M. Benchicou: “Bouteflika méprise le peuple algérien”
ALGÉRIE. L’écrivain et journaliste algérien Mohammed Benchicou nous détaille, à l’occasion de la sortie de son livre “Notre ami Bouteflika”, les séries de secousses politico-médiatiques qui continuent d’ébranler la scène algérienne.
Au-delà des révélations, inquiétantes mais très argumentées, de Benchicou, c’est le régime politique algérien qui est mis en accusation.
Maroc Hebdo International: Un mot sur votre itinéraire journalistique…
M. Benchicou: J’ai commencé en 1974 dans le journal “Al Moudjahid”. C’était le seul journal accepté à l’époque où le FLN (Front de Libération nationale) sévissait seul en Algérie. En 1989, j’ai quitté ce journal pour créer un journal indépendant, “Alger Républicain”, un ancien journal et qu’on a relancé.
Après on a créé, en 1991, “Le Matin”, devenu le premier quotidien francophone algérien. Et quand j’ai écrit “Bouteflika: une imposture algérienne” en 2004, ils m’ont condamné à deux ans de prison ferme pour “transfert illégal de capitaux et infraction à la réglementation régissant le marché des changes”… Depuis, je ne suis plus autorisé à écrire, à gérer un journal en Algérie.
“Bouteflika: une imposture algérienne” a été, semble-t-il, la goutte qui a fait déborder le vase…
M. Benchicou: Avant la sortie de ce livre, nous avions été suspendus quatre fois, toujours pour deux mois, et la cinquième fois a été définitive. J’ai été jugé le 31 mai et le journal a été suspendu le 4 juillet.
Mon autre livre sorti tout récemment s’appelle “Notre ami Bouteflika”. Il contient des textes d’une dizaine de journalistes et écrivains algériens de renom, parmi lesquels Abdelaziz Rahabi, ancien ministre de la Culture et de la Communication, ancien ambassadeur, Djilali Hadjadj, président de l’Association de Lutte contre la Corruption en Algérie, Ali Yahia Abdenour, président de la Ligue des Droits de l’Homme. C’est pour vous dire qu’on continue à écrire malgré tout ce qu’ils nous ont fait.
Ce livre est un vrai portrait à charge contre Bouteflika…
M. Benchicou: Le malheur est que Bouteflika se vante d’être à la tête d’un régime moderne et démocratique, alors que c’est un pouvoir illégitime qui dure depuis 1962.
Je peux comprendre que dans des monarchies, comme le Maroc ou la Jordanie, il y a des règles de succession précises garanties par la constitution, mais une république avec le même personnel politique depuis l’indépendance, cela s’appelle un pouvoir confisqué.
Mais cette notion de “république monarchique” ne s’applique pas au seul président Bouteflika..
M. Benchicou: J’en conviens. Il y a une crise de démocratie dans l’ensemble du monde arabe, mais il faut que vous sachiez que Bouteflika détient la 3ème place dans le classement des dictateurs au monde. Avec le score qu’il a eu en 2009 (90,27% des voix favorables), il arrive juste après le dictateur de la Guinée équatoriale (97,1%) et le président du Kazakhistan (91%).
Ces chiffres grotesques qui sont une façon grossière de duper l’opinion internationale, montrent que le régime n’avait d’autre choix que de se reconduire par la force contre la société.
Peut-être chercherait-il par la falsification des chiffres à s’inventer une base soilde de popularité et de légitimité?
M. Benchicou: Bouteflika n’a aucune base de popularité parce qu’il n’a connu l’Algérie qu’en 1962. Ce n’est pas son peuple. Il est né dans un pays étranger, il a vécu jusqu’à l’âge de 25 ans dans ce pays étranger, qui est le Maroc. Il n’a connu l’Algérie que lorsqu’il a été nommé à l’âge de 26 ans, ministre de la Jeunesse, donc par le haut. C’est la première raison qui fait qu’il méprise ce peuple puisqu’il n’a jamais partagé ses souffrances et son vécu quotidien.
Il a vécu la fleur de l’âge au Maroc, et pourtant il n’éprouve que haine et rancune à l’égard du Royaume...
M. Benchicou: En effet, Bouteflika hait le Maroc. C’est psychologique. Hassan II exerçait une séduction terrible sur lui.
Il l’admirait tellement qu’il voulait l’imiter, copier son style, sa manière de parler, d’analyser. En un mot, il se prenait pour un roi.
L’ouverture des frontières entre le Maroc et l’Algérie semble faire peur au régime algérien…
M. Benchicou: Bouteflika a fait beaucoup de choses dégradantes pour l’image de l’Algérie envers le Maroc. Parmi lesquelles cette attitude bornée qui consiste à ne pas ouvrir ces frontières, quoique le Maroc fût à l’origine de leur fermeture. Mais cela fait maintenant 16 ans que le problème persiste et il y a aujourd’hui de nouvelles générations d’entrepreneurs, d’hommes d’affaires qui ne peuvent plus évoluer avec cette fermeture des frontières.
Et l’Union du Maghreb dans ce conflit maroco-algérien?
M. Benchicou: L’union du Maghreb ne peut pas réussir tant que la démocratie dans sa dimension sociale et politique n’est pas instaurée dans la region.
Et je vais vous dire que si j’étais à la place de Bouteflika, je ne ferais pas d’union maghrébine car celle-ci apporte énormément aux peuples de la région, y compris le peuple algérien, et lui, il s’en fout du peuple. Maintenant pourquoi le Maroc et à moindre échelle la Tunisie, sont pour l’UMA? Car l’économie du Maroc est basée sur la libre entreprise. La Tunisie, elle aussi.
La maladie de Bouteflika commence à peser sur la scène politique algérienne et certains évoquent une guerre en coulisse pour la succession. Qu’en dites-vous?
M. Benchicou: La maladie de Bouteflika, quoique exagérée, n’est handicapante que dans un système démocratique. Mais, dans un pays répressif comme le nôtre, la maladie du président ne pose aucun problème.
Chez nous, on ne quitte pas le pouvoir. On peut rester pendant vingt ans dans le lit, malade, tout en exerçant le pouvoir.
maroc hebdo
ALGÉRIE. L’écrivain et journaliste algérien Mohammed Benchicou nous détaille, à l’occasion de la sortie de son livre “Notre ami Bouteflika”, les séries de secousses politico-médiatiques qui continuent d’ébranler la scène algérienne.
Au-delà des révélations, inquiétantes mais très argumentées, de Benchicou, c’est le régime politique algérien qui est mis en accusation.
Maroc Hebdo International: Un mot sur votre itinéraire journalistique…
M. Benchicou: J’ai commencé en 1974 dans le journal “Al Moudjahid”. C’était le seul journal accepté à l’époque où le FLN (Front de Libération nationale) sévissait seul en Algérie. En 1989, j’ai quitté ce journal pour créer un journal indépendant, “Alger Républicain”, un ancien journal et qu’on a relancé.
Après on a créé, en 1991, “Le Matin”, devenu le premier quotidien francophone algérien. Et quand j’ai écrit “Bouteflika: une imposture algérienne” en 2004, ils m’ont condamné à deux ans de prison ferme pour “transfert illégal de capitaux et infraction à la réglementation régissant le marché des changes”… Depuis, je ne suis plus autorisé à écrire, à gérer un journal en Algérie.
“Bouteflika: une imposture algérienne” a été, semble-t-il, la goutte qui a fait déborder le vase…
M. Benchicou: Avant la sortie de ce livre, nous avions été suspendus quatre fois, toujours pour deux mois, et la cinquième fois a été définitive. J’ai été jugé le 31 mai et le journal a été suspendu le 4 juillet.
Mon autre livre sorti tout récemment s’appelle “Notre ami Bouteflika”. Il contient des textes d’une dizaine de journalistes et écrivains algériens de renom, parmi lesquels Abdelaziz Rahabi, ancien ministre de la Culture et de la Communication, ancien ambassadeur, Djilali Hadjadj, président de l’Association de Lutte contre la Corruption en Algérie, Ali Yahia Abdenour, président de la Ligue des Droits de l’Homme. C’est pour vous dire qu’on continue à écrire malgré tout ce qu’ils nous ont fait.
Ce livre est un vrai portrait à charge contre Bouteflika…
M. Benchicou: Le malheur est que Bouteflika se vante d’être à la tête d’un régime moderne et démocratique, alors que c’est un pouvoir illégitime qui dure depuis 1962.
Je peux comprendre que dans des monarchies, comme le Maroc ou la Jordanie, il y a des règles de succession précises garanties par la constitution, mais une république avec le même personnel politique depuis l’indépendance, cela s’appelle un pouvoir confisqué.
Mais cette notion de “république monarchique” ne s’applique pas au seul président Bouteflika..
M. Benchicou: J’en conviens. Il y a une crise de démocratie dans l’ensemble du monde arabe, mais il faut que vous sachiez que Bouteflika détient la 3ème place dans le classement des dictateurs au monde. Avec le score qu’il a eu en 2009 (90,27% des voix favorables), il arrive juste après le dictateur de la Guinée équatoriale (97,1%) et le président du Kazakhistan (91%).
Ces chiffres grotesques qui sont une façon grossière de duper l’opinion internationale, montrent que le régime n’avait d’autre choix que de se reconduire par la force contre la société.
Peut-être chercherait-il par la falsification des chiffres à s’inventer une base soilde de popularité et de légitimité?
M. Benchicou: Bouteflika n’a aucune base de popularité parce qu’il n’a connu l’Algérie qu’en 1962. Ce n’est pas son peuple. Il est né dans un pays étranger, il a vécu jusqu’à l’âge de 25 ans dans ce pays étranger, qui est le Maroc. Il n’a connu l’Algérie que lorsqu’il a été nommé à l’âge de 26 ans, ministre de la Jeunesse, donc par le haut. C’est la première raison qui fait qu’il méprise ce peuple puisqu’il n’a jamais partagé ses souffrances et son vécu quotidien.
Il a vécu la fleur de l’âge au Maroc, et pourtant il n’éprouve que haine et rancune à l’égard du Royaume...
M. Benchicou: En effet, Bouteflika hait le Maroc. C’est psychologique. Hassan II exerçait une séduction terrible sur lui.
Il l’admirait tellement qu’il voulait l’imiter, copier son style, sa manière de parler, d’analyser. En un mot, il se prenait pour un roi.
L’ouverture des frontières entre le Maroc et l’Algérie semble faire peur au régime algérien…
M. Benchicou: Bouteflika a fait beaucoup de choses dégradantes pour l’image de l’Algérie envers le Maroc. Parmi lesquelles cette attitude bornée qui consiste à ne pas ouvrir ces frontières, quoique le Maroc fût à l’origine de leur fermeture. Mais cela fait maintenant 16 ans que le problème persiste et il y a aujourd’hui de nouvelles générations d’entrepreneurs, d’hommes d’affaires qui ne peuvent plus évoluer avec cette fermeture des frontières.
Et l’Union du Maghreb dans ce conflit maroco-algérien?
M. Benchicou: L’union du Maghreb ne peut pas réussir tant que la démocratie dans sa dimension sociale et politique n’est pas instaurée dans la region.
Et je vais vous dire que si j’étais à la place de Bouteflika, je ne ferais pas d’union maghrébine car celle-ci apporte énormément aux peuples de la région, y compris le peuple algérien, et lui, il s’en fout du peuple. Maintenant pourquoi le Maroc et à moindre échelle la Tunisie, sont pour l’UMA? Car l’économie du Maroc est basée sur la libre entreprise. La Tunisie, elle aussi.
La maladie de Bouteflika commence à peser sur la scène politique algérienne et certains évoquent une guerre en coulisse pour la succession. Qu’en dites-vous?
M. Benchicou: La maladie de Bouteflika, quoique exagérée, n’est handicapante que dans un système démocratique. Mais, dans un pays répressif comme le nôtre, la maladie du président ne pose aucun problème.
Chez nous, on ne quitte pas le pouvoir. On peut rester pendant vingt ans dans le lit, malade, tout en exerçant le pouvoir.
maroc hebdo
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