
Le Monde : Le printemps arabe peut-il être de nature à restaurer l'image des Etats-Unis ?
Zbigniew Brzezinski* Ce que l'on appelle le " printemps arabe " n'est pas pro-américain. C'est une réaction contre des régimes corrompus, inefficaces et répressifs. C'est une réaction profondément émotionnelle mais à mon avis, beaucoup moins démocratique dans sa nature et son leadership que le printemps d'Europe centrale. Ce mouvement-là était un mouvement pour l'indépendance et la démocratie, il avait à la fois des dirigeants et un soutien populaire fondamentalement dévoué aux idéaux démocratiques.
Ce n'est pas le cas de ce " printemps arabe ", qui est essentiellement un mouvement populiste. La comparaison souvent faite par les médias avec ce qui s'est passé en 1989 en Europe centrale n'est pas la bonne : je ne vois pas les Walesa, les Michnik, les Havel ici, ni le soutien populaire organisé dont ils bénéficiaient.
Je ne suis pas très optimiste, dans ce sens que je doute fort que nous voyions émerger d'authentiques institutions démocratiques en Libye, en Egypte, ou demain en Syrie, au Yémen, ou après-demain en Arabie saoudite. Et je ne crois pas que les Occidentaux puissent faire quoi que ce soit : l'Occident n'a pas grande crédibilité au Moyen-Orient. On y voit encore les Français et les Britanniques avec beaucoup de suspicion, l'Amérique a déçu et les Russes ne comptent pas. Il faudra que les pays arabes se débrouillent seuls, pays par pays.
Propos recueillis par Sylvie Kauffmann Pour le Monde
* Zbigniew Brzezinski fut le conseiller a la sécurité nationale du président Jimmy Carter. Il reste, aujourd'hui l'un des meilleurs experts des relations internationales.
Commentaire