En Grande-Bretagne encore plus qu'ailleurs, le sexe et la politique forment un mélange explosif, souvent fatal aux imprudents. Depuis quelques siècles, les annales du royaume abondent en esclandres sexuels qui coûtèrent à d'éminents personnages leur carrière et leur honneur.
Semblable mésaventure vient de mettre un terme prématuré au parcours pourtant prometteur de l'un des hommes-clés du Parti libéral-démocrate. Mark Oaten, 41 ans, marié et père de deux fillettes, a été contraint d'avouer, de manière humiliante, qu'il avait mené une autre vie, homosexuelle, avec un prostitué de 23 ans. Circonstance aggravante pour lui, et pour ses amis politiques, il était l'un des quatre prétendants déclarés à la direction de son parti. Comme toujours en pareilles circonstances, la presse dite "de caniveau", bien nommée en l'occurrence, a joué un rôle déterminant dans la mise au jour de cette affaire.
Pendant six mois, l'honorable membre du Parlement, ô combien attentif à son image de père de famille, a entretenu une liaison secrète avec le jeune homme qu'il avait contacté en 2004 via un site Internet et qu'il rétribuait 80 livres (120 euros) lors de chaque rencontre. Un jour, le prostitué déclara au député l'avoir reconnu à la télévision, et lui déclina son identité, que l'élu, fort troublé, nia farouchement. Les deux hommes ne se revirent pas, mais le drame était noué.
On ignore combien le jeune homme a touché pour avoir raconté cette histoire au News of the World, fleuron tabloïd dominical de l'empire Murdoch, champion du "journalisme du carnet de chèques", premier tirage de la presse britannique toutes catégories (3,7 millions d'exemplaires vendus chaque dimanche), et grand accoucheur de scandales, de préférence graveleux. Le piège s'est refermé sur Mark Oaten lorsqu'un journaliste de l'hebdomadaire lui téléphona pour l'informer de son "scoop".
Il ne restait plus à l'infortuné qu'une issue : avouer publiquement sa faute et battre sa coulpe. Il s'est retiré de la course au leadership libéral-démocrate, a démissionné de ses fonctions de porte-parole du parti pour les affaires intérieures, et s'est réfugié dans l'intimité familiale. Il conserve pour l'instant son mandat de député. Les lecteurs du News of the World ont eu droit dimanche 22 janvier à tous les détails scabreux de sa liaison clandestine.
L'histoire du grand Parti libéral, celui des "whigs", ancêtres des "lib-dem" d'aujourd'hui, est riche en épisodes de ce genre, que rappelait, non sans malice, lundi 23 janvier, le Daily Telegraph, quotidien conservateur bon teint. Quatre fois premier ministre au XIXe siècle, William Gladstone draguait les filles de joie dans la rue, et les invitait à Downing Street à des "lectures de la Bible", avant de se flageller pour chasser ses pensées impures. Il a raconté tout cela dans son journal intime.
Au XXe siècle, son successeur David Lloyd George, "incapable de fidélité" selon la très sérieuse Encyclopaedia Britannica, eut jusqu'à six maîtresses en même temps. Plus récemment, le sexe fit chuter un autre chef libéral : Jeremy Thorpe, accusé d'avoir recruté un tueur pour se débarrasser d'un amant présumé. Il fut jugé et acquitté. Paddy Ashdown survécut, comme leader du parti, à la révélation de ses aventures extra-conjugales.
Les conservateurs n'ont rien à envier aux libéraux, depuis la démission, en pleine guerre froide (1963), du ministre de la guerre John Profumo, amoureux d'une call-girl qui entretenait de dangereuses liaisons soviétiques, jusqu'à celle du député Piers Merchant (1997), en passant par celle de Cecil Parkinson, qui avait mis enceinte sa secrétaire (1983).
Pour les "lib-dem", l'affaire Oaten survient au pire moment. Leur chef depuis 1999, Charles Kennedy, vient d'abdiquer après avoir avoué son grave problème d'alcoolisme. Son successeur sera choisi début mars parmi les trois postulants encore en lice. Il héritera d'un parti en chute libre dans les sondages.
Jean-Pierre Langellier - Le Monde
Semblable mésaventure vient de mettre un terme prématuré au parcours pourtant prometteur de l'un des hommes-clés du Parti libéral-démocrate. Mark Oaten, 41 ans, marié et père de deux fillettes, a été contraint d'avouer, de manière humiliante, qu'il avait mené une autre vie, homosexuelle, avec un prostitué de 23 ans. Circonstance aggravante pour lui, et pour ses amis politiques, il était l'un des quatre prétendants déclarés à la direction de son parti. Comme toujours en pareilles circonstances, la presse dite "de caniveau", bien nommée en l'occurrence, a joué un rôle déterminant dans la mise au jour de cette affaire.
Pendant six mois, l'honorable membre du Parlement, ô combien attentif à son image de père de famille, a entretenu une liaison secrète avec le jeune homme qu'il avait contacté en 2004 via un site Internet et qu'il rétribuait 80 livres (120 euros) lors de chaque rencontre. Un jour, le prostitué déclara au député l'avoir reconnu à la télévision, et lui déclina son identité, que l'élu, fort troublé, nia farouchement. Les deux hommes ne se revirent pas, mais le drame était noué.
On ignore combien le jeune homme a touché pour avoir raconté cette histoire au News of the World, fleuron tabloïd dominical de l'empire Murdoch, champion du "journalisme du carnet de chèques", premier tirage de la presse britannique toutes catégories (3,7 millions d'exemplaires vendus chaque dimanche), et grand accoucheur de scandales, de préférence graveleux. Le piège s'est refermé sur Mark Oaten lorsqu'un journaliste de l'hebdomadaire lui téléphona pour l'informer de son "scoop".
Il ne restait plus à l'infortuné qu'une issue : avouer publiquement sa faute et battre sa coulpe. Il s'est retiré de la course au leadership libéral-démocrate, a démissionné de ses fonctions de porte-parole du parti pour les affaires intérieures, et s'est réfugié dans l'intimité familiale. Il conserve pour l'instant son mandat de député. Les lecteurs du News of the World ont eu droit dimanche 22 janvier à tous les détails scabreux de sa liaison clandestine.
L'histoire du grand Parti libéral, celui des "whigs", ancêtres des "lib-dem" d'aujourd'hui, est riche en épisodes de ce genre, que rappelait, non sans malice, lundi 23 janvier, le Daily Telegraph, quotidien conservateur bon teint. Quatre fois premier ministre au XIXe siècle, William Gladstone draguait les filles de joie dans la rue, et les invitait à Downing Street à des "lectures de la Bible", avant de se flageller pour chasser ses pensées impures. Il a raconté tout cela dans son journal intime.
Au XXe siècle, son successeur David Lloyd George, "incapable de fidélité" selon la très sérieuse Encyclopaedia Britannica, eut jusqu'à six maîtresses en même temps. Plus récemment, le sexe fit chuter un autre chef libéral : Jeremy Thorpe, accusé d'avoir recruté un tueur pour se débarrasser d'un amant présumé. Il fut jugé et acquitté. Paddy Ashdown survécut, comme leader du parti, à la révélation de ses aventures extra-conjugales.
Les conservateurs n'ont rien à envier aux libéraux, depuis la démission, en pleine guerre froide (1963), du ministre de la guerre John Profumo, amoureux d'une call-girl qui entretenait de dangereuses liaisons soviétiques, jusqu'à celle du député Piers Merchant (1997), en passant par celle de Cecil Parkinson, qui avait mis enceinte sa secrétaire (1983).
Pour les "lib-dem", l'affaire Oaten survient au pire moment. Leur chef depuis 1999, Charles Kennedy, vient d'abdiquer après avoir avoué son grave problème d'alcoolisme. Son successeur sera choisi début mars parmi les trois postulants encore en lice. Il héritera d'un parti en chute libre dans les sondages.
Jean-Pierre Langellier - Le Monde