C’était déjà defeuillé …Mais après les événements du 11 septembre c’est devenu un cauchemar…
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Mahmoud «Mo» Alafyanouny a été expulsé des Etats-Unis le 4 août et renvoyé vers la Jordanie. Et, elle, sa femme, Rae Johnson, en est à se demander si elle ne va pas le suivre et quitter son Amérique natale pour le Proche-Orient. Mahmoud Alafyanouny vivait aux Etats-Unis depuis dix ans. Il attendait sa carte de résident quand il a été rattrapé par le Patriot Act, la loi antiterroriste passée dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001.
Aucune autorité ne l’avait jamais trouvé suspect. Tout à coup, un juge lui a reproché d’avoir collecté des fonds pour l’OLP quand il était étudiant à Amman, en 1983. Les services de l’immigration sont venus l’arrêter en 2004 dans le magasin de pneus de Dallas où il travaillait. Son avocat a plaidé que l’OLP n’était pas à l’époque sur la liste des organisations terroristes.
L’Immigration a répondu que le Palestinien représentait une «menace à la sécurité nationale». Après deux ans de prison, Mahmoud Alafyanouny a préféré laisser tomber la bataille judiciaire. Il a renoncé et opté pour l’exil.
Rae Johnson a un sourire désabusé. Elle est mariée à un «étranger accusé de s’être livré à des activités terroristes», mais personne ne voit d’inconvénient à ce qu’elle s’occupe de la surveillance des bagages à l’aéroport de Dallas, où elle est employée par l’Agence de sécurité des transports (TSA). Sa fille Angel, 10 ans, est perturbée. Elle a beaucoup grossi. L’autre jour, au collège, un garçon s’est moqué d’elle. La fillette l’a menacé : "Je vais te mettre une bombe dans la tête." Les profs ont pris peur. Elle a été temporairement renvoyée. Rae soupire. Peut-être vaudrait-il mieux recommencer une nouvelle vie, en Jordanie ou à Abou Dhabi.
Nazih Hassan, 36 ans, est informaticien à Ann Arbor, dans le Michigan. Il compare l’époque actuelle au maccarthysme des années 1950. Les gens ont peur de discuter de l’Irak ou du Liban au téléphone, dit-il. Ils évitent de se trouver mêlés à quoi que ce soit qui pourrait ressembler à des «activités hostiles». «On se dit qu’il faut se comporter comme si on vivait dans un régime autoritaire.»
Les associations islamiques estiment qu’un nombre disproportionné de musulmans se trouvent dans les 160 000 étrangers qui ont été expulsés l’an dernier. Le comité arabo-américain contre la discrimination (American-Arab Anti-Discrimination Committee) a porté plainte à plusieurs reprises pour connaître la nationalité des expulsés, mais il n’a jamais eu gain de cause.
Nazih Hassan a fui la guerre civile au Liban en 1988. «Je ne dis pas que j’ai peur mais je surveille ce que je fais, dit-il. C’est venu à un point où je me pose des questions. Si on n’a pas de libertés ici, autant être là-bas, près de sa famille.» Au début de l’année, il s’est joint aux poursuites engagées à Detroit par l’Aclu (American Civil Liberties Union), l’association de défense des libertés publiques, contre les écoutes téléphoniques. Il s’insurge aussi contre le «harcèlement» dont font l’objet les organisations charitables. En cinq ans, les cinq principales fondations islamiques ont été fermées par la cellule antiterroriste du ministère du Trésor. Des millions de dollars ont été gelés dans les banques. Aucun responsable n’a encore été inculpé pour des activités liées au terrorisme. «Il n’y a plus une organisation qui puisse travailler en Palestine», dit le militant.
Le Ramadhan est traditionnellement une occasion de s’acquitter du devoir d’aumône (zakat) prescrit par les textes. Cette année, les associations ont constaté une chute des dons. Les fidèles n’osent plus faire de chèque.
Parfois, ils glissent des enveloppes anonymes qui contiennent des billets de 100 dollars. Ils demandent qu’on ne les sollicite pas par téléphone. Nazih Hassan a un conseil à donner à qui voudra l’entendre : «Si vous voulez gagner les coeurs et les esprits, alors, s’il vous plaît, posez le fouet. Cessez de nous frapper.» Cinq ans après le 11 septembre 2001, la communauté musulmane des Etats-Unis continue à se sentir assiégée. A la pression des pouvoirs publics s’ajoute un climat négatif dans l’opinion publique. Selon le Council on American-Islamic Relations (CAIR), la principale organisation de défense des droits civiques de la communauté musulmane, «l’islamophobie a pris des proportions alarmantes». L’association a publié son rapport annuel en septembre. Le nombre de plaintes pour discrimination et haine raciale s’est élevé à 2 200 l’an dernier. Il a augmenté de 30% entre 2004 et 2005.
Tous les jours, Ibrahim Cooper, le porte-parole de CAIR, compile les incidents qui lui sont signalés par les 32 délégués de l’association. Il laisse de côté «les sandwiches au jambon sur le Coran» et autres provocations, pour ne pas mettre d’huile sur le feu. Mais certains incidents sont jugés suffisamment révélateurs pour justifier d’être dénoncés publiquement. Une vidéo a été tournée en mars dans le Tennessee montrant des hommes qui tiraient à l’arme automatique sur le Coran. A l’université Pace, à New York, un deuxième exemplaire du livre sacré vient d’être trouvé dans les toilettes. «C’est un lieu d’enseignement, on ne peut pas laisser passer cela.» En Floride, des coups de feu ont été tirés contre une mosquée. Selon CAIR, le FBI «enquête tout à fait sérieusement» sur ces incidents. Mais «c’est l’atmosphère dans la société» qui est préoccupante. «Si la fusillade de Floride s’était déroulée contre une synagogue, on en aurait tout de suite entendu parler.» Le 30 octobre, le pasteur protestant David Clippard a réjoui la convention annuelle des baptistes du Missouri en affirmant que les islamistes essayaient d’«établir un Etat islamique à l’intérieur des Etats-Unis» et qu’ils voulaient «ramener Detroit au XVe siècle et y instaurer la chariâ».
La campagne électorale, centrée sur l’Irak et le terrorisme, a renforcé les amalgames. Le représentant Peter King, de New York, s’est fait une spécialité de dénoncer le «radicalisme» dans les mosquées. En Floride, une responsable du Parti républicain local, Mary Ann Hogan, a protesté contre le fait que des communautés aient reçu une aide communale pour organiser la fête de la fin du ramadan. Pendant la même période, «les musulmans en Irak ont tué un plus grand nombre de nos soldats que les mois précédents», a-t-elle souligné. Le recteur local Adel Eldin lui a répondu avec «tristesse» : «Nous n’avons rien à voir avec les musulmans d’Irak. Nous sommes vos voisins.» «On dirait que personne n’a rien appris. Plus on s’éloigne du 11-Septembre, plus les gens deviennent sectaires et plus il y a d’attitudes négatives envers l’islam», explique Geneive Abdo, une chercheuse qui vient de publier un livre (Mecca and Main Street : Muslim Life in America After 9/11) démontant le mythe de la bonne intégration des musulmans américains. Après avoir parcouru le pays pendant deux ans, elle a senti «un sentiment d’aliénation croissant». Selon elle, la nouvelle génération se tourne davantage vers la religion. Sans tomber dans la radicalisation à la manière britannique, les jeunes se replient sur leur communauté. «Ils privilégient leur identité islamique plutôt que leur identité américaine.» On note davantage de voiles, de mosquées, et beaucoup de conversions.
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Mahmoud «Mo» Alafyanouny a été expulsé des Etats-Unis le 4 août et renvoyé vers la Jordanie. Et, elle, sa femme, Rae Johnson, en est à se demander si elle ne va pas le suivre et quitter son Amérique natale pour le Proche-Orient. Mahmoud Alafyanouny vivait aux Etats-Unis depuis dix ans. Il attendait sa carte de résident quand il a été rattrapé par le Patriot Act, la loi antiterroriste passée dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001.
Aucune autorité ne l’avait jamais trouvé suspect. Tout à coup, un juge lui a reproché d’avoir collecté des fonds pour l’OLP quand il était étudiant à Amman, en 1983. Les services de l’immigration sont venus l’arrêter en 2004 dans le magasin de pneus de Dallas où il travaillait. Son avocat a plaidé que l’OLP n’était pas à l’époque sur la liste des organisations terroristes.
L’Immigration a répondu que le Palestinien représentait une «menace à la sécurité nationale». Après deux ans de prison, Mahmoud Alafyanouny a préféré laisser tomber la bataille judiciaire. Il a renoncé et opté pour l’exil.
Rae Johnson a un sourire désabusé. Elle est mariée à un «étranger accusé de s’être livré à des activités terroristes», mais personne ne voit d’inconvénient à ce qu’elle s’occupe de la surveillance des bagages à l’aéroport de Dallas, où elle est employée par l’Agence de sécurité des transports (TSA). Sa fille Angel, 10 ans, est perturbée. Elle a beaucoup grossi. L’autre jour, au collège, un garçon s’est moqué d’elle. La fillette l’a menacé : "Je vais te mettre une bombe dans la tête." Les profs ont pris peur. Elle a été temporairement renvoyée. Rae soupire. Peut-être vaudrait-il mieux recommencer une nouvelle vie, en Jordanie ou à Abou Dhabi.
Nazih Hassan, 36 ans, est informaticien à Ann Arbor, dans le Michigan. Il compare l’époque actuelle au maccarthysme des années 1950. Les gens ont peur de discuter de l’Irak ou du Liban au téléphone, dit-il. Ils évitent de se trouver mêlés à quoi que ce soit qui pourrait ressembler à des «activités hostiles». «On se dit qu’il faut se comporter comme si on vivait dans un régime autoritaire.»
Les associations islamiques estiment qu’un nombre disproportionné de musulmans se trouvent dans les 160 000 étrangers qui ont été expulsés l’an dernier. Le comité arabo-américain contre la discrimination (American-Arab Anti-Discrimination Committee) a porté plainte à plusieurs reprises pour connaître la nationalité des expulsés, mais il n’a jamais eu gain de cause.
Nazih Hassan a fui la guerre civile au Liban en 1988. «Je ne dis pas que j’ai peur mais je surveille ce que je fais, dit-il. C’est venu à un point où je me pose des questions. Si on n’a pas de libertés ici, autant être là-bas, près de sa famille.» Au début de l’année, il s’est joint aux poursuites engagées à Detroit par l’Aclu (American Civil Liberties Union), l’association de défense des libertés publiques, contre les écoutes téléphoniques. Il s’insurge aussi contre le «harcèlement» dont font l’objet les organisations charitables. En cinq ans, les cinq principales fondations islamiques ont été fermées par la cellule antiterroriste du ministère du Trésor. Des millions de dollars ont été gelés dans les banques. Aucun responsable n’a encore été inculpé pour des activités liées au terrorisme. «Il n’y a plus une organisation qui puisse travailler en Palestine», dit le militant.
Le Ramadhan est traditionnellement une occasion de s’acquitter du devoir d’aumône (zakat) prescrit par les textes. Cette année, les associations ont constaté une chute des dons. Les fidèles n’osent plus faire de chèque.
Parfois, ils glissent des enveloppes anonymes qui contiennent des billets de 100 dollars. Ils demandent qu’on ne les sollicite pas par téléphone. Nazih Hassan a un conseil à donner à qui voudra l’entendre : «Si vous voulez gagner les coeurs et les esprits, alors, s’il vous plaît, posez le fouet. Cessez de nous frapper.» Cinq ans après le 11 septembre 2001, la communauté musulmane des Etats-Unis continue à se sentir assiégée. A la pression des pouvoirs publics s’ajoute un climat négatif dans l’opinion publique. Selon le Council on American-Islamic Relations (CAIR), la principale organisation de défense des droits civiques de la communauté musulmane, «l’islamophobie a pris des proportions alarmantes». L’association a publié son rapport annuel en septembre. Le nombre de plaintes pour discrimination et haine raciale s’est élevé à 2 200 l’an dernier. Il a augmenté de 30% entre 2004 et 2005.
Tous les jours, Ibrahim Cooper, le porte-parole de CAIR, compile les incidents qui lui sont signalés par les 32 délégués de l’association. Il laisse de côté «les sandwiches au jambon sur le Coran» et autres provocations, pour ne pas mettre d’huile sur le feu. Mais certains incidents sont jugés suffisamment révélateurs pour justifier d’être dénoncés publiquement. Une vidéo a été tournée en mars dans le Tennessee montrant des hommes qui tiraient à l’arme automatique sur le Coran. A l’université Pace, à New York, un deuxième exemplaire du livre sacré vient d’être trouvé dans les toilettes. «C’est un lieu d’enseignement, on ne peut pas laisser passer cela.» En Floride, des coups de feu ont été tirés contre une mosquée. Selon CAIR, le FBI «enquête tout à fait sérieusement» sur ces incidents. Mais «c’est l’atmosphère dans la société» qui est préoccupante. «Si la fusillade de Floride s’était déroulée contre une synagogue, on en aurait tout de suite entendu parler.» Le 30 octobre, le pasteur protestant David Clippard a réjoui la convention annuelle des baptistes du Missouri en affirmant que les islamistes essayaient d’«établir un Etat islamique à l’intérieur des Etats-Unis» et qu’ils voulaient «ramener Detroit au XVe siècle et y instaurer la chariâ».
La campagne électorale, centrée sur l’Irak et le terrorisme, a renforcé les amalgames. Le représentant Peter King, de New York, s’est fait une spécialité de dénoncer le «radicalisme» dans les mosquées. En Floride, une responsable du Parti républicain local, Mary Ann Hogan, a protesté contre le fait que des communautés aient reçu une aide communale pour organiser la fête de la fin du ramadan. Pendant la même période, «les musulmans en Irak ont tué un plus grand nombre de nos soldats que les mois précédents», a-t-elle souligné. Le recteur local Adel Eldin lui a répondu avec «tristesse» : «Nous n’avons rien à voir avec les musulmans d’Irak. Nous sommes vos voisins.» «On dirait que personne n’a rien appris. Plus on s’éloigne du 11-Septembre, plus les gens deviennent sectaires et plus il y a d’attitudes négatives envers l’islam», explique Geneive Abdo, une chercheuse qui vient de publier un livre (Mecca and Main Street : Muslim Life in America After 9/11) démontant le mythe de la bonne intégration des musulmans américains. Après avoir parcouru le pays pendant deux ans, elle a senti «un sentiment d’aliénation croissant». Selon elle, la nouvelle génération se tourne davantage vers la religion. Sans tomber dans la radicalisation à la manière britannique, les jeunes se replient sur leur communauté. «Ils privilégient leur identité islamique plutôt que leur identité américaine.» On note davantage de voiles, de mosquées, et beaucoup de conversions.
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