes irakiens contre milices chiites
Un conflit semblable au précédent (n°6), si ce n'est qu'il a déjà commencé. Les milices chiites, soutenues en majorité par l'Iran, ont tenu un rôle essentiel dans les victoires contre le groupe Etat islamique en Irak. Leur avancée vers le nord de Bagdad les a menées à se confronter aux forces kurdes alliées des Etats-Unis, qui descendent vers le sud. Des affrontements ont eu lieu à plusieurs reprises, notamment autour de la ville de Tuz Khurmatu en avril dernier.
8. Kurdes contre Kurdes
C'est le scénario le plus imprévisible, mais pas le plus improbable. Profondément divisés, les Kurdes ne s'accordent sur rien, hormis le principe de la création d'un Etat autonome. Le gouvernement du Kurdistan irakien (KRG) entretient de bonnes relations avec la Turquie et s'oppose à l'organisation kurde au pouvoir dans le nord de la Syrie (PYD). Les Kurdes d'Irak sont eux-mêmes scindés en deux factions depuis la guerre civile des années 90. Un conflit entre plusieurs groupes soutenus par l'Occident pourrait éclater à la frontière entre l'Irak et la Syrie.
9. Sunnites contre chiites
Un conflit ancien, ravivé par les événements récents: les forces irakiennes qui combattent le groupe Etat islamique sont principalement composées de Kurdes et de milices chiites affiliées au gouvernement de Bagdad. Les zones situées sur leur route sont majoritairement peuplées par des sunnites. Nombre d'entre eux n'hésitent pas à s'engager contre Daech, mais beaucoup dénoncent également les exactions dont ils sont victimes de la part des miliciens chiites: déplacements massifs, incarcérations de masse, pillages... en l'absence de réconciliation nationale, les sunnites délaissés par le pouvoir de Bagdad depuis la chute de Saddam Hussein, pourraient s'insurger de nouveau. Comme ils l'avaient fait en 2006 pendant l'intervention américaine, plongeant le pays dans une sanglante guerre civile.
10. Les vestiges de l'Etat Islamique, contre tout le monde
Le groupe Etat islamique contrôle toujours de larges pans de territoire en Syrie et en Irak. Ses deux capitales, Mossoul et Raqqa, sont les principales cibles des alliés, mais les frictions entre les divers groupes censés mener l'offensive pourraient retarder l'échéance. Même en cas de victoire, les tensions non résolues promettent une longue période d'instabilité dans la région. Les victoires militaires ne résoudront pas le chaos politique et les dysfonctionnements qui ont permis l'essor du groupe EI à ses origines: après une série de revers subis entre 2006 et 2007, Al-Qaïda avait profité des mêmes maux pour renaître de ses cendres quelques années plus tard. Sous la forme du califat actuel.
l'express
1. Rebelles syriens contre Kurdes de Syrie
Ce conflit a déjà commencé. Les Kurdes de Syrie ont considérablement accru leur emprise sur les territoires au nord-est du pays, parfois au détriment des secteurs tenus par les rebelles et des zones de peuplement arabe. Les rebelles syriens reprochent également aux Kurdes leur connivence avec Damas. Les deux s'affrontent directement depuis l'intervention turque du 28 août dernier: les forces kurdes ont notamment coupé la route d'approvisionnement des rebelles encerclés dans Alep. Les Etats-Unis ont appelé à l'arrêt des combats, mais la première puissance mondiale n'a pas assez d'influence sur le terrain pour éviter l'escalade.
2. Turquie contre Kurdes de Syrie
C'est la grande peur de la Turquie: l'émergence d'un État Kurde autonome à sa frontière avec la Syrie. Car le PYD, qui contrôle cette région, est la branche syrienne du PKK. L'ennemi juré d'Ankara. Depuis le début de son intervention terrestre en Syrie, la Turquie clame sa volonté de repousser les Kurdes à l'est de l'Euphrate. Les combats ont déjà commencé. Et l'invasion de la zone kurde pourrait ne pas s'arrêter aux rives du fleuve, malgré la présence d'un faible contingent américain sur place.
3. Régime syrien contre Kurdes de Syrie
Le régime de Damas se sent lui aussi menacé par les ambitions territoriales des Kurdes. Jusqu'à récemment, les deux parties s'en tenaient à une connivence de fait contre le groupe Etat islamique. Bachar el-Assad s'était même vanté à plusieurs reprises de fournir des armes aux Kurdes de Syrie. Mais les relations se sont nettement refroidies depuis que ces derniers ont déclaré leur autonomie en janvier 2014. Les zones où les troupes cohabitent ont été le théâtre d'affrontements sporadiques. A Hassaké le 18 août, l'aviation du régime a bombardé pour la première fois des positions tenues par les forces kurdes. Un cessez-le-feu a été déclaré depuis, mais les aspirations indépendantistes des Kurdes pourraient s'opposer, à terme, à la volonté affichée par le président syrien de réunifier l'intégralité du pays.
4. Etats-Unis contre régime syrien
Ce conflit aurait pu éclater à plusieurs reprises depuis 2013, quand le président Obama avait fixé une ligne rouge à l'utilisation des armes chimiques par son homologue syrien. Entre-temps, l'un et l'autre ont tout fait pour éviter un affrontement direct, et ce scénario paraît aujourd'hui assez peu probable. Mais les milices soutenues par les Etats-Unis pourraient être amenées à affronter les forces gouvernementales à mesure que les lignes se resserrent. C'est notamment le cas autour de Raqqa, la capitale du groupe Etat islamique, visée début juin par deux offensives simultanées mais non coordonnées. Le mois dernier, des pilotes américains ont aussi intercepté deux chasseurs syriens qui bombardaient les forces kurdes.
5. Turquie contre régime syrien
Plusieurs accrochages ont eu lieu entre les armées des deux gouvernements: un avion turc a notamment été abattu par les troupes régulières syriennes en 2012. Plus récemment, Ankara a accumulé les gestes diplomatiques en faveur de la Russie et de l'Iran, les meilleurs alliés de Damas, qui ont donné en retour leur feu vert pour son intervention en Syrie. Si les forces turques continuent leur progression dans le territoire tenu par l'EI, elles se retrouveront tôt ou tard en face des soldats de Bachar el-Assad. Au risque de provoquer de nouvelles frictions. D'autant que l'opération "Bouclier de l'Euphrate" n'est soumise à aucune feuille de route précise et qu'une installation à long terme des chars turcs sur le sol syrien n'arrangerait pas les relations avec le régime en place.
6. Gouvernement irakien contre Kurdes irakiens
Tout comme les Kurdes syriens, les Kurdes irakiens ont profité de leurs victoires sur le groupe Etat islamique pour élargir leurs frontières. Quitte à s'emparer de secteurs où la population kurde n'est pas majoritaire et que Bagdad refuse de leur céder. D'importantes ressources pétrolières sont également en jeu. Les troupes du gouvernement central, appuyées par les Etats-Unis, ont annoncé leur volonté de reconquérir ces zones dès que le califat sera définitivement vaincu. Les forces kurdes, également soutenues par Washington, ont rétorqué qu'elles n'abandonneraient aucun territoire conquis avec le sang des Kurdes.
7. Kurdes irakiens contre milices chiites
Un conflit semblable au précédent (n°6), si ce n'est qu'il a déjà commencé. Les milices chiites, soutenues en majorité par l'Iran, ont tenu un rôle essentiel dans les victoires contre le groupe Etat islamique en Irak. Leur avancée vers le nord de Bagdad les a menées à se confronter aux forces kurdes alliées des Etats-Unis, qui descendent vers le sud. Des affrontements ont eu lieu à plusieurs reprises, notamment autour de la ville de Tuz Khurmatu en avril dernier.
8. Kurdes contre Kurdes
C'est le scénario le plus imprévisible, mais pas le plus improbable. Profondément divisés, les Kurdes ne s'accordent sur rien, hormis le principe de la création d'un Etat autonome. Le gouvernement du Kurdistan irakien (KRG) entretient de bonnes relations avec la Turquie et s'oppose à l'organisation kurde au pouvoir dans le nord de la Syrie (PYD). Les Kurdes d'Irak sont eux-mêmes scindés en deux factions depuis la guerre civile des années 90. Un conflit entre plusieurs groupes soutenus par l'Occident pourrait éclater à la frontière entre l'Irak et la Syrie.
9. Sunnites contre chiites
Un conflit ancien, ravivé par les événements récents: les forces irakiennes qui combattent le groupe Etat islamique sont principalement composées de Kurdes et de milices chiites affiliées au gouvernement de Bagdad. Les zones situées sur leur route sont majoritairement peuplées par des sunnites. Nombre d'entre eux n'hésitent pas à s'engager contre Daech, mais beaucoup dénoncent également les exactions dont ils sont victimes de la part des miliciens chiites: déplacements massifs, incarcérations de masse, pillages... en l'absence de réconciliation nationale, les sunnites délaissés par le pouvoir de Bagdad depuis la chute de Saddam Hussein, pourraient s'insurger de nouveau. Comme ils l'avaient fait en 2006 pendant l'intervention américaine, plongeant le pays dans une sanglante guerre civile.
10. Les vestiges de l'Etat Islamique, contre tout le monde
Le groupe Etat islamique contrôle toujours de larges pans de territoire en Syrie et en Irak. Ses deux capitales, Mossoul et Raqqa, sont les principales cibles des alliés, mais les frictions entre les divers groupes censés mener l'offensive pourraient retarder l'échéance. Même en cas de victoire, les tensions non résolues promettent une longue période d'instabilité dans la région. Les victoires militaires ne résoudront pas le chaos politique et les dysfonctionnements qui ont permis l'essor du groupe EI à ses origines: après une série de revers subis entre 2006 et 2007, Al-Qaïda avait profité des mêmes maux pour renaître de ses cendres quelques années plus tard. Sous la forme du califat actuel.
l'express
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