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Une société en mutation LE MAROC

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  • Une société en mutation LE MAROC

    Une société en mutation
    LE MAROC

    Aurélie Louchart pour Evene . fr – Juin 2010


    Le Maroc est une des destinations préférées des Français. En 2009, près de 2,7 millions de nos compatriotes se sont rendus en Royaume marocain. La plupart d'entre eux viennent chercher soleil et dépaysement : la place Jemaa El Fna à Marrakech ou les plages d'Agadir. Un Maroc de carte postale qui, s'il existe bel et bien, ne reflète pas la réalité complexe d'un pays dont la société vit actuellement une mutation sans précédent.


    Il faut du temps pour réellement appréhender, comprendre tout ce qui se dit et se voit en Royaume maghrébin. Les paradoxes du pays ne s'apprivoisent pas aisément. Pour cause principale, la société marocaine qui, en une génération, a été sensiblement transformée. En 1975, les Marocaines avaient en moyenne 7,4 enfants chacune. Trente ans plus tard, elles n'en ont plus que 2,4. Pour effectuer une telle transition démographique, la France, elle, avait mis plus de 150 ans. Bien que non exempte de secousses, cette évolution s'était effectuée chez nous à un rythme tranquille, en même temps que d'autres changements importants de société : en cinq générations, le choc est amorti, lissé. Au contraire, "l'ancien" et le "nouveau" Maroc se regardent aujourd'hui dans les yeux.


    Une génération nouvelle sur tous les plans


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    Ce "nouveau" Maroc, ce sont les 20-35 ans d'aujourd'hui. Leurs parents sont nés au moment de l'Indépendance, dans des familles nombreuses et traditionnelles. Eux n'ont qu'un ou deux frère(s) et soeur(s). Ce sont les premiers pour qui les années noires du Maroc, les disparitions, la violation des droits de l'Homme sous Hassan II, se conjuguent au passé. Ils ont grandi dans un Royaume où le protectorat français apparaît lointain. Leur priorité n'est plus un débat territorial ou de décolonisation mais le développement économique et social du pays. Côté alphabétisation, même singularité : près d'un Marocain sur deux ne sait ni lire ni écrire, mais chez les 15-30 ans, 75 % de la population est lettrée. (1) Dans un pays où la moitié de la population a moins de 25 ans, ces changements vont rapidement dessiner un nouveau visage au Maroc. (2)


    Un pays en chantier


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    L'Histoire l'a prouvé : une transition démographique va rarement sans son lot de bouleversements sociaux. Déstabilisation des rapports d'autorité entre ceux qui savent lire et leurs aînés analphabètes, érosion du modèle familial patriarcal, émergence des femmes dans la sphère publique, liberté individuelle accrue offerte par la contraception… Comme le soulignent les démographes Emmanuel Todd et Youssef Courbage, "le contrôle des naissances entraîne aussi une "modification radicale de la vie sexuelle" et donc "un réaménagement substantiel du rapport entre hommes et femmes". (3) Le nouveau régime démographique du Maroc entre ainsi en contradiction avec son système de relations hommes/femmes, encore largement traditionnel. Au sein du Royaume, le mariage de raison domine toujours et le concubinage demeure prohibé : impossible pour deux Marocains non mariés de louer une chambre d'hôtel. Les femmes vivant seules sont encore extrêmement minoritaires et seules 26,6 % d'entre elles travaillent. (4)


    La femme, symbole des tensions sociales


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    Depuis la réforme du Code de la famille en 2004, le Maroc est pourtant l'un des pays les plus progressistes de la région en matière de droits de la femme. Désormais, à part en matière d'héritage où elles restent désavantagées, les Marocaines sont légalement les égales des hommes (choix libre de l'époux, demande de divorce possible, garde partagée des enfants, etc.). Un bond en avant loin de susciter l'enthousiasme de tous… Et de toutes : un sondage réalisé par le journal Le Monde montre que 49 % des Marocaines considèrent que la réforme leur donne trop de droits. (5) Cette étonnante réaction des femmes témoigne d'une véritable tension au sein de la société face à la remise en question du modèle traditionnel. Une tension qui pourrait bien être en partie désamorcée par une frange spécifique de la population : les MRE. Lire la suite de Une société en mutation »

    (1) Taux d'alphabétisation : 58,8 %, 70,6 % chez les hommes, 47,4 % chez les femmes, Haut commissariat au Plan marocain (chiffres officiels du Royaume), estimation 2007. Selon d'autres sources, le taux d'alphabétisation se situe à 2 ou 3 points plus bas. Pour les jeunes, statistiques de l'Unicef.
    (2) Age médian : 25 ans, 'CIA World Fact Book', estimation 2009.
    (3) Youssef Courbage et Emmanuel Todd, 'Révolution culturelle au Maroc : le sens d'une transition démographique', Institut national d'études démographiques, Paris, 2007.
    (4) Taux d'activité des femmes : 26,6 %, Haut commissariat au Plan marocain, estimation 2008. A noter que les femmes travaillent largement dans le secteur informel, qui n'est pas pris en compte par cette estimation, ce qui diminue considérablement leur taux d'activité.
    (5) Sondage Le Monde, TelQuel, juillet 2009.

    ..SUITE...
    Dernière modification par Maroc02, 29 juillet 2010, 22h41.
    Puisque la haine ne cessera jamais avec la haine, la haine cessera avec l'amour.

  • #2
    ....
    Un Marocain sur dix vit à l'étranger


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    MRE. Cet étrange nom de code, pour qui n'y est pas initié, est l'acronyme de "Marocain résidant à l'étranger". Ils sont 3,3 millions : un Marocain sur dix vit en dehors de son pays ; 85 % d'entre eux sont installés en Europe. (6) La plupart des Marocains n'ont globalement accès au modèle social occidental qu'à travers la télévision. Celle-ci livre une image caricaturale, qui sert de fantasme ou de repoussoir plus que de réel modèle fonctionnel et concurrent. Les Marocains résidant à l'étranger, eux, vivent véritablement la confrontation à un autre modèle. Ils apprennent à décrypter leur culture et celle du pays d'accueil, à composer avec les deux, à réfléchir aux points positifs et négatifs de chacune. Les relations sérieuses sans mariage, l'importance des anniversaires, les personnes âgées délaissées, "mentir" aux petits en leur parlant du père Noël… Et, en face, le mariage de raison, un modèle familial protecteur mais intrusif, le mouton égorgé devant des enfant à l'Aïd… La rencontre provoque ce que le philosophe Tzvetan Todorov appelle un "étonnement riche" : l'expatrié redécouvre sa propre culture où, comme le soulignait poétiquement Gaston Bachelard, "le moi s'éveille à la grâce du toi". Dans un pays qui vient d'achever sa transition démographique, avec une forte différence générationnelle et pour quasi seul modèle de modernité un Occident autant honni qu'apprécié, posséder un dixième de population qui s'est déjà consciemment posé les questions de l'identité est un atout considérable.


    Passeurs de culture


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    Certes, ces MRE restent une minorité. Mais il s'agit d'une minorité grandissante – ils sont deux fois plus nombreux qu'il y a 15 ans et cette frange de la population se révèle influente. Comme le soulignent Youssef Courbage et Emmanuel Todd, "les émigrés marocains, ces passeurs de cultures, ont accéléré la mutation des comportements". (7) Ces Marocains singuliers sont autant de propagateurs d'un modèle alternatif, hybride, pour les autres Marocains qui ne sortent pas du pays. Des modèles d'autant plus influents qu'ils ne sont pas perçus comme une pure incursion de l'étranger. En cela, plus que les MRE, les anciens MRE, tels les jeunes Marocains qui effectuent leurs études supérieures en Europe, puis rentrent au pays diplôme en poche, exercent une influence capitale. D'abord parce qu'ils sont sur place, et ne sont pas perçus comme de "faux" Marocains occidentalisés. Ensuite, parce qu'ils décrochent la plupart des postes à responsabilités du Royaume, les diplômes d'universités et écoles marocaines étant encore moins valorisés sur le marché de l'emploi.


    La réflexion comme modèle


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    De par leur passage en Europe, ces Marocains ne rejettent pas nécessairement le modèle et les valeurs de leurs parents. Simplement, ils les réfléchissent plus. Leur singularité réside ainsi dans le fait qu'ils n'agissent plus par mimétisme social mais par réflexion. Leur approche peut mener à la reconduite des comportements traditionnels comme à la création de nouveaux comportements. Comme pour les expatriés lorsqu'ils vivaient en Europe, la confrontation à ces modèles hybrides, à cette altérité au sein même de la société marocaine engagera la réflexion. C'est là l'essentiel. Car l'important n'est pas la nature des choix que fera la société marocaine, mais la façon dont elle les fera. Se développer, préserver son identité sans rester bloquée dans le passé, bref, changer sans se perdre, tel est le véritable défi.



    (6) Données de l'Observatoire de la communauté marocaine résidant à l'étranger, Fondation Hassan II, 2007.
    (7) Youssef Courbage et Emmanuel Todd, Ibid.


    Evene . fr
    Dernière modification par Maroc02, 29 juillet 2010, 22h41.
    Puisque la haine ne cessera jamais avec la haine, la haine cessera avec l'amour.

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