Onze ans après son accession au trône, Mohammed VI a su marquer de son empreinte l’économie, la société, la politique et la culture du pays.
Conscience nationale
Les partis renvoient souvent à une vision de la politique sentant le renfermé, en décalage profond avec l’état d’esprit des citoyens, alors que la démarche du souverain est porteuse de solutions alternatives qui rappellent la social-démocratie de combat. La monarchie n’est ni de droite ni de gauche mais toute bonne volonté suscite désormais la caution du monarque. En veut-on des exemples ? Des ex-gauchistes au pouvoir, pilotés par un parti de droite, des marxistes-léninistes propulsés patrons d’office où encore des Polisariens transformés en ardents défenseurs de la diplomatie du Royaume.
C’est en ce sens que la bataille pour la défense des droits de l’Homme n’est pas un vain mot. Ces droits représentent une exigence nouvelle de la conscience nationale même si les recommandations de l’IER tardent à se concrétiser dans la cohérence souhaitée. Face à un fort besoin de justice économique et sociale, l’idée d’une Initiative nationale de développement humain est une réponse intéressante, n’était-ce les ratés d’un management confié au ministère de l’Intérieur. Mais ce parler-vrai ne s’arrêtera pas là puisque, d’un autre côté, l’alliance traditionnelle entre le volontarisme économique du Palais et le monde des affaires, qui faisait jaser les uns et saliver les autres, laisse place progressivement à un autre type de contrat où les entreprises royales s’acquittent de leurs impôts et affichent désormais une normalité de bon aloi. Pour cimenter le pays, Mohammed VI a poussé le luxe jusqu’à porter le bitume aux douars les plus reculés. Le slogan « De Tanger à Lagouira » prend tout son sens avec une autoroute qui traverse le Royaume du nord au sud. Enfin, on peut se contenter d’être charismatique. Mohammed VI a choisi de conjuguer leadership politique, séduction et adhésion populaire. Résultat, la population le lui rend bien.
Abdellatif El Azizi
Economie : des chantiers en bonne voie
Tanger Med, la locomotive du Nord
Plus de 35 milliards de dirhams d’investissements, sans compter les 20 milliards de dirhams déboursés par l’État pour connecter le port à l’arrière-pays, via des routes et des autoroutes. Même les plus récalcitrants reconnaissent que le complexe portuaire Tanger Med est, incontestablement, « le chantier du règne » qui devrait propulser la région Nord, longtemps à la traîne, dans une dynamique de développement.
Toutes les pièces du puzzle devraient être en place vers 2015-2016 : Tanger Med I et II, infrastructures routières et ferroviaires, équipement des différents terminaux. Grâce au partenariat public-privé, les différents projets du complexe portuaire avancent de manière concomitante pour maximiser les chances de tenir les délais. Avec une capacité à terme de 8 millions de conteneurs, Tanger Med ambitionne de contrôler 25 % du trafic de conteneurs en Méditerranée et de devenir le port leader de la région, à cheval entre la Méditerranée et l’Atlantique. Sa situation géographique exceptionnelle lui confère d’ailleurs toutes les chances : au cœur du détroit de Gibraltar, avec accès direct aux principales lignes maritimes est-ouest, et nord-sud reliant l’Afrique à l’Amérique du Sud.
À mi-parcours, le bilan est satisfaisant en dépit de quelques incertitudes. Une de ses composantes clés, Tanger Free Zone (TFZ), vient d’être classée dans le top ten des zones franches mondiales par le Foreign direct investment magazine. Parmi les 475 entreprises qu’elle abrite, Renault se démarque par la taille de son projet : une capacité de production de 400 000 véhicules par an, un investissement de 600 millions d’euros, la création de 6 000 emplois directs et 30 000 indirects. Une première tranche portant sur une capacité de 200 000 voitures devait être opérationnelle en 2010. Mais frappé de plein fouet par la crise financière internationale, le constructeur français a dû revoir son calendrier. Aujourd’hui, il s’engage sur 2012. Croisons les doigts.
M. K.
ONA/SNI : une fusion pour libérer les énergies
La surprise aura été (presque) totale. L’annonce de la fusion des holdings SNI et ONA, le jeudi 25 mars 2010, n’a pas seulement bousculé le paysage économique, financier et industriel du Maroc. Au-delà du détail d’une opération majeure – qui a vu programmer le retrait et la radiation de la cote de deux valeurs emblématiques de la Bourse de Casablanca, puis la fusion des deux holdings, avant d’engager la rationalisation du périmètre du groupe avec la cession sur le marché boursier du contrôle des plus belles des entités autonomisées (Centrale Laitière, Bimo, Sotherma, Cosumar, Lesieur…) –, la réorganisation en cours est, d’abord, un signal fort à l’attention des opérateurs économiques, nationaux et internationaux. Certains d’entre eux ont pu, par le passé, s’interroger sur l’opportunité d’approcher, ou non, par quelque forme que ce soit, des entreprises appartenant au roi, et gérées par ses plus proches collaborateurs. D’autres ont pu rester admiratifs devant l’émergence, à marche et capitaux forcés, de nouveaux opérateurs industriels – à l’instar de Wana – qui n’auraient sans doute jamais vu le jour sans l’appui du Palais.
Reste que dans une économie de marché ouverte sur le monde, où les flux de capitaux et les intentions d’investissements étrangers ne demandent qu’à accompagner notre développement, le Palais ne pouvait plus ignorer qu’il lui fallait passer du stade d’opérateur à celui de simple investisseur. Le marché est aujourd’hui suffisamment mûr pour que la démarche apparaisse comme singulièrement cohérente. La fusion de l’ONA et de la SNI et les opérations de cession programmées viennent à point nommé pour relancer une Bourse quasi atone, et dynamiser un paysage économique et financier en quête d’un nouveau souffle. Surtout, cette opération spectaculaire est à considérer comme un double signal. À l’égard des critiques latentes exprimées au fil des ans à l’encontre d’une présence qui a pu être jugée encombrante. Et plus encore, à la libération des énergies.
Y. B.
Plan Maroc Vert : la révolution agricole en marche
Près de 150 milliards de dirhams d’investissement d’ici 2020 et une valeur ajoutée appelée à être multipliée par 2,5. La politique de relance de l’agriculture ou Plan Maroc Vert (PMV), initiée en avril 2008, promet une véritable révolution. Objectif : faire de l’agriculture le futur moteur de croissance de l’économie pour la prochaine décennie. Un rêve longtemps caressé par le Maroc mais qui peine à être concrétisé.
C’est que l’agriculture n’est pas un secteur comme les autres. Outre la dimension économique, l’activité agricole est intimement liée à la problématique rurale au Maroc. Toute stratégie agricole ne peut donc réussir que si elle prend en considération cette dimension sociale. Une donne que le PMV intègre d’emblée. En effet, la nouvelle stratégie a pour finalité la mise en valeur de l’ensemble du potentiel agricole territorial et la rupture avec l’image réductrice d’une agriculture opposant un secteur moderne à un secteur traditionnel et vivrier. Cependant, des observateurs estiment que, entre ce qui est annoncé et la mise en œuvre sur le terrain, le décalage se creuse déjà. Ainsi, le cercle des économistes considère que ce plan a un parti pris pour le modèle de la « grande ferme » et des grands exploitants. Ce qui, selon ces économistes, risque d’aggraver le problème du foncier dans le pays et de déstabiliser dangereusement l’équilibre de l’agriculture familiale.
Mais deux ans après son lancement, le plan Maroc Vert n’a pas encore vraiment amorcé son envol. La mobilisation du foncier n’a pas été au rendez-vous avec seulement 21 000 hectares mobilisés au lieu des 70 000 par an programmés. La mise en œuvre de la nouvelle stratégie vise à dépoussiérer des textes législatifs et réglementaires qui datent dans certains cas de la période du protectorat. C’est dans ce chapitre qu’il faut ranger, entre autres, la création de l’Agence pour le développement agricole qui a tenu son premier conseil d’administration le 13 avril 2009. Il faut citer également la non négligeable réforme du Fonds de développement agricole, marquée notamment par la mise en place d’un système d’incitation spécifique aux projets d’agrégation.
K. E. H.
***
Parler du roi est un exercice ardu. Entre la flagornerie des médias officiels et la mauvaise foi d’une partie de la presse étrangère, il va pourtant bien falloir trouver le juste milieu. D’emblée, qui peut encore douter que nous vivons un nouvel âge des rapports entre la monarchie et la société ? Après l’ère du management à la trique, voici venue celle de l’intérêt général. Avant, on se contentait de certaines formes de régulation en négociant avec des élites politiques le plus souvent déconnectées de la réalité du terrain. Aujourd’hui, à l’échelon national, la participation de la société civile à la décision politique – avec l’objectif avoué de la modernisation économique et culturelle du Maroc – représente désormais une voie contractuelle qui ferait presque oublier les effets de manche d’une classe politique en partie discréditée.Conscience nationale
Les partis renvoient souvent à une vision de la politique sentant le renfermé, en décalage profond avec l’état d’esprit des citoyens, alors que la démarche du souverain est porteuse de solutions alternatives qui rappellent la social-démocratie de combat. La monarchie n’est ni de droite ni de gauche mais toute bonne volonté suscite désormais la caution du monarque. En veut-on des exemples ? Des ex-gauchistes au pouvoir, pilotés par un parti de droite, des marxistes-léninistes propulsés patrons d’office où encore des Polisariens transformés en ardents défenseurs de la diplomatie du Royaume.
C’est en ce sens que la bataille pour la défense des droits de l’Homme n’est pas un vain mot. Ces droits représentent une exigence nouvelle de la conscience nationale même si les recommandations de l’IER tardent à se concrétiser dans la cohérence souhaitée. Face à un fort besoin de justice économique et sociale, l’idée d’une Initiative nationale de développement humain est une réponse intéressante, n’était-ce les ratés d’un management confié au ministère de l’Intérieur. Mais ce parler-vrai ne s’arrêtera pas là puisque, d’un autre côté, l’alliance traditionnelle entre le volontarisme économique du Palais et le monde des affaires, qui faisait jaser les uns et saliver les autres, laisse place progressivement à un autre type de contrat où les entreprises royales s’acquittent de leurs impôts et affichent désormais une normalité de bon aloi. Pour cimenter le pays, Mohammed VI a poussé le luxe jusqu’à porter le bitume aux douars les plus reculés. Le slogan « De Tanger à Lagouira » prend tout son sens avec une autoroute qui traverse le Royaume du nord au sud. Enfin, on peut se contenter d’être charismatique. Mohammed VI a choisi de conjuguer leadership politique, séduction et adhésion populaire. Résultat, la population le lui rend bien.
Abdellatif El Azizi
Economie : des chantiers en bonne voie
Tanger Med, la locomotive du Nord
Plus de 35 milliards de dirhams d’investissements, sans compter les 20 milliards de dirhams déboursés par l’État pour connecter le port à l’arrière-pays, via des routes et des autoroutes. Même les plus récalcitrants reconnaissent que le complexe portuaire Tanger Med est, incontestablement, « le chantier du règne » qui devrait propulser la région Nord, longtemps à la traîne, dans une dynamique de développement.
Toutes les pièces du puzzle devraient être en place vers 2015-2016 : Tanger Med I et II, infrastructures routières et ferroviaires, équipement des différents terminaux. Grâce au partenariat public-privé, les différents projets du complexe portuaire avancent de manière concomitante pour maximiser les chances de tenir les délais. Avec une capacité à terme de 8 millions de conteneurs, Tanger Med ambitionne de contrôler 25 % du trafic de conteneurs en Méditerranée et de devenir le port leader de la région, à cheval entre la Méditerranée et l’Atlantique. Sa situation géographique exceptionnelle lui confère d’ailleurs toutes les chances : au cœur du détroit de Gibraltar, avec accès direct aux principales lignes maritimes est-ouest, et nord-sud reliant l’Afrique à l’Amérique du Sud.
À mi-parcours, le bilan est satisfaisant en dépit de quelques incertitudes. Une de ses composantes clés, Tanger Free Zone (TFZ), vient d’être classée dans le top ten des zones franches mondiales par le Foreign direct investment magazine. Parmi les 475 entreprises qu’elle abrite, Renault se démarque par la taille de son projet : une capacité de production de 400 000 véhicules par an, un investissement de 600 millions d’euros, la création de 6 000 emplois directs et 30 000 indirects. Une première tranche portant sur une capacité de 200 000 voitures devait être opérationnelle en 2010. Mais frappé de plein fouet par la crise financière internationale, le constructeur français a dû revoir son calendrier. Aujourd’hui, il s’engage sur 2012. Croisons les doigts.
M. K.
ONA/SNI : une fusion pour libérer les énergies
La surprise aura été (presque) totale. L’annonce de la fusion des holdings SNI et ONA, le jeudi 25 mars 2010, n’a pas seulement bousculé le paysage économique, financier et industriel du Maroc. Au-delà du détail d’une opération majeure – qui a vu programmer le retrait et la radiation de la cote de deux valeurs emblématiques de la Bourse de Casablanca, puis la fusion des deux holdings, avant d’engager la rationalisation du périmètre du groupe avec la cession sur le marché boursier du contrôle des plus belles des entités autonomisées (Centrale Laitière, Bimo, Sotherma, Cosumar, Lesieur…) –, la réorganisation en cours est, d’abord, un signal fort à l’attention des opérateurs économiques, nationaux et internationaux. Certains d’entre eux ont pu, par le passé, s’interroger sur l’opportunité d’approcher, ou non, par quelque forme que ce soit, des entreprises appartenant au roi, et gérées par ses plus proches collaborateurs. D’autres ont pu rester admiratifs devant l’émergence, à marche et capitaux forcés, de nouveaux opérateurs industriels – à l’instar de Wana – qui n’auraient sans doute jamais vu le jour sans l’appui du Palais.
Reste que dans une économie de marché ouverte sur le monde, où les flux de capitaux et les intentions d’investissements étrangers ne demandent qu’à accompagner notre développement, le Palais ne pouvait plus ignorer qu’il lui fallait passer du stade d’opérateur à celui de simple investisseur. Le marché est aujourd’hui suffisamment mûr pour que la démarche apparaisse comme singulièrement cohérente. La fusion de l’ONA et de la SNI et les opérations de cession programmées viennent à point nommé pour relancer une Bourse quasi atone, et dynamiser un paysage économique et financier en quête d’un nouveau souffle. Surtout, cette opération spectaculaire est à considérer comme un double signal. À l’égard des critiques latentes exprimées au fil des ans à l’encontre d’une présence qui a pu être jugée encombrante. Et plus encore, à la libération des énergies.
Y. B.
Plan Maroc Vert : la révolution agricole en marche
Près de 150 milliards de dirhams d’investissement d’ici 2020 et une valeur ajoutée appelée à être multipliée par 2,5. La politique de relance de l’agriculture ou Plan Maroc Vert (PMV), initiée en avril 2008, promet une véritable révolution. Objectif : faire de l’agriculture le futur moteur de croissance de l’économie pour la prochaine décennie. Un rêve longtemps caressé par le Maroc mais qui peine à être concrétisé.
C’est que l’agriculture n’est pas un secteur comme les autres. Outre la dimension économique, l’activité agricole est intimement liée à la problématique rurale au Maroc. Toute stratégie agricole ne peut donc réussir que si elle prend en considération cette dimension sociale. Une donne que le PMV intègre d’emblée. En effet, la nouvelle stratégie a pour finalité la mise en valeur de l’ensemble du potentiel agricole territorial et la rupture avec l’image réductrice d’une agriculture opposant un secteur moderne à un secteur traditionnel et vivrier. Cependant, des observateurs estiment que, entre ce qui est annoncé et la mise en œuvre sur le terrain, le décalage se creuse déjà. Ainsi, le cercle des économistes considère que ce plan a un parti pris pour le modèle de la « grande ferme » et des grands exploitants. Ce qui, selon ces économistes, risque d’aggraver le problème du foncier dans le pays et de déstabiliser dangereusement l’équilibre de l’agriculture familiale.
Mais deux ans après son lancement, le plan Maroc Vert n’a pas encore vraiment amorcé son envol. La mobilisation du foncier n’a pas été au rendez-vous avec seulement 21 000 hectares mobilisés au lieu des 70 000 par an programmés. La mise en œuvre de la nouvelle stratégie vise à dépoussiérer des textes législatifs et réglementaires qui datent dans certains cas de la période du protectorat. C’est dans ce chapitre qu’il faut ranger, entre autres, la création de l’Agence pour le développement agricole qui a tenu son premier conseil d’administration le 13 avril 2009. Il faut citer également la non négligeable réforme du Fonds de développement agricole, marquée notamment par la mise en place d’un système d’incitation spécifique aux projets d’agrégation.
K. E. H.
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