Rattacher la Wallonie et Bruxelles à la France comme le souhaite un nombre croissant de Belges aurait un coût pour la Sécurité sociale et la dette, mais permettrait à Paris de faire jeu égal, économiquement, avec Berlin.
Et si l'avenir des Wallons passait par la France? Pour les Belges francophones, ce scénario ne relèvent plus totalement du fantasme. 27% d'entre eux estiment désormais que leur pays va disparaître selon un sondage Ifop publié par le Journal du dimanche. Surtout, ils ne sont plus que 48% à croire en l'avenir de la Belgique – un recul de trente points en quatre ans. Or si leur royaume devait éclater, 39% des Wallons interrogés se disent favorables au rattachement de leur région à la France, sans doute encouragés par les avances faites en ce sens par plusieurs responsables politiques français (Jean-Pierre Chevènement, Jean-Louis Borloo, Marine Le Pen...).
En quoi cette décision changerait-elle le visage économique de la France? En intégrant la Wallonie et la région de Bruxelles (le scénario privilégié par les "rattachistes" belges), la population hexagonale passerait de 63,1 à 67,7 millions d'habitants, se rapprochant un peu plus vite d'une Allemagne à la démographie chancelante (81 millions).
Et le poids de ces deux entités dans l'économie française serait loin d'être ridicule. Les PIB de la Wallonie (79,7 milliards d'euros) et de Bruxelles (65,6 milliards) en 2009 les classent respectivement au huitième et dixième rangs des régions françaises. Très loin, c'est vrai, de l'Ile-de-France (552 milliards), des régions Rhône-Alpes (181 milliards) et PACA (138 milliards), mais au-dessus de l'Alsace, du Limousin ou encore de la Haute-Normandie… En intégrant ses voisins belges, la France verrait ainsi son produit intérieur brut passer le cap symbolique des 2.000 milliards d'euros. De quoi faire jeu égal avec l'Allemagne, si l'on rapporte ce PIB au nombre d'habitants…
La France et la Belgique unies contre l'Allemagne
En Belgique, ceux qui osent défendre ce scénario peinent à se faire entendre dans les médias. Mais avec la crise de la dette dans la zone euro, ils ont un argument de poids pour convaincre les sceptiques: "C'est une occasion historique pour la France, s'enflamme Paul-Henry Gendebien, coprésident du Rassemblement Wallonie France (RWF). Paris a tout intérêt à se consolider à côté de l'Allemagne, surtout si l'euro venait à éclater…" Le docteur en droit souligne les relations déjà solides des deux économies: "40% des grands groupes actifs en Wallonie et à Bruxelles sont Français. Fortis dans la banque, c'est BNP-Paribas. L'énergie, c'est GDF-Suez. L'assurance, c'est Axa. Et Petrofina, c'est Total! L'intégration économique serait aisée. Surtout avec les liens personnels qui unissent les milieux d'affaires des deux pays." Comprendre: la relation particulière entre Albert Frère et ses voisins français, dont Nicolas Sarkozy.
Si le rattachement de la Wallonie et de Bruxelles à la France n'aurait rien de commun avec la réunification allemande ("la Belgique n'est pas la RDA de la France", proclame le fondateur du RWF), il ne se ferait pas pour autant sans heurts. Le Budget hexagonal hériterait d'une partie de la dette du royaume, actuellement d'environ 360 milliards d'euros. Aucune loi internationale ne fixe les règles en cas de scission d'un pays. Tout se joue au rapport de forces. "Si on prend en compte le poids de la Flandre dans l'économie belge, on peut estimer que la Wallonie et Bruxelles doivent supporter 40% de la dette publique belge." Soit un peu plus de 140 milliards d'euros. Ce qui alourdirait la dette française en volume, mais l'allègerait d'un demi-point en pourcentage du PIB. En ces temps de disette, il n'y a pas de petit profit.
Des taux de chômage très élevés
La principale difficulté –pour autant qu'on se tienne au domaine économique- serait l'intégration des nouveaux habitants dans le système français. En Wallonie comme à Bruxelles le marché du travail est asthénique. Les taux de chômage y sont largement supérieurs à la moyenne française (9,2%): 11,7% en Wallonie et 17,4% à Bruxelles. A titre de comparaison, la région française la moins bien lotie en la matière est le Languedoc-Roussillon, avec 12,9%.
Frappées par la fin de la sidérurgie en Wallonie, les deux régions figureraient parmi les plus pauvres de France en cas de rattachement. Avec, en 2008, un revenu disponible par habitant autour de 17.000 euros, les 4,6 nouveaux millions de "Franco-Belges" disputeraient les dernières places du classement au Nord-Pas-de-Calais, (17.259 euros en 2008) et à la Corse (17.903 euros). De qui plomber un peu plus les comptes de la Sécurité sociale.
"C'est vrai qu'en termes de niveau de vie, il y a un écart par rapport à la France et au reste de l'Europe, reconnaît Paul-Henry Gendebien. Mais on ne peut dissocier l'économique et le politique. Pensez aux opportunités diplomatiques que représente Bruxelles..." Et de citer Jacques Attali, observateur-prophète du déclin français, dans un texte datant de 2008: "Le prix à payer pour la France serait sûrement plus faible que ce que cela lui rapporterait, ne serait-ce que par l’augmentation de ses droits de vote dans les institutions européennes."
Jérôme Lefilliatre
La France avec la Wallonie (DR)
Et si l'avenir des Wallons passait par la France? Pour les Belges francophones, ce scénario ne relèvent plus totalement du fantasme. 27% d'entre eux estiment désormais que leur pays va disparaître selon un sondage Ifop publié par le Journal du dimanche. Surtout, ils ne sont plus que 48% à croire en l'avenir de la Belgique – un recul de trente points en quatre ans. Or si leur royaume devait éclater, 39% des Wallons interrogés se disent favorables au rattachement de leur région à la France, sans doute encouragés par les avances faites en ce sens par plusieurs responsables politiques français (Jean-Pierre Chevènement, Jean-Louis Borloo, Marine Le Pen...).
En quoi cette décision changerait-elle le visage économique de la France? En intégrant la Wallonie et la région de Bruxelles (le scénario privilégié par les "rattachistes" belges), la population hexagonale passerait de 63,1 à 67,7 millions d'habitants, se rapprochant un peu plus vite d'une Allemagne à la démographie chancelante (81 millions).
Et le poids de ces deux entités dans l'économie française serait loin d'être ridicule. Les PIB de la Wallonie (79,7 milliards d'euros) et de Bruxelles (65,6 milliards) en 2009 les classent respectivement au huitième et dixième rangs des régions françaises. Très loin, c'est vrai, de l'Ile-de-France (552 milliards), des régions Rhône-Alpes (181 milliards) et PACA (138 milliards), mais au-dessus de l'Alsace, du Limousin ou encore de la Haute-Normandie… En intégrant ses voisins belges, la France verrait ainsi son produit intérieur brut passer le cap symbolique des 2.000 milliards d'euros. De quoi faire jeu égal avec l'Allemagne, si l'on rapporte ce PIB au nombre d'habitants…
La France et la Belgique unies contre l'Allemagne
En Belgique, ceux qui osent défendre ce scénario peinent à se faire entendre dans les médias. Mais avec la crise de la dette dans la zone euro, ils ont un argument de poids pour convaincre les sceptiques: "C'est une occasion historique pour la France, s'enflamme Paul-Henry Gendebien, coprésident du Rassemblement Wallonie France (RWF). Paris a tout intérêt à se consolider à côté de l'Allemagne, surtout si l'euro venait à éclater…" Le docteur en droit souligne les relations déjà solides des deux économies: "40% des grands groupes actifs en Wallonie et à Bruxelles sont Français. Fortis dans la banque, c'est BNP-Paribas. L'énergie, c'est GDF-Suez. L'assurance, c'est Axa. Et Petrofina, c'est Total! L'intégration économique serait aisée. Surtout avec les liens personnels qui unissent les milieux d'affaires des deux pays." Comprendre: la relation particulière entre Albert Frère et ses voisins français, dont Nicolas Sarkozy.
Si le rattachement de la Wallonie et de Bruxelles à la France n'aurait rien de commun avec la réunification allemande ("la Belgique n'est pas la RDA de la France", proclame le fondateur du RWF), il ne se ferait pas pour autant sans heurts. Le Budget hexagonal hériterait d'une partie de la dette du royaume, actuellement d'environ 360 milliards d'euros. Aucune loi internationale ne fixe les règles en cas de scission d'un pays. Tout se joue au rapport de forces. "Si on prend en compte le poids de la Flandre dans l'économie belge, on peut estimer que la Wallonie et Bruxelles doivent supporter 40% de la dette publique belge." Soit un peu plus de 140 milliards d'euros. Ce qui alourdirait la dette française en volume, mais l'allègerait d'un demi-point en pourcentage du PIB. En ces temps de disette, il n'y a pas de petit profit.
Des taux de chômage très élevés
La principale difficulté –pour autant qu'on se tienne au domaine économique- serait l'intégration des nouveaux habitants dans le système français. En Wallonie comme à Bruxelles le marché du travail est asthénique. Les taux de chômage y sont largement supérieurs à la moyenne française (9,2%): 11,7% en Wallonie et 17,4% à Bruxelles. A titre de comparaison, la région française la moins bien lotie en la matière est le Languedoc-Roussillon, avec 12,9%.
Frappées par la fin de la sidérurgie en Wallonie, les deux régions figureraient parmi les plus pauvres de France en cas de rattachement. Avec, en 2008, un revenu disponible par habitant autour de 17.000 euros, les 4,6 nouveaux millions de "Franco-Belges" disputeraient les dernières places du classement au Nord-Pas-de-Calais, (17.259 euros en 2008) et à la Corse (17.903 euros). De qui plomber un peu plus les comptes de la Sécurité sociale.
"C'est vrai qu'en termes de niveau de vie, il y a un écart par rapport à la France et au reste de l'Europe, reconnaît Paul-Henry Gendebien. Mais on ne peut dissocier l'économique et le politique. Pensez aux opportunités diplomatiques que représente Bruxelles..." Et de citer Jacques Attali, observateur-prophète du déclin français, dans un texte datant de 2008: "Le prix à payer pour la France serait sûrement plus faible que ce que cela lui rapporterait, ne serait-ce que par l’augmentation de ses droits de vote dans les institutions européennes."
Jérôme Lefilliatre

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