Alors que les dirigeants politiques occidentaux et leurs relais médiatiques rivalisent de formules «poétiques» pour célébrer la «révolution du jasmin» et le «printemps arabe», une chape de plomb médiatique recouvre le Bahreïn.
Une importante révolte populaire pacifique, suivie d’une violente répression et de l’intervention militaire directe de deux Etats voisins s’y sont pourtant produites ces derniers mois. Et des dirigeants de l’opposition emprisonnés et inculpés pour terrorisme et tentative de reversement violent de la monarchie sont actuellement passibles de la peine de mort. Mais cela n’intéresse visiblement pas les grands médias occidentaux et arabes ni les défenseurs patentés des droits de l’Homme dans le monde qui n’ont de compassion que pour les peuples des pays dont ils tentent de renverser le régime (Libye, Syrie).
Le peuple de Bahreïn se voit ainsi privé de «printemps» par les grandes agences internationales de notation politique chargées de classer les révoltes sur l’échelle du politiquement correct.
Un Emirat stratégique
Cet assourdissant silence constitue paradoxalement la preuve de l’importance stratégique, pour les occidentaux, de l’émirat dirigé par Hamad ben Issa El-Khalifa. Monarchie pétrolière dont les réserves s’amenuisent, comparée à ses voisins et alliés du Conseil de coopération du Golfe (CCG), Bahreïn a diversifié son économie. A côté de la traditionnelle pêche de la perle fine, en déclin, et de la pêche qui demeure une activité importante, Bahreïn dispose d’une industrie de transformation (raffinerie…) produisant des dérivés du pétrole et du gaz. L’Emirat possède également des usines métallurgiques, chimiques et d’aluminium ainsi que des chantiers de construction navale. Il abrite par ailleurs les sièges sociaux de nombre de multinationales et constitue une place financière appréciable avec plus de 60 banques internationales. Centre de communication et de services pour toute la région du Golfe, Bahreïn possède une zone franche. Il table également sur le bâtiment ainsi que le tourisme de luxe avec, en particulier, un circuit international de formule 1.
L’intérêt primordial de Bahreïn réside toutefois dans le fait que l’archipel, qui se compose d’une trentaine d’îles, abrite le siège de la 5e Flotte américaine. Cette base militaire accueille 16 navires de guerre et 3 500 marins. Les Américains ont acquis en 2009 des terrains supplémentaires, notamment un port désaffecté, afin d’étendre leurs capacités militaires. Située au beau milieu d’un triangle gorgé de gigantesques réserves d’hydrocarbures (Irak, Iran et Péninsule arabique), Bahreïn contrôle la circulation d’une artère vitale pour l’industrie mondiale : le Golfe Persique. Enfin, last but not least, elle fait face à l’ennemi principal des Etats-Unis et de leurs alliés arabes dans la région : l’Iran.
Le régime est donc choyé par ses puissants protecteurs qui, à l’exemple de la France qui entraine la police du royaume, veillent sur sa sécurité...
Les raisons de la colère
En dépit de l’assèchement progressif de ses ressources pétrolières et gazières, Bahreïn possède un potentiel économique à même d’assurer le bien-être de sa population. Tel n’est pourtant pas le cas. Sur près de 1,3 million d’habitants, on compte 80% de pauvres. Il est vrai que la population étrangère représente 54% du total des habitants. Mais on trouve, aux côtés des travailleurs immigrés manuels, nombre de commerçants, financiers et autres cadres. La pauvreté touche donc une partie non négligeable des citoyens bahreïnis eux-mêmes. Comme en Arabie Saoudite, voisine et pourtant riche, le chômage constitue une plaie, surtout chez les jeunes pourtant instruits puisque le taux d’alphabétisation frôle les 100% dans cette catégorie de la population.
Et comme c’est souvent le cas dans ce genre de situation, les disparités sociales recouvrent des disparités nationales ou confessionnelles. La majorité chiite – 60% de la population – forme en l’occurrence une catégorie sociale défavorisée qui subit de surcroît la domination politique d’une dynastie issue de la minorité sunnite.
La majorité chiite est victime de discriminations sociales (accès à l’emploi administratif, au logement, à la santé…) et politiques. Les étrangers sunnites venus s’installer bénéficient plus facilement de la citoyenneté, d’emplois – en particulier dans les forces de sécurité – et de logements… que les Bahreïnis chiites.
Des révoltes sporadiques ont agité l’archipel au cours des vingt dernières années. Elles ont obligé la famille régnante à lâcher du lest. En 2001, 98% des Bahreïnis ont adopté une Charte d’Action nationale qui introduisait des réformes démocratiques dans le pays : lutte contre la corruption et les discriminations sectaires, une plus juste redistribution des richesses... En février 2002, le monarque proclamait une nouvelle Constitution qui instaurait un parlement. Mais ce dernier ne dispose pas de pouvoir législatif. Toutes les lois qu’il vote doivent être agréées par la Haute Assemblée, instance dont les membres sont nommés par l’Emir. Le découpage des circonscriptions électorales défavorise l’opposition et empêche la traduction de sa majorité politique sur le plan institutionnel.
Hocine Belalloufi
Une importante révolte populaire pacifique, suivie d’une violente répression et de l’intervention militaire directe de deux Etats voisins s’y sont pourtant produites ces derniers mois. Et des dirigeants de l’opposition emprisonnés et inculpés pour terrorisme et tentative de reversement violent de la monarchie sont actuellement passibles de la peine de mort. Mais cela n’intéresse visiblement pas les grands médias occidentaux et arabes ni les défenseurs patentés des droits de l’Homme dans le monde qui n’ont de compassion que pour les peuples des pays dont ils tentent de renverser le régime (Libye, Syrie).
Le peuple de Bahreïn se voit ainsi privé de «printemps» par les grandes agences internationales de notation politique chargées de classer les révoltes sur l’échelle du politiquement correct.
Un Emirat stratégique
Cet assourdissant silence constitue paradoxalement la preuve de l’importance stratégique, pour les occidentaux, de l’émirat dirigé par Hamad ben Issa El-Khalifa. Monarchie pétrolière dont les réserves s’amenuisent, comparée à ses voisins et alliés du Conseil de coopération du Golfe (CCG), Bahreïn a diversifié son économie. A côté de la traditionnelle pêche de la perle fine, en déclin, et de la pêche qui demeure une activité importante, Bahreïn dispose d’une industrie de transformation (raffinerie…) produisant des dérivés du pétrole et du gaz. L’Emirat possède également des usines métallurgiques, chimiques et d’aluminium ainsi que des chantiers de construction navale. Il abrite par ailleurs les sièges sociaux de nombre de multinationales et constitue une place financière appréciable avec plus de 60 banques internationales. Centre de communication et de services pour toute la région du Golfe, Bahreïn possède une zone franche. Il table également sur le bâtiment ainsi que le tourisme de luxe avec, en particulier, un circuit international de formule 1.
L’intérêt primordial de Bahreïn réside toutefois dans le fait que l’archipel, qui se compose d’une trentaine d’îles, abrite le siège de la 5e Flotte américaine. Cette base militaire accueille 16 navires de guerre et 3 500 marins. Les Américains ont acquis en 2009 des terrains supplémentaires, notamment un port désaffecté, afin d’étendre leurs capacités militaires. Située au beau milieu d’un triangle gorgé de gigantesques réserves d’hydrocarbures (Irak, Iran et Péninsule arabique), Bahreïn contrôle la circulation d’une artère vitale pour l’industrie mondiale : le Golfe Persique. Enfin, last but not least, elle fait face à l’ennemi principal des Etats-Unis et de leurs alliés arabes dans la région : l’Iran.
Le régime est donc choyé par ses puissants protecteurs qui, à l’exemple de la France qui entraine la police du royaume, veillent sur sa sécurité...
Les raisons de la colère
En dépit de l’assèchement progressif de ses ressources pétrolières et gazières, Bahreïn possède un potentiel économique à même d’assurer le bien-être de sa population. Tel n’est pourtant pas le cas. Sur près de 1,3 million d’habitants, on compte 80% de pauvres. Il est vrai que la population étrangère représente 54% du total des habitants. Mais on trouve, aux côtés des travailleurs immigrés manuels, nombre de commerçants, financiers et autres cadres. La pauvreté touche donc une partie non négligeable des citoyens bahreïnis eux-mêmes. Comme en Arabie Saoudite, voisine et pourtant riche, le chômage constitue une plaie, surtout chez les jeunes pourtant instruits puisque le taux d’alphabétisation frôle les 100% dans cette catégorie de la population.
Et comme c’est souvent le cas dans ce genre de situation, les disparités sociales recouvrent des disparités nationales ou confessionnelles. La majorité chiite – 60% de la population – forme en l’occurrence une catégorie sociale défavorisée qui subit de surcroît la domination politique d’une dynastie issue de la minorité sunnite.
La majorité chiite est victime de discriminations sociales (accès à l’emploi administratif, au logement, à la santé…) et politiques. Les étrangers sunnites venus s’installer bénéficient plus facilement de la citoyenneté, d’emplois – en particulier dans les forces de sécurité – et de logements… que les Bahreïnis chiites.
Des révoltes sporadiques ont agité l’archipel au cours des vingt dernières années. Elles ont obligé la famille régnante à lâcher du lest. En 2001, 98% des Bahreïnis ont adopté une Charte d’Action nationale qui introduisait des réformes démocratiques dans le pays : lutte contre la corruption et les discriminations sectaires, une plus juste redistribution des richesses... En février 2002, le monarque proclamait une nouvelle Constitution qui instaurait un parlement. Mais ce dernier ne dispose pas de pouvoir législatif. Toutes les lois qu’il vote doivent être agréées par la Haute Assemblée, instance dont les membres sont nommés par l’Emir. Le découpage des circonscriptions électorales défavorise l’opposition et empêche la traduction de sa majorité politique sur le plan institutionnel.
Hocine Belalloufi
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