L'Unesco vient de rendre public, dans sa version 2010, le rapport sur la science qu'elle publie tous les cinq ans. Par la diversité et la densité des informations qu'il contient, ce rapport est extrêmement instructif, non seulement sur le domaine même de la science, mais également, en filigrane, sur les grandes évolutions de notre monde, particulièrement dominé par "le rôle croissant de la connaissance dans l'économie globale" pour reprendre le titre du premier chapitre du rapport de l'Unesco.
En effet, de toute évidence, de plus en plus, la maîtrise de la science et de la technologie apparaît comme étant au cœur des ressorts les plus essentiels de toute croissance économique réelle et c'est donc bien pourquoi l'ensemble des questions qui s'articulent autour d'elle sont très révélatrices des problèmes structurels que vivent les sociétés contemporaines. Si l'on examine, de ce point de vue, les données fournies par le rapport sur la science 2010 de l'Unesco concernant les pays musulmans, elles sont très intéressantes à analyser.
Pour aller à l'essentiel, je prendrai en considération celles relatives à la production scientifique – il s'agit des sciences naturelles et physiques ainsi que des mathématiques – telles que saisies par les grandes bases de données spécialisées dans le domaine et traitées pour les besoins du rapport. En termes de part relative, pour l'année 2008, la répartition globale est la suivante : pays de l'OCDE (76,4 %), Chine (10,6 %), Inde (3,7 %), Russie (2,7 %) et Brésil (2,7 %). Soit au total, 96,1 % de la production qui est concentrée au niveau de ces grands acteurs de l'économie mondiale ; le "reste" ne représentant que 3,9 %.
En ce qui concerne les pays musulmans, correspondant à l'espace de l'Organisation de la conférence islamique, les données disponibles permettent d'avoir le tableau d'ensemble suivant : Turquie – par ailleurs, membre de l'OCDE – (1,8 %), Monde arabe (1,4 %), Iran (1,1 %), un ensemble Pakistan/Afghanistan/Bangladesh/Indonésie/Malaisie (0,7 %), soit au total 5,0 % de la production scientifique mondiale. Deux autres ensembles appartenant partiellement à l'aire culturelle de l'Islam ne contribuent de leur côté que très faiblement à la production scientifique mondiale : l'Afrique subsaharienne, hors Afrique du sud, pour 0,6 %, et les pays de la Communauté des Etats indépendants d'Asie centrale pour 0,2 %. En partant de l'hypothèse qu'une partie de la production scientifique de ces deux derniers ensembles est générée dans le contexte de pays musulmans, je retiendrai sur les 0,8 % concernés, 0,3 %. Ce qui permet de formuler l'hypothèse raisonnable qu'au final, en 2008, sensiblement 5,3 % de la production scientifique mondiale (986 099 publications recensées) est assurée dans des pays musulmans, soit environ 52 300 publications ; 1,4 % du total des publications, soit 13 574 publications, l'étant dans les pays arabes, saisis comme tels dans le rapport.
UNE PRODUCTION MODESTE
Ces données n'ayant que peu de sens en elles-mêmes doivent, bien sûr, être rapportées à la population des ensembles concernés. Pour ce qui concerne les pays musulmans, la part relative de 5,3 % de la production scientifique mondiale doit être rapportée, toujours en considérant les mêmes espaces – qui ne prennent pas, bien sûr, en considération les minorités musulmanes vivant dans d'autres pays, y compris l'importante minorité d'environ 160 millions de musulmans vivant en Inde – à une population d'environ 1,350 milliards, soit de l'ordre de 20 % de la population mondiale, telle qu'estimée dans le rapport à un total de 6,670 milliards pour 2007. Il est entendu que ces données ne concernent pas l'ensemble des musulmans dans le monde dont la population estimée à 1,600 milliards, représentait, à la même période de l'ordre de 24 % de la population mondiale. En tout état de cause, l'information la plus significative à retenir est celle des contributions relatives : en ce qui concerne les pays musulmans, 20 % de la population mondiale ne contribue qu'à hauteur de 5,3 % de la production scientifique mondiale ; soit 3,77 fois moins eu égard à la population. En ce qui concerne les pays arabes : 4,9 % de la population mondiale (329,2 millions, d'après le rapport) ne contribue qu'à hauteur de 1,4 % de la production scientifique mondiale ; soit 3,50 fois moins eu égard à la population et correspondant à un "décalage" très proche de celui enregistré pour l'ensemble des pays musulmans.
La comparaison avec les performances d'autres régions du monde est très édifiante. Ainsi, l'impact total de l'ensemble des pays musulmans (52 300 publications) se situe entre celui des deux pays de la péninsule ibérique réunis, Espagne et Portugal, avec 42 845 publications ou bien celui de l'Italie avec 45 273 et celui de la France avec 57 133. Celui de tous les pays arabes (13 574) est pratiquement équivalent à celui de la Belgique (13 773), légèrement supérieur à celui d'Israël (10 069) et nettement inférieur à celui de la Suède (16 068) ou de la Suisse (18 156). En termes de nombre de publications par million d'habitant, les pays musulmans se situent à 38,74 et les pays arabes à 41,23 ; la moyenne mondiale étant à 147,82. A titre indicatif, la performance de la Suisse est de 2 388,95, d'Israël de 1 459,28, du Canada de 1 323,37, des Etats-Unis de 1 022,75, de la Corée du sud de 682,94, du Japon de 585,70 et du Brésil de 139,31. La Turquie avec 243,66 publications par million d'habitants et l'Iran avec 150,47 se situent au-dessus de la moyenne mondiale de 147,82. Ce qui est également le cas pour les pays arabes suivants : Emirats arabes unis (147,2), Qatar (152,2), Jordanie (157,1), Tunisie (196,2) et Koweït (222,5). Ceci dit, les seuils les plus élevés atteints par les pays musulmans indiquent clairement qu'ils demeurent modestes et encore très éloignés de ceux réalisés par les pays les plus avancés dans le monde.
Conscient de cette situation qui dure depuis longtemps déjà, un document de la Banque islamique de développement établissait, en 2008, le lucide constat suivant : "Les 57 pays à population majoritairement musulmane ont sensiblement 23 % de la population mondiale, mais moins d'1 % des scientifiques qui produisent moins de 5 % de la science et font à peine 0,1 % des découvertes originales mondiales liées à la recherche chaque année. Les pays musulmans ont un pourcentage négligeable des dépôts de brevets aux Etats-Unis, en Europe et au Japon. Il est encore plus préoccupant que la main-d'œuvre consacrée à la recherche et développement dans les pays musulmans constitue seulement 1,18 % de l'ensemble de la main-d'œuvre en charge de science et technologie". Dans un autre document de la même institution (Dans les pays musulmans, transformer les économies en économies basées sur la connaissance) la première phrase est la suivante : "Les deux problèmes les plus importants auxquels doivent, à l'heure actuelle, faire face les pays musulmans sont : la mondialisation et l'émergence de l'économie basée sur la connaissance".
La suite
En effet, de toute évidence, de plus en plus, la maîtrise de la science et de la technologie apparaît comme étant au cœur des ressorts les plus essentiels de toute croissance économique réelle et c'est donc bien pourquoi l'ensemble des questions qui s'articulent autour d'elle sont très révélatrices des problèmes structurels que vivent les sociétés contemporaines. Si l'on examine, de ce point de vue, les données fournies par le rapport sur la science 2010 de l'Unesco concernant les pays musulmans, elles sont très intéressantes à analyser.
Pour aller à l'essentiel, je prendrai en considération celles relatives à la production scientifique – il s'agit des sciences naturelles et physiques ainsi que des mathématiques – telles que saisies par les grandes bases de données spécialisées dans le domaine et traitées pour les besoins du rapport. En termes de part relative, pour l'année 2008, la répartition globale est la suivante : pays de l'OCDE (76,4 %), Chine (10,6 %), Inde (3,7 %), Russie (2,7 %) et Brésil (2,7 %). Soit au total, 96,1 % de la production qui est concentrée au niveau de ces grands acteurs de l'économie mondiale ; le "reste" ne représentant que 3,9 %.
En ce qui concerne les pays musulmans, correspondant à l'espace de l'Organisation de la conférence islamique, les données disponibles permettent d'avoir le tableau d'ensemble suivant : Turquie – par ailleurs, membre de l'OCDE – (1,8 %), Monde arabe (1,4 %), Iran (1,1 %), un ensemble Pakistan/Afghanistan/Bangladesh/Indonésie/Malaisie (0,7 %), soit au total 5,0 % de la production scientifique mondiale. Deux autres ensembles appartenant partiellement à l'aire culturelle de l'Islam ne contribuent de leur côté que très faiblement à la production scientifique mondiale : l'Afrique subsaharienne, hors Afrique du sud, pour 0,6 %, et les pays de la Communauté des Etats indépendants d'Asie centrale pour 0,2 %. En partant de l'hypothèse qu'une partie de la production scientifique de ces deux derniers ensembles est générée dans le contexte de pays musulmans, je retiendrai sur les 0,8 % concernés, 0,3 %. Ce qui permet de formuler l'hypothèse raisonnable qu'au final, en 2008, sensiblement 5,3 % de la production scientifique mondiale (986 099 publications recensées) est assurée dans des pays musulmans, soit environ 52 300 publications ; 1,4 % du total des publications, soit 13 574 publications, l'étant dans les pays arabes, saisis comme tels dans le rapport.
UNE PRODUCTION MODESTE
Ces données n'ayant que peu de sens en elles-mêmes doivent, bien sûr, être rapportées à la population des ensembles concernés. Pour ce qui concerne les pays musulmans, la part relative de 5,3 % de la production scientifique mondiale doit être rapportée, toujours en considérant les mêmes espaces – qui ne prennent pas, bien sûr, en considération les minorités musulmanes vivant dans d'autres pays, y compris l'importante minorité d'environ 160 millions de musulmans vivant en Inde – à une population d'environ 1,350 milliards, soit de l'ordre de 20 % de la population mondiale, telle qu'estimée dans le rapport à un total de 6,670 milliards pour 2007. Il est entendu que ces données ne concernent pas l'ensemble des musulmans dans le monde dont la population estimée à 1,600 milliards, représentait, à la même période de l'ordre de 24 % de la population mondiale. En tout état de cause, l'information la plus significative à retenir est celle des contributions relatives : en ce qui concerne les pays musulmans, 20 % de la population mondiale ne contribue qu'à hauteur de 5,3 % de la production scientifique mondiale ; soit 3,77 fois moins eu égard à la population. En ce qui concerne les pays arabes : 4,9 % de la population mondiale (329,2 millions, d'après le rapport) ne contribue qu'à hauteur de 1,4 % de la production scientifique mondiale ; soit 3,50 fois moins eu égard à la population et correspondant à un "décalage" très proche de celui enregistré pour l'ensemble des pays musulmans.
La comparaison avec les performances d'autres régions du monde est très édifiante. Ainsi, l'impact total de l'ensemble des pays musulmans (52 300 publications) se situe entre celui des deux pays de la péninsule ibérique réunis, Espagne et Portugal, avec 42 845 publications ou bien celui de l'Italie avec 45 273 et celui de la France avec 57 133. Celui de tous les pays arabes (13 574) est pratiquement équivalent à celui de la Belgique (13 773), légèrement supérieur à celui d'Israël (10 069) et nettement inférieur à celui de la Suède (16 068) ou de la Suisse (18 156). En termes de nombre de publications par million d'habitant, les pays musulmans se situent à 38,74 et les pays arabes à 41,23 ; la moyenne mondiale étant à 147,82. A titre indicatif, la performance de la Suisse est de 2 388,95, d'Israël de 1 459,28, du Canada de 1 323,37, des Etats-Unis de 1 022,75, de la Corée du sud de 682,94, du Japon de 585,70 et du Brésil de 139,31. La Turquie avec 243,66 publications par million d'habitants et l'Iran avec 150,47 se situent au-dessus de la moyenne mondiale de 147,82. Ce qui est également le cas pour les pays arabes suivants : Emirats arabes unis (147,2), Qatar (152,2), Jordanie (157,1), Tunisie (196,2) et Koweït (222,5). Ceci dit, les seuils les plus élevés atteints par les pays musulmans indiquent clairement qu'ils demeurent modestes et encore très éloignés de ceux réalisés par les pays les plus avancés dans le monde.
Conscient de cette situation qui dure depuis longtemps déjà, un document de la Banque islamique de développement établissait, en 2008, le lucide constat suivant : "Les 57 pays à population majoritairement musulmane ont sensiblement 23 % de la population mondiale, mais moins d'1 % des scientifiques qui produisent moins de 5 % de la science et font à peine 0,1 % des découvertes originales mondiales liées à la recherche chaque année. Les pays musulmans ont un pourcentage négligeable des dépôts de brevets aux Etats-Unis, en Europe et au Japon. Il est encore plus préoccupant que la main-d'œuvre consacrée à la recherche et développement dans les pays musulmans constitue seulement 1,18 % de l'ensemble de la main-d'œuvre en charge de science et technologie". Dans un autre document de la même institution (Dans les pays musulmans, transformer les économies en économies basées sur la connaissance) la première phrase est la suivante : "Les deux problèmes les plus importants auxquels doivent, à l'heure actuelle, faire face les pays musulmans sont : la mondialisation et l'émergence de l'économie basée sur la connaissance".
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