Algérie-Espagne La défiance continue
José Garçon Le : 2010-01-21
C’est finalement les 7 et 8 janvier que José Luiz Zapatero et Abdelaziz Bouteflika se sont rencontrés à Madrid. Alors que ce sommet était attendu depuis près d’un an, la déclaration commune adoptée à son issue n’indique pas que le malaise existant entre Alger et Madrid soit dissipé. Un long article titré «Les ambiguïtés de Madrid» publié le 9 janvier par El Watan semble d’ailleurs le confirmer. «L’ambiguïté que continue à entretenir le gouvernement Zapatero autour du conflit du Sahara occidental, écrit le quotidien algérien, le dialogue de sourds entourant le débat sur la libre circulation des personnes et les attaques répétées dont fait l’objet l’entreprise Sonatrach dans la péninsule ibérique laissent perplexe quant à la volonté réelle de Madrid de défendre les positions algériennes à Bruxelles. Les dossiers, objet de litiges bilatéraux, n’ont pas vraiment avancé(…) et aucun accord n’a été signé».
Alger préoccupée
Maigre résultat pour un sommet censé aplanir plusieurs différends. Y compris sur l’immigration clandestine où Madrid appelle Alger à «collaborer» davantage car 65% des immigrants clandestins interceptés en 2009 en Espagne viennent d’Algérie… Pouvait-il en être autrement quand la morosité et la défiance à l’égard du gouvernement de José Luis Zapatero ont remplacé l’excellence des rapports entretenus avec celui de José Maria Aznar et le rapprochement scellé par la visite d’Etat du président Bouteflika en 2002 à Madrid ?
En réalité, si Abdelaziz Bouteflika s’est, cette fois, décidé à faire le déplacement, accompagné d’une grosse délégation ministérielle, c’est que l’Algérie est préoccupée. Le roi Mohammed VI vient d’annoncer la «régionalisation» du Maroc, régionalisation qui va bénéficier en premier lieu au Sahara Occidental. Et, dans l’affaire Aminatou, l’Espagne s’est éloignée de sa position de soutien au Front Polisario. En affirmant qu’elle «prenait acte du fait que ce territoire était administré par Rabat», elle a fait un pas, prudent mais réel, en direction de la thèse marocaine sur l’autonomie.
Ce pas inquiète d’autant plus les autorités algériennes qu’il survient après que Madrid se soit abstenu par deux fois de voter des résolutions du Conseil de Sécurité sur le Sahara Occidental. Il est donc décisif pour Alger de convaincre l’Espagne de rester neutre dans ce conflit. Surtout au moment où elle assume pour six mois la présidence de l’Union Européenne et où se tiendra, sous sa présidence, le 5e conseil d’association Algérie-UE.
Medgaz retardé
En matière énergétique, les tensions ne manquent pas non plus, alors que Madrid importe 35% de son gaz naturel d’Algérie. Les conflits d’intérêts semblent faire du sur-place : ils opposent la Sonatrach, la société algérienne des hydrocarbures, à ses homologues espagnoles sur le prix et la distribution par Sonatrach de ses produits en Espagne. Alger avait entamé en 2005, au moment où les prix du pétrole s’envolaient, des négociations sur la révision à la hausse du prix du gaz acheminé vers l'Espagne par le gazoduc Maghreb-Europe… Or, note El Watan, «l’Espagne de Zapatero donne la nette impression de vouloir profiter au maximum de son partenariat avec l’Algérie sans rien céder en échange. Les officiels espagnols, qui souhaitent que les entreprises espagnoles obtiennent des parts de marché dans le vaste programme d’équipement algérien prévu en 2010-2014, sont restés muets sur les doléances de Sonatrach de renégocier, par exemple, les prix du gaz»… L’arbitrage sur le prix de gaz devrait quoi qu’il en soit être rendu ce mois ci ou en février. En attendant, ces différends ont retardé la mise en service du gazoduc Medgaz qui reliera directement Béni Saf en Algérie à Almeria en Espagne. Un projet d’un coût global de 900 millions d’euros financé par la Sonatrach (majoritaire avec 36%), les espagnoles Cepsa et Iberdola (20% chacune), ainsi que Gaz de France et Endesa…
Message à la France
Seuls points positifs pour le président algérien, premier invité de l’Espagne depuis qu’elle a pris la présidence de l’UE : Madrid a proposé qu’Oran accueille les 26 et 27 avril la prochaine réunion des 5+5 regroupant les pays des deux rives de la Méditerranée consacrée à l'énergie et à l'environnement. Et, en se rendant à Madrid, Abdelaziz Bouteflika a envoyé un message aux Français : vous n’êtes plus des partenaires incontournables et privilégiés. Car là, tout agace Alger : l’arrestation à Marseille d’un diplomate algérien, la relance par la justice française du dossier de l’assassinat des moines de Tibéhirine en Algérie, la faiblesse des investissements français, les contrats militaires, l'avenir de l'Union pour la Méditerranée que Paris souhaite relancer. Et, bien sûr, le soutien de la France au Maroc sur le Sahara Occidental.
Du coup, la visite d’Abdelaziz Bouteflika en France annoncée fin 2008, n’a toujours pas eu lieu. Signe des temps : le président algérien aurait fait un bref passage fin décembre à Paris pour raisons médicales. Dans la plus grande discrétion et sans rencontrer aucun officiel français.
L'Observateur.ma
José Garçon Le : 2010-01-21
C’est finalement les 7 et 8 janvier que José Luiz Zapatero et Abdelaziz Bouteflika se sont rencontrés à Madrid. Alors que ce sommet était attendu depuis près d’un an, la déclaration commune adoptée à son issue n’indique pas que le malaise existant entre Alger et Madrid soit dissipé. Un long article titré «Les ambiguïtés de Madrid» publié le 9 janvier par El Watan semble d’ailleurs le confirmer. «L’ambiguïté que continue à entretenir le gouvernement Zapatero autour du conflit du Sahara occidental, écrit le quotidien algérien, le dialogue de sourds entourant le débat sur la libre circulation des personnes et les attaques répétées dont fait l’objet l’entreprise Sonatrach dans la péninsule ibérique laissent perplexe quant à la volonté réelle de Madrid de défendre les positions algériennes à Bruxelles. Les dossiers, objet de litiges bilatéraux, n’ont pas vraiment avancé(…) et aucun accord n’a été signé».
Alger préoccupée
Maigre résultat pour un sommet censé aplanir plusieurs différends. Y compris sur l’immigration clandestine où Madrid appelle Alger à «collaborer» davantage car 65% des immigrants clandestins interceptés en 2009 en Espagne viennent d’Algérie… Pouvait-il en être autrement quand la morosité et la défiance à l’égard du gouvernement de José Luis Zapatero ont remplacé l’excellence des rapports entretenus avec celui de José Maria Aznar et le rapprochement scellé par la visite d’Etat du président Bouteflika en 2002 à Madrid ?
En réalité, si Abdelaziz Bouteflika s’est, cette fois, décidé à faire le déplacement, accompagné d’une grosse délégation ministérielle, c’est que l’Algérie est préoccupée. Le roi Mohammed VI vient d’annoncer la «régionalisation» du Maroc, régionalisation qui va bénéficier en premier lieu au Sahara Occidental. Et, dans l’affaire Aminatou, l’Espagne s’est éloignée de sa position de soutien au Front Polisario. En affirmant qu’elle «prenait acte du fait que ce territoire était administré par Rabat», elle a fait un pas, prudent mais réel, en direction de la thèse marocaine sur l’autonomie.
Ce pas inquiète d’autant plus les autorités algériennes qu’il survient après que Madrid se soit abstenu par deux fois de voter des résolutions du Conseil de Sécurité sur le Sahara Occidental. Il est donc décisif pour Alger de convaincre l’Espagne de rester neutre dans ce conflit. Surtout au moment où elle assume pour six mois la présidence de l’Union Européenne et où se tiendra, sous sa présidence, le 5e conseil d’association Algérie-UE.
Medgaz retardé
En matière énergétique, les tensions ne manquent pas non plus, alors que Madrid importe 35% de son gaz naturel d’Algérie. Les conflits d’intérêts semblent faire du sur-place : ils opposent la Sonatrach, la société algérienne des hydrocarbures, à ses homologues espagnoles sur le prix et la distribution par Sonatrach de ses produits en Espagne. Alger avait entamé en 2005, au moment où les prix du pétrole s’envolaient, des négociations sur la révision à la hausse du prix du gaz acheminé vers l'Espagne par le gazoduc Maghreb-Europe… Or, note El Watan, «l’Espagne de Zapatero donne la nette impression de vouloir profiter au maximum de son partenariat avec l’Algérie sans rien céder en échange. Les officiels espagnols, qui souhaitent que les entreprises espagnoles obtiennent des parts de marché dans le vaste programme d’équipement algérien prévu en 2010-2014, sont restés muets sur les doléances de Sonatrach de renégocier, par exemple, les prix du gaz»… L’arbitrage sur le prix de gaz devrait quoi qu’il en soit être rendu ce mois ci ou en février. En attendant, ces différends ont retardé la mise en service du gazoduc Medgaz qui reliera directement Béni Saf en Algérie à Almeria en Espagne. Un projet d’un coût global de 900 millions d’euros financé par la Sonatrach (majoritaire avec 36%), les espagnoles Cepsa et Iberdola (20% chacune), ainsi que Gaz de France et Endesa…
Message à la France
Seuls points positifs pour le président algérien, premier invité de l’Espagne depuis qu’elle a pris la présidence de l’UE : Madrid a proposé qu’Oran accueille les 26 et 27 avril la prochaine réunion des 5+5 regroupant les pays des deux rives de la Méditerranée consacrée à l'énergie et à l'environnement. Et, en se rendant à Madrid, Abdelaziz Bouteflika a envoyé un message aux Français : vous n’êtes plus des partenaires incontournables et privilégiés. Car là, tout agace Alger : l’arrestation à Marseille d’un diplomate algérien, la relance par la justice française du dossier de l’assassinat des moines de Tibéhirine en Algérie, la faiblesse des investissements français, les contrats militaires, l'avenir de l'Union pour la Méditerranée que Paris souhaite relancer. Et, bien sûr, le soutien de la France au Maroc sur le Sahara Occidental.
Du coup, la visite d’Abdelaziz Bouteflika en France annoncée fin 2008, n’a toujours pas eu lieu. Signe des temps : le président algérien aurait fait un bref passage fin décembre à Paris pour raisons médicales. Dans la plus grande discrétion et sans rencontrer aucun officiel français.
L'Observateur.ma