Deux journalistes marocains comparaîtront devant un tribunal de Rabat fin septembre pour avoir publié un article sur la santé du roi Mohammed VI et mis en doute la version officielle. Un nouvel exemple de la communication à sens unique que le palais royal souhaite mettre en place, selon le journaliste Ali Amar.

Parler de la santé du roi peut nuire gravement. Deux nouveaux journalistes marocains viennent de l'apprendre à leurs dépens. Ils comparaîtront le 29 septembre prochain devant un tribunal de Rabat pour avoir publié dans le quotidien «Al Arida Al Oula» une «fausse information» sur la santé du roi Mohammed VI, selon un communiqué d'un procureur.
Le directeur et rédacteur en chef du journal, Ali Anouzla, est accusé de «délit de publication, avec mauvaise intention, de fausse information, d'allégations et de faits mensongers», alors que la journaliste Bouchra Edaou est poursuivie pour y «avoir contribué».
Elle est l'auteur d'un article intitulé «la maladie du roi reporte les causeries religieuses et son déplacement à Casablanca», publié le 27 août dernier. Avec Ali Anouzla, elle vient s'ajouter à la liste des personnes inquiétées dans cette affaire. Rappel des faits.
Plusieurs journalistes interrogés
Le 26 août le palais annonce, par le biais du médecin personnel du roi, que le souverain a été placé en convalescence pour cinq jours en raison d'une «infection» ne présentant «aucune inquiétude sur sa santé».
Le lendemain, «Al Jarida Al Oula», citant une source «médicale anonyme», propose une version sensiblement différente et affirme que «l'origine du rotavirus contracté par le roi serait dû à l'utilisation de corticoïdes contre l'asthme et qui sont responsables du gonflement du corps et de la diminution de l'immunité». La presse marocaine, dans son ensemble, commente largement l'affaire.
Outre les journalistes d'«Al Jarida Al Oula», plusieurs autres ont été interrogés par la police, suscitant l'inquiétude de l'organisation Reporters sans frontières devant cette «nouvelle vague de convocations de journalistes».
«Archaïque»
Il y a quelques semaines, alors que la Maroc fêtait les dix ans de «M6» au pouvoir, la censure d'un sondage du magazine «Tel Quel» sur le monarque avait déclenché les mêmes réserves. Interrogé par Libération.fr, le journaliste marocain Ali Amar (1) évoque lui un «raidissement du pouvoir à propos d'un des innombrables tabous de la royauté».
Pourtant, explique-t-il, la monarchie avait réalisé un geste d'ouverture «inédit» en publiant ce communiqué sur la santé du roi. D'abord surpris, les journalistes se sont ensuite inquiétés de cette information, et ont «fait leur travail en expliquant à leurs lecteurs ce qu'est le rotavirus».
La contradiction entre la volonté de transparence affichée par le palais et le caractère «disproportionné» de sa réplique n'en est que plus étonnante: «le pouvoir veut une communication à sens unique, avance Ali Amar. Interroger des journalistes pendant des heures et en poursuivre certains en justice est archaïque». Et de conclure: «Une réaction comme celle-ci rajoute à la rumeur et tend même à décrédibiliser le communiqué initial.»
(1) Auteur notamment de «Mohammed VI, le grand malentendu» (Calmann Lévy)
LIBERATION
SYLVAIN MOUILLARD

Parler de la santé du roi peut nuire gravement. Deux nouveaux journalistes marocains viennent de l'apprendre à leurs dépens. Ils comparaîtront le 29 septembre prochain devant un tribunal de Rabat pour avoir publié dans le quotidien «Al Arida Al Oula» une «fausse information» sur la santé du roi Mohammed VI, selon un communiqué d'un procureur.
Le directeur et rédacteur en chef du journal, Ali Anouzla, est accusé de «délit de publication, avec mauvaise intention, de fausse information, d'allégations et de faits mensongers», alors que la journaliste Bouchra Edaou est poursuivie pour y «avoir contribué».
Elle est l'auteur d'un article intitulé «la maladie du roi reporte les causeries religieuses et son déplacement à Casablanca», publié le 27 août dernier. Avec Ali Anouzla, elle vient s'ajouter à la liste des personnes inquiétées dans cette affaire. Rappel des faits.
Plusieurs journalistes interrogés
Le 26 août le palais annonce, par le biais du médecin personnel du roi, que le souverain a été placé en convalescence pour cinq jours en raison d'une «infection» ne présentant «aucune inquiétude sur sa santé».
Le lendemain, «Al Jarida Al Oula», citant une source «médicale anonyme», propose une version sensiblement différente et affirme que «l'origine du rotavirus contracté par le roi serait dû à l'utilisation de corticoïdes contre l'asthme et qui sont responsables du gonflement du corps et de la diminution de l'immunité». La presse marocaine, dans son ensemble, commente largement l'affaire.
Outre les journalistes d'«Al Jarida Al Oula», plusieurs autres ont été interrogés par la police, suscitant l'inquiétude de l'organisation Reporters sans frontières devant cette «nouvelle vague de convocations de journalistes».
«Archaïque»
Il y a quelques semaines, alors que la Maroc fêtait les dix ans de «M6» au pouvoir, la censure d'un sondage du magazine «Tel Quel» sur le monarque avait déclenché les mêmes réserves. Interrogé par Libération.fr, le journaliste marocain Ali Amar (1) évoque lui un «raidissement du pouvoir à propos d'un des innombrables tabous de la royauté».
Pourtant, explique-t-il, la monarchie avait réalisé un geste d'ouverture «inédit» en publiant ce communiqué sur la santé du roi. D'abord surpris, les journalistes se sont ensuite inquiétés de cette information, et ont «fait leur travail en expliquant à leurs lecteurs ce qu'est le rotavirus».
La contradiction entre la volonté de transparence affichée par le palais et le caractère «disproportionné» de sa réplique n'en est que plus étonnante: «le pouvoir veut une communication à sens unique, avance Ali Amar. Interroger des journalistes pendant des heures et en poursuivre certains en justice est archaïque». Et de conclure: «Une réaction comme celle-ci rajoute à la rumeur et tend même à décrédibiliser le communiqué initial.»
(1) Auteur notamment de «Mohammed VI, le grand malentendu» (Calmann Lévy)
LIBERATION
SYLVAIN MOUILLARD
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