Cela s’est passé vendredi dernier. L’évènement est passé inaperçu ou presque, seule la chaîne qatarie Al Jazeera, qui a eu la primeur de l’annoncer, y est allée de ses commentaires. Le fait que sept mouvements islamistes armés parmi les plus importants — Ahrar al Sham, Liwa al Tawhid, Jaich al Islam, Suqour al Sham, Liwa al Haq, Ansar al Islam et le Front islamique kurde — aient décidé de fusionner pour constituer une seule force, le Front islamique, n’est pas anodin dans cette Syrie où le conflit qui dure depuis mars 2011 a fait plus de 120 000 morts dont plus de 11 000 enfants.
Fort de plusieurs dizaines de milliers de combattants – estimés entre 60 000 et 80 000 – le Front islamique se définit comme «une formation socio-politico-militaire indépendante qui vise à faire tomber le régime de Bachar al-Assad et bâtir un Etat islamique» et n’aura «qu’un seul commandement, une seule armée – l’armée de l’Islam – et une seule politique», selon Abou Firas, porte-parole de la plus importante force combattante islamiste d’Alep, la métropole économique syrienne, théâtre d’affrontements sanglants entre les forces de Bachar al Assad et les insurgés islamistes syriens.
A la tête de cette nouvelle organisation armée, quatre hommes : Ahmed Issa (Suqour al Sham) désigné chef du Front islamique, Abou Rated (Liwa el Haq), secrétaire général ; Hassan Aboud (Ahrar al-Sham), chef politique, et Zahran Alloush (Jaish al-Islam) chef militaire. Trois d’entre eux – Ahmed Issa, Zahran Alloush et Hassan Aboud — se sont connus à la prison de Sednaya, au nord de Damas. Libérés après une amnistie décrétée par le régime de Damas en mai 2011, suite aux pressions de la Ligue des Etats arabes, les trois hommes ont aussitôt plongé dans la clandestinité, rejoint l’Armée syrienne libre (ASL), avant de fonder à l’ombre de cette même ASL leurs propres mouvements.
Cela étant, la question est de savoir si la création du Front islamique est en mesure de changer la donne politico-militaire. Saoudiens et Qataris, qui parrainent cette unification, savent que l’atomisation de la mouvance islamiste armée est contreproductive militairement et politiquement.
Aussi, pressions aidant, ont-ils besoin qu’émerge une force islamiste disciplinée donc contrôlable politiquement et «militairement correcte» afin de ne pas laisser le champ militaire libre aux deux branches d’Al-Qaïda, présentes en force sur le terrain, à savoir le Front al-Nosra et l’Etat islamique d’Irak et du Levant (EIIL), avec qui, d’ailleurs, existent de nombreuses passerelles. L’avenir nous dira si les calculs des parrains du Front islamique se réaliseront.
Trois autres raisons au moins ont poussé ces groupes islamistes à s’unifier sous la pression saoudienne et qatarie. La première est l’affaiblissement de l’Armée syrienne libre (ASL).
Ses différentes composantes, tel Ahrar al-Sham, s’en sont éloignées. Son commandement, des officiers déserteurs de l’armée syrienne installés pour la plupart en Turquie, n’est que peu ou pas présent sur le terrain militaire, et n’a aucune autorité ou pas du tout, sur des troupes censées agir sous ses ordres. La seconde est que le régime de Bachar al-Assad aura désormais à faire face à trois forces essentielles – le Front islamique, le Front al-Nosra et l’EIIL — et non à une multitude de forces déchirées par des rivalités, ce qui, selon les calculs des stratèges saoudiens et qataris, compliquera la tâche de Damas. La troisième, politique, est qu’en prévision de la Conférence de Genève, dite «Genève-2», fixée au 22 janvier prochain, l’Arabie saoudite et le Qatar ont un besoin urgent à ce que la Coalition nationale syrienne (CNS, opposition), qui se veut le prolongement politique de l’insurrection armée, participe en position de force dans une négociation qui, si elle a lieu, s’annonce difficile. Car sur le terrain, cela est désormais admis, les forces de Bachar al-Assad marquent de plus en plus de points. Le temps où les insurgés islamistes pensaient ainsi que leurs parrains arabes et occidentaux que le régime de Bachar n’en avait plus pour longtemps, semble bien loin.
Sur la défensive depuis l’été dernier, ils tentent de desserrer l'étau autour de Damas où l’armée de Bachar aidée par le Hezbollah cherche à reprendre le village à majorité chrétienne de Deir Attiya (région de Qalamoun, province de Damas) et à bloquer l'avancée des forces gouvernementales à Alep et dans d’autres régions-clés du pays.
Par Hassane Zerrouky- Le Soir
Fort de plusieurs dizaines de milliers de combattants – estimés entre 60 000 et 80 000 – le Front islamique se définit comme «une formation socio-politico-militaire indépendante qui vise à faire tomber le régime de Bachar al-Assad et bâtir un Etat islamique» et n’aura «qu’un seul commandement, une seule armée – l’armée de l’Islam – et une seule politique», selon Abou Firas, porte-parole de la plus importante force combattante islamiste d’Alep, la métropole économique syrienne, théâtre d’affrontements sanglants entre les forces de Bachar al Assad et les insurgés islamistes syriens.
A la tête de cette nouvelle organisation armée, quatre hommes : Ahmed Issa (Suqour al Sham) désigné chef du Front islamique, Abou Rated (Liwa el Haq), secrétaire général ; Hassan Aboud (Ahrar al-Sham), chef politique, et Zahran Alloush (Jaish al-Islam) chef militaire. Trois d’entre eux – Ahmed Issa, Zahran Alloush et Hassan Aboud — se sont connus à la prison de Sednaya, au nord de Damas. Libérés après une amnistie décrétée par le régime de Damas en mai 2011, suite aux pressions de la Ligue des Etats arabes, les trois hommes ont aussitôt plongé dans la clandestinité, rejoint l’Armée syrienne libre (ASL), avant de fonder à l’ombre de cette même ASL leurs propres mouvements.
Cela étant, la question est de savoir si la création du Front islamique est en mesure de changer la donne politico-militaire. Saoudiens et Qataris, qui parrainent cette unification, savent que l’atomisation de la mouvance islamiste armée est contreproductive militairement et politiquement.
Aussi, pressions aidant, ont-ils besoin qu’émerge une force islamiste disciplinée donc contrôlable politiquement et «militairement correcte» afin de ne pas laisser le champ militaire libre aux deux branches d’Al-Qaïda, présentes en force sur le terrain, à savoir le Front al-Nosra et l’Etat islamique d’Irak et du Levant (EIIL), avec qui, d’ailleurs, existent de nombreuses passerelles. L’avenir nous dira si les calculs des parrains du Front islamique se réaliseront.
Trois autres raisons au moins ont poussé ces groupes islamistes à s’unifier sous la pression saoudienne et qatarie. La première est l’affaiblissement de l’Armée syrienne libre (ASL).
Ses différentes composantes, tel Ahrar al-Sham, s’en sont éloignées. Son commandement, des officiers déserteurs de l’armée syrienne installés pour la plupart en Turquie, n’est que peu ou pas présent sur le terrain militaire, et n’a aucune autorité ou pas du tout, sur des troupes censées agir sous ses ordres. La seconde est que le régime de Bachar al-Assad aura désormais à faire face à trois forces essentielles – le Front islamique, le Front al-Nosra et l’EIIL — et non à une multitude de forces déchirées par des rivalités, ce qui, selon les calculs des stratèges saoudiens et qataris, compliquera la tâche de Damas. La troisième, politique, est qu’en prévision de la Conférence de Genève, dite «Genève-2», fixée au 22 janvier prochain, l’Arabie saoudite et le Qatar ont un besoin urgent à ce que la Coalition nationale syrienne (CNS, opposition), qui se veut le prolongement politique de l’insurrection armée, participe en position de force dans une négociation qui, si elle a lieu, s’annonce difficile. Car sur le terrain, cela est désormais admis, les forces de Bachar al-Assad marquent de plus en plus de points. Le temps où les insurgés islamistes pensaient ainsi que leurs parrains arabes et occidentaux que le régime de Bachar n’en avait plus pour longtemps, semble bien loin.
Sur la défensive depuis l’été dernier, ils tentent de desserrer l'étau autour de Damas où l’armée de Bachar aidée par le Hezbollah cherche à reprendre le village à majorité chrétienne de Deir Attiya (région de Qalamoun, province de Damas) et à bloquer l'avancée des forces gouvernementales à Alep et dans d’autres régions-clés du pays.
Par Hassane Zerrouky- Le Soir
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