Le bref séjour d’Abdallah al-Senoussi au Maroc comporte bien de zones d’ombres. L’ancien chef des renseignements libyens détient des secrets compromettants pour Paris, mais aussi peut-être pour Rabat, qui a offert l’asile temporaire à d’autres kadhafistes.
C'est l'un des personnages-clés du régime Khadafi qui vient d'être arrêté en Mauritanie, alors qu'il arrivait du Maroc. Abdallah al-Senoussi était un pilier de l'ancien régime libyen: il était le puissant patron des services secrets libyens mais aussi le beau-frère du colonel Khadafi. L'homme est accusé de crimes contre l'humanité. Il est recherché par la Cour pénale internationale (CPI). Mais la France s'y intéresse aussi, il est le principal accusé dans l'explosion au-dessus du Niger d'un avion de la compagnie UTA transportant 170 personnes dont 54 français. En 1999, la justice française l'avait condamnée par contumace à la réclusion à perpétuité pour cet acte terroriste.
Drôle de cavale de Tripoli à Nouackchott
Fin de cavale donc pour cet ex-homme fort de Tripoli qui a été arrêté le 18 mars, à l’aéroport de Nouakchott à bord d’un vol régulier en provenance de Casablanca? En novembre 2011, le Conseil national de transition (CNT) avait annoncé son arrestation dans le sud désertique libyen aux confins de la frontière avec le Niger avant de se rétracter. Aucune information n'était plus disponible sur cet énigmatique personnage. Les hommes du CNT avaient, dit-on, perdu sa trace. Et plus personne ne parlait de lui dans le chaos libyen.
Celui qui a soutenu le colonel Khadafi jusqu'à sa chute a longtemps présidé le service de renseignements militaires, qui, selon l'acte d'accusation de la Cour pénale internationale, était l'un des organes de répression les plus terribles du régime déchu. Selon la CPI, le service qu'il dirigeait s'est rendu coupable de meurtres, de persécutions de civils pendant la révolution.
La Cour estime qu'à Bengazhi, bastion des insurgés, la population a été victime d’atrocités commises par les forces de sécurité sous les ordres d'Abdallah al-Senoussi. Il est aussi accusé d'avoir en 1996 réprimé violemment une émeute dans la prison d’Abou Salim située au cœur de la capitale libyenne, où plus d'un millier de prisonniers avaient été sommairement exécutés.
Une importante délégation du CNT libyen s’est déplacée à Nouakchott pour obtenir son extradition demandée aussi bien par la justice française que par le nouveau pouvoir à Tripoli. D’intenses tractations seraient en cours avec la Mauritanie qui aurait déjà donné son accord de principe pour livrer celui qui détient le plus de secrets sur l’ancien guide de la Jamahiriyah. Ceci-dit, Nouackchott souffle toujours le chaud et le froid sur ses intentions. Elle n'a pas signé le traité instituant la CPI et rien ne l'oblige en droit à livrer le suspect à la Cour qui siège à La Haye.
Un mystérieux séjour au Maroc
Avant son interception à l’aéroport de Nouackchott, Al-Senoussi aurait en fait passé plusieurs semaines au Maroc, après avoir passé les frontières du royaume muni, selon la version officielle, d’un passeport malien falsifié. «Mais son périple en mode incognito sera de courte durée. Les services de renseignement marocains le mettent assez vite sous surveillance et informent leurs homologues mauritaniens des détails de son vol» rapporte TelQuel. Pourquoi ne pas l’avoir arrêté au Maroc dans ce cas?
Sur le plan économique, et malgré les dénégations officielles du Maroc sur la présence d’actifs liés à la famille du Guide déchu, la Libye avait entrepris d’investir dans le pays. Exemple parmi d’autres, la compagnie Libya Oil Holding (LOH) dirigée alors par Ali Shamekh «Monsieur pétrole» historique de Mouammar Kadhafi, a repris en 2008 les 182 stations-services d'Exxon-Mobil, rebaptisées Oilibya. C'est aussi depuis Casablanca que LOH gère toutes ses filiales africaines, via African Corporate Services.
En mars 2011, en pleine révolution libyenne, le palais avait cherché à ménager le pouvoir de Kadhafi. L'ambassade libyenne à Rabat, désertée par les diplomates du régime, avait été investie par des Libyens se réclamant du CNT. Mais les autorités marocaines qui n’avaient pas encore reconnu leur légitimité leur avaient interdit de lever le drapeau tricolore arboré par les insurgés. A l’époque, le Maroc était farouchement opposé à une intervention de l’OTAN en Libye.
Le réchauffement des relations entre Tripoli et Rabat n’a pu se faire qu’à l’aune de contacts entre leurs services secrets respectifs et probablement aussi sous les auspices de la France. Une relation triangulaire que l’on retrouve dans certains dossiers où al-Senoussi est omniprésent et dont Paris et Rabat préféreraient à l’évidence que l’on taise.
Opération «Popcorn»
Abdallah al-Senoussi, en sa qualité de chef du renseignement militaire, était le client d’Amesys (une filale de Bull), l’entreprise française ayant vendu à Tripoli son système EAGLE de surveillance d’Internet. Avec la chute de Kadhafi, le Wall Street Journal avait mis la main sur les dossiers de ce système qui permettait de contrôler les messageries mail et les conversations instantanées (chats), ainsi que les vidéoconférences effectuées avec Skype. Amesys est liée à l’homme d’affaires Ziad Takieddine, un marchand d’armes impliqué dans d’embarrassants trafics d’armement qui a introduit le système dès 2006 en Libye. Or, il se trouve que le même système de surveillance aurait été vendu au Maroc comme l’a révélé le Canard Enchaîné. La distribution du numéro du Canard Enchaîné qui révélait l’affaire et comprenait une caricature du roi avait été perturbée au Maroc.
Le contrat, dénommé «Projet Popcorn» d’un montant de 2 millions de dollars devait assurer aux services de renseignement marocains la livraison d’ordinateurs et de disques durs de stockage, mais surtout l’installation du fameux logiciel d’espionnage EAGLE.
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C'est l'un des personnages-clés du régime Khadafi qui vient d'être arrêté en Mauritanie, alors qu'il arrivait du Maroc. Abdallah al-Senoussi était un pilier de l'ancien régime libyen: il était le puissant patron des services secrets libyens mais aussi le beau-frère du colonel Khadafi. L'homme est accusé de crimes contre l'humanité. Il est recherché par la Cour pénale internationale (CPI). Mais la France s'y intéresse aussi, il est le principal accusé dans l'explosion au-dessus du Niger d'un avion de la compagnie UTA transportant 170 personnes dont 54 français. En 1999, la justice française l'avait condamnée par contumace à la réclusion à perpétuité pour cet acte terroriste.
Drôle de cavale de Tripoli à Nouackchott
Fin de cavale donc pour cet ex-homme fort de Tripoli qui a été arrêté le 18 mars, à l’aéroport de Nouakchott à bord d’un vol régulier en provenance de Casablanca? En novembre 2011, le Conseil national de transition (CNT) avait annoncé son arrestation dans le sud désertique libyen aux confins de la frontière avec le Niger avant de se rétracter. Aucune information n'était plus disponible sur cet énigmatique personnage. Les hommes du CNT avaient, dit-on, perdu sa trace. Et plus personne ne parlait de lui dans le chaos libyen.
Celui qui a soutenu le colonel Khadafi jusqu'à sa chute a longtemps présidé le service de renseignements militaires, qui, selon l'acte d'accusation de la Cour pénale internationale, était l'un des organes de répression les plus terribles du régime déchu. Selon la CPI, le service qu'il dirigeait s'est rendu coupable de meurtres, de persécutions de civils pendant la révolution.
La Cour estime qu'à Bengazhi, bastion des insurgés, la population a été victime d’atrocités commises par les forces de sécurité sous les ordres d'Abdallah al-Senoussi. Il est aussi accusé d'avoir en 1996 réprimé violemment une émeute dans la prison d’Abou Salim située au cœur de la capitale libyenne, où plus d'un millier de prisonniers avaient été sommairement exécutés.
Une importante délégation du CNT libyen s’est déplacée à Nouakchott pour obtenir son extradition demandée aussi bien par la justice française que par le nouveau pouvoir à Tripoli. D’intenses tractations seraient en cours avec la Mauritanie qui aurait déjà donné son accord de principe pour livrer celui qui détient le plus de secrets sur l’ancien guide de la Jamahiriyah. Ceci-dit, Nouackchott souffle toujours le chaud et le froid sur ses intentions. Elle n'a pas signé le traité instituant la CPI et rien ne l'oblige en droit à livrer le suspect à la Cour qui siège à La Haye.
Un mystérieux séjour au Maroc
Avant son interception à l’aéroport de Nouackchott, Al-Senoussi aurait en fait passé plusieurs semaines au Maroc, après avoir passé les frontières du royaume muni, selon la version officielle, d’un passeport malien falsifié. «Mais son périple en mode incognito sera de courte durée. Les services de renseignement marocains le mettent assez vite sous surveillance et informent leurs homologues mauritaniens des détails de son vol» rapporte TelQuel. Pourquoi ne pas l’avoir arrêté au Maroc dans ce cas?
«Rabat ne voulait pas s’impliquer directement dans cette affaire. Plusieurs mandats d’arrêt internationaux ont été lancés contre al-Senoussi, ce qui rend son extradition assez problématique», explique une source citée par TelQuel.
Cette thèse est pourtant mise en doute par certains médias marocains comme Demain Online qui font allusion aux rapports ambigus qu’a pu avoir le proche collaborateur de Kadhafi avec les services de renseignement marocains. Alors que l’ex-dictateur avait normalisé ses relations avec l’Occident et notamment la France, le Maroc qui avait pu obtenir du régime de Kadhafi sa neutralité sur le conflit du Sahara Occidental avait aussi tissé les liens d’intérêt avec Tripoli. Sur le plan économique, et malgré les dénégations officielles du Maroc sur la présence d’actifs liés à la famille du Guide déchu, la Libye avait entrepris d’investir dans le pays. Exemple parmi d’autres, la compagnie Libya Oil Holding (LOH) dirigée alors par Ali Shamekh «Monsieur pétrole» historique de Mouammar Kadhafi, a repris en 2008 les 182 stations-services d'Exxon-Mobil, rebaptisées Oilibya. C'est aussi depuis Casablanca que LOH gère toutes ses filiales africaines, via African Corporate Services.
En mars 2011, en pleine révolution libyenne, le palais avait cherché à ménager le pouvoir de Kadhafi. L'ambassade libyenne à Rabat, désertée par les diplomates du régime, avait été investie par des Libyens se réclamant du CNT. Mais les autorités marocaines qui n’avaient pas encore reconnu leur légitimité leur avaient interdit de lever le drapeau tricolore arboré par les insurgés. A l’époque, le Maroc était farouchement opposé à une intervention de l’OTAN en Libye.
Le réchauffement des relations entre Tripoli et Rabat n’a pu se faire qu’à l’aune de contacts entre leurs services secrets respectifs et probablement aussi sous les auspices de la France. Une relation triangulaire que l’on retrouve dans certains dossiers où al-Senoussi est omniprésent et dont Paris et Rabat préféreraient à l’évidence que l’on taise.
Opération «Popcorn»
Abdallah al-Senoussi, en sa qualité de chef du renseignement militaire, était le client d’Amesys (une filale de Bull), l’entreprise française ayant vendu à Tripoli son système EAGLE de surveillance d’Internet. Avec la chute de Kadhafi, le Wall Street Journal avait mis la main sur les dossiers de ce système qui permettait de contrôler les messageries mail et les conversations instantanées (chats), ainsi que les vidéoconférences effectuées avec Skype. Amesys est liée à l’homme d’affaires Ziad Takieddine, un marchand d’armes impliqué dans d’embarrassants trafics d’armement qui a introduit le système dès 2006 en Libye. Or, il se trouve que le même système de surveillance aurait été vendu au Maroc comme l’a révélé le Canard Enchaîné. La distribution du numéro du Canard Enchaîné qui révélait l’affaire et comprenait une caricature du roi avait été perturbée au Maroc.
Le contrat, dénommé «Projet Popcorn» d’un montant de 2 millions de dollars devait assurer aux services de renseignement marocains la livraison d’ordinateurs et de disques durs de stockage, mais surtout l’installation du fameux logiciel d’espionnage EAGLE.
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