Au Maroc, en 2011, mieux vaut militer pour Israël que pour la démocratie ou la Palestine
publié le mardi 7 juin 2011
Source : Oumma.com
L’autocratie est un tout : elle étend ses tentacules dans l’économie, l’associatif, le religieux, le sécuritaire, la justice, la culture – il est donc normal qu’elle touche de manière encore plus affirmée le domaine de la politique étrangère.
L’autocratie est, contrairement à ce que l’on croit souvent, une faiblesse dans le domaine de la politique étrangère. Le monde arabe en offre l’exemple, avec ses régimes autocratiques le plus souvent – ces dernières années du moins – supplétifs des initiatives diplomatiques et militaires occidentales au Moyen-Orient. Il n’est pas anodin que le pays de la région ayant affirmé avec le plus de force son rôle et ses intérêts ces dernières années est la Turquie, en phase de démilitarisation et de démocratisation accélérée depuis l’arrivée au pouvoir de l’AKP en 2002 – c’est sur un vote de l’assemblée nationale turque que la Turquie refusa non seulement sa participation à la guerre d’agression étatsunienne contre l’Irak en 2003, mais aussi tout passage de troupes étatsuniennes et supplétives (OTAN et affiliés) sur son territoire.
Les autocraties arabes dites modérées – parce que favorables aux Etats-Unis – en furent réduites à leur sempiternel chantage de la peur des « réactions de la rue » – la fameuse « rue arabe », terme orientaliste et méprisant (on n’a jamais entendu parler de la « rue israëlienne », de la « rue française » ou de la rue « étatsunienne » – dans les pays de haute civilisation, rue se dit opinion publique).
Le Maroc ne déroge pas à la règle. Alors que l’opinion publique marocaine est l’une des plus engagées en faveur de la cause palestinienne et des plus opposées aux interventions militaires occidentales dans le monde arabe – comme en témoignent d’ailleurs les manifestations géantes de 1991 (contre la première guerre d’Irak), 2002 (contre la répression sanglante de la deuxième intifada) et 2003 (contre l’invasion de l’Irak) qui regroupèrent des millions de manifestants – la politique gouvernementale marocaine a été d’une pusillanimité et d’un suivisme constants vis-à-vis de ses parrains étrangers – principalement les Etats-Unis, Israël, l’Arabie séoudite et les Emirats arabes unis.
Envoi d’un contingent marocain au Shaba (République démocratique du Congo) en 1978, envois de contingents permanents des FAR pour protéger les régimes des Emirats arabes unis (6.000 soldats des FAR) et de la Guinée équatoriale (350 soldats des FAR formant la garde présidentielle) et participation symbolique d’un contingent des FAR à la guerre contre l’Irak en 1991 ; le Maroc a fidèlement continué à fournir des supplétifs – tels les goumiers se battant sous uniforme français sous le protectorat – à des entreprises étrangères à la défense du pays ou au maintien de la paix (à l’exception de la guerre contre l’Irak en 1991, couverte par le Conseil de sécurité de l’ONU).
Jamais l’approbation populaire ou parlementaire n’a été recherchée.
Dans le domaine diplomatique, on ne relève qu’un seul cas où l’approbation populaire a été cherchée par le pouvoir : le traité d’union éphémère signé avec la Libye à Oujda le 13 août 1984 fut soumis à un de ces plébiscites de pure forme auquel le Maroc est habitué depuis 1962 – 99,97% des suffrages exprimés se portèrent officiellement en faveur de ce traité. Sinon, que ce soit pour les textes commerciaux – accords de libre-échange avec l’Union européenne ou les Etats-Unis – ou les décisions symboliques importantes – l’ouverture de bureaux de liaisons marocain à Tel Aviv et israëlien à Rabat – l’implication populaire est nulle, et celle du parlement (ou de ce qui en tient lieu au Maroc) sans conséquence – le parlement marocain a ainsi approuvé l’accord de libre-échange avec les Etats-Unis dans sa seule version anglaise, langue dont la maîtrise par les honorables parlementaires marocains était un secret bien gardé jusque-là.
Jamais la thèse selon laquelle la politique étrangère serait distincte de la politique intérieure n’a été plus fallacieuse que dans le cas du Maroc de ces dernières années – les accords de libre-échange avec l’UE et les Etats-Unis produisent ainsi des effets économiques néfastes notamment pour la balance commerciale, sans que ces conséquences aient été largement discutées avec ceux qui auront à les subir, comme le souligne Najib Akesbi. Cette négation de la souveraineté populaire produit ses effets dans les domaines les plus divers – et les retournements de veste du pouvoir sont rapides : sous la présidence Bush, les autorités marocaines donnèrent leur accord à l’organisation d’un concert public évangélique à Marrakech en 2006 pour expulser manu militari des dizaines d’évangélistes en 2010 sous une présidence Obama beaucoup moins prosélyte que celle de son prédecesseur.
Plus récemment, on a eu la spectaculaire rupture des relations diplomatiques avec le Vénézuela (prétexte officiel : contact officiel pris par le Vénézuela avec le Polisario – motif réel : se signaler au lobby pro-israëlien, Chavez venant alors juste de rompre avec Israël) ou avec l’Iran (motif officiel : ingérence iranienne dans les affaires intérieures marocaines – motif réel : complaire à Bahraïn, en pleine dispute diplomatique avec l’Iran, mais sans que cela aille jamais jusque la rupture, le Maroc se montrant plus catholique que le Pape).
C’est dans ses relations avec Israël que l’apesanteur totale du makhzen par rapport à son opinion publique est la plus flagrante. La cause palestinienne est chère au coeur du peuple marocain et de ses organisations militantes – nationalistes, progressistes, islamistes ou non-partisanes. Les différentes enquêtes d’opinion menées depuis le 11 septembre 2001 montrent l’opinion marocaine comme étant une des plus fermes sur la question palestinienne – et sur le refus de toute ingérence occidentale au Moyen-Orient - dans le monde arabe.
Il est peu de dire que la position officielle marocaine est aux antipodes de cet engagement, sans sombrer dans l’abjection dont fît montre Hosni Moubarak au temps de sa splendeur. La criminelle de guerre israélienne Tzipi Livni, ministre des affaires étrangères lors de la guerre d’agression contre Gaza en 2008/2009, fut ainsi reçue tambour battant lors des MEDays à tanger organisés à Tanger en 2009 par l’Institut Amadeus de Brahim Fassi Fihri, fils de son père le ministre des affaires étrangères. Une véritable opération séduction est ainsi menée pour séduire l’exigeant partenaire israëlien, menée à coup de décorations royales et de cocktails diplomatiques.
Mais c’est au Maroc même qu’Israël parvient à marquer des points : entre le licenciement à Rabat d’un ingénieur marocain (Mohamed Benziane) ayant refusé de participer à un stage assuré – au Maroc ( !) – par une société israélienne ou la persécution judiciaire de l’AMDH par l’étonnant restaurateur israëlien d’Essaouira et militant sioniste Noam Nir, il devient désormais risqué de militer pour la cause palestinienne au Maroc même.
Il est par contre beaucoup moins risqué de militer pour Israël et son idéologie d’Etat, le sionisme – et militer pour la Palestine fait parfois de vous un criminel, aux yeux de l’Etat marocain et des faiseurs d’opinion qui lui sont proches. C’est ainsi que l’on a appris que l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) organisera ( ?) sa convention nationale à Marrakech en juin (1), après l’avoir tenue à Jérusalem en 2002 (voir la vidéo de présentation ici). Pour un peu de détente, voici comment cette destination est vendue sur Facebook :
publié le mardi 7 juin 2011
Source : Oumma.com
L’autocratie est un tout : elle étend ses tentacules dans l’économie, l’associatif, le religieux, le sécuritaire, la justice, la culture – il est donc normal qu’elle touche de manière encore plus affirmée le domaine de la politique étrangère.
L’autocratie est, contrairement à ce que l’on croit souvent, une faiblesse dans le domaine de la politique étrangère. Le monde arabe en offre l’exemple, avec ses régimes autocratiques le plus souvent – ces dernières années du moins – supplétifs des initiatives diplomatiques et militaires occidentales au Moyen-Orient. Il n’est pas anodin que le pays de la région ayant affirmé avec le plus de force son rôle et ses intérêts ces dernières années est la Turquie, en phase de démilitarisation et de démocratisation accélérée depuis l’arrivée au pouvoir de l’AKP en 2002 – c’est sur un vote de l’assemblée nationale turque que la Turquie refusa non seulement sa participation à la guerre d’agression étatsunienne contre l’Irak en 2003, mais aussi tout passage de troupes étatsuniennes et supplétives (OTAN et affiliés) sur son territoire.
Les autocraties arabes dites modérées – parce que favorables aux Etats-Unis – en furent réduites à leur sempiternel chantage de la peur des « réactions de la rue » – la fameuse « rue arabe », terme orientaliste et méprisant (on n’a jamais entendu parler de la « rue israëlienne », de la « rue française » ou de la rue « étatsunienne » – dans les pays de haute civilisation, rue se dit opinion publique).
Le Maroc ne déroge pas à la règle. Alors que l’opinion publique marocaine est l’une des plus engagées en faveur de la cause palestinienne et des plus opposées aux interventions militaires occidentales dans le monde arabe – comme en témoignent d’ailleurs les manifestations géantes de 1991 (contre la première guerre d’Irak), 2002 (contre la répression sanglante de la deuxième intifada) et 2003 (contre l’invasion de l’Irak) qui regroupèrent des millions de manifestants – la politique gouvernementale marocaine a été d’une pusillanimité et d’un suivisme constants vis-à-vis de ses parrains étrangers – principalement les Etats-Unis, Israël, l’Arabie séoudite et les Emirats arabes unis.
Envoi d’un contingent marocain au Shaba (République démocratique du Congo) en 1978, envois de contingents permanents des FAR pour protéger les régimes des Emirats arabes unis (6.000 soldats des FAR) et de la Guinée équatoriale (350 soldats des FAR formant la garde présidentielle) et participation symbolique d’un contingent des FAR à la guerre contre l’Irak en 1991 ; le Maroc a fidèlement continué à fournir des supplétifs – tels les goumiers se battant sous uniforme français sous le protectorat – à des entreprises étrangères à la défense du pays ou au maintien de la paix (à l’exception de la guerre contre l’Irak en 1991, couverte par le Conseil de sécurité de l’ONU).
Jamais l’approbation populaire ou parlementaire n’a été recherchée.
Dans le domaine diplomatique, on ne relève qu’un seul cas où l’approbation populaire a été cherchée par le pouvoir : le traité d’union éphémère signé avec la Libye à Oujda le 13 août 1984 fut soumis à un de ces plébiscites de pure forme auquel le Maroc est habitué depuis 1962 – 99,97% des suffrages exprimés se portèrent officiellement en faveur de ce traité. Sinon, que ce soit pour les textes commerciaux – accords de libre-échange avec l’Union européenne ou les Etats-Unis – ou les décisions symboliques importantes – l’ouverture de bureaux de liaisons marocain à Tel Aviv et israëlien à Rabat – l’implication populaire est nulle, et celle du parlement (ou de ce qui en tient lieu au Maroc) sans conséquence – le parlement marocain a ainsi approuvé l’accord de libre-échange avec les Etats-Unis dans sa seule version anglaise, langue dont la maîtrise par les honorables parlementaires marocains était un secret bien gardé jusque-là.
Jamais la thèse selon laquelle la politique étrangère serait distincte de la politique intérieure n’a été plus fallacieuse que dans le cas du Maroc de ces dernières années – les accords de libre-échange avec l’UE et les Etats-Unis produisent ainsi des effets économiques néfastes notamment pour la balance commerciale, sans que ces conséquences aient été largement discutées avec ceux qui auront à les subir, comme le souligne Najib Akesbi. Cette négation de la souveraineté populaire produit ses effets dans les domaines les plus divers – et les retournements de veste du pouvoir sont rapides : sous la présidence Bush, les autorités marocaines donnèrent leur accord à l’organisation d’un concert public évangélique à Marrakech en 2006 pour expulser manu militari des dizaines d’évangélistes en 2010 sous une présidence Obama beaucoup moins prosélyte que celle de son prédecesseur.
Plus récemment, on a eu la spectaculaire rupture des relations diplomatiques avec le Vénézuela (prétexte officiel : contact officiel pris par le Vénézuela avec le Polisario – motif réel : se signaler au lobby pro-israëlien, Chavez venant alors juste de rompre avec Israël) ou avec l’Iran (motif officiel : ingérence iranienne dans les affaires intérieures marocaines – motif réel : complaire à Bahraïn, en pleine dispute diplomatique avec l’Iran, mais sans que cela aille jamais jusque la rupture, le Maroc se montrant plus catholique que le Pape).
C’est dans ses relations avec Israël que l’apesanteur totale du makhzen par rapport à son opinion publique est la plus flagrante. La cause palestinienne est chère au coeur du peuple marocain et de ses organisations militantes – nationalistes, progressistes, islamistes ou non-partisanes. Les différentes enquêtes d’opinion menées depuis le 11 septembre 2001 montrent l’opinion marocaine comme étant une des plus fermes sur la question palestinienne – et sur le refus de toute ingérence occidentale au Moyen-Orient - dans le monde arabe.
Il est peu de dire que la position officielle marocaine est aux antipodes de cet engagement, sans sombrer dans l’abjection dont fît montre Hosni Moubarak au temps de sa splendeur. La criminelle de guerre israélienne Tzipi Livni, ministre des affaires étrangères lors de la guerre d’agression contre Gaza en 2008/2009, fut ainsi reçue tambour battant lors des MEDays à tanger organisés à Tanger en 2009 par l’Institut Amadeus de Brahim Fassi Fihri, fils de son père le ministre des affaires étrangères. Une véritable opération séduction est ainsi menée pour séduire l’exigeant partenaire israëlien, menée à coup de décorations royales et de cocktails diplomatiques.
Mais c’est au Maroc même qu’Israël parvient à marquer des points : entre le licenciement à Rabat d’un ingénieur marocain (Mohamed Benziane) ayant refusé de participer à un stage assuré – au Maroc ( !) – par une société israélienne ou la persécution judiciaire de l’AMDH par l’étonnant restaurateur israëlien d’Essaouira et militant sioniste Noam Nir, il devient désormais risqué de militer pour la cause palestinienne au Maroc même.
Il est par contre beaucoup moins risqué de militer pour Israël et son idéologie d’Etat, le sionisme – et militer pour la Palestine fait parfois de vous un criminel, aux yeux de l’Etat marocain et des faiseurs d’opinion qui lui sont proches. C’est ainsi que l’on a appris que l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) organisera ( ?) sa convention nationale à Marrakech en juin (1), après l’avoir tenue à Jérusalem en 2002 (voir la vidéo de présentation ici). Pour un peu de détente, voici comment cette destination est vendue sur Facebook :
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