Une certaine idée de la liberté
Par Larbi le samedi, mars 21 2009, 00:18
Le hasard de l’actualité a fait éclater, presque simultanément, plusieurs polémiques au Maroc.
La visite de Samir Bergachi tout d’abord. Le coordinateur général de l’Association Kifkif est venu défendre la cause des homosexuels marocains. Les éditorialistes de la presse proche du pouvoir ont accueilli sur un ton bienveillant cette visite et ont soutenu cette cause, même timidement. Au nom d’un « Maroc tolérant » « Sans fards ni tabous » et au nom du « bien-fondé de l’évolution démocratique marocaine ».
Au même moment une guerre soudaine est annoncée contre le chiisme au Maroc, après rupture des relations diplomatiques avec l’Iran et interdiction de diffusion de la littérature chiite sur le sol marocain. Les éditorialistes de la presse proche du pouvoir ont assuré le service après-vente et mené une campagne contre le courant chiite. Au nom de « l’Islam de nos parents » et du « rite malékite… un fondement du système institutionnel marocain » . Mais alors quand se trompent-ils d’analyse ? Quand ils invoquent la tolérance et l’évolution dans le premier cas ou quand ils évoquent la religion des parents dans le second ! Ils n’ont pas peur de se contredire, c’est le moins qu’on puisse dire.
Je serai court et clair. J’ai beaucoup d’estime pour le jeune Samir Bergachi et pour le député Mustapha Ramid. Le premier parce qu’en défendant la cause des siens, contre l’avis dominant de la société, il fait preuve de beaucoup de courage et de dignité. Le deuxième parce qu’en maintenant sa visite en Iran, contre le béni-oui-ouisme de la classe politique, il fait preuve de beaucoup d’indépendance et de liberté. Je les salue, ces deux dérangeurs publics, pour le courage de leurs convictions et il en faut du courage dans ce drôle de pays de 30 millions d’habitants, qui a peur d’admettre la possibilité d’autres formes de penser, d’exister, qui veut tous ses citoyens semblables, alignés sur la même grille de pensée, roulants à la même cadence.
Le ministre marocain des affaires étrangères résume assez bien ce pays-là : « Je sais que la majorité des partis politiques marocains ... ont exprimé leur solidarité avec la position officielle de leur pays[sur l’Iran]. Au même titre que l’ensemble du peuple marocain. » L’ensemble du peuple marocain dit-il sans avoir froid aux yeux! C’est cela donc, la même rhétorique : le présumé consensus, la présumée adhésion unanime du peuple marocain, les sacro-saints fondements de l’«identité marocaine séculaire » et j’en passe des concepts qui ne veulent rien dire sortis à tout bout de champs. Et on se demande après cela pourquoi le débat politico-sociétal est inexistant au Maroc. Après tout, tout le monde est d’accord avec tout le monde, le consensus est général, la parole de l’Etat et ses représentants est infaillible, celle du corps social est indiscutable.
Voyez-vous, je pense qu’il faut arrêter de se la raconter. Il n’y a pas un consensus de « l’ensemble du peuple marocain » sur toutes les positions de sa diplomatie car, pour n’évoquer que cet argument banal, elle est dirigée par des politiciens, des être humains, qui leur arrive de manquer de discernement. Pas plus qu’il ne peut y avoir, par définition, de consensus sur les questions de société. Mais oui, le député Ramid a eu raison de maintenir sa visite en Iran, car c’est son rôle de député de l’opposition d’agir selon ses convictions et non de suivre la feuille de route du gouvernement. Et oui, il faut respecter la libre conscience, celle de pouvoir choisir ses convictions religieuses musulmanes sunnites ou autres et non celles dictées par les hautes autorités de l’Etat. Mais oui… il serait temps que la société regarde autour d’elle, comment ses enfants vivent, de remarquer la banale réalité quotidienne qui s’impose : Certains de ses enfants sont faits différemment, avec une orientation sexuelle différente, et que ça ne fait pas d’eux des sous-hommes , ou des monstres, et qu’ils ont droit à la dignité et à la liberté ni plus pas moins que les autres.
Il est grand temps de faire tomber cet hypocrite masque appelé « consensus », « unanimité du peuple marocain » parce que c’est un mythe, parce que c’est de l’histoire ancienne et parce aucun pays qui se respecte ne peut avoir cette prétention et cette vanité de pensée. Cette arrogance et cette suffisance. Les minorités… ça existe et ça se respecte. Le droit de ne pas partager les positions de l’Etat , fussent-elle concernant sa politique extérieure ou son courant religieux dominant. Ce n’est pas de la « haute trahison » c’est de la libre pensée. Le droit de ne pas avoir la même existence que le reste de la société, fut-elle sexuelle, ça existe et ça se respecte. Ce n’est pas la « dégénérescence », c’est le libre arbitre. Et on a beau crier à la « haute trahison » ou à la « dégénérescence » cela ne changera rien, n’intimidera personne sauf peut-être bousculer les dépositaires de la raison d’Etat et des valeurs sacrées de la société, les auto-conservateurs du musée Maroc.
La ligne Maginot de la morale religieuse et du consensus politique ce n’est pas une réalité, c’est un mythe. Il faut l’admettre, car à défaut, la seule autre option serait de « passer aux armes » tout ce qui ne cadre par avec les modèles dominants de pensée et d’existence. C’est aussi simple, aussi bête que cela.
Larbi
Par Larbi le samedi, mars 21 2009, 00:18
Le hasard de l’actualité a fait éclater, presque simultanément, plusieurs polémiques au Maroc.
La visite de Samir Bergachi tout d’abord. Le coordinateur général de l’Association Kifkif est venu défendre la cause des homosexuels marocains. Les éditorialistes de la presse proche du pouvoir ont accueilli sur un ton bienveillant cette visite et ont soutenu cette cause, même timidement. Au nom d’un « Maroc tolérant » « Sans fards ni tabous » et au nom du « bien-fondé de l’évolution démocratique marocaine ».
Au même moment une guerre soudaine est annoncée contre le chiisme au Maroc, après rupture des relations diplomatiques avec l’Iran et interdiction de diffusion de la littérature chiite sur le sol marocain. Les éditorialistes de la presse proche du pouvoir ont assuré le service après-vente et mené une campagne contre le courant chiite. Au nom de « l’Islam de nos parents » et du « rite malékite… un fondement du système institutionnel marocain » . Mais alors quand se trompent-ils d’analyse ? Quand ils invoquent la tolérance et l’évolution dans le premier cas ou quand ils évoquent la religion des parents dans le second ! Ils n’ont pas peur de se contredire, c’est le moins qu’on puisse dire.
Je serai court et clair. J’ai beaucoup d’estime pour le jeune Samir Bergachi et pour le député Mustapha Ramid. Le premier parce qu’en défendant la cause des siens, contre l’avis dominant de la société, il fait preuve de beaucoup de courage et de dignité. Le deuxième parce qu’en maintenant sa visite en Iran, contre le béni-oui-ouisme de la classe politique, il fait preuve de beaucoup d’indépendance et de liberté. Je les salue, ces deux dérangeurs publics, pour le courage de leurs convictions et il en faut du courage dans ce drôle de pays de 30 millions d’habitants, qui a peur d’admettre la possibilité d’autres formes de penser, d’exister, qui veut tous ses citoyens semblables, alignés sur la même grille de pensée, roulants à la même cadence.
Le ministre marocain des affaires étrangères résume assez bien ce pays-là : « Je sais que la majorité des partis politiques marocains ... ont exprimé leur solidarité avec la position officielle de leur pays[sur l’Iran]. Au même titre que l’ensemble du peuple marocain. » L’ensemble du peuple marocain dit-il sans avoir froid aux yeux! C’est cela donc, la même rhétorique : le présumé consensus, la présumée adhésion unanime du peuple marocain, les sacro-saints fondements de l’«identité marocaine séculaire » et j’en passe des concepts qui ne veulent rien dire sortis à tout bout de champs. Et on se demande après cela pourquoi le débat politico-sociétal est inexistant au Maroc. Après tout, tout le monde est d’accord avec tout le monde, le consensus est général, la parole de l’Etat et ses représentants est infaillible, celle du corps social est indiscutable.
Voyez-vous, je pense qu’il faut arrêter de se la raconter. Il n’y a pas un consensus de « l’ensemble du peuple marocain » sur toutes les positions de sa diplomatie car, pour n’évoquer que cet argument banal, elle est dirigée par des politiciens, des être humains, qui leur arrive de manquer de discernement. Pas plus qu’il ne peut y avoir, par définition, de consensus sur les questions de société. Mais oui, le député Ramid a eu raison de maintenir sa visite en Iran, car c’est son rôle de député de l’opposition d’agir selon ses convictions et non de suivre la feuille de route du gouvernement. Et oui, il faut respecter la libre conscience, celle de pouvoir choisir ses convictions religieuses musulmanes sunnites ou autres et non celles dictées par les hautes autorités de l’Etat. Mais oui… il serait temps que la société regarde autour d’elle, comment ses enfants vivent, de remarquer la banale réalité quotidienne qui s’impose : Certains de ses enfants sont faits différemment, avec une orientation sexuelle différente, et que ça ne fait pas d’eux des sous-hommes , ou des monstres, et qu’ils ont droit à la dignité et à la liberté ni plus pas moins que les autres.
Il est grand temps de faire tomber cet hypocrite masque appelé « consensus », « unanimité du peuple marocain » parce que c’est un mythe, parce que c’est de l’histoire ancienne et parce aucun pays qui se respecte ne peut avoir cette prétention et cette vanité de pensée. Cette arrogance et cette suffisance. Les minorités… ça existe et ça se respecte. Le droit de ne pas partager les positions de l’Etat , fussent-elle concernant sa politique extérieure ou son courant religieux dominant. Ce n’est pas de la « haute trahison » c’est de la libre pensée. Le droit de ne pas avoir la même existence que le reste de la société, fut-elle sexuelle, ça existe et ça se respecte. Ce n’est pas la « dégénérescence », c’est le libre arbitre. Et on a beau crier à la « haute trahison » ou à la « dégénérescence » cela ne changera rien, n’intimidera personne sauf peut-être bousculer les dépositaires de la raison d’Etat et des valeurs sacrées de la société, les auto-conservateurs du musée Maroc.
La ligne Maginot de la morale religieuse et du consensus politique ce n’est pas une réalité, c’est un mythe. Il faut l’admettre, car à défaut, la seule autre option serait de « passer aux armes » tout ce qui ne cadre par avec les modèles dominants de pensée et d’existence. C’est aussi simple, aussi bête que cela.
Larbi
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