Les forces spéciales de l'US Navy ont mis fin à la cavale de Ben Laden. Mais il reste deux questions troublantes : pourquoi et comment le terroriste le plus recherché de l'histoire a-t-il pu échapper pendant dix ans à la toute-puissance américaine ? Voici le récit de ces occasions manquées.
Venant d'Afghanistan, les quatre hélicoptères noirs des forces spéciales américaines glissent dans la nuit noire, le long des premiers contreforts de l'Himalaya. Ils volent presque en rase-mottes, pour ne pas se faire repérer par les radars de l'armée pakistanaise. Au-dessous d'eux défilent les champs, les vergers et les villages endormis des plaines du Pendjab. Il est près de 1 h (heure locale) ce lundi 2 mai, lorsqu'ils abordent la cité arborée d'Abbottabad, lieu réputé de villégiature estivale pour les familles d'Islamabad et ville de garnison abritant un régiment et l'académie militaire - une sorte de Saint-Cyr local. Grâce à leurs GPS préprogrammés, les pilotes foncent directement sur leur objectif: une grosse villa, entourée de hauts murs, située au bout d'un chemin de terre, à côté d'un champ de pommes de terre et d'un alignement d'eucalyptus. Depuis trois mois, la CIA a la conviction que s'y cache Oussama Ben Laden, le terroriste le plus recherché du monde. Aux Etats-Unis, les commandos (un mélange de Navy Seals de la Marine et d'hommes de la Direction des opérations de la CIA) s'étaient entraînés à descendre en rappel sur une réplique du compound pakistanais. Mais comme l'un des appareils ne parvient pas, à la suite d'un incident technique, à stabiliser son vol stationnaire, les trois Black Hawk se posent. Ils sont accueillis à coups de rafales de kalachnikov. Echanges nourris de coups de feu. Vêtus de leur gilet pare-balles noir, les guerriers d'élite de l'Amérique se précipitent à l'intérieur du compound pour en fouiller les trois étages. Ben Laden se bat et résiste jusqu'au bout. Il ne se rend pas, il n'a pas peur, ce n'est pas Gbagbo. Une balle l'atteint en pleine tête, au-dessus de l'œil gauche. Il meurt debout, ce Saoudien fils de milliardaire, ce wahhabite inflexible et calmement illuminé qui, au printemps 1998, avait publiquement déclaré la guerre «aux juifs et aux croisés» et qui, le 11 septembre 2001, avait infligé aux Américains une attaque encore plus meurtrière que celle menée par l'Empire japonais sur Pearl Harbour en décembre 1941. Avec lui sont tués son fils, ses deux messagers, tandis que sa femme est blessée à la jambe, et non pas tuée, comme ce fut d'abord annoncé. Les commandos raflent les disques durs des ordinateurs et tous les documents qu'ils peuvent trouver. Ils embarquent le corps de Ben Laden. Ils détruisent l'appareil ayant eu un problème technique: pas question de laisser derrière eux quoi que ce soit de tangible, qui serait récupéré par les services secrets pakistanais, dont l'éternel double jeu pro-occidental en surface, pro-talibans sous le manteau, a fini par exaspérer la CIA. En 40 minutes, tout est réglé. Pas une perte américaine à déplorer. Les hélicoptères redécollent dans la nuit noire, filant vers l'ouest, vers leur base afghane de Bagram, volant à très basse altitude, se faufilant au fond des vallées pour ne pas risquer une interception par la chasse pakistanaise. C'est la fin d'une longue traque, la fin de la plus gigantesque chasse à l'homme de l'histoire contemporaine.
La première fois que les Américains cherchèrent à tuer Ben Laden, c'était à l'été 1998, après les attentats contre les ambassades des Etats-Unis au Kenya et en Tanzanie. En 1996, l'Administration Clinton avait décliné une offre qu'était venu lui faire à Washington le chef des services secrets soudanais: la dictature du général Bachir, qui avait déjà livré à la France le terroriste Carlos, était prête à faire le même geste à l'égard des États-Unis, avec l'idéologue Ben Laden, expulsé du royaume saoudien (et réfugié à Khartoum) pour n'avoir pas voulu taire sa condamnation de «l'occupation par les infidèles» de la sainte terre d'Arabie. Pourquoi ce refus par les Américains d'une livraison sur un plateau d'argent d'un chef islamiste qui se professait déjà comme l'ennemi irréductible de leur présence au Moyen-Orient, et qui avait déjà réuni autour de lui toute une équipe de djihadistes, dont le médecin égyptien Zawahiri, l'un des membres du complot de l'assassinat du président Sadate en 1981 ?
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Venant d'Afghanistan, les quatre hélicoptères noirs des forces spéciales américaines glissent dans la nuit noire, le long des premiers contreforts de l'Himalaya. Ils volent presque en rase-mottes, pour ne pas se faire repérer par les radars de l'armée pakistanaise. Au-dessous d'eux défilent les champs, les vergers et les villages endormis des plaines du Pendjab. Il est près de 1 h (heure locale) ce lundi 2 mai, lorsqu'ils abordent la cité arborée d'Abbottabad, lieu réputé de villégiature estivale pour les familles d'Islamabad et ville de garnison abritant un régiment et l'académie militaire - une sorte de Saint-Cyr local. Grâce à leurs GPS préprogrammés, les pilotes foncent directement sur leur objectif: une grosse villa, entourée de hauts murs, située au bout d'un chemin de terre, à côté d'un champ de pommes de terre et d'un alignement d'eucalyptus. Depuis trois mois, la CIA a la conviction que s'y cache Oussama Ben Laden, le terroriste le plus recherché du monde. Aux Etats-Unis, les commandos (un mélange de Navy Seals de la Marine et d'hommes de la Direction des opérations de la CIA) s'étaient entraînés à descendre en rappel sur une réplique du compound pakistanais. Mais comme l'un des appareils ne parvient pas, à la suite d'un incident technique, à stabiliser son vol stationnaire, les trois Black Hawk se posent. Ils sont accueillis à coups de rafales de kalachnikov. Echanges nourris de coups de feu. Vêtus de leur gilet pare-balles noir, les guerriers d'élite de l'Amérique se précipitent à l'intérieur du compound pour en fouiller les trois étages. Ben Laden se bat et résiste jusqu'au bout. Il ne se rend pas, il n'a pas peur, ce n'est pas Gbagbo. Une balle l'atteint en pleine tête, au-dessus de l'œil gauche. Il meurt debout, ce Saoudien fils de milliardaire, ce wahhabite inflexible et calmement illuminé qui, au printemps 1998, avait publiquement déclaré la guerre «aux juifs et aux croisés» et qui, le 11 septembre 2001, avait infligé aux Américains une attaque encore plus meurtrière que celle menée par l'Empire japonais sur Pearl Harbour en décembre 1941. Avec lui sont tués son fils, ses deux messagers, tandis que sa femme est blessée à la jambe, et non pas tuée, comme ce fut d'abord annoncé. Les commandos raflent les disques durs des ordinateurs et tous les documents qu'ils peuvent trouver. Ils embarquent le corps de Ben Laden. Ils détruisent l'appareil ayant eu un problème technique: pas question de laisser derrière eux quoi que ce soit de tangible, qui serait récupéré par les services secrets pakistanais, dont l'éternel double jeu pro-occidental en surface, pro-talibans sous le manteau, a fini par exaspérer la CIA. En 40 minutes, tout est réglé. Pas une perte américaine à déplorer. Les hélicoptères redécollent dans la nuit noire, filant vers l'ouest, vers leur base afghane de Bagram, volant à très basse altitude, se faufilant au fond des vallées pour ne pas risquer une interception par la chasse pakistanaise. C'est la fin d'une longue traque, la fin de la plus gigantesque chasse à l'homme de l'histoire contemporaine.
La première fois que les Américains cherchèrent à tuer Ben Laden, c'était à l'été 1998, après les attentats contre les ambassades des Etats-Unis au Kenya et en Tanzanie. En 1996, l'Administration Clinton avait décliné une offre qu'était venu lui faire à Washington le chef des services secrets soudanais: la dictature du général Bachir, qui avait déjà livré à la France le terroriste Carlos, était prête à faire le même geste à l'égard des États-Unis, avec l'idéologue Ben Laden, expulsé du royaume saoudien (et réfugié à Khartoum) pour n'avoir pas voulu taire sa condamnation de «l'occupation par les infidèles» de la sainte terre d'Arabie. Pourquoi ce refus par les Américains d'une livraison sur un plateau d'argent d'un chef islamiste qui se professait déjà comme l'ennemi irréductible de leur présence au Moyen-Orient, et qui avait déjà réuni autour de lui toute une équipe de djihadistes, dont le médecin égyptien Zawahiri, l'un des membres du complot de l'assassinat du président Sadate en 1981 ?
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