Ce que disent les Américains sur le Maroc
DIMANCHE, 08 MARS 2009 17:59 ...
Le très attendu rapport du département d’Etat américain sur les droits de l’Homme dans le monde vient de tomber. Il passe au peigne fin la situation au Maroc.
« La manière dont un gouvernement autorise ceux qui sont en désaccord avec lui, ou critiquent ses politiques est une véritable marque de l'ampleur de la liberté et de la démocratie, et cela est particulièrement vrai durant les moments difficiles, comme en période de crise économique internationale par exemple », note Robert Jackson, le chargé d'affaires par intérim auprès de l'ambassade des Etats-Unis à Rabat lors de la présentation du rapport. Ce responsable américain affirme : « Nous avons constaté un progrès continuel du respect des droits de l'Homme malgré la persistance de certains problèmes ». R. Jackson a également souligné qu’en matière de respect des droits de l'Homme, d'ouverture et de liberté d'expression, « le Maroc arrive en tête des pays du monde arabe ». « Il y a 18 mois que je suis ici. Les journaux publient des informations et des analyses qu'on ne peut pas trouver ailleurs », reconnaît ce diplomate Américain. Et ce responsable d’ajouter : « il est clair que le Maroc est en avance mais cela ne veut pas dire que les choses sont aussi bien qu'elles doivent l'être ».
Brutalités en garde à vue
Tout en soulignant que « le Code pénal prévoit des peines de prison à vie pour les fonctionnaires qui utilisent ou autorisent l’utilisation de la violence contre d'autres personnes dans l'exercice de leurs fonctions », le rapport signale : « selon des organisations et des avocats locaux et internationaux de défense des droits de l’homme, et selon des prisonniers et des détenus, les forces de l'ordre torturent ou brutalisent les détenus pendant leur garde à vue ». Il ajoute : « selon le ministère de la Justice, le gouvernement a poursuivi 6 membres de la gendarmerie pour des cas de brutalité. L’un des gendarmes a été déclaré non coupable et quatre autres attendent leur verdict. Par ailleurs, il est précisé dans le rapport que la police nationale (DGSN) n’a engagé de poursuites pour brutalités contre aucun de ses membres au cours de l’année 2008.
Mauvaises conditions de détention
Là, le constat américain est plutôt sévère. « Les conditions de détention restent extrêmement mauvaises et ne répondent pas en général aux normes internationales. La surpopulation extrême, la malnutrition et l’absence d’hygiène, continuent d’aggraver les mauvaises conditions sanitaires à l’intérieur des prisons », affirme le département d’Etat qui renvoie au rapport publié en novembre 2007 par l’Observatoire Marocain des prisons (OMP). Ce document signalait que le système pénitentiaire était surpeuplé et qu’il ne répondait pas à plusieurs normes locales et internationales. Ce même document indiquait que la capacité actuelle des prisons suffit pour la moitié de la population carcérale seulement.
Actuellement, 60.000 détenus ont moins d’un mètre carré et demi par personne ». Le rapport note également que la loi n'interdit pas les arrestations ou les détentions arbitraires et la police utilise ces deux pratiques. « La police n’observe pas toujours les procédures applicables. Dans la pratique, selon des ONG et des associations locales, il lui arrive, par exemple, de ne pas s’identifier au moment d’arrêter un suspect et d’agir sans mandat », relèvent les auteurs du rapport américain qui souligne que la police aurait également détenu des personnes sans motif d’accusation.
6 mille cas de corruption
« La corruption constitue un grave problème dans les branches exécutive, législative et judiciaire du gouvernement », note le rapport américain en signalant qu’en mai 2007, le ministre de la Justice indiquait que la corruption et les délits économiques représentaient 10% des affaires traitées par la justice. Durant l’année, le Ministère de la Justice a traité plus de 6.000 cas de corruption. Encore que, précise le rapport, à la fin de l’année, la plupart d’entre eux étaient toujours en instance.
Félicitations pour septembre 2007
Abordant les dernières élections, le rapport rappelle que les observateurs ont félicité le gouvernement, y compris le ministère de l’Intérieur, pour leur gestion professionnelle du scrutin de septembre 2007. Les mêmes observateurs ont attribué le faible taux de participation électorale et le taux important de votes de protestation à la faiblesse des partis et à un Parlement investi de peu de pouvoirs. Ils ajoutent que les observateurs nationaux n’ont pas reçu leur accréditation avant la veille du scrutin et soulignent que tous les rapports préconisent la création d’une commission électorale indépendante.
Mais toujours pas d’accès à l’info !
Concernant la liberté d’expression, le département d’Etat écrit : « la presse a rédigé des rapports sur des thèmes restreints auparavant, incluant l’armée, la sécurité et le Palais, les activités des organisations de défense des droits de l’homme et même le Sahara. Cependant, note-t-il, plusieurs personnes ont été arrêtées pour s’être exprimées en public ou sur internet. « Toutefois, suite à la décision de condamnation et aux pressions exercées par des militants locaux et internationaux, les personnes arrêtées ont été relâchées », peut-on lire dans le rapport américain. Le même rapport constate aussi que le pays n’a aucune loi sur la liberté d’information. « Dans la pratique, le gouvernement n’accorde aucun accès aux informations officielles aux citoyens et aux étrangers, y compris aux médias étrangers », est-il souligné.
Plus de restrictions pour les ONG
Selon le rapport, les ONG nationales et indépendantes de défense des droits de l'homme, reconnues par le gouvernement sont : l'Organisation Marocaine des Droits de l'Homme (OMDH) et la Ligue Marocaine de Défense des Droits de l'Homme (LMDDH). Celles-ci, bénéficient depuis 2000, de subventions du gouvernement. L'AMDH, quant à elle, « ne coopère pas officiellement avec le gouvernement, mais échange en général des informations avec lui », note le rapport. Et ses auteurs d’ajouter : « l'Observatoire Marocain des prisons (OMP), une organisation de défense des droits de l’homme reconnue et partiellement financée par le gouvernement, a été autorisé à se rendre dans les prisons du pays et à parler aux prisonniers ».
Le rapport renvoie aux estimations du gouvernement publiées en 2007 et qui font état de plus de 2.500 ONG enregistrées dans le pays. « Des ONG internationales telles que Human Rights Watch, Reporters Sans Frontières et Amnesty International, coopèrent avec le gouvernement sur plusieurs projets dans le domaine des droits de l’homme et fonctionnent en général sans aucune restriction. Le Comité International de la Croix Rouge a dispensé une formation au droit humanitaire international, à l’armée et à l’Université Al-Qarawiyyin d’Agadir », remarque le département Américain.
Qui fait le médiateur ?
« Un médiateur national résout les affaires civiles lorsque la justice ne peut le faire, et il a graduellement élargi l’éventail de ses activités. Le nombre de plaintes reçues par ce médiateur est passé de 4.500 en 2006 à 7.000 au cours de l’année. De plus, le pourcentage de plaintes pouvant donner lieu à une action est passé de 29 % en 2004 à 91 % au cours de cette année », poursuit le rapport. Toutefois, et malgré l’augmentation significative du nombre de plaintes reçues par le médiateur, « la plupart des citoyens se tournent toujours vers le CCDH (Conseil consultatif des droits de l’Homme) comme voie de recours », remarque le rapport, notant que « le public fait largement confiance au CCDH et le considère comme l’unique instance gouvernementale travaillant légitimement dans le domaine des droits de l’Homme ».
DIMANCHE, 08 MARS 2009 17:59 ...
Le très attendu rapport du département d’Etat américain sur les droits de l’Homme dans le monde vient de tomber. Il passe au peigne fin la situation au Maroc.
« La manière dont un gouvernement autorise ceux qui sont en désaccord avec lui, ou critiquent ses politiques est une véritable marque de l'ampleur de la liberté et de la démocratie, et cela est particulièrement vrai durant les moments difficiles, comme en période de crise économique internationale par exemple », note Robert Jackson, le chargé d'affaires par intérim auprès de l'ambassade des Etats-Unis à Rabat lors de la présentation du rapport. Ce responsable américain affirme : « Nous avons constaté un progrès continuel du respect des droits de l'Homme malgré la persistance de certains problèmes ». R. Jackson a également souligné qu’en matière de respect des droits de l'Homme, d'ouverture et de liberté d'expression, « le Maroc arrive en tête des pays du monde arabe ». « Il y a 18 mois que je suis ici. Les journaux publient des informations et des analyses qu'on ne peut pas trouver ailleurs », reconnaît ce diplomate Américain. Et ce responsable d’ajouter : « il est clair que le Maroc est en avance mais cela ne veut pas dire que les choses sont aussi bien qu'elles doivent l'être ».
Brutalités en garde à vue
Tout en soulignant que « le Code pénal prévoit des peines de prison à vie pour les fonctionnaires qui utilisent ou autorisent l’utilisation de la violence contre d'autres personnes dans l'exercice de leurs fonctions », le rapport signale : « selon des organisations et des avocats locaux et internationaux de défense des droits de l’homme, et selon des prisonniers et des détenus, les forces de l'ordre torturent ou brutalisent les détenus pendant leur garde à vue ». Il ajoute : « selon le ministère de la Justice, le gouvernement a poursuivi 6 membres de la gendarmerie pour des cas de brutalité. L’un des gendarmes a été déclaré non coupable et quatre autres attendent leur verdict. Par ailleurs, il est précisé dans le rapport que la police nationale (DGSN) n’a engagé de poursuites pour brutalités contre aucun de ses membres au cours de l’année 2008.
Mauvaises conditions de détention
Là, le constat américain est plutôt sévère. « Les conditions de détention restent extrêmement mauvaises et ne répondent pas en général aux normes internationales. La surpopulation extrême, la malnutrition et l’absence d’hygiène, continuent d’aggraver les mauvaises conditions sanitaires à l’intérieur des prisons », affirme le département d’Etat qui renvoie au rapport publié en novembre 2007 par l’Observatoire Marocain des prisons (OMP). Ce document signalait que le système pénitentiaire était surpeuplé et qu’il ne répondait pas à plusieurs normes locales et internationales. Ce même document indiquait que la capacité actuelle des prisons suffit pour la moitié de la population carcérale seulement.
Actuellement, 60.000 détenus ont moins d’un mètre carré et demi par personne ». Le rapport note également que la loi n'interdit pas les arrestations ou les détentions arbitraires et la police utilise ces deux pratiques. « La police n’observe pas toujours les procédures applicables. Dans la pratique, selon des ONG et des associations locales, il lui arrive, par exemple, de ne pas s’identifier au moment d’arrêter un suspect et d’agir sans mandat », relèvent les auteurs du rapport américain qui souligne que la police aurait également détenu des personnes sans motif d’accusation.
6 mille cas de corruption
« La corruption constitue un grave problème dans les branches exécutive, législative et judiciaire du gouvernement », note le rapport américain en signalant qu’en mai 2007, le ministre de la Justice indiquait que la corruption et les délits économiques représentaient 10% des affaires traitées par la justice. Durant l’année, le Ministère de la Justice a traité plus de 6.000 cas de corruption. Encore que, précise le rapport, à la fin de l’année, la plupart d’entre eux étaient toujours en instance.
Félicitations pour septembre 2007
Abordant les dernières élections, le rapport rappelle que les observateurs ont félicité le gouvernement, y compris le ministère de l’Intérieur, pour leur gestion professionnelle du scrutin de septembre 2007. Les mêmes observateurs ont attribué le faible taux de participation électorale et le taux important de votes de protestation à la faiblesse des partis et à un Parlement investi de peu de pouvoirs. Ils ajoutent que les observateurs nationaux n’ont pas reçu leur accréditation avant la veille du scrutin et soulignent que tous les rapports préconisent la création d’une commission électorale indépendante.
Mais toujours pas d’accès à l’info !
Concernant la liberté d’expression, le département d’Etat écrit : « la presse a rédigé des rapports sur des thèmes restreints auparavant, incluant l’armée, la sécurité et le Palais, les activités des organisations de défense des droits de l’homme et même le Sahara. Cependant, note-t-il, plusieurs personnes ont été arrêtées pour s’être exprimées en public ou sur internet. « Toutefois, suite à la décision de condamnation et aux pressions exercées par des militants locaux et internationaux, les personnes arrêtées ont été relâchées », peut-on lire dans le rapport américain. Le même rapport constate aussi que le pays n’a aucune loi sur la liberté d’information. « Dans la pratique, le gouvernement n’accorde aucun accès aux informations officielles aux citoyens et aux étrangers, y compris aux médias étrangers », est-il souligné.
Plus de restrictions pour les ONG
Selon le rapport, les ONG nationales et indépendantes de défense des droits de l'homme, reconnues par le gouvernement sont : l'Organisation Marocaine des Droits de l'Homme (OMDH) et la Ligue Marocaine de Défense des Droits de l'Homme (LMDDH). Celles-ci, bénéficient depuis 2000, de subventions du gouvernement. L'AMDH, quant à elle, « ne coopère pas officiellement avec le gouvernement, mais échange en général des informations avec lui », note le rapport. Et ses auteurs d’ajouter : « l'Observatoire Marocain des prisons (OMP), une organisation de défense des droits de l’homme reconnue et partiellement financée par le gouvernement, a été autorisé à se rendre dans les prisons du pays et à parler aux prisonniers ».
Le rapport renvoie aux estimations du gouvernement publiées en 2007 et qui font état de plus de 2.500 ONG enregistrées dans le pays. « Des ONG internationales telles que Human Rights Watch, Reporters Sans Frontières et Amnesty International, coopèrent avec le gouvernement sur plusieurs projets dans le domaine des droits de l’homme et fonctionnent en général sans aucune restriction. Le Comité International de la Croix Rouge a dispensé une formation au droit humanitaire international, à l’armée et à l’Université Al-Qarawiyyin d’Agadir », remarque le département Américain.
Qui fait le médiateur ?
« Un médiateur national résout les affaires civiles lorsque la justice ne peut le faire, et il a graduellement élargi l’éventail de ses activités. Le nombre de plaintes reçues par ce médiateur est passé de 4.500 en 2006 à 7.000 au cours de l’année. De plus, le pourcentage de plaintes pouvant donner lieu à une action est passé de 29 % en 2004 à 91 % au cours de cette année », poursuit le rapport. Toutefois, et malgré l’augmentation significative du nombre de plaintes reçues par le médiateur, « la plupart des citoyens se tournent toujours vers le CCDH (Conseil consultatif des droits de l’Homme) comme voie de recours », remarque le rapport, notant que « le public fait largement confiance au CCDH et le considère comme l’unique instance gouvernementale travaillant légitimement dans le domaine des droits de l’Homme ».
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