Tout ce qui n'est plus acceptable
Tout ce qui doit changer
Défoulez-vous !
Ah qu'il était jouissif à faire, ce dossier ! Pour une fois, à la rédaction de TelQuel, nous avons pris le parti de quitter notre réserve professionnelle pour pousser un grand cri de révolte - d'abord en tant que Marocains. Car ce qui nous révolte, au-delà de tout ce qui est listé dans ces 20 pages spéciales, c'est le sentiment de fatalité qui corsète notre société. “Iwa ch'ghan dirou” (qu'est-ce que vous voulez qu'on y fasse), “had chi lli âta'llah” (c'est ce que Dieu a décidé pour nous) ou pire encore : “l'maghrib hada” (c'est le Maroc)… Voilà ce qu'on entend chaque jour, cent fois par jour, en réaction aux mille et un petits riens qui nous énervent, que ce soit dans notre vie quotidienne ou à l'observation (consternée) de la vie publique. Assez ! Le changement, ça commence par la prise de conscience. Non, tout cela n'est plus acceptable. Oui, on y peut quelque chose : dénoncer, pour commencer ; agir ensuite, à chaque fois que c'est possible, pour défendre les valeurs universelles de citoyenneté.
“Y en a marre”, au Maroc, de beaucoup de choses… Cela va de l'article
19 de la Constitution qui nous condamne au régime de monarchie absolue, jusqu'au manque de poubelles ou d'espaces verts dans les villes, en passant par les innombrables manifestations de notre schizophrénie sociale et culturelle. Tous ces motifs de révolte sont justifiés, et nous avons fait le choix de les présenter pêle-mêle, en évitant toute hiérarchisation. Certains d'entre vous se sentiront plus concernés par la réticence des Marocains à faire la queue que par l'absentéisme au Parlement. D'autres seront interpellés par le niveau stratosphérique des impôts, et resteront plutôt indifférents à l'existence d'un Mahmoud Archane dans le landerneau politique. D'autres enfin, s'indigneront sincèrement de la persistance de la torture dans un pays qui se dit “démocratique”, mais vibreront plus fort à des problèmes qui les touchent directement : l'insécurité sur les routes, l'incivisme des copropriétaires, ou encore l'arrogance des fonctionnaires, qui fait de chaque démarche administrative une épreuve pour les nerfs. Bref, chacun y trouvera son compte.
Nous avons listé, dans ce dossier spécial, 90 raisons - ô combien justifiées - de pousser un cri de révolte. Il y en a sans doute des centaines d'autres : toutes ces choses, petites ou grandes, qui nous manquent pour que le Maroc soit un pays développé et démocratique. Continuons de les identifier, et militons ensemble pour les changer. Comme dit la pub, “nous le valons bien”.
A.R.B
...du taux d'analphabétisme à 43%
Les gouvernements passent, le chiffre reste inchangé ou si peu… Si le Maroc a sensiblement amélioré son classement mondial en matière de droits de l'homme ou de condition féminine, il est toujours à la traîne en matière d'alphabétisation, puisque près d'un Marocain sur deux ne sait ni lire ni écrire. C'est pourtant le point de départ de tout effort de développement. Tout au long des dix dernières années, les différentes campagnes de lutte contre l'analphabétisme (dans les mosquées, les écoles et les usines) n'ont pas eu l'effet massif escompté. À qui la faute ?
...de ceux qui confondent laïcité et athéisme
… Et si au moins ils le faisaient de bonne foi ! Mais vu le nombre de fois que la notion de laïcité (système politico-juridique permettant à chacun de vivre et d'exprimer librement sa croyance, quelle qu'elle soit) a été expliquée et réexpliquée, on est en droit d'affirmer ceci : personne ne confond vraiment laïcité et athéisme ; ils font juste semblant. Parce qu'ils n'arrivent pas à contrer les arguments des laïques, qui se fondent pourtant sur une logique universelle. Mais ce qui est universel est-il valable au Maroc ?
...des fonctionnaires arrogants
Public, le service ? Pas pour certains fonctionnaires, on pourrait même dire la majorité. Eux voient ça plutôt comme une accumulation de petites zones d'autorité, avec à la tête de chacune un roitelet tenant en son bec le précieux cachet à légaliser. Et comme chacun sait, le pouvoir c'est comme la culture ; moins on en a, plus on l'étale. Ton hautain, regard condescendant, mauvaise humeur, l'administré lambda subit tous les travers des chefaillons, des sous-chefaillons et des chefaillons autoproclamés. Et comble du dédain, l'administré paye des impôts pour ça.
...de l'interminable feuilleton du Sahara
Osera-t-on un jour poser cette question : combien de Marocains considèrent le Sahara comme la cause nationale n°1 ? Derrière cette “interrogation polémiste” se profile une lassitude plus ou moins généralisée quant à un feuilleton qui n'a que trop duré. Le conflit aura bientôt 35 ans et il continue à mobiliser d'importantes ressources militaires, financières et diplomatiques. A tel point que l'homme de la rue pense dur comme fer que le Sahara a coûté au pays son développement. Aujourd'hui, un projet d'autonomie tente d'apporter une solution que le Maroc souhaite définitive au conflit. Aboutira-t-elle ? Rien n'est moins sûr, vu les résistances que ce projet soulève déjà chez les leaders du Front Polisario et chez nos voisins algériens. Selon toute vraisemblance, c'est reparti pour un tour...
…du baisemain royal
Oui, Mohammed VI ne l'impose pas à tout le monde, on le sait. Mais il ne l'interdit à personne non plus. Du coup, c'est comique : il y en a qui embrassent l'avant-bras, d'autres le coude… Certains hésitent, plongent au jugé, et atterrissent autour de l'aisselle ! Sérieusement, ça doit gêner le roi, au fond. Lui se dit libéral (“Que chacun me salue comme il veut”). Résultat : c'est la confusion dans les esprits des serviteurs de l'Etat. Pour réussir, faut-il être servile ou compétent ? Les deux ? C'est une combinaison plutôt rare, qui explique peut-être pourquoi Mohammed VI puise dans le même vivier, à chaque fois qu'il veut renouveler les walis ou les patrons d'Office… Pourtant, un simple dahir, comme Abdallah d'Arabie, et hop, abolition du geste ! Si Mohammed VI le fait, il dira au peuple : “Je suis un homme comme vous, je n'ai pas de pouvoirs divins. La seule chose que je peux vous garantir, c'est que je ferai de mon mieux”. Vous verrez, messieurs les courtisans scandalisés à la lecture de ces lignes : on l'aimera beaucoup plus spontanément, après ça...
...du double
Difficile d'attaquer le PJD sur ses positions officielles, toujours lisses comme une peau de bébé. Depuis le 16 mai, aucun mot n'est publié par le parti islamiste sans l'aval préalable du secrétariat général. Mais dans leurs sorties publiques, les électrons libres du parti (comme Mustapha Ramid) tiennent un discours plus direct et véhiculent des messages parfois extrémistes, souvent populistes : “Les festivals de la débauche”, “ceux qui ont étudié à la mission sont-ils toujours Marocains”, “le tsunami punition de Dieu contre les homosexuels”, on en passe et des plus nauséabondes. “Nous sommes un parti démocratique qui communique officiellement. Les opinions de nos militants n'engagent qu'eux-mêmes”, répond le secrétariat général. Trop facile… D'abord parce que ces opinions émanent de responsables influents dans le parti, qui encadrent les foules islamistes. Mais surtout, le PJD désavoue rarement (sinon jamais) ses cadres quand ils se lâchent...
…d'être à la merci de la pluie
Qui est le véritable décideur de la politique économique au Maroc ? Le roi ? Les multinationales ? Oualalou ou le FMI ? Vous avez tout faux. Les véritables économistes en chef du royaume s'appellent Stratus et Cumulus. Et ce sont ces nuages qui dictent, selon qu'ils débarquent en nombre ou pas dans nos cieux, l'état de santé du PIB marocain. Pour rappel, l'agriculture pèse pour environ 15% du PIB et seuls 16% des terres cultivées sont irrigués, tandis que les 84% restants dépendent d'une pluviométrie incertaine. Alors, quand Oualalou se gargarise des 7% de croissance, ou quand le Centre marocain de conjoncture balance ses prévisions, n'y prêtez pas trop attention. Contentez-vous de lever les yeux vers le ciel et de chanter : “Goulou lâam zine…”
…d'attendre le métro de Casablanca
La première étude pour le métro à Casablanca date de 1976, quand la société française Transroute s'intéressait aux transports dans la métropole. Depuis, les Bidaouis rêvent de délaisser les taxis pour ce mode de transport qui fait la fierté de certaines capitales arabes. Mais malgré la succession d'études, payées au prix fort, le projet n'a pas avancé d'un iota depuis des décennies. La raison souvent avancée a de quoi arracher un sourire au plus coincé des chauffeurs de bus : il y a “de l'eau” sous Casa. Toutefois, le plan de développement urbain récemment présenté redonne de l'espoir. Il prévoit la mise en place de 3 lignes de tramway, d'une ligne de métro et même d’une ligne RER. Encore une fausse alerte ?
Tout ce qui doit changer
Défoulez-vous !
Ah qu'il était jouissif à faire, ce dossier ! Pour une fois, à la rédaction de TelQuel, nous avons pris le parti de quitter notre réserve professionnelle pour pousser un grand cri de révolte - d'abord en tant que Marocains. Car ce qui nous révolte, au-delà de tout ce qui est listé dans ces 20 pages spéciales, c'est le sentiment de fatalité qui corsète notre société. “Iwa ch'ghan dirou” (qu'est-ce que vous voulez qu'on y fasse), “had chi lli âta'llah” (c'est ce que Dieu a décidé pour nous) ou pire encore : “l'maghrib hada” (c'est le Maroc)… Voilà ce qu'on entend chaque jour, cent fois par jour, en réaction aux mille et un petits riens qui nous énervent, que ce soit dans notre vie quotidienne ou à l'observation (consternée) de la vie publique. Assez ! Le changement, ça commence par la prise de conscience. Non, tout cela n'est plus acceptable. Oui, on y peut quelque chose : dénoncer, pour commencer ; agir ensuite, à chaque fois que c'est possible, pour défendre les valeurs universelles de citoyenneté.
“Y en a marre”, au Maroc, de beaucoup de choses… Cela va de l'article
19 de la Constitution qui nous condamne au régime de monarchie absolue, jusqu'au manque de poubelles ou d'espaces verts dans les villes, en passant par les innombrables manifestations de notre schizophrénie sociale et culturelle. Tous ces motifs de révolte sont justifiés, et nous avons fait le choix de les présenter pêle-mêle, en évitant toute hiérarchisation. Certains d'entre vous se sentiront plus concernés par la réticence des Marocains à faire la queue que par l'absentéisme au Parlement. D'autres seront interpellés par le niveau stratosphérique des impôts, et resteront plutôt indifférents à l'existence d'un Mahmoud Archane dans le landerneau politique. D'autres enfin, s'indigneront sincèrement de la persistance de la torture dans un pays qui se dit “démocratique”, mais vibreront plus fort à des problèmes qui les touchent directement : l'insécurité sur les routes, l'incivisme des copropriétaires, ou encore l'arrogance des fonctionnaires, qui fait de chaque démarche administrative une épreuve pour les nerfs. Bref, chacun y trouvera son compte.
Nous avons listé, dans ce dossier spécial, 90 raisons - ô combien justifiées - de pousser un cri de révolte. Il y en a sans doute des centaines d'autres : toutes ces choses, petites ou grandes, qui nous manquent pour que le Maroc soit un pays développé et démocratique. Continuons de les identifier, et militons ensemble pour les changer. Comme dit la pub, “nous le valons bien”.
A.R.B
...du taux d'analphabétisme à 43%
Les gouvernements passent, le chiffre reste inchangé ou si peu… Si le Maroc a sensiblement amélioré son classement mondial en matière de droits de l'homme ou de condition féminine, il est toujours à la traîne en matière d'alphabétisation, puisque près d'un Marocain sur deux ne sait ni lire ni écrire. C'est pourtant le point de départ de tout effort de développement. Tout au long des dix dernières années, les différentes campagnes de lutte contre l'analphabétisme (dans les mosquées, les écoles et les usines) n'ont pas eu l'effet massif escompté. À qui la faute ?
...de ceux qui confondent laïcité et athéisme
… Et si au moins ils le faisaient de bonne foi ! Mais vu le nombre de fois que la notion de laïcité (système politico-juridique permettant à chacun de vivre et d'exprimer librement sa croyance, quelle qu'elle soit) a été expliquée et réexpliquée, on est en droit d'affirmer ceci : personne ne confond vraiment laïcité et athéisme ; ils font juste semblant. Parce qu'ils n'arrivent pas à contrer les arguments des laïques, qui se fondent pourtant sur une logique universelle. Mais ce qui est universel est-il valable au Maroc ?
...des fonctionnaires arrogants
Public, le service ? Pas pour certains fonctionnaires, on pourrait même dire la majorité. Eux voient ça plutôt comme une accumulation de petites zones d'autorité, avec à la tête de chacune un roitelet tenant en son bec le précieux cachet à légaliser. Et comme chacun sait, le pouvoir c'est comme la culture ; moins on en a, plus on l'étale. Ton hautain, regard condescendant, mauvaise humeur, l'administré lambda subit tous les travers des chefaillons, des sous-chefaillons et des chefaillons autoproclamés. Et comble du dédain, l'administré paye des impôts pour ça.
...de l'interminable feuilleton du Sahara
Osera-t-on un jour poser cette question : combien de Marocains considèrent le Sahara comme la cause nationale n°1 ? Derrière cette “interrogation polémiste” se profile une lassitude plus ou moins généralisée quant à un feuilleton qui n'a que trop duré. Le conflit aura bientôt 35 ans et il continue à mobiliser d'importantes ressources militaires, financières et diplomatiques. A tel point que l'homme de la rue pense dur comme fer que le Sahara a coûté au pays son développement. Aujourd'hui, un projet d'autonomie tente d'apporter une solution que le Maroc souhaite définitive au conflit. Aboutira-t-elle ? Rien n'est moins sûr, vu les résistances que ce projet soulève déjà chez les leaders du Front Polisario et chez nos voisins algériens. Selon toute vraisemblance, c'est reparti pour un tour...
…du baisemain royal
Oui, Mohammed VI ne l'impose pas à tout le monde, on le sait. Mais il ne l'interdit à personne non plus. Du coup, c'est comique : il y en a qui embrassent l'avant-bras, d'autres le coude… Certains hésitent, plongent au jugé, et atterrissent autour de l'aisselle ! Sérieusement, ça doit gêner le roi, au fond. Lui se dit libéral (“Que chacun me salue comme il veut”). Résultat : c'est la confusion dans les esprits des serviteurs de l'Etat. Pour réussir, faut-il être servile ou compétent ? Les deux ? C'est une combinaison plutôt rare, qui explique peut-être pourquoi Mohammed VI puise dans le même vivier, à chaque fois qu'il veut renouveler les walis ou les patrons d'Office… Pourtant, un simple dahir, comme Abdallah d'Arabie, et hop, abolition du geste ! Si Mohammed VI le fait, il dira au peuple : “Je suis un homme comme vous, je n'ai pas de pouvoirs divins. La seule chose que je peux vous garantir, c'est que je ferai de mon mieux”. Vous verrez, messieurs les courtisans scandalisés à la lecture de ces lignes : on l'aimera beaucoup plus spontanément, après ça...
...du double
Difficile d'attaquer le PJD sur ses positions officielles, toujours lisses comme une peau de bébé. Depuis le 16 mai, aucun mot n'est publié par le parti islamiste sans l'aval préalable du secrétariat général. Mais dans leurs sorties publiques, les électrons libres du parti (comme Mustapha Ramid) tiennent un discours plus direct et véhiculent des messages parfois extrémistes, souvent populistes : “Les festivals de la débauche”, “ceux qui ont étudié à la mission sont-ils toujours Marocains”, “le tsunami punition de Dieu contre les homosexuels”, on en passe et des plus nauséabondes. “Nous sommes un parti démocratique qui communique officiellement. Les opinions de nos militants n'engagent qu'eux-mêmes”, répond le secrétariat général. Trop facile… D'abord parce que ces opinions émanent de responsables influents dans le parti, qui encadrent les foules islamistes. Mais surtout, le PJD désavoue rarement (sinon jamais) ses cadres quand ils se lâchent...
…d'être à la merci de la pluie
Qui est le véritable décideur de la politique économique au Maroc ? Le roi ? Les multinationales ? Oualalou ou le FMI ? Vous avez tout faux. Les véritables économistes en chef du royaume s'appellent Stratus et Cumulus. Et ce sont ces nuages qui dictent, selon qu'ils débarquent en nombre ou pas dans nos cieux, l'état de santé du PIB marocain. Pour rappel, l'agriculture pèse pour environ 15% du PIB et seuls 16% des terres cultivées sont irrigués, tandis que les 84% restants dépendent d'une pluviométrie incertaine. Alors, quand Oualalou se gargarise des 7% de croissance, ou quand le Centre marocain de conjoncture balance ses prévisions, n'y prêtez pas trop attention. Contentez-vous de lever les yeux vers le ciel et de chanter : “Goulou lâam zine…”
…d'attendre le métro de Casablanca
La première étude pour le métro à Casablanca date de 1976, quand la société française Transroute s'intéressait aux transports dans la métropole. Depuis, les Bidaouis rêvent de délaisser les taxis pour ce mode de transport qui fait la fierté de certaines capitales arabes. Mais malgré la succession d'études, payées au prix fort, le projet n'a pas avancé d'un iota depuis des décennies. La raison souvent avancée a de quoi arracher un sourire au plus coincé des chauffeurs de bus : il y a “de l'eau” sous Casa. Toutefois, le plan de développement urbain récemment présenté redonne de l'espoir. Il prévoit la mise en place de 3 lignes de tramway, d'une ligne de métro et même d’une ligne RER. Encore une fausse alerte ?
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