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Reportage. Maroc-Algérie, frères de foot

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  • Reportage. Maroc-Algérie, frères de foot

    Dans le sillage de la gueguerre maroco algerienne , un excellent article de journal Tel Quel sur l'autre revers de la medaille , le coté fraternel et solidaire .

    Par Hicham Oulmouddane
    Reportage. Maroc-Algérie, frères de foot
    (AFP)

    Quatre jours avant le fatidique Egypte/Algérie, qui a débouché sur le résultat que vous savez, les Marocains avaient déjà choisi leur camp…


    Casablanca, boulevard Moulay Driss Ier. Dans le café jouxtant le consulat d’Algérie, il n’y a pas encore foule. La pluie torrentielle qui s’abat sur la ville y est sûrement pour quelque chose. Seuls quelques supporters algériens, trahis par le maillot de leur équipe nationale, sont
    déjà attablés. Ils espèrent partager une nouvelle victoire des Fennecs avec les supporters marocains, comme ce fut le cas lors des matchs de barrage pour la Coupe du Monde contre l’Egypte. “Nos amis marocains du quartier ont soutenu l’Algérie jusqu’au bout contre les Pharaons, après on est partis fêter ça”, nous raconte cet employé du consulat algérien, accompagné de sa fille, qui serre dans ses petites mains le drapeau du pays. Un quart d’heure plus tard, un groupe de jeunes entre au café avec l’espoir d’y suivre le grand derby milanais, mais ils vont vite déchanter. “C’est le match Algérie-Côte d’Ivoire qui est programmé ce soir”, leur annonce le serveur. Déçus, ils décident tout de même de rester, pensant assister à une déconfiture algérienne. Cinq minutes avant le début du match, le café est bondé et les derniers arrivants ont du mal à trouver une place. Quand le coup d’envoi est donné à 19h30, Houari, un supporter algérien, commence déjà à se ronger les ongles. Et pour cause, il se doute bien que les Eléphants seront durs à battre.

    Orange mécanique
    Et dès la 4ème minute, l’attaquant de Chelsea, Salomon Kalou, va cueillir à froid la défense algérienne en marquant un premier but. Il précipite alors les Fennecs dans une confusion totale. Un silence religieux s’abat sur le café. Le spectre de la défaite cuisante des Verts face au Malawi, au premier tour, hante les esprits algériens, alors que les supporters marocains craignent que le match ne soit plié par les Ivoiriens. Il faut dire que depuis les matchs de barrage de Coupe du Monde contre l’Egypte, les Marocains se sont découvert une seconde nature de supporters de l’Algérie, voyant sans doute dans les Fennecs une équipe de substitution, suite à la déroute des Lions de l’Atlas pendant les phases de qualification. Après quelques minutes de flottement, l’équipe algérienne retrouve ses marques. Alors quand les Fennecs, menés par le talentueux Karim Ziani, mènent des incursions courageuses, les supporters recommencent à y croire. “Saha khouya, ne lâche rien”, crie un supporter algérien au gardien de but Chaouchi, mis en difficulté par la puissance physique des joueurs ivoiriens. Les clients marocains, qui avaient accueilli le début de la rencontre avec tiédeur, sortent progressivement de leur réserve, visiblement impressionnés par le jusqu’auboutisme des joueurs algériens. Même nos jeunes fans du Milan AC entrent dans le match, attirés par la qualité des échanges entre les deux équipes. “Yallah yallah, wach raaak diir”, lance un supporter algérien à un défenseur de la “khadra” monopolisant le ballon. La Côte d'Ivoire, qui se contente depuis quelques minutes de contenir les assauts des Algériens, va le payer cher puisque le second attaquant de pointe, Karim Matmour, égalise à la 40ème minute. C’est le délire total dans le café casablancais : tout le monde s’embrasse, Marocains et Algériens scandent ensemble le fameux “One, two three, viva l’Algérie” en tapant sur les tables. Fin de la première mi-temps, retour aux vestiaires… et au calme dans le café.

    One, two, three, viva l’Algérie
    Profitant d’une accalmie du ciel, d’autres supporters, alertés par la combativité des Fennecs, rejoignent le café, qui affiche pourtant complet. Qu’à cela ne tienne. Le tenancier apporte des chaises de réserve. En attendant la reprise du match, les commentaires vont bon train. “Assahbi, les Egyptiens et les Algériens se tuent pour le drapeau. Ils donnent tout pour leur pays. C’est pas comme certains...”, lance un jeune Marocain, qui n’a visiblement toujours pas digéré l’absence des Lions de l’Atlas de la grand-messe du football africain. “Tu as vu comment ils ont renversé la situation ? Nous, on s’est fait balayer par le Gabon sur notre propre terrain”, ajoute un autre. Le sifflet de l’arbitre met fin à cette séance d’auto-flagellation. Pendant 40 minutes, l’équipe algérienne va harceler la défense ivoirienne qui commence à montrer des signes de désorganisation. Preuve en est, l’effacement de Didier Drogba, star du football ivoirien, à mesure que les joueurs algériens s’imposent sur le terrain. Le café du boulevard Moulay Driss Ier vibre sous les applaudissements des supporters. Les téléphones n’arrêtent pas de sonner et les sms fusent pour commenter la prestation des Fennecs. Mais à la 89ème minute, l’attaquant ivoirien Keita se décale dans l’axe et décoche une frappe puissante (92 km/h) logeant le ballon dans la lucarne. C’est la douche froide. Tout le monde se tait. Quelques supporters quittent le café discrètement. “Dommage, se désole Houari, on tenait le match”. “Les Ivoiriens n’ont rien montré dans ce match. Ils ne méritent pas de passer”, estime son voisin marocain. Il ne reste que 3 minutes de jeu et la tension n’est toujours pas retombée. Alors quand, à la 93ème minute, Bougherra, oublié par la défense ivoirienne, s’apprête à réceptionner une passe, tout le monde se lève en attendant le coup de tête offensif. Le miracle aura bien lieu. Bougherra remet l’Algérie en selle et déclenche l’hystérie collective des clients du café, qui crient à en perdre la voix “Viva l’Algérie”. Fin du temps réglementaire, place aux prolongations.

    La déferlante verte
    “Ces Ivoiriens sont trop forts physiquement. J’espère que les Algériens vont tenir le coup”, lance un supporter marocain. Mais les Fennecs vont garder un moral d’acier. Ils gagnent leurs duels et, à la 96ème minute, Ziani centre tranquillement le ballon au second poteau pour Bouazza dont la tête trompe le portier ivoirien. Dans le café, les démonstrations de joie se multiplient. “Nari, si les Egyptiens se qualifient aussi ça va encore être l’escalade avec les grandes gueules de Oum Dounia. On va bien rigoler”, se projette déjà un supporter. Le moqaddem du quartier arrive au café et demande : “Ah, ils ont marqué. C’est donc la fin du match ?”. Un supporter lui explique que le “golden goal” fait partie de la préhistoire du football. De son côté, le commentateur de la chaîne qatarie Al Jazeera se lance dans un discours dithyrambique puisant dans la rhétorique nassérienne. Quand il crie “Allez, allez, vaillants guerriers du désert”, les Marocains se crispent. Feignant de n’avoir rien entendu, les Algériens ne bronchent pas. Ce n’est pas le moment de ressortir les histoires qui fâchent. Lorsque le gardien algérien Faouzi Chaouchi refuse de quitter le terrain après avoir subi une belle charge, tout le monde applaudit. L'Algérie se sent pousser des ailes et s’offre même de nombreuses occasions d'aggraver le score. A la 120ème minute, le coup de sifflet final délivre les Algériens. “Mabrouk alikoum al ikhwan, c’est une excellente ambiance. Inchallah avec l’Egypte, ça sera encore mieux”, promet l’un d’entre eux. Le café se vide peu à peu. Les derniers supporters algériens rêvent déjà du trophée. Pour les Marocains, la finale de la CAN 2004 à Tunis, c’est déjà un très vieux souvenir.
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