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Maroc: Chamkara au féminin

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    Reportage. Chamkara au féminin


    Par Jules Crétois

    Reportage. Chamkara au féminin

    Pour survivre dans la rue, les filles délaissent les codes féminins et adoptent une attitude rebelle. (TNIOUNI)

    Leurs vies, plus encore que celles de leurs compères masculins, sont violentes, compliquées, semées d’embûches. Plongée dans l’enfer des filles de la rue.


    Il pleut sur Casablanca cette nuit-là, tandis qu’une petite équipe du Samu social sillonne la ville pour repérer les personnes vivant dans la rue et leur proposer de les accueillir provisoirement dans leur centre d’hébergement. Ce soir, l’équipe concentre son attention sur les femmes, plus particulièrement les mineures, dont le nombre croît de
    façon alarmante. Sur 3 zones seulement, on en décompte 60. La menace de devenir petite bonne, prostituée ou mère célibataire plane sur ces jeunes filles qui se retrouvent à la rue. Souvent sans expérience de la vie, fragiles, elles ont quitté leur ville natale, Beni Mellal, Khouribga, Taroudant ou encore Larache, avec en poche à peine de quoi se payer le voyage jusqu’à Tanger, attrayante par sa proximité avec l’Europe, ou, dans l’immense majorité des cas, jusqu’à Casablanca, ville de tous les possibles.
    Les raisons des départs sont multiples. Violences familiales et grossesses non désirées motivent le plus souvent le choix de fuguer. Hasnaa, 13 ans, sur le bitume depuis trois ans, a fui le domicile familial, poussée à bout par un père alcoolique et démissionnaire. Une autre explique : “Je vendais des mouchoirs pour mes parents dans la rue et je suis tombée amoureuse d’un drogué, je l’ai suivi…”. Khadija a elle aussi choisi de quitter le foyer paternel, géré par une belle-mère tyrannique. Du haut de son mètre vingt, elle lance des regards de défi. Son accoutrement saugrenu, chaussures à talons hauts, pantalon trop court et pull trop grand, pourrait prêter à sourire s’il ne révélait une vérité tragique. L’adolescente n’a qu’un rêve : “Je veux retourner à l’école…”, balbutie-t-elle.

    Villas sans luxe
    L’équipe du Samu peine à localiser les jeunes filles : avec la pluie et les descentes de police, elles changent régulièrement de squat. Les villas abandonnées et cachées de la rue par un mur ou une clôture temporaire sont leurs refuges de prédilection. Au centre-ville, il en existe un prototype parfait, accessible par un trou creusé dans le mur, par lequel un enfant se faufile aisément mais où un adulte peine à se glisser. A l’intérieur, les murs sont tapissés de posters du Wydad et recouverts d’inscriptions du genre “Wafaa aime A” ou “Allah”. Au sol, au milieu des ordures, des chaussures, des vêtements pêle-mêle, des photos de familles, des matelas déchirés sur lesquels reposent des jouets d’enfants de mauvaise facture.
    Pour être moins vulnérables, les filles vivent généralement en petits groupes de trois à cinq, chapeautés par une fille plus expérimentée, aguerrie par des années de vie sur le bitume. Pour la nouvelle venue, l’intégration à ces bandes passe par des relations sexuelles avec la meneuse, condition sine qua non pour être acceptée. Une fois intégrée, l’enfant ou l’adolescente peut compter sur la solidarité indéfectible du groupe : protection contre les agresseurs potentiels, aide en cas de maladie ou de grossesse. Un membre de l’association Bayti, qui vient en aide aux enfants des rues, témoigne : “Quand l’une d’entre elles passe en jugement au tribunal, par exemple, nous sommes mis au courant par la bande”. Même son de cloche du côté du Samu : “Une nuit, une fille est arrivée parce qu’une de ses copines s’était blessée. Elle a hurlé et mis la pagaille jusqu’à ce qu’on accepte de sortir une ambulance…”, se souvient un membre de l’équipe.

    Plus débrouillardes
    Pour subvenir à leurs besoins, les jeunes filles ont plusieurs solutions qui s’offrent à elles : fouiller les poubelles, se prostituer (30 dirhams la passe pour certaines d’entre elles), vendre des mouchoirs, mendier… Leur butin, elles le planquent dans de petites cachettes.“Les filles sont plus débrouillardes que les garçons”, constate Bachir, de l’association Bayti. Parce que dormir sur un trottoir reviendrait à s’exposer au viol, il leur faut redoubler d’ingéniosité pour découvrir et construire des abris, des cachettes, qui ne les protègent pas en revanche des infections. La gale, les poux, la conjonctivite ou l’eczéma sont le lot commun, mais restent un moindre mal comparés aux MST (maladies sexuellement transmissibles). Les garçons, eux, sont autant un danger qu’une aide précieuse : “Pour une fille, coucher ou sortir avec le chef d’une bande la protège des autres garçons du groupe”, précise Bachir. Certaines filles acceptent même de subir des sévices ou de céder aux avances d’un garçon pour s’éviter des problèmes avec d’autres. “Si une fille qui sort avec un chef voit qu’il perd sa place, elle le quitte immédiatement”, nous explique un ado de 14 ans qui dort sur le trottoir.

    Street attitude
    La plupart des filles adoptent un style adapté à la rue : pulls informes, cheveux courts, regard dur. Abdel, membre de l’équipe du Samu, atteste : “Quand je les rencontre pour la première fois, il m’arrive de prendre certaines filles pour des garçons. Elles ont laissé leur féminité derrière elles”. C’est le cas de Hanane, qui arbore un sweat hip-hop et un foulard siglé “Harley Davidson” noué sur le crâne. Un look qui ne dit plus la candeur de ces jeunes adolescentes à l’âge tendre mais au caractère fatalement endurci. Abus sexuels, bagarres, descentes de police… autant de menaces permanentes auxquelles il faut parer. Sur 229 plaintes de violence reçues en 2009, 130 émanent de femmes selon le Samu. “La plupart des jeunes filles possèdent une arme blanche, au moins un petit couteau” et certaines “cachent sous la lèvre supérieure une lame de rasoir”, prête à servir, décrit Abdel. Et tout comme leurs compères masculins, la folie du foot n’épargne pas ces demoiselles. En matière de musique, “elles ne sont pas très portées raï romantique, plutôt Cheb Bilal et beaucoup de rap, des trucs avec des paroles rebelles”. Des goûts qui illustrent un état d’esprit indomptable : “Elles sont instinctivement anti-Makhzen, anti-autorité, anti-tout, parfois même, elles s’en prennent à Dieu, dégoûtées par leur situation”, poursuit Abdel. De même, l’addiction à la drogue n’est pas non plus un mal proprement masculin. Si les garçons sniffent beaucoup de colle, la préférence des demoiselles va aux médicaments, “le Rivotril par exemple”, anti-épileptique et anti-dépresseur puissant nous renseigne Atika, arborant un maillot de Manchester et d’innombrables cicatrices. Et pourtant, ce sont ces mêmes jeunes filles qui, au calme, au centre d’hébergement du Samu social, dessinent d’adorables lapins creusant des terriers pour se protéger de gros oiseaux ou des poissons imaginaires veillant sur des trésors...

    Machi mouchkil
    Dans la rue, il est presque impossible d’éviter ce qu’on appelle dans le jargon un “mouchkil” : un enfant, dont le géniteur est un inconnu, parfois violeur, un client ou un autre indigent vivant sur le trottoir. La solution la plus courante est l’avortement clandestin à grand renfort de médicaments achetés au noir. Mais toutes ne le font pas. Un militant associatif rapporte : “Récemment, la police a retrouvé des nouveau-nés abandonnés près de commissariats. Ce sont des filles en difficulté qui les abandonnent là”. Une nouvelle solution, constatée sur le terrain depuis quelque temps par les travailleurs sociaux et la police, consiste désormais à vendre les nouveau-nés à des couples stériles. Ces derniers se rendent à la gare routière de Oulad Ziane pour conclure un marché avec des jeunes filles enceintes, qu’ils accueillent éventuellement le temps de la grossesse et de l’accouchement. C’est ainsi que Zineb, 20 ans, a vendu son enfant 500 dirhams, avant de s’en mordre les doigts : “Aujourd’hui, je donnerais tout pour retrouver mon bébé, mais je suis coincée, je ne peux pas me rendre à la police, ils m’arrêteraient”.

    Quartiers. Dis-moi où tu dors, je te dirai qui tu es
    A chaque quartier son intérêt : pour se prostituer, l’ancien cimetière Chouhada, peu fréquenté par les habitants, est tout indiqué. Le quartier de Aïn Diab et sa corniche est un terrain privilégié pour la vente de mouchoirs et le vol à l’arraché. Les filles aiment y élire campement l’été : la plage et l’animation sont un moyen de s’évader. Même dans la rue, on prend des vacances. Aux marchés de Sidi Othmane, les jeunes filles se fournissent dans les cageots de vieux légumes invendus. Mais c’est Sidi Harazem, au centre-ville, qui reste “the place to be” pour les mômes de la rue, bien que certaines filles ne soient pas armées pour affronter cette faune : plus de chamkaras, cela signifie davantage de compagnie, mais aussi plus de violences pour les plus faibles. Pour les jeunes filles, la gare routière de Oulad Ziane est le passage inévitable : c’est là que les provinciales débarquent après une fugue et font la rencontre d’une bande qu’elles pourront intégrer. Les associations d’aide y sont très présentes et ont même sensibilisé la police locale. Les cafés des alentours ferment les yeux sur une prostitution bon marché et quantité de bâtiments abandonnés permettent de s’installer durablement. A deux pas, se situe le quartier de Garage Allal, qui fourmille de ruelles où il est possible de dormir paisiblement, mais s’approcher du palais royal voisin, c’est s’assurer d’être délogé sans sommation préalable.

    TelQuel
    " Celui qui passe devant une glace sans se reconnaitre, est capable de se calomnier sans s'en apercevoir "

  • #2
    l eclatement des familles l alcoolisme la drogue ....les maux de notre modernité

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    • #3
      La menace de devenir petite bonne, prostituée ou mère célibataire plane sur ces jeunes filles qui se retrouvent à la rue. Souvent sans expérience de la vie, fragiles, elles ont quitté leur ville natale, Beni Mellal, Khouribga, Taroudant ou encore Larache, avec en poche à peine de quoi se payer le voyage jusqu’à Tanger, attrayante par sa proximité avec l’Europe, ou, dans l’immense majorité des cas, jusqu’à Casablanca, ville de tous les possibles.
      Les raisons des départs sont multiples. Violences familiales et grossesses non désirées motivent le plus souvent le choix de fuguer. Hasnaa, 13 ans, sur le bitume depuis trois ans, a fui le domicile familial, poussée à bout par un père alcoolique et démissionnaire. Une autre explique : “Je vendais des mouchoirs pour mes parents dans la rue et je suis tombée amoureuse d’un drogué, je l’ai suivi…”. Khadija a elle aussi choisi de quitter le foyer paternel, géré par une belle-mère tyrannique. Du haut de son mètre vingt, elle lance des regards de défi. Son accoutrement saugrenu, chaussures à talons hauts, pantalon trop court et pull trop grand, pourrait prêter à sourire s’il ne révélait une vérité tragique. L’adolescente n’a qu’un rêve : “Je veux retourner à l’école…”, balbutie-t-elle.
      c'est triste, trés triste!


      PS: Disons le avant qu'on ns la ramène avec les comparaison débiles avec l'Algérie: rassurez vs, ns avons aussi nos gamins de rue en Algérie !

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