mercredi 15 juillet 2009 - par Nabil Ennasri
La nouvelle vient de tomber et elle peut apparaître incompréhensible pour beaucoup : selon le Sunday Times, qui cite des sources diplomatiques, « l’Arabie saoudite aurait donné son accord tacite au gouvernement israélien pour un survol de son territoire dans l’hypothèse de frappes contre l’Iran ». Au même moment, un sous-marin nucléaire israélien - fait rarissime - transitait par le canal de Suez pour participer, avec l’aval des autorités égyptiennes, à des manœuvres navales en mer Rouge. Ces faits arrivent au moment où l’Administration Obama change de ton face à la question du nucléaire iranien : le vice-président américain Joe Biden vient de déclarer qu’Israël avait un « droit souverain » de décider ce qui est de son intérêt face aux ambitions nucléaires de l’Iran. Dans un contexte de crise politique où l’aile conservatrice au pouvoir à Téhéran s’oriente vers un durcissement du discours vis-à-vis d’un Occident coupable, selon elle, de vouloir saper les fondements de son régime, la perspective d’un règlement pacifique du dossier du nucléaire s’éloigne de plus en plus.
Ces informations, aussi surprenantes soient-elles, révèlent au grand jour l’alliance objective qui se noue entre l’Etat hébreu et certains pays arabes, au premier rang desquels figurent l’Arabie Saoudite et l’Egypte. Cette entente d’un genre nouveau voit en l’Iran chiite le principal ennemi à abattre. En fait, une attaque militaire israélienne, soutenue par certaines puissances arabes, à l’encontre de l’Iran semble quasi-inéluctable. Les trois raisons principales qui convergent en ce sens permettront au lecteur de mieux cerner les contours d’un conflit à la résonance mondiale, où intérêts stratégiques et considérations religieuses sont intimement liés.
Israël et la loi du plus fort
D’abord, et c’est un postulat maintes fois répété par les responsables politiques et militaires de l’Etat hébreu, jamais Israël n’acceptera la présence au Moyen-Orient d’une puissance hostile qui se doterait de la bombe atomique. Ce scénario relève du cauchemar pour les dirigeants israéliens et ce positionnement fait l’unanimité en Israël. Cette prise de position se vérifie d’autant plus à l’égard d’un Etat, l’Iran, qui, outre les capacités militaires considérables qu’il détient, menace régulièrement Israël dans ses déclarations. Pour les Israéliens, l’équation est simple : dans un contexte où la discussion diplomatique et les sanctions économiques prouvent leur inefficacité, plus le temps passe et plus l’Iran s’approche de la bombe. Du reste, avec un gouvernement d’extrême droite à Tel Aviv, qui fait de la lutte contre l’Iran son objectif stratégique central, on est en droit de redouter le pire dans un avenir proche.
Il est donc désormais clair qu’une offensive aérienne israélienne se fait de plus en plus pressante et qu’aux yeux de nombreux Israéliens, c’est la seule manière d’empêcher l’Iran de parvenir au stade de puissance nucléaire. Ce ne sera d’ailleurs pas la première fois que Tsahal déploiera son arsenal dans un tel objectif : en juin 1981, l’aviation israélienne avait bombardé le réacteur nucléaire d’Osirak, au sud de Bagdad, anéantissant du même coup les rêves de Saddam Hussein de se doter de l’arme atomique. Plus récemment, en septembre 2007, elle a rasé un site syrien où, selon le renseignement américain, la construction d’un réacteur nucléaire avec l’aide de la Corée du Nord était en voie d’achèvement. Ces deux opérations n’ont suscité aucune réaction militaire de la part des deux pays visés et la communauté internationale s’est contentée, comme à son habitude lorsqu’il s’agit d’Israël, de quelques remontrances verbales. Ces précédents démontrent clairement une chose : Israël, sûr de sa force, est prêt à tout pour éradiquer n’importe quelle menace. Les Iraniens sont prévenus et la communauté internationale aussi.
L’Iran : une puissance régionale menaçante pour des pays arabes craintifs
L’autre raison réside dans la hantise du spectre iranien de la part de certaines capitales arabes. Riyad et Le Caire voient d’un très mauvais œil l’ascension fulgurante de Téhéran comme puissance régionale. L’Iran fait désormais figure, aux yeux de nombreux musulmans du monde, de seule puissance dans la région capable de défier Israël. Son soutien au Hezbollah[1], l’assistance qu’il apporte au Hamas, sa ténacité dans le bras de fer qui l’oppose à l’Occident sur le dossier du nucléaire lui permet de gagner des sympathies dans des larges couches de la “rue arabe“ et ce, jusque dans les rues de Djedda et d’Alexandrie. Dans le même temps, (et cet antagonisme ne s’est jamais totalement démenti depuis le début des années 1980) la République Islamique d’Iran continue de railler la monarchie saoudienne et certains pays arabes, en les présentant comme étant des gouvernements à la solde des Américains et plus largement des Occidentaux. Rappelons que depuis 1981, l’Egypte n’entretient pas de relations diplomatiques avec Téhéran (alors qu’elle en a avec Israël) et qu’une rue à Téhéran porte le nom de l’assassin du président Sadate…
Cette inquiétude semble être partagée par d’autres Etats de la région et notamment les petits émirats du Golfe, très vulnérables, et qui partagent pour l’essentiel les inquiétudes du grand frère saoudien[2]. En outre, la trajectoire, les déclarations, l’identité et les positionnements de l’élite politico-religieuse au pouvoir à Téhéran n’est pas de nature à apaiser les voisins de l’Iran. Il est à rappeler que l’assise idéologique du président Ahmadinejad comme d’une grande partie des dirigeants iraniens est issue du chiisme révolutionnaire hérité de l’ayatollah Khomeiny[3]. Et que les références à l’Imam caché, au Mahdi ou au sang de l’Imam Hussein sont légion dans leurs discours, souvent empreints de messianisme.
C’est ainsi que Mahmoud Ahmadinejad, élu président de la République d’Iran en juin 2005 s’est réclamé « explicitement du Mahdi dont il prétend préparer le retour »[4]. Cette situation rend le discours politique iranien au mieux confus, au pire très inquiétant pour ses voisins. Cette vision messianique du rôle de l’Iran inquiète au plus haut niveau les dirigeants arabes sunnites, lesquels craignent l’utilisation de l’arsenal iranien à des fins d’Apocalypse... « Le droit de l’Iran à la technologie nucléaire est une des solutions qui préparent le retour de l’Imam » a également déclaré le président Ahmadinejad[5]. Cette vision du monde, dans laquelle une foi intérieure croise le destin de toute une région fait craindre le pire au Moyen-Orient. Ce qui fait dire à Olivier Roy que « le jour où les Etats-Unis - ou Israël - bombarderont l’Iran, toutes les capitales arabes protesteront, mais plus d’une se réjouira »[6].
La nouvelle vient de tomber et elle peut apparaître incompréhensible pour beaucoup : selon le Sunday Times, qui cite des sources diplomatiques, « l’Arabie saoudite aurait donné son accord tacite au gouvernement israélien pour un survol de son territoire dans l’hypothèse de frappes contre l’Iran ». Au même moment, un sous-marin nucléaire israélien - fait rarissime - transitait par le canal de Suez pour participer, avec l’aval des autorités égyptiennes, à des manœuvres navales en mer Rouge. Ces faits arrivent au moment où l’Administration Obama change de ton face à la question du nucléaire iranien : le vice-président américain Joe Biden vient de déclarer qu’Israël avait un « droit souverain » de décider ce qui est de son intérêt face aux ambitions nucléaires de l’Iran. Dans un contexte de crise politique où l’aile conservatrice au pouvoir à Téhéran s’oriente vers un durcissement du discours vis-à-vis d’un Occident coupable, selon elle, de vouloir saper les fondements de son régime, la perspective d’un règlement pacifique du dossier du nucléaire s’éloigne de plus en plus.
Ces informations, aussi surprenantes soient-elles, révèlent au grand jour l’alliance objective qui se noue entre l’Etat hébreu et certains pays arabes, au premier rang desquels figurent l’Arabie Saoudite et l’Egypte. Cette entente d’un genre nouveau voit en l’Iran chiite le principal ennemi à abattre. En fait, une attaque militaire israélienne, soutenue par certaines puissances arabes, à l’encontre de l’Iran semble quasi-inéluctable. Les trois raisons principales qui convergent en ce sens permettront au lecteur de mieux cerner les contours d’un conflit à la résonance mondiale, où intérêts stratégiques et considérations religieuses sont intimement liés.
Israël et la loi du plus fort
D’abord, et c’est un postulat maintes fois répété par les responsables politiques et militaires de l’Etat hébreu, jamais Israël n’acceptera la présence au Moyen-Orient d’une puissance hostile qui se doterait de la bombe atomique. Ce scénario relève du cauchemar pour les dirigeants israéliens et ce positionnement fait l’unanimité en Israël. Cette prise de position se vérifie d’autant plus à l’égard d’un Etat, l’Iran, qui, outre les capacités militaires considérables qu’il détient, menace régulièrement Israël dans ses déclarations. Pour les Israéliens, l’équation est simple : dans un contexte où la discussion diplomatique et les sanctions économiques prouvent leur inefficacité, plus le temps passe et plus l’Iran s’approche de la bombe. Du reste, avec un gouvernement d’extrême droite à Tel Aviv, qui fait de la lutte contre l’Iran son objectif stratégique central, on est en droit de redouter le pire dans un avenir proche.
Il est donc désormais clair qu’une offensive aérienne israélienne se fait de plus en plus pressante et qu’aux yeux de nombreux Israéliens, c’est la seule manière d’empêcher l’Iran de parvenir au stade de puissance nucléaire. Ce ne sera d’ailleurs pas la première fois que Tsahal déploiera son arsenal dans un tel objectif : en juin 1981, l’aviation israélienne avait bombardé le réacteur nucléaire d’Osirak, au sud de Bagdad, anéantissant du même coup les rêves de Saddam Hussein de se doter de l’arme atomique. Plus récemment, en septembre 2007, elle a rasé un site syrien où, selon le renseignement américain, la construction d’un réacteur nucléaire avec l’aide de la Corée du Nord était en voie d’achèvement. Ces deux opérations n’ont suscité aucune réaction militaire de la part des deux pays visés et la communauté internationale s’est contentée, comme à son habitude lorsqu’il s’agit d’Israël, de quelques remontrances verbales. Ces précédents démontrent clairement une chose : Israël, sûr de sa force, est prêt à tout pour éradiquer n’importe quelle menace. Les Iraniens sont prévenus et la communauté internationale aussi.
L’Iran : une puissance régionale menaçante pour des pays arabes craintifs
L’autre raison réside dans la hantise du spectre iranien de la part de certaines capitales arabes. Riyad et Le Caire voient d’un très mauvais œil l’ascension fulgurante de Téhéran comme puissance régionale. L’Iran fait désormais figure, aux yeux de nombreux musulmans du monde, de seule puissance dans la région capable de défier Israël. Son soutien au Hezbollah[1], l’assistance qu’il apporte au Hamas, sa ténacité dans le bras de fer qui l’oppose à l’Occident sur le dossier du nucléaire lui permet de gagner des sympathies dans des larges couches de la “rue arabe“ et ce, jusque dans les rues de Djedda et d’Alexandrie. Dans le même temps, (et cet antagonisme ne s’est jamais totalement démenti depuis le début des années 1980) la République Islamique d’Iran continue de railler la monarchie saoudienne et certains pays arabes, en les présentant comme étant des gouvernements à la solde des Américains et plus largement des Occidentaux. Rappelons que depuis 1981, l’Egypte n’entretient pas de relations diplomatiques avec Téhéran (alors qu’elle en a avec Israël) et qu’une rue à Téhéran porte le nom de l’assassin du président Sadate…
Cette inquiétude semble être partagée par d’autres Etats de la région et notamment les petits émirats du Golfe, très vulnérables, et qui partagent pour l’essentiel les inquiétudes du grand frère saoudien[2]. En outre, la trajectoire, les déclarations, l’identité et les positionnements de l’élite politico-religieuse au pouvoir à Téhéran n’est pas de nature à apaiser les voisins de l’Iran. Il est à rappeler que l’assise idéologique du président Ahmadinejad comme d’une grande partie des dirigeants iraniens est issue du chiisme révolutionnaire hérité de l’ayatollah Khomeiny[3]. Et que les références à l’Imam caché, au Mahdi ou au sang de l’Imam Hussein sont légion dans leurs discours, souvent empreints de messianisme.
C’est ainsi que Mahmoud Ahmadinejad, élu président de la République d’Iran en juin 2005 s’est réclamé « explicitement du Mahdi dont il prétend préparer le retour »[4]. Cette situation rend le discours politique iranien au mieux confus, au pire très inquiétant pour ses voisins. Cette vision messianique du rôle de l’Iran inquiète au plus haut niveau les dirigeants arabes sunnites, lesquels craignent l’utilisation de l’arsenal iranien à des fins d’Apocalypse... « Le droit de l’Iran à la technologie nucléaire est une des solutions qui préparent le retour de l’Imam » a également déclaré le président Ahmadinejad[5]. Cette vision du monde, dans laquelle une foi intérieure croise le destin de toute une région fait craindre le pire au Moyen-Orient. Ce qui fait dire à Olivier Roy que « le jour où les Etats-Unis - ou Israël - bombarderont l’Iran, toutes les capitales arabes protesteront, mais plus d’une se réjouira »[6].
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