Par Fadoua Ghannam
Tourisme. La seconde vie de MazaganAux Bahamas, il a ressuscité Atlantide, la cité engloutie. A El Jadida, il promet une station balnéaire féerique. Sol Kerzner, le bâtisseur sud-africain, était de passage au Maroc. Visite guidée du chantier.
Un petit homme, pantalon de toile beige, chemise en coton et baskets aux pieds est l’attraction ce mardi 17 mars à El Jadida. Sol Kerzner détonne parmi ces costumes-cravates qui l’entourent : Mustapha Bakkoury, tout-puissant directeur de la CDG, Marouane Trafa, directeur
Voici ce que Sol Kerzner promet : un hôtel d’exception de 480 chambres, un casino de 50 tables et 500 machines à sous, une discothèque pouvant accueillir 1200 personnes, conçue et scénarisée par Raymond Visan, créateur du Bouddha Bar, un parcours de golf de 18 trous signé par le fameux Gary Player, un spa et un centre de conférences de 1200 places. Tous ces équipements ouvriront leurs portes cet automne. Et pour ce qui est des villas de luxe promises dans le projet, leur construction a commencé la semaine dernière. Sur les 67 maisons de style californien, disposant chacune d’une piscine et d’une vue imprenable sur la mer et le golf, prévues dans la première tranche, 41 ont déjà été vendues, “majoritairement à des clients marocains” à un prix jalousement gardé secret. C’est donc un petit bout de paradis niché sur la côte atlantique, entre Casablanca et El Jadida, qui se dessine. Pour Marie Béatrice Lallemand, PDG de Kerzner International, Mazagan est à l’image de son initiateur, déroutante. A 74 ans, Sol Kerzner se définit comme un spécialiste du “resort”, ces complexes touristiques intégrés, destinés à une clientèle richissime. Il en a créé plusieurs, dont l’Atlantis aux Bahamas et The Palm, érigé sur une île artificielle en forme de palmier à Dubaï, inauguré il y a quelques mois.
Quid des retards ?
“Mazagan ne sera pas moins exceptionnelle que mes autres projets”, affirme l’intéressé, le sourire aux lèvres. Et d’ajouter qu’il a maintenu son investissement marocain malgré la crise mondiale, parce qu’il croit dans “l’extraordinaire potentiel de Mazagan”. Les bâtiments actuellement en cours de finalisation ne contredisent pas leur initiateur. A regarder s’activer les 3000 ouvriers du site, on oublierait presque les problèmes qui ont accompagné ce projet depuis son annonce. Si la convention d’investissement a été signée en juillet 2004 entre Kerzner et les autorités marocaines sous la présidence du Premier ministre de l’époque, Driss Jettou, le premier coup de pioche n’a été donné qu’en juin 2007. Trois années de flottement durant lesquelles l’avenir de la station lui-même était menacé. Mazagan, l’une des six stations initialement prévues dans le Plan Azur, promettait une offre hôtelière de 8000 lits et résidentielle de 150 villas de très haut standing. Et le tout devait être livré entre 2008 et 2018.
Or, au moment où les deux parties ont commencé à négocier la version finale des contrats, de nombreuses difficultés sont apparues. La première est en relation avec l’assiette foncière sur laquelle devait se tenir le projet. Les 500 hectares prévus étaient difficilement mobilisables puisque faisant partie du domaine forestier. Il a fallu une lourde procédure et de longues tractations avec différents départements gouvernementaux pour avoir la main levée sur les 280 ha prévus pour la première tranche. Autre point de discorde : le casino, pierre angulaire de tout le projet. Kerzner exigeait une exclusivité dans un rayon de 130 km à partir de Casablanca. Une condition jugée au départ très excessive par les Marocains mais que l’investisseur a finalement réussi à décrocher. C’est que l’homme d’affaires est un rude négociateur. “Dans l’industrie du jeu, la distance légale entre deux commerces est très importante”, n’a cessé de marteler le Sud-Africain, qui était, à plusieurs reprises, sur le point de plier bagage.
Mazagan, la citoyenne
Les autorités gouvernementales n’avaient pas d’autres choix que de répondre favorablement à toutes ses exigences. Le projet de Mazagan est capital, aussi bien pour le Plan Azur que pour l’avenir économique de la région. Une fois toutes ces difficultés aplanies, le chantier a démarré en juin 2007. Le “ouf” de soulagement du ministre du Tourisme de l’époque, Adil Douiri, était édifiant. Mazagan se démarque aussi par sa composante environnementale. “Le projet s’articule autour d’un paysage de rêve avec 7 km de plage et des centaines d’hectares de forêt.
Nous avons mis un point d’honneur à le préserver”, déclare Marie-Béatrice Lallemand, qui cite en exemple le parcours de golf, conçu en total respect de la morphologie du site. “Aucune dune de sable n’a été déplacée pour l’aménager”, précise-t-elle. Et, cerise sur le gâteau, le gazon du golf a été importé des Etats-Unis. Sa particularité ? Il peut être irrigué en eau de mer. Pour le reste, la station disposera d’une station de traitement d’eaux usées et d’un système de canaux pour optimiser les ressources hydriques du site. Mazagan est aussi une bonne bouffée d’oxygène pour la région d’El Jadida, Kerzner ayant fait appel à pas moins de 80 sociétés sous-traitantes spécialistes en construction et finition. Mais l’aménageur sud-africain a préféré ne pas revenir sur les informations parues sur la presse nationale qui faisaient état d’ouvriers employés au noir.
Portrait. L’homme des projets fous
Solomon Kerzner incarne la réussite. A 74 ans, cet homme d’affaires sud-africain, né de parents russes juifs, a réussi à changer le concept de l’hôtellerie dans le monde. Son premier grand coup est la transformation d’un petit hôtel familial en Afrique du Sud en un fleuron du tourisme mondial. Sa priorité n° 1 : “émerveiller le client”. Et il y arrive très bien. Au milieu des années 1990, il parvient à placer les Bahamas sur la liste des destinations les plus huppées grâce à son Atlantis, un hôtel de 2300 chambres sur le thème de l’Atlantide. Fin 2008, il refait le coup, à Dubaï cette fois-ci, avec The Palm, un aquarium-hôtel géant construit sur une île artificielle. Kerzner est également propriétaire de la chaîne de palaces One & Only qui gère huit des plus grands établissements de luxe de par le monde, à l’île Maurice, au Mexique et aux Maldives notamment. Mais ses méthodes sont parfois contestées et l’homme traîne aussi derrière lui des projets avortés aux Etats-Unis et en Afrique.
© 2009 TelQuel Magazine. Maroc.
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