Brent Staples. New York Times
La réaction du président des Etats-Unis à l'arrestation controversée d'un éminent intellectuel noir met en lumière un aspect de son discours que la presse occulte presque toujours : il est un ardent défenseur des droits civiques et a pleinement conscience des difficultés de certaines minorités.
L’obsession américaine pour ceux dont on dit qu’ils transcendent les questions de race a débuté bien avant l’arrivée de Barack Obama à la Maison-Blanche. Quand Obama était encore un petit garçon en culottes courtes, les Noirs riches et bien éduqués étaient déjà utilisés comme symbole du progrès racial et preuve que le racisme n’existait plus. Les Américains blancs font rarement l’expérience de ce type de récupération. En règle générale, leurs triomphes personnels et professionnels sont considérés comme le produit de leur courage individuel et la démonstration que les idéaux fondateurs de la nation sont toujours vivants et se portent bien. On fait jouer aux Africains-Américains qui parviennent au sommet un rôle plus ingrat. En plus d’être considérés comme une preuve de l’extinction du racisme, ils sont souvent utilisés comme des armes dans la campagne visant à discréditer, voire rabaisser, les plus défavorisés. L’argument classique va comme suit : “Ne nous parlez pas de discrimination. Vous êtes un exemple de réussite. Si les autres s’étaient bougé les fesses, eux aussi ils auraient réussi, comme vous.” Cette rhétorique ignore les désavantages sociaux. Seules les personnes vertueuses qui travaillent fort réussissent, et les autres, les paresseux
Obama a refusé de jouer ce rôle bien qu’on ait tenté de le lui faire endosser. Il a toujours dit très clairement que l’élection du premier président africain-américain, qui fait date dans un pays construit sur le dos des esclaves, ne marquait pas la fin soudaine et magique de la discrimination.
Il l’a encore répété mercredi 22 juillet, lorsqu’il a commenté l’arrestation, à Cambridge, dans le Massachusetts, de l’intellectuel africain-américain Henry Louis Gates Jr., Professeur à Harvard. Ces remarques pourraient bien bouleverser l’idée que se fait la presse de l’opinion du président américain concernant les questions raciales. Jusqu’à présent, il a été considéré systématiquement, et, à tort, comme prêt à réprimander les Noirs parce qu’ils ne répondent pas à ses attentes. Il n’aime pas qu’on le décrive ainsi. C’est ce qui ressort d’une récente interview accordée au journaliste Eugene Robinson du Washington Post. Obama s’y plaint de la couverture médiatique de ses discours et semblait particulièrement irrité par le compte rendu fait de celui qu’il a prononcé ce mois-ci devant la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP) [la plus influente des associations de défense des droits civiques].
Il estimait que la presse accorde trop de places à ses remarques sur la “responsabilité personnelle” – un thème important au sein de l’église africaine-américaine – en ignorant “toute l’autre moitié du discours”, qui reprenait notamment des critiques régulièrement formulées par les militants des droits civiques. Le président a parlé des taux disproportionnés de chômage et d’emprisonnement des minorités, ainsi que de leur manque d’accès aux assurances-santé comme les obstacles actuels à surmonter. Il a ensuite rappelé que les manifestants noirs au cours des années 1960 avaient eu le courage d’affronter des matraques et des chiens policiers, et que la même détermination était aujourd’hui nécessaire pour résoudre les problèmes des minorités.
“Mais ne vous y trompez pas, a-t-il ajouté, la douleur de la discrimination est toujours ressentie aux Etats-Unis. Par les femmes africaines-américaines payées moins cher pour faire le même travail que leurs collègues blancs ou masculins.” Pendant la campagne électorale, Obama a cherché à éviter de se prononcer directement sur des questions raciales jusqu’à ce qu’explose la controverse concernant ses liens avec le pasteur Jeremiah Wright [auteur de propos anti-Blancs et antisémites]. Il vient de vivre un moment comparable mercredi 22 juillet lorsqu’il a dû commenter l’arrestation de Gates. Dans une remarque qui est instantanément devenue célèbre, il a répondu que la police avait “stupidement” agi en arrêtant M. Gates alors qu’aucun crime n’avait été commis et que le professeur se trouvait chez lui. Obama a par la suite souligné que l’attention disproportionnée accordée par les policiers était un fait douloureux de la vie des Noirs américains. Ceux qui considéraient jusqu’à présent Obama comme une abstraction “postraciale” ont sans aucun doute été surpris par ses remarques. Peut-être l’écoutaient-ils vraiment pour la première fois
La réaction du président des Etats-Unis à l'arrestation controversée d'un éminent intellectuel noir met en lumière un aspect de son discours que la presse occulte presque toujours : il est un ardent défenseur des droits civiques et a pleinement conscience des difficultés de certaines minorités.
L’obsession américaine pour ceux dont on dit qu’ils transcendent les questions de race a débuté bien avant l’arrivée de Barack Obama à la Maison-Blanche. Quand Obama était encore un petit garçon en culottes courtes, les Noirs riches et bien éduqués étaient déjà utilisés comme symbole du progrès racial et preuve que le racisme n’existait plus. Les Américains blancs font rarement l’expérience de ce type de récupération. En règle générale, leurs triomphes personnels et professionnels sont considérés comme le produit de leur courage individuel et la démonstration que les idéaux fondateurs de la nation sont toujours vivants et se portent bien. On fait jouer aux Africains-Américains qui parviennent au sommet un rôle plus ingrat. En plus d’être considérés comme une preuve de l’extinction du racisme, ils sont souvent utilisés comme des armes dans la campagne visant à discréditer, voire rabaisser, les plus défavorisés. L’argument classique va comme suit : “Ne nous parlez pas de discrimination. Vous êtes un exemple de réussite. Si les autres s’étaient bougé les fesses, eux aussi ils auraient réussi, comme vous.” Cette rhétorique ignore les désavantages sociaux. Seules les personnes vertueuses qui travaillent fort réussissent, et les autres, les paresseux
Obama a refusé de jouer ce rôle bien qu’on ait tenté de le lui faire endosser. Il a toujours dit très clairement que l’élection du premier président africain-américain, qui fait date dans un pays construit sur le dos des esclaves, ne marquait pas la fin soudaine et magique de la discrimination.
Il l’a encore répété mercredi 22 juillet, lorsqu’il a commenté l’arrestation, à Cambridge, dans le Massachusetts, de l’intellectuel africain-américain Henry Louis Gates Jr., Professeur à Harvard. Ces remarques pourraient bien bouleverser l’idée que se fait la presse de l’opinion du président américain concernant les questions raciales. Jusqu’à présent, il a été considéré systématiquement, et, à tort, comme prêt à réprimander les Noirs parce qu’ils ne répondent pas à ses attentes. Il n’aime pas qu’on le décrive ainsi. C’est ce qui ressort d’une récente interview accordée au journaliste Eugene Robinson du Washington Post. Obama s’y plaint de la couverture médiatique de ses discours et semblait particulièrement irrité par le compte rendu fait de celui qu’il a prononcé ce mois-ci devant la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP) [la plus influente des associations de défense des droits civiques].
Il estimait que la presse accorde trop de places à ses remarques sur la “responsabilité personnelle” – un thème important au sein de l’église africaine-américaine – en ignorant “toute l’autre moitié du discours”, qui reprenait notamment des critiques régulièrement formulées par les militants des droits civiques. Le président a parlé des taux disproportionnés de chômage et d’emprisonnement des minorités, ainsi que de leur manque d’accès aux assurances-santé comme les obstacles actuels à surmonter. Il a ensuite rappelé que les manifestants noirs au cours des années 1960 avaient eu le courage d’affronter des matraques et des chiens policiers, et que la même détermination était aujourd’hui nécessaire pour résoudre les problèmes des minorités.
“Mais ne vous y trompez pas, a-t-il ajouté, la douleur de la discrimination est toujours ressentie aux Etats-Unis. Par les femmes africaines-américaines payées moins cher pour faire le même travail que leurs collègues blancs ou masculins.” Pendant la campagne électorale, Obama a cherché à éviter de se prononcer directement sur des questions raciales jusqu’à ce qu’explose la controverse concernant ses liens avec le pasteur Jeremiah Wright [auteur de propos anti-Blancs et antisémites]. Il vient de vivre un moment comparable mercredi 22 juillet lorsqu’il a dû commenter l’arrestation de Gates. Dans une remarque qui est instantanément devenue célèbre, il a répondu que la police avait “stupidement” agi en arrêtant M. Gates alors qu’aucun crime n’avait été commis et que le professeur se trouvait chez lui. Obama a par la suite souligné que l’attention disproportionnée accordée par les policiers était un fait douloureux de la vie des Noirs américains. Ceux qui considéraient jusqu’à présent Obama comme une abstraction “postraciale” ont sans aucun doute été surpris par ses remarques. Peut-être l’écoutaient-ils vraiment pour la première fois
Commentaire