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Hommage a Howard Zinn

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    Mythes de l’« exceptionnalisme » américain Howard Zinn [IMG]http://www.******************/images/stories/ingodwetrust.jpg[/IMG]La notion de l’« exceptionnalisme » américain – selon laquelle seuls les Etats-Unis ont le droit, soit par décret divin, soit par obligation morale, d’apporter la civilisation, la démocratie ou la liberté au reste du monde, et par la violence, si nécessaire – n’a rien de neuf. Elle était déjà apparue en 1630, au sein de la colonie de Massachusetts Bay, lorsque...
    »

    Tous les dirigeants américains n’ont pas invoqué le consentement divin mais l’idée s’est maintenue que, seuls, les Etats-Unis avaient de bonnes raisons d’utiliser le pouvoir pour s’étendre dans le monde entier. En 1945, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, Henry Luce, propriétaire d’une vaste chaîne d’entreprises dans les médias – Time, Life, Fortune, e.a. – déclara que le siècle à venir serait « le siècle américain », que la victoire à la guerre conférait aux Etats-Unis le droit « d’exercer sur le monde entier le plein impact de notre influence, dans les buts et par les moyens qui semblent le mieux nous convenir ».

    Cette prophétie confiante allait s’accomplir durant toute la suite du 20e siècle. Presque immédiatement après la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis pénétrèrent dans les régions pétrolières du Moyen-Orient via des arrangements spéciaux avec l’Arabie saoudite. Ils établirent des bases militaires au Japon, en Corée, aux Philippines et dans nombre d’îles du Pacifique. Au cours des décennies suivantes, ils orchestrèrent des coups d’Etat en Iran, au Guatemala, au Chili et apportèrent leur aide militaire à diverses dictatures des Caraïbes. Dans une tentative d’établir une tête de pont en Asie du Sud-Est, ils envahirent le Vietnam et bombardèrent le Laos et le Cambodge.

    Au cours de la guerre froide, de nombreux « libéraux » américains furent saisis d’une espèce d’hystérie à propos de l’expansion soviétique, qui fut certainement réelle en Europe de l’Est, mais fut grandement exagérée en tant que menace pour l’Europe occidentale et les Etats-Unis. Durant la période du maccarthysme, le libéral par excellence du Sénat, Hubert Humphrey, proposa des camps de détention pour les gens soupçonnés de subversion qui, en période d’« urgence nationale », pourraient y être enfermés sans jugement.

    L’idée de l’exceptionnalisme américain persista lorsque le premier président Bush déclara – en développant la prédiction de Henry Luce – que la nation était sur le point de s’embarquer vers un « nouveau siècle américain ». Bien que l’Union soviétique eût disparu, la politique d’intervention militaire à l’étranger ne cessa pas. Le père Bush envahit Panama, puis se lança dans la guerre contre l’Irak.

    Les terribles attentats du 11 septembre donnèrent un nouvel élan à l’idée que les Etats-Unis étaient les seuls responsables de la sécurité planétaire, en nous défendant tous contre le terrorisme comme il l’avait fait précédemment contre le communisme. Le président George W. Bush porta l’idée de l’exceptionnalisme américain jusqu’à ses limites extrêmes en mettant en exergue, dans sa stratégie de sécurité nationale, les principes de la guerre unilatérale.

    Ce fut une répudiation de la Charte des Nations unies, qui repose sur l’idée que la sécurité est un problème collectif et que la guerre ne pourrait se justifier que par autodéfense. Nous pourrions faire remarquer que la doctrine de Bush viole également les principes établis à Nuremberg, lorsque les dirigeants nazis furent inculpés, puis pendus pour leur guerre d’agression, leur guerre de prévention, à mille lieues de toute idée d’autodéfense.
    La stratégie de Bush en matière de sécurité nationale et sa déclaration audacieuse disant que les Etats-Unis sont seuls responsables de la paix et de la démocratie dans le monde ont été perçues de façon choquante par de nombreux Américains.

    Mais ce n’est pas vraiment un écart dramatique vis-à-vis de la pratique des Etats-Unis qui, très longtemps, ont agi comme agresseurs, bombardant et envahissant d’autres pays (le Vietnam, le Cambodge, le Laos, Grenade, Panama, l’Irak) et insistant pour maintenir leur suprématie nucléaire et non nucléaire. L’action militaire unilatérale, sous le prétexte de la prévention, est un engagement familier de la politique étrangère américaine.

    Parfois, les bombardements et les invasions ont été déguisés sous forme d’action internationale en y incorporant les Nations unies, comme en Corée, ou l’Otan, comme en Serbie, mais, fondamentalement, nos guerres ont été des entreprises américaines. Ce fut le secrétaire d’Etat de Bill Clinton, Madeleine Albright, qui déclara à un moment donné : « Si c’est possible, nous agirons dans le monde de façon multilatérale mais, si nécessaire, nous agirons unilatéralement. » Henry Kissinger, entendant cela, répondit avec sa solennité coutumière que ce principe « ne devrait pas être universalisé ». Jamais l’exceptionnalisme ne fut plus évident.

    Certains libéraux de ce pays, opposés à Bush, sont néanmoins plus proches de ses principes en matière d’affaires étrangères, qu’ils ne veulent bien le reconnaître. Il est clair que le 11 septembre a eu un effet psychologique puissant sur tout le monde en Amérique et, pour certains intellectuels libéraux, une espèce de réaction hystérique a déformé leur capacité d’avoir des idées claires à propos du rôle de notre nation dans le monde.

    Dans un numéro récent du magazine libéral The American Prospect, les éditeurs écrivent :

    « Aujourd’hui, les terroristes islamistes de portée mondiale posent la pire menace immédiate. Contre nos existences et nos libertés. (…) Lorsqu’ils sont confrontés à une menace substantielle, immédiate et démontrable, les Etats-Unis ont à la fois le droit et l’obligation de frapper de façon préventive et, au besoin, unilatéralement, contre les terroristes ou les Etats qui les soutiennent. »

    Préventivement et, au besoin, unilatéralement; et contre « les Etats qui soutiennent » les terroristes, et pas seulement contre les seuls terroristes mêmes. Voilà des pas importants en direction de la doctrine de Bush, bien que les éditeurs qualifient leur soutien à la prévention en ajoutant que la menace doit être « substantielle, immédiate et démontrable ». Mais quand des intellectuels défendent des principes abstraits, même lorsqu’ils sont qualifiés pour le faire, ils doivent garder à l’esprit que les principes seront appliqués par les personnes qui dirigent le gouvernement américain. Il est on ne peut plus important de garder cela à l’esprit quand le principe abstrait concerne le recours à la violence.

    Il peut y avoir un cas acceptable de déclenchement de l’action militaire face ç une menace immédiate, mais seulement si l’action se limite et se concentre directement sur la partie menaçante – exactement de la même manière que nous pourrions accepter la neutralisation de quelqu’un criant faussement « au feu » dans un théâtre rempli si c’était réellement le cas et non l’un ou l’autre individu distribuant des tracts contre la guerre dans la rue. Mais accepter l’action, non seulement contre les « terroristes » (pouvons-nous les identifier de la même façon que nous identifions la personne criant « au feu »), mais contre « les Etats qui les soutiennent » incite à une violence non ciblée et sans discrimination, comme en Afghanistan, où notre gouvernement a tué au moins 3.000 civils en prétendant poursuivre des terroristes.

    Il semble que l’idée de l’exceptionnalisme américain se répand comme une traînée de poudre parmi tout le spectre politique.

    L’idée n’est pas remise en cause parce que l’histoire de l’expansion américaine dans le monde n’est pas le genre d’histoire que l’on enseigne beaucoup dans notre système éducatif. Il y a deux ou trois ans, Bush fit un discours devant l’Assemblée nationale philippine en déclarant : « L’Amérique est fière de son rôle dans la grande histoire du peuple philippin. Ensemble, nos soldats ont libéré les Philippines de la domination coloniale. » Apparemment, le président n’a jamais eu vent de l’histoire de la conquête sanglante des Philippines.

    Et, l’an dernier, lorsque l’ambassadeur mexicain à l’ONU dit quelque chose de peu diplomatique sur la façon dont les Etats-Unis avaient traité le Mexique comme s’il se fut agi de leur « arrière-cour », il fut immédiatement rabroué par le secrétaire d’Etat de l’époque, Colin Powell. Powell, réfutant l’accusation, déclara : « Nous avons vécu ensemble une trop importante histoire commune. » (N’avait-il donc rien appris de la guerre contre le Mexique ou des raids militaires dans ce même pays ?) L’ambassadeur ne tarda pas à être relevé de ses fonctions.

    Quelques jours seulement avant que Bush ne prononce ces mots sur la diffusion de la liberté dans le monde, le The New York Times publia une photo d’une fillette irakienne recroquevillée et saignant en abondance. Elle était en pleurs. Ses parents, qui l’emmenaient quelque part dans leur voiture, venaient d’être abattus par des militaires américains trop nerveux.

    L’une des conséquences de l’exceptionnalisme américain, c’est que le gouvernement des Etats-Unis se considère comme libre exempté de devoir appliquer les normes légales et morales acceptées par d’autres nations dans le monde. La liste de ces auto-exemptions est très longue : le refus de signer le traité de Kyoto réglementant la pollution de l’environnement, le refus de renforcer la Convention sur les armes biologiques. Les Etats-Unis n’ont pas rejoint les cent et quelques nations qui se sont mises d’accord pour interdire les mines terrestres, en dépit des statistiques effrayantes concernant les amputations pratiquées sur des enfants mutilés par ces mines. Ils refusent d’interdire l’usage du napalm et des bombes à fragmentation. Ils insistent sur le fait qu’ils ne doivent pas être soumis, comme le sont d’autres pays, à la juridiction de la Cour pénale internationale.

    Se sont quelques extraits de son discours au MIT



    Howard Zinn - Mythes de l’« exceptionnalisme » américain
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