Voilà un livre qui ne manquera pas de faire couiner le régime du président tunisien Ben Ali et son épouse, Leila Trabelsi : « La régente de Carthage, main basse sur la Tunisie ». Bonnes feuilles en exclu.
Deux vibrionnants journalistes de Bakchich, en l’occurrence Nicolas Beau, directeur de la rédaction, et Catherine Graciet, journaliste, publient le 1er octobre aux éditions La Découverte un livre-enquête sur le régime tunisien qui n’en finit pas de traîner la patte à l’instar de son leader, le général-président Ben Ali. Titre de l’ouvrage : « La régente de Carthage. Main basse sur la Tunisie ». Sa parution énerve au plus haut point le régime de Ben Ali. La première dame, Leila Trabelsi, a en personne introduit un référé devant la 17è chambre correctionnelle du Tribunal de Paris pour tenter de faire interdire le livre. Elle a été déboutée. Les sbires de Ben Ali organisent également le 1er octobre une manifestation de Tunisiens en colère devant les locaux parisiens de La Découverte.
Nicolas Beau et Catherine Graciet se sont notamment penchés sur l’itinéraire et le rôle de la première dame tunisienne, Leila Trabelsi. Honnie du bon peuple mais plus proche d’une Catherine de Médicis que d’une courtisane de boudoir, elle n’a eu de cesse, depuis qu’elle a épousé son amant en 1992, d’enrichir et de favoriser les siens. Son appât du gain et son habileté à les placer en font la digne héritière de Wassila Bourguiba qui gouverna la Tunisie dans l’ombre d’un président vieillissant et malade. Alors que se prépare en coulisses une nouvelle élection présidentielle truquée et programmée pour le 25 octobre, Leila Trabelsi tente de se poser en régente avec l’aide des siens et le silence complice de la France.
Vols de yachts de luxe
Dernier exemple en date, la justice française s’est arrangée pour que soient jugés en Tunisie les deux commanditaires présumés de vols de yachts de luxe en France, dont celui de Bruno Roger, le patron de la banque Lazard frères. Imed et Moez Trabelsi ont la particularité d’être les neveux du président Ben Ali et les deux grands absents du procès qui s’est ouvert le 30 septembre à Ajaccio, en Corse.
Bien à l’abri en Tunisie où la justice est aux ordres, Imed, qui jouit d’une réputation de voyou patenté, s’est même offert le luxe de clamer son innocence dans une déclaration diffusée le 27 septembre dernier dans l’émission « Sept à huit » de TF1. Pourtant, l’enquête effectuée par la gendarmerie française montre qu’il a été "balancé" par la majorité de ses complices présumés.
Bonnes feuilles :
Imed Trabelsi, le matelot
« J’en ai des Ferrari, des limousines, mais même ma femme ne me fait pas bander comme le bateau. C’est un diamant brut. » En cette matinée du 9 mai 2006, Imed Trabelsi est heureux. Alors âgé de trente-deux ans, la bouille rondouillarde et le verbe peu distingué, cela fait maintenant une heure qu’il s’amuse comme un enfant aux commandes d’un yacht de luxe dans le petit port pittoresque de Sidi Bou Saïd, à vingt kilomètres au nord-est de Tunis. Le navire en question est un magnifique V58 blanc à la coque bleue de la marque Princess. Sa valeur ? Un million et demi d’euros.
Le Beru Ma – c’est le nom de ce bijou – a été volé quatre jours plus tôt, à l’aube du 5 mai, dans le port de Bonifacio, en Corse. Il appartient à Bruno Roger, le patron de la prestigieuse banque d’affaires Lazard frères – lequel réussit l’exploit d’être à la fois un intime de Jacques Chirac, président de la République au moment des faits, et un proche du ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy, qui convoite l’Élysée. Inutile de préciser que Bruno Roger entend récupérer son yacht. Et vite. Les forces de l’ordre, tout comme la justice, se mettent d’ailleurs au travail sans tarder. Le mot est passé : « Il s’agit du bateau du banquier de Chirac ! »
Un certain Jean-Baptiste Andréani se met également en chasse. Ancien fonctionnaire de police, cet homme officie comme enquêteur privé pour la société Generali, l’assureur du Beru Ma. Disposant de bons contacts en Tunisie, notamment dans les services secrets, c’est lui qui retrouvera le premier la trace du yacht à Sidi Bou Saïd où il mouillait paisiblement, entre deux bateaux de la Garde nationale. Signe que l’affaire est prise au sérieux en haut lieu à Paris, Jean-Baptiste Andréani mentionnera, lors de son audition comme témoin par les gendarmes, avoir « été contacté directement à deux ou trois reprises par M. Guéant, directeur de cabinet de M. Sarkozy ». (1)
Le Beru Ma a été convoyé vers la Tunisie par deux Français – Cédric Sermand et Olivier Buffe – associés dans une société, Nautis Mer. Spécialisée dans les réparations et les ventes de bateaux, elle est en liquidation judiciaire en ce mois de mai 2006.
Imed, l’enfant terrible des Trabelsi
(…) Si, trois ans après les faits, ces deux yachts n’ont jamais été retrouvés, le Beru Ma a connu un sort plus heureux. Ce n’est pas pour rien que son propriétaire a le bras long. Son bateau lui a non seulement été restitué quelques semaines après avoir été dérobé, mais, cerise sur le gâteau, l’enquête a permis de retracer au jour près son itinéraire entre la Corse et la Tunisie. C’est en effet le 9 mai à l’aube que le Beru Ma accoste à Sidi Bou Saïd, sa destination finale. Selon Cédric Sermand (le convoyeur présumé), Imed Trabelsi attend de pied ferme la livraison de « son » bateau sur le quai… Puis tout ce beau monde se rend ensuite dans un café voisin pour fêter l’événement.
« Lorsque nous étions à table, Imed nous a demandé nos passeports, puis il a dit à un de ses sbires de nous emmener à l’hôtel en disant : “Tu leur prends deux suites, c’est tout pour moi” », déclarera Sermand aux enquêteurs. Il racontera également qu’Imed n’hésitera pas non plus à mettre la main à la poche et à se prévaloir de son rang pour obtenir en un claquement de doigts de nouveaux papiers pour le yacht. « Le douanier a dit à Imed Trabelsi que ce n’était pas possible de faire les papiers », raconte Sermand . « Comment cela, ce n’est pas possible ? Tu sais à qui tu parles ? », aurait rétorqué le jeune Trabelsi avant de faire pression sur le douanier qui, au final, se serait exécuté moyennant le paiement de la taxe de luxe et d’un dessous-de-table.
Quelques jours plus tôt, Imed n’avait pas hésité non plus à rouler des mécaniques avec Cédric Sermand, voire à franchement le menacer. Le Français en a même été quitte pour une jolie frayeur. Alors qu’il avait reçu en amont un acompte pour dérober le Beru Ma, il avait tenté de se désister avant de se faire rappeler à l’ordre par qui de droit : « J’ai eu un appel de la Tunisie. […] Je pense qu’il s’agissait du commanditaire du bateau, Imed Trabelsi, et j’ai été conforté dans cette idée plus tard lorsque je l’ai rencontré en Tunisie. Il m’a dit : “Tu sais qui je suis, faut pas jouer au chat et à la souris avec moi”. »
Deux vibrionnants journalistes de Bakchich, en l’occurrence Nicolas Beau, directeur de la rédaction, et Catherine Graciet, journaliste, publient le 1er octobre aux éditions La Découverte un livre-enquête sur le régime tunisien qui n’en finit pas de traîner la patte à l’instar de son leader, le général-président Ben Ali. Titre de l’ouvrage : « La régente de Carthage. Main basse sur la Tunisie ». Sa parution énerve au plus haut point le régime de Ben Ali. La première dame, Leila Trabelsi, a en personne introduit un référé devant la 17è chambre correctionnelle du Tribunal de Paris pour tenter de faire interdire le livre. Elle a été déboutée. Les sbires de Ben Ali organisent également le 1er octobre une manifestation de Tunisiens en colère devant les locaux parisiens de La Découverte.
Nicolas Beau et Catherine Graciet se sont notamment penchés sur l’itinéraire et le rôle de la première dame tunisienne, Leila Trabelsi. Honnie du bon peuple mais plus proche d’une Catherine de Médicis que d’une courtisane de boudoir, elle n’a eu de cesse, depuis qu’elle a épousé son amant en 1992, d’enrichir et de favoriser les siens. Son appât du gain et son habileté à les placer en font la digne héritière de Wassila Bourguiba qui gouverna la Tunisie dans l’ombre d’un président vieillissant et malade. Alors que se prépare en coulisses une nouvelle élection présidentielle truquée et programmée pour le 25 octobre, Leila Trabelsi tente de se poser en régente avec l’aide des siens et le silence complice de la France.
Vols de yachts de luxe
Dernier exemple en date, la justice française s’est arrangée pour que soient jugés en Tunisie les deux commanditaires présumés de vols de yachts de luxe en France, dont celui de Bruno Roger, le patron de la banque Lazard frères. Imed et Moez Trabelsi ont la particularité d’être les neveux du président Ben Ali et les deux grands absents du procès qui s’est ouvert le 30 septembre à Ajaccio, en Corse.
Bien à l’abri en Tunisie où la justice est aux ordres, Imed, qui jouit d’une réputation de voyou patenté, s’est même offert le luxe de clamer son innocence dans une déclaration diffusée le 27 septembre dernier dans l’émission « Sept à huit » de TF1. Pourtant, l’enquête effectuée par la gendarmerie française montre qu’il a été "balancé" par la majorité de ses complices présumés.
Bonnes feuilles :
Imed Trabelsi, le matelot
« J’en ai des Ferrari, des limousines, mais même ma femme ne me fait pas bander comme le bateau. C’est un diamant brut. » En cette matinée du 9 mai 2006, Imed Trabelsi est heureux. Alors âgé de trente-deux ans, la bouille rondouillarde et le verbe peu distingué, cela fait maintenant une heure qu’il s’amuse comme un enfant aux commandes d’un yacht de luxe dans le petit port pittoresque de Sidi Bou Saïd, à vingt kilomètres au nord-est de Tunis. Le navire en question est un magnifique V58 blanc à la coque bleue de la marque Princess. Sa valeur ? Un million et demi d’euros.
Le Beru Ma – c’est le nom de ce bijou – a été volé quatre jours plus tôt, à l’aube du 5 mai, dans le port de Bonifacio, en Corse. Il appartient à Bruno Roger, le patron de la prestigieuse banque d’affaires Lazard frères – lequel réussit l’exploit d’être à la fois un intime de Jacques Chirac, président de la République au moment des faits, et un proche du ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy, qui convoite l’Élysée. Inutile de préciser que Bruno Roger entend récupérer son yacht. Et vite. Les forces de l’ordre, tout comme la justice, se mettent d’ailleurs au travail sans tarder. Le mot est passé : « Il s’agit du bateau du banquier de Chirac ! »
Un certain Jean-Baptiste Andréani se met également en chasse. Ancien fonctionnaire de police, cet homme officie comme enquêteur privé pour la société Generali, l’assureur du Beru Ma. Disposant de bons contacts en Tunisie, notamment dans les services secrets, c’est lui qui retrouvera le premier la trace du yacht à Sidi Bou Saïd où il mouillait paisiblement, entre deux bateaux de la Garde nationale. Signe que l’affaire est prise au sérieux en haut lieu à Paris, Jean-Baptiste Andréani mentionnera, lors de son audition comme témoin par les gendarmes, avoir « été contacté directement à deux ou trois reprises par M. Guéant, directeur de cabinet de M. Sarkozy ». (1)
Le Beru Ma a été convoyé vers la Tunisie par deux Français – Cédric Sermand et Olivier Buffe – associés dans une société, Nautis Mer. Spécialisée dans les réparations et les ventes de bateaux, elle est en liquidation judiciaire en ce mois de mai 2006.
Imed, l’enfant terrible des Trabelsi
(…) Si, trois ans après les faits, ces deux yachts n’ont jamais été retrouvés, le Beru Ma a connu un sort plus heureux. Ce n’est pas pour rien que son propriétaire a le bras long. Son bateau lui a non seulement été restitué quelques semaines après avoir été dérobé, mais, cerise sur le gâteau, l’enquête a permis de retracer au jour près son itinéraire entre la Corse et la Tunisie. C’est en effet le 9 mai à l’aube que le Beru Ma accoste à Sidi Bou Saïd, sa destination finale. Selon Cédric Sermand (le convoyeur présumé), Imed Trabelsi attend de pied ferme la livraison de « son » bateau sur le quai… Puis tout ce beau monde se rend ensuite dans un café voisin pour fêter l’événement.
« Lorsque nous étions à table, Imed nous a demandé nos passeports, puis il a dit à un de ses sbires de nous emmener à l’hôtel en disant : “Tu leur prends deux suites, c’est tout pour moi” », déclarera Sermand aux enquêteurs. Il racontera également qu’Imed n’hésitera pas non plus à mettre la main à la poche et à se prévaloir de son rang pour obtenir en un claquement de doigts de nouveaux papiers pour le yacht. « Le douanier a dit à Imed Trabelsi que ce n’était pas possible de faire les papiers », raconte Sermand . « Comment cela, ce n’est pas possible ? Tu sais à qui tu parles ? », aurait rétorqué le jeune Trabelsi avant de faire pression sur le douanier qui, au final, se serait exécuté moyennant le paiement de la taxe de luxe et d’un dessous-de-table.
Quelques jours plus tôt, Imed n’avait pas hésité non plus à rouler des mécaniques avec Cédric Sermand, voire à franchement le menacer. Le Français en a même été quitte pour une jolie frayeur. Alors qu’il avait reçu en amont un acompte pour dérober le Beru Ma, il avait tenté de se désister avant de se faire rappeler à l’ordre par qui de droit : « J’ai eu un appel de la Tunisie. […] Je pense qu’il s’agissait du commanditaire du bateau, Imed Trabelsi, et j’ai été conforté dans cette idée plus tard lorsque je l’ai rencontré en Tunisie. Il m’a dit : “Tu sais qui je suis, faut pas jouer au chat et à la souris avec moi”. »
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