Parru dans L'economiste
Elles viennent de l’Atlas, du Rif, du Sahara, de Fès ou d’Azemmour. Elles sont 256 femmes, représentant 38 villes et villages, au sein du Réfam Dar Maâlma, Réseau des femmes artisanes du Maroc, créé en mai 2008. Et c’est toute cette diversité sociale, culturelle, mais surtout cette détermination à vouloir changer le quotidien que L’Economiste publie une série de portraits et de tranches de vie, faites de défi, de sacrifices et de persévérance.
· Elle a su bousculer les traditions pour conduire sa vie comme elle l’entend
· D’artisane à commerçante itinérante exerçant dans l’informel, Nadia est aujourd’hui chef d’entreprise
· La Turquie pour démarrer, l’Egypte comme ouverture sur le monde arabe
Nadia est originaire de la ville de Salé, mais elle a grandi dans la ville de Béni Mellal. C’est peut-être ces deux villes totalement différentes par leurs coutumes et traditions qui vont façonner et forger la personnalité de cette jeune femme, de 25 ans, ambitieuse et décidée.
De ses origines slaouies et de son appartenance à une grande famille ancestrale marocaine, Nadia apprend le raffinement, le goût des choses bien faites et les bonnes manières. Elle grandit entourée de tantes et de cousines qui passent leurs après-midi à coudre, broder ou faire «chebka(1)». Elle vient de ce milieu où l’on met un point d’honneur à préparer le trousseau de la jeune fille dès l’âge de 7 ans. Alors tout le monde s’y met. Et ce sont des merveilles qui sont produites en fin de parcours. Son éducation à Béni Mellal lui a offert la possibilité d’affûter son caractère. Nadia est aujourd’hui une fille courageuse, débrouillarde, un peu casse-cou. Elle déploie toute son énergie pour atteindre ses buts. Une fille qui a su bousculer les traditions pour conduire sa vie avec détermination et résolution. Très tôt, elle fait le choix de son mode de vie. «Mes parents s’affolaient devant mes résultats scolaires à la limite du médiocre, cela me faisait de la peine pour eux, mais la classe m’ennuyait», raconte-t-elle. Elle néglige plus ou moins ses études et s’adonna d’une manière spontanée au commerce. Tout y passe, une robe qu’elle n’aime pas sera vendue à la voisine, des assiettes qu’elle achète à Tétouan sont revendues à Béni Mellal, des bouteilles de parfum, savon, etc. vendre était chez elle un don et elle va en faire une passion. Passion qu’elle a dû interrompre, milieu social oblige, pour un passage d’une année dans une prestigieuse école pour jeunes filles, à Lugano en Suisse. Pour ses parents, c’était l’école de la dernière chance. Pour elle, c’était plutôt une année de vacances plus que d’études. Elle lui permettra toutefois d’apprendre la langue italienne qu’elle parle à la perfection.
De retour au Maroc, elle est à peine âgée de 19 ans. Aucun diplôme ne lui permet d’aspirer à un métier intéressant, ni d’accéder à une quelconque école supérieure. Ceci n’est pas pour la décourager. Elle a toujours son don, le commerce. Alors, elle reprend ses transactions commerciales. De Casablanca, de Tétouan elle fait ses emplettes qu’elle vend à Béni Mellal et à Souk Sebt. De Béni Mellal, Khénifra et autres villes elle achètera des produits typiques de la région pour les revendre à Casablanca. Douée qu’elle est, elle se construit une clientèle fidèle, qui commence à lui passer des commandes. Elle est une sorte d’ambassadrice entre les villes. Chaque région reçoit les produits des autres régions du Maroc. «Notre pays recèle des trésors. Chaque région a son cachet propre et une spécialité bien définie. J’aime les découvrir. Je suis fascinée par chaque nouvel objet». De cette fascination qu’elle arrive à transmettre avec aisance, elle en fera son fonds de commerce. Nadia a cette capacité de convaincre une personne qui hésite en lui démontrant le bénéfice qu’elle aura à tirer de l’acquisition du produit proposé.
Nadia est certainement douée, mais, elle est aussi intelligente et perspicace. Elle a l’idée de mettre à profit le savoir acquis durant son jeune âge avec ses tantes de Salé et sa connaissance des différents produits des régions du Maroc. Elle commence ce nouveau parcours en prenant des cours de coupe et couture. Elle se met alors à la création de tenues marocaines. Les créations de Nadia sont un vrai mélange de techniques et de genres des différentes régions du Maroc. Ainsi, «chebka» côtoie allègrement «berchmane(2)», «tenbat(3)», et «mouzoune(4)» complètent l’un l’autre. Ses créations ne se limitent pas au costume traditionnel, de nombreux objets sont revisités. Une nappe brodée va être sertie de mouzoune ou de tenbat, des coussins mouzoune auront une frange en dentelle. Nadia s’adonne avec application au mélange des formes, des matières et des couleurs. «Les objets me parlent. Alors je me laisse guidée par les sensations», explique-t-elle en parlant de son travail.
Sur le plan de la commercialisation, son activité connaîtra un développement. D’ambassadrice régionale, elle deviendra ambassadrice méditerranéenne. Et c’est d’abord vers la Turquie qu’elle va développer son commerce, pour l’étendre par la suite à l’Egypte comme ouverture sur le monde arabe principalement vers les Emirats arabes unis.
Elle suivra toutes les sessions de formation de Dar Mâalma, et mettra à profit ses acquis en gestion d’entreprise, en ouvrant une jolie et coquette boutique à Béni Mellal. Elle a le mérite d’avoir financé elle-même son commerce, sans faire appel à l’aide de sa famille. Les ateliers de confection resteront chez elle, dans sa chambre. D’artisane et commerçante itinérante, exerçant dans l’informel, Nadia est actuellement chef d’entreprise, déclaré, à l’avenir fort prometteur.
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(1) Dentelle très fine réalisée pour orner certains vêtements dont la ville de Salé détient la spécialité.
(2) Technique de couture pour la réalisation des tenues marocaines.
(3) Le perlage.
(4) Le fait de décorer un tissu de paillettes.
Réussir, c’est possible au Maroc
Si Nadia Fenniche est aujourd’hui une jeune femme posée et sereine, ceci n’a pas été le cas précédemment. Nadia vit à Béni Mellal, région du Moyen Atlas reconnue pour être la première région du Maroc émettrice d’immigrants clandestins. La majorité parmi eux provient de Kesbah Tadla, Ksiba ou de Béni Mellal même. Tous nourrissent l’espoir d’immigrer en Europe pour une vie meilleure. Ils rêvent de revenir chez eux au volant d’une belle voiture portant plaque d’immatriculation étrangère. Ils cherchent à être reconnus et respectés par une société conditionnée par l’argent et le gain rapide. A l’instar des jeunes de la région, Nadia a caressé le rêve de l’immigration. Durant des années, elle a guetté l’occasion qui lui permettrait de s’installer sur l’autre rive de la méditerranée. Son rêve a été parfois plus fort que la réalité. Sa réussite méritée et méritoire est un bon exemple pour les jeunes qui rêvent de l’eldorado européen. Elle a décidé de se battre sur ce front pour expliquer à ceux qui rêvent de partir au bord d’une pattera ou dans un camion remorqueur, que la réussite peut être réalisée ici dans le pays. Nadia Fenniche explique à ces jeunes, qu’avec de la persévérance et de la bonne volonté, ils arriveront à construire leur avenir chez eux, dans l’estime et le respect.
Elles viennent de l’Atlas, du Rif, du Sahara, de Fès ou d’Azemmour. Elles sont 256 femmes, représentant 38 villes et villages, au sein du Réfam Dar Maâlma, Réseau des femmes artisanes du Maroc, créé en mai 2008. Et c’est toute cette diversité sociale, culturelle, mais surtout cette détermination à vouloir changer le quotidien que L’Economiste publie une série de portraits et de tranches de vie, faites de défi, de sacrifices et de persévérance.
· Elle a su bousculer les traditions pour conduire sa vie comme elle l’entend
· D’artisane à commerçante itinérante exerçant dans l’informel, Nadia est aujourd’hui chef d’entreprise
· La Turquie pour démarrer, l’Egypte comme ouverture sur le monde arabe
Nadia est originaire de la ville de Salé, mais elle a grandi dans la ville de Béni Mellal. C’est peut-être ces deux villes totalement différentes par leurs coutumes et traditions qui vont façonner et forger la personnalité de cette jeune femme, de 25 ans, ambitieuse et décidée.
De ses origines slaouies et de son appartenance à une grande famille ancestrale marocaine, Nadia apprend le raffinement, le goût des choses bien faites et les bonnes manières. Elle grandit entourée de tantes et de cousines qui passent leurs après-midi à coudre, broder ou faire «chebka(1)». Elle vient de ce milieu où l’on met un point d’honneur à préparer le trousseau de la jeune fille dès l’âge de 7 ans. Alors tout le monde s’y met. Et ce sont des merveilles qui sont produites en fin de parcours. Son éducation à Béni Mellal lui a offert la possibilité d’affûter son caractère. Nadia est aujourd’hui une fille courageuse, débrouillarde, un peu casse-cou. Elle déploie toute son énergie pour atteindre ses buts. Une fille qui a su bousculer les traditions pour conduire sa vie avec détermination et résolution. Très tôt, elle fait le choix de son mode de vie. «Mes parents s’affolaient devant mes résultats scolaires à la limite du médiocre, cela me faisait de la peine pour eux, mais la classe m’ennuyait», raconte-t-elle. Elle néglige plus ou moins ses études et s’adonna d’une manière spontanée au commerce. Tout y passe, une robe qu’elle n’aime pas sera vendue à la voisine, des assiettes qu’elle achète à Tétouan sont revendues à Béni Mellal, des bouteilles de parfum, savon, etc. vendre était chez elle un don et elle va en faire une passion. Passion qu’elle a dû interrompre, milieu social oblige, pour un passage d’une année dans une prestigieuse école pour jeunes filles, à Lugano en Suisse. Pour ses parents, c’était l’école de la dernière chance. Pour elle, c’était plutôt une année de vacances plus que d’études. Elle lui permettra toutefois d’apprendre la langue italienne qu’elle parle à la perfection.
De retour au Maroc, elle est à peine âgée de 19 ans. Aucun diplôme ne lui permet d’aspirer à un métier intéressant, ni d’accéder à une quelconque école supérieure. Ceci n’est pas pour la décourager. Elle a toujours son don, le commerce. Alors, elle reprend ses transactions commerciales. De Casablanca, de Tétouan elle fait ses emplettes qu’elle vend à Béni Mellal et à Souk Sebt. De Béni Mellal, Khénifra et autres villes elle achètera des produits typiques de la région pour les revendre à Casablanca. Douée qu’elle est, elle se construit une clientèle fidèle, qui commence à lui passer des commandes. Elle est une sorte d’ambassadrice entre les villes. Chaque région reçoit les produits des autres régions du Maroc. «Notre pays recèle des trésors. Chaque région a son cachet propre et une spécialité bien définie. J’aime les découvrir. Je suis fascinée par chaque nouvel objet». De cette fascination qu’elle arrive à transmettre avec aisance, elle en fera son fonds de commerce. Nadia a cette capacité de convaincre une personne qui hésite en lui démontrant le bénéfice qu’elle aura à tirer de l’acquisition du produit proposé.
Nadia est certainement douée, mais, elle est aussi intelligente et perspicace. Elle a l’idée de mettre à profit le savoir acquis durant son jeune âge avec ses tantes de Salé et sa connaissance des différents produits des régions du Maroc. Elle commence ce nouveau parcours en prenant des cours de coupe et couture. Elle se met alors à la création de tenues marocaines. Les créations de Nadia sont un vrai mélange de techniques et de genres des différentes régions du Maroc. Ainsi, «chebka» côtoie allègrement «berchmane(2)», «tenbat(3)», et «mouzoune(4)» complètent l’un l’autre. Ses créations ne se limitent pas au costume traditionnel, de nombreux objets sont revisités. Une nappe brodée va être sertie de mouzoune ou de tenbat, des coussins mouzoune auront une frange en dentelle. Nadia s’adonne avec application au mélange des formes, des matières et des couleurs. «Les objets me parlent. Alors je me laisse guidée par les sensations», explique-t-elle en parlant de son travail.
Sur le plan de la commercialisation, son activité connaîtra un développement. D’ambassadrice régionale, elle deviendra ambassadrice méditerranéenne. Et c’est d’abord vers la Turquie qu’elle va développer son commerce, pour l’étendre par la suite à l’Egypte comme ouverture sur le monde arabe principalement vers les Emirats arabes unis.
Elle suivra toutes les sessions de formation de Dar Mâalma, et mettra à profit ses acquis en gestion d’entreprise, en ouvrant une jolie et coquette boutique à Béni Mellal. Elle a le mérite d’avoir financé elle-même son commerce, sans faire appel à l’aide de sa famille. Les ateliers de confection resteront chez elle, dans sa chambre. D’artisane et commerçante itinérante, exerçant dans l’informel, Nadia est actuellement chef d’entreprise, déclaré, à l’avenir fort prometteur.
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(1) Dentelle très fine réalisée pour orner certains vêtements dont la ville de Salé détient la spécialité.
(2) Technique de couture pour la réalisation des tenues marocaines.
(3) Le perlage.
(4) Le fait de décorer un tissu de paillettes.
Réussir, c’est possible au Maroc
Si Nadia Fenniche est aujourd’hui une jeune femme posée et sereine, ceci n’a pas été le cas précédemment. Nadia vit à Béni Mellal, région du Moyen Atlas reconnue pour être la première région du Maroc émettrice d’immigrants clandestins. La majorité parmi eux provient de Kesbah Tadla, Ksiba ou de Béni Mellal même. Tous nourrissent l’espoir d’immigrer en Europe pour une vie meilleure. Ils rêvent de revenir chez eux au volant d’une belle voiture portant plaque d’immatriculation étrangère. Ils cherchent à être reconnus et respectés par une société conditionnée par l’argent et le gain rapide. A l’instar des jeunes de la région, Nadia a caressé le rêve de l’immigration. Durant des années, elle a guetté l’occasion qui lui permettrait de s’installer sur l’autre rive de la méditerranée. Son rêve a été parfois plus fort que la réalité. Sa réussite méritée et méritoire est un bon exemple pour les jeunes qui rêvent de l’eldorado européen. Elle a décidé de se battre sur ce front pour expliquer à ceux qui rêvent de partir au bord d’une pattera ou dans un camion remorqueur, que la réussite peut être réalisée ici dans le pays. Nadia Fenniche explique à ces jeunes, qu’avec de la persévérance et de la bonne volonté, ils arriveront à construire leur avenir chez eux, dans l’estime et le respect.
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