Le roi Mohamed VI dispose de diverses options pour résister momentanément aux revendications en faveur d'une diminution de ses pouvoirs, mais il lui faudra s'attaquer aux racines de la vague de mécontentement qui souffle sur le Maroc, comme sur le reste du monde arabe.
Le 20 février, le Maroc a connu sa première tentative de manifestations coordonnées pour lancer un mouvement populaire inspiré de ceux qui ont eu raison des dirigeants tunisien et égyptien en janvier et février.
Des milliers de manifestants sont descendus dans les rues de Rabat et d'une cinquantaine d'autres villes. Les organisateurs via Facebook de ce "Mouvement pour le changement du 20 février" exigeaient le rétablissement de "la dignité du peuple marocain" et des réformes constitutionnelles.
C'était la première fois depuis son accession au trône, en 1999, que les prérogatives de Mohammed VI étaient ainsi mises sur la sellette. Dès le lendemain, le souverain a fait savoir qu'il n'entendait pas céder à la "démagogie".
Le limogeage d'un gouvernement impopulaire et la mise au pas de membres contestés de son propre entourage figurent parmi les concessions que le souverain de 47 ans est susceptible de faire à la rue pour se ménager un répit, au moins jusqu'aux élections législatives de 2012.
"Le roi dispose de plusieurs options, comme par exemple renvoyer le gouvernement, ce qui se reflétera positivement sur son image et montrera au partis politiques qui est le vrai patron", estime Lise Storm, enseignante spécialisée dans le Moyen-Orient à l'université d'Exeter, en Angleterre.
"NE PAS FORCER LA MAIN DU ROI"
Selon elle, les partis d'opposition "n'imaginent pas un Maroc sans monarchie", celle-ci "est perçue comme un filet de sauvetage" et "ce sont les partis qui représentent le plus grand obstacle à la démocratie, parce qu'ils ne sont pas assez représentatifs".
Le politologue Mohamed Darif convient, lui aussi, que "le moment est loin d'être opportun pour une monarchie parlementaire, puisque les partis et les institutions ne sont pas assez solides pour une telle transformation".
Prié de dire pourquoi son Parti de la justice et du développement, le principal mouvement d'opposition, ne réclamait pas du palais une réforme constitutionnelle, le leader islamiste Abdelilah Benkirane a déclaré: "Nous ne voulons pas forcer la main du roi."
Le Maroc est une monarchie constitutionnelle, mais le roi dispose de larges pouvoirs, dont celui de dissoudre le parlement, de décréter l'état d'urgence et de choisir le Premier ministre.
Les manifestants "ne se sont pas attaqués au roi", parce que, selon le cercle de réflexion Oxford Analytica, "il donne l'impression d'être loin de la politique". Mais "la crédibilité de cette image dépendra maintenant de l'adoption par le gouvernement d'actions palpables pour traiter les problèmes du pays".
Le royaume chérifien se situe derrière la Tunisie et l'Egypte sur l'échelle indicielle de développement humain des Nations unies. Selon Oxford Analytica, la pauvreté, les inégalités, le chômage des diplômés et l'illettrisme ont peu évolué depuis l'accession au trône de Mohamed VI.
"CALME TROMPEUR"
Outre des changements constitutionnels, les manifestants du 20 février ont dénoncé le poids de la famille royale dans l'économie et les abus de pouvoir présumés de certains proches du roi, dont son secrétaire privé Mohamed Mounir el Madjidi et Fouad Ali Himma, son ex-camarade de classe et ancien vice-ministre de l'Intérieur.
De nombreux Marocains s'indignent aussi que trois parents du Premier ministre Abbas al Fassi dirigent des ministères et que ses proches occupent aussi des postes clés dans des entreprises publiques.
"La corruption a joué un rôle crucial dans le déclenchement des révoltes en Tunisie et en Egypte. Au Maroc, elle est aussi très présente", souligne Toufik Bouachrine, rédacteur en chef du quotidien indépendant Akhbar al Youm.
Le mécontentement de la rue est nourri, outre par la corruption, par la hausse des prix, une sécurité sociale déficiente, un système éducatif inefficace, une justice perçue comme inique et des médias publics jugés partiaux.
Ce n'est pas parce que tout le monde ne réclame pas des réformes constitutionnelles qu'il faut pour autant que le système politique ne bouge pas, estime une partie de la classe politique.
Même si la "légitimité dont jouit la monarchie" a limité la mobilisation de la rue le 20 février, "faut-il pout autant attendre des mouvements de protestation massifs pour lancer des réformes ?" souligne Moustafa Khalfi, rédacteur en chef du journal Attajdid.
"On ne peut se satisfaire de ce calme trompeur."
"Les Marocains passent des heures devant Al Djazira et Al Arabia pour suivre l'actualité en Libye, en Egypte et en Tunisie. Pour nombre d'entre eux, il s'agit bien de cours d'apprentissage", prévient-il.
REUTERS par Souhaïl Karam
Marc Delteil pour le service français
Le 20 février, le Maroc a connu sa première tentative de manifestations coordonnées pour lancer un mouvement populaire inspiré de ceux qui ont eu raison des dirigeants tunisien et égyptien en janvier et février.
Des milliers de manifestants sont descendus dans les rues de Rabat et d'une cinquantaine d'autres villes. Les organisateurs via Facebook de ce "Mouvement pour le changement du 20 février" exigeaient le rétablissement de "la dignité du peuple marocain" et des réformes constitutionnelles.
C'était la première fois depuis son accession au trône, en 1999, que les prérogatives de Mohammed VI étaient ainsi mises sur la sellette. Dès le lendemain, le souverain a fait savoir qu'il n'entendait pas céder à la "démagogie".
Le limogeage d'un gouvernement impopulaire et la mise au pas de membres contestés de son propre entourage figurent parmi les concessions que le souverain de 47 ans est susceptible de faire à la rue pour se ménager un répit, au moins jusqu'aux élections législatives de 2012.
"Le roi dispose de plusieurs options, comme par exemple renvoyer le gouvernement, ce qui se reflétera positivement sur son image et montrera au partis politiques qui est le vrai patron", estime Lise Storm, enseignante spécialisée dans le Moyen-Orient à l'université d'Exeter, en Angleterre.
"NE PAS FORCER LA MAIN DU ROI"
Selon elle, les partis d'opposition "n'imaginent pas un Maroc sans monarchie", celle-ci "est perçue comme un filet de sauvetage" et "ce sont les partis qui représentent le plus grand obstacle à la démocratie, parce qu'ils ne sont pas assez représentatifs".
Le politologue Mohamed Darif convient, lui aussi, que "le moment est loin d'être opportun pour une monarchie parlementaire, puisque les partis et les institutions ne sont pas assez solides pour une telle transformation".
Prié de dire pourquoi son Parti de la justice et du développement, le principal mouvement d'opposition, ne réclamait pas du palais une réforme constitutionnelle, le leader islamiste Abdelilah Benkirane a déclaré: "Nous ne voulons pas forcer la main du roi."
Le Maroc est une monarchie constitutionnelle, mais le roi dispose de larges pouvoirs, dont celui de dissoudre le parlement, de décréter l'état d'urgence et de choisir le Premier ministre.
Les manifestants "ne se sont pas attaqués au roi", parce que, selon le cercle de réflexion Oxford Analytica, "il donne l'impression d'être loin de la politique". Mais "la crédibilité de cette image dépendra maintenant de l'adoption par le gouvernement d'actions palpables pour traiter les problèmes du pays".
Le royaume chérifien se situe derrière la Tunisie et l'Egypte sur l'échelle indicielle de développement humain des Nations unies. Selon Oxford Analytica, la pauvreté, les inégalités, le chômage des diplômés et l'illettrisme ont peu évolué depuis l'accession au trône de Mohamed VI.
"CALME TROMPEUR"
Outre des changements constitutionnels, les manifestants du 20 février ont dénoncé le poids de la famille royale dans l'économie et les abus de pouvoir présumés de certains proches du roi, dont son secrétaire privé Mohamed Mounir el Madjidi et Fouad Ali Himma, son ex-camarade de classe et ancien vice-ministre de l'Intérieur.
De nombreux Marocains s'indignent aussi que trois parents du Premier ministre Abbas al Fassi dirigent des ministères et que ses proches occupent aussi des postes clés dans des entreprises publiques.
"La corruption a joué un rôle crucial dans le déclenchement des révoltes en Tunisie et en Egypte. Au Maroc, elle est aussi très présente", souligne Toufik Bouachrine, rédacteur en chef du quotidien indépendant Akhbar al Youm.
Le mécontentement de la rue est nourri, outre par la corruption, par la hausse des prix, une sécurité sociale déficiente, un système éducatif inefficace, une justice perçue comme inique et des médias publics jugés partiaux.
Ce n'est pas parce que tout le monde ne réclame pas des réformes constitutionnelles qu'il faut pour autant que le système politique ne bouge pas, estime une partie de la classe politique.
Même si la "légitimité dont jouit la monarchie" a limité la mobilisation de la rue le 20 février, "faut-il pout autant attendre des mouvements de protestation massifs pour lancer des réformes ?" souligne Moustafa Khalfi, rédacteur en chef du journal Attajdid.
"On ne peut se satisfaire de ce calme trompeur."
"Les Marocains passent des heures devant Al Djazira et Al Arabia pour suivre l'actualité en Libye, en Egypte et en Tunisie. Pour nombre d'entre eux, il s'agit bien de cours d'apprentissage", prévient-il.
REUTERS par Souhaïl Karam
Marc Delteil pour le service français
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