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Othman Benjelloun: un ponte du capitalisme marocain, telquel enquête...

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  • Othman Benjelloun: un ponte du capitalisme marocain, telquel enquête...

    Portrait-Enquête. Sir Othman et ses mystères


    (TNIOOUNI)

    Avec une fortune estimée à 20 milliards de dirhams et des manières de lord anglais, Othman Benjelloun reste malgré tout une énigme. Retour sur un parcours d’exception, jalonné de zones d’ombre et de batailles financières titanesques.


    Siège de la BMCE Bank, sur l’avenue Hassan II à Casablanca. Nous sommes au huitième étage, dans le bureau du président. “Président”, sans “Monsieur le”. C’est ainsi que ses collaborateurs l’appellent, dans un mélange inédit de snobisme, d’obséquiosité et d’admiration. Ce qui
    n’est pas pour déplaire à Othman Benjelloun, dont le vernis aristocratique semble volontairement poli chaque matin - devant un miroir en pied ceint de moulures dorées, se surprend-on à rêvasser. Ici, point de fautes de goût, ni de traces de cette ostentation tapageuse chère aux milliardaires marocains. Le bureau du PDG d’un groupe financier tentaculaire qui pèse plus de 100 milliards de dirhams, et dont les ramifications s’étendent de la banque à l’automobile en passant par l’assurance, la distribution alimentaire et les télécoms… est de dimensions étonnamment modestes. 50 m2 à tout casser. Ce qui compte n’est pas le contenant, mais le contenu : Sir Othman lui-même, pour commencer, avec son allure so british, ses 76 ans et ses cheveux gris plaqués en arrière, son costume sombre de la meilleure coupe, sa cravate beurre frais sur sa chemise ivoire, et son wissam alaouite épinglé à la boutonnière. Ses meubles en bois précieux et cuir piqué, ensuite, et son coin salon qui a vu défiler presque tous les capitaines d’industrie et grands banquiers du royaume, invités à jongler avec les milliards en dégustant un verre de thé servi par un majordome aux gants blancs. Ses multiples œuvres d’art enfin, qui parsèment les lieux dans une anarchie soigneusement étudiée : ici, une sculpture de la Chine du Xème siècle sous la dynastie T’ang, là des toiles orientalistes des années 1940, ça et là des pièces rares posées sur des tables basses là où de simples mortels auraient placé des cendriers. Un point commun à toutes ces œuvres d’art, témoins de la patine des fortunes anciennes : le cheval. C’est la passion du président, qui dispose d’un haras dans son “ranch” personnel. Il ne se “souvient pas” du nombre de chevaux qu’il possède, mais porte une affection particulière à une de ses juments blanches, Mahassine, qui a “remporté le premier prix de beauté à Cannes” (voir la photo de couverture).

    Dans le coin opposé du bureau du président, la thématique est plutôt royale. Ornant murs et étagères, des portraits de Othman Benjelloun avec Hassan II et Mohammed VI, mais aussi des photos privées (“signées Maradji”) de son père, l’Haj Abbas Benjelloun, en compagnie de Mohammed V… et même quelques lettres de sollicitude estampillées du sceau d’or alaouite. Une manière, sans doute, de faire mentir ces méchantes rumeurs qui le disent en disgrâce, “puni” pour avoir osé livrer une bataille financière féroce contre le holding royal ONA. “La dernière fois où j’ai vu Sa Majesté remonte à sept semaines. Il est toujours très chaleureux avec moi”, affirme Othman Benjelloun avec une douce conviction. Dernier élément notable du décor : un portrait à l’huile du président, réalisé sur commande par un peintre anglais qu’il a rencontré en marge de l’inauguration de sa nouvelle filiale bancaire, au cœur de la City londonienne. “Je viens de recevoir cette toile, aujourd’hui, nous explique-t-il. Elle est destinée à remplacer ma photo dans la salle du conseil”. Pas de doute : Othman Benjelloun s’aime. Et il peut se le permettre : au Maroc, les success stories de son envergure se comptent sur les doigts d’une seule main.


  • #2
    “Amnésies volontaires”
    Fin juin dernier, le PDG de la BMCE Bank a été sacré à Paris “Banquier arabe de l’année 2007”. à cette occasion, il a fait réaliser un DVD promotionnel à sa gloire, qui s’ouvre sur un défilé de… ses ascendants : des nobles fassis compassés en jellaba blanche, ayant bâti le socle de la fortune familiale dans l’import/export avec Manchester, sous le protectorat français. Qu’on se le dise : Othman Benjelloun ne vient pas de nulle part. Il est probablement le premier Marocain à avoir étudié en Suisse, à l’Ecole polytechnique de Lausanne, dès les années 50. Comme d’autres auraient rêvé d’être artistes, lui se voyait architecte. Une lubie sans doute sympathiquement accueillie par son père, l’Haj Abbas, avant que l’atavisme familial ne reprenne naturellement ses droits : le fils chéri sera - qui en doutait ? - entrepreneur.

    Quand il revient au Maroc fraîchement indépendant, en 1959, Othman Benjelloun a 28 ans. Il rejoint son frère aîné Omar (aujourd’hui décédé), qui a déjà fait fructifier l’argent de la famille dans plusieurs unités industrielles. Aluminium, sidérurgie, chaîne de montage d’automobiles… les Benjelloun Brothers touchent à tout. Entre les années 60 et 80, ils tissent un vaste réseau d’alliances internationales avec des géants mondiaux comme Volvo, General Motors et Goodyear. Mais au milieu de cet entrelacs de partenariats commerciaux, une entreprise fait désordre : Westinghouse. Beaucoup lient le début de la véritable ascension de Othman Benjelloun, dans les années 80, aux mystérieux accords qu’il a tissés avec ce consortium américain dont les tentacules s’étendent jusqu’à l’industrie de l’armement. On parle de radars, d’équipements militaires destinés à une armée marocaine en pleine guerre du Sahara… Sur ce chapitre de sa carrière (lire encadré, p. 52), le banquier refuse de s’épancher. “Ça remonte à tellement loin que je ne m’en souviens plus”, lâche-t-il un brin courroucé, assumant sans complexes ses “amnésies volontaires”…

    Othman Benjelloun n’a rien oublié, en revanche, de son acquisition de la Royale marocaine d’assurances (RMA), une compagnie créée en 1949 par dix nationalistes, dont son père. En 1988, sentant un nouvel appel d’air du monde de la finance, il rachète la RMA aux autres héritiers pour une bouchée de pain, et se voit aussitôt offrir la présidence du conseil d’administration sur un plateau d’argent. “Le patron de la RMA à l’époque, Si Mohamed Ben Jilali Bennani, étant souffrant. Le conseil d’administration m’a donc proposé de prendre en charge la compagnie”, résume-t-il avec simplicité. Les détails de cette transaction, alors que Othman Benjelloun est la nouvelle étoile d’un Makhzen économique particulièrement opaque, patronné par un Hassan II au faîte de sa puissance, restent à ce jour un mystère…

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    • #3
      Financier show off
      Mais Othman Benjelloun a du ressort. L’acquisition de la RMA, que beaucoup voyaient comme son couronnement, n’était pour lui qu’un tremplin. C’est grâce au trésor de la compagnie d’assurances qu’en 1995 il saute dans le train des privatisations et prend le contrôle de la Banque marocaine du commerce extérieur, jusque-là publique, pour en faire la “BMCE Bank” (en insistant sur le “k”). Déjà suspicieux depuis l’épisode RMA, les milieux d’affaires persiflent à l’envi : l’appel d’offres aurait été taillé sur mesure pour le favori économique du Palais. Mais Othman Benjelloun, son costume de banquier à peine enfilé depuis un mois, avance encore d’un pas : il devient “patron des banquiers” en se faisant élire président du Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM) et dans la foulée, engage la BMCE dans des opérations novatrices. Dépoussiérant l’organisme étatique, il ouvre son tour de table à de prestigieux établissements financiers internationaux comme le Japonais Nomura et l’Allemand Commerzbank. C’est avec l’appui de ce dernier que Othman Benjelloun, confirmant sa réputation de prédateur, s’offre en 1998 la compagnie d’assurances Al Wataniya, pour 3,3 milliards de dirhams. Le montant de la transaction frappe les esprits et Othman Benjelloun, qui affectionne le côté “show off” de la finance, devient la coqueluche d’une presse économique naissante. Son plus grand triomphe, il l’obtiendra un an plus tard en remettant au Premier ministre de l’époque, Abderrahman Youssoufi, sous les flashes et les caméras, un chèque de 11 milliards de dirhams : le prix de la seconde licence GSM, qu’il s’offre en créant Méditelecom, un consortium comprenant le géant des télécoms ibérique Telefonica et la Caisse paraétatique de dépôt et de gestion (CDG), le bras armé financier de la monarchie.

      En 1999, alors que le règne de Hassan II touche à sa fin, Othman Benjelloun se sent sur orbite. Tout le monde s’accorde à le considérer comme la première fortune du Maroc “derrière Sa Majesté”. Et apparemment, il ne compte pas s’arrêter là. Dans sa ligne de mire, il y a désormais la Société nationale d’investissement (SNI), privatisée quelques années auparavant : un holding géant et tentaculaire, propriété d’un nœud d’actionnaires dont le plus notoire est l’ONA et dont Siger, le holding familial des Alaouites, détient 13%. Fort du portefeuille d’Al Wataniya, Benjelloun renforce ses positions dans la SNI, dont il ne tarde pas à devenir le premier actionnaire. Ce faisant, et par un jeu complexe de participations croisées, il s’invite en force dans le capital de l’ONA, au point d’en devenir aussi le premier actionnaire… devant Sa Majesté, cette fois. Une lourde erreur, qu’il paiera très cher.

      Le Président vs Sa Majesté
      Nous sommes en 1999 et au palais royal, les dents grincent. L’offensive de Benjelloun est perçue comme un acte hostile contre les affaires privées de la famille royale. Circonstances aggravantes : Hassan II est mourant et l’ONA, de la présidence de laquelle Fouad Filali, l’ex-gendre du roi, vient d’être éjecté après 13 ans de bons et royaux services, traverse une crise de gouvernance aiguë. C’est dans une sombre ambiance de fin de règne que Mourad Chérif succède à Filali, fin avril 1999. à la mort de Hassan II, trois mois plus tard, le jeune Mohammed VI reprend les affaires familiales en main. L’objectif n°1 de Chérif est de barrer la route à Othman Benjelloun. Une bataille titanesque s’engage, comme jamais la Bourse de Casablanca n’en a connue, dans le but de rafler le maximum de titres SNI. Mais l’ONA a une “botte secrète” : “Mourad Chérif disait à des présidents de compagnies d’assurances ou de mutuelles qui détenaient des titres SNI que le roi avait donné instruction de ne rien vendre à Benjelloun”, se souvient un vétéran du marché, qui a suivi de très près cet épisode. Siger se renforce dans l’ONA et dans la SNI avant d’en verrouiller totalement le contrôle, quelques mois plus tard. Benjelloun finit par rendre gorge, tandis que dans les salons, on ricane avec férocité.

      Aujourd’hui encore, le patron de la BMCE garde un profil soigneusement bas. Inutile de chercher à lui soutirer des souvenirs d’ancien combattant. La guerre de la SNI, à l’entendre, n’a jamais eu lieu. “Je n’ai jamais vraiment voulu prendre le contrôle de la SNI, affirme-t-il. J’ai acheté des blocs d’actions car c’était un bon placement pour notre compagnie d’assurances”. Une version bien idyllique des évènements. La vérité, c’est que pour la première fois de sa riche carrière, Othman Benjelloun a subi une défaite d’envergure. En 2001, le banquier est finalement contraint de “décroiser ses participations” avec l’ONA. Pire : il subira des représailles royales, à titre personnel, en étant déclaré persona non grata dans les conseils d’administration du holding royal où il est contraint, depuis, de se faire représenter par ses collaborateurs. à la date d’aujourd’hui, il n’a pas droit à la parole à la SNI, où il plafonne à 12% contre… 60% contrôlés par le groupe royal Siger. Fermez les bancs !

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      • #4
        Les années noires
        Même s’il ne l’admet pas, Othman Benjelloun a vécu une très mauvaise passe durant les premières années du nouveau règne. En 2000, il a beau s’offrir le nom d’une start-up pour son holding (Finance.Com), se lancer dans les nouvelles technologies, ouvrir des délégations de la BMCE Bank partout dans le monde (jusqu’en Chine !)… rien n’y fait. Son groupe bat dangereusement de l’aile, toutes branches confondues. Méditelecom tarde à gagner de l’argent et les révisions successives du business plan instillent le doute dans les milieux économiques. Dans les assurances, la fusion entre la RMA et Al Watanya traîne et les synergies tardent à se mettre en place. L’entreprise automobile familiale où tout a commencé, Saïda Star Auto, est elle aussi au bord de la déroute. Benjelloun use de toute son influence de “patron des banquiers” pour convaincre ses pairs de rééchelonner un prêt d’un milliard de dirhams que traîne Saïda Star Auto. Le banquier va même devenir gérant de la société en toute impunité, défiant les lois bancaires qui interdisent le cumul des fonctions.

        L’armada Benjelloun prend l’eau de toutes parts et le président écope tous azimuts. Même son vaisseau amiral, la BMCE Bank, menace de sombrer, menacé par la crise générale des marchés financiers. Installée dans une nouvelle tour high-tech, la gigantesque salle de marché que le président s’est offerte est mobilisée quasi exclusivement pour soutenir le cours de l’action BMCE Bank, qui ne cesse de dégringoler. Pire encore, l’ONA, revigorée par sa victoire, devient carrément agressive. Naguère prédateur redouté, Othman Benjelloun devient une proie aux abois. En 2003, la nouvelle équipe de managers des affaires royales multiplie les acquisitions et lorgne sans fard… la BMCE Bank, qu’elle entend faire avaler à la BCM, filiale bancaire de l’ONA.

        Selon une source très proche de Mounir Majidi, secrétaire particulier de Mohammed VI, patron de Siger et nouvelle étoile de la galaxie financière royale, l’idée du mariage entre la BCM et la BMCE Bank est née paradoxalement… d’une initiative de Othman Benjelloun. “C’était lors d’une visite royale aux Etats-Unis. Benjelloun ne faisait pas partie des invités du souverain, mais il a tout de même rejoint la délégation à New York, en insistant pour rencontrer Majidi. Ils ont fini par déjeuner ensemble, et Benjelloun lui a clairement annoncé sa disponibilité pour négocier un prix de cession”. Cette version des faits, Othman Benjelloun la nie en bloc, tout en minimisant la portée de ses tractations avec le holding royal – des tractations qui ont pourtant fait jaser les salles de marché pendant de longs mois. “Il y a effectivement eu des réunions entre mes collaborateurs et les responsables de l’ONA, pour étudier une éventualité de rapprochement entre la BMCE Bank et la BCM. Mais nous leur avons expliqué que nous tenions à notre indépendance”, se défend aujourd’hui Benjelloun. Les initiés en sont pourtant convaincus : le patron de la BMCE aurait subi de lourdes pressions pour vendre, tout en étant contraint d’avaler de grosses couleuvres. Comme, par exemple, le fait de se retrouver à négocier avec Hassan Bouhemou, un de ses anciens collaborateurs (et même pas de premier rang), devenu le bras droit de Mounir Majidi.

        Mais le vieux crocodile a le cuir épais. Pour résister, il joue la montre et laisse traîner les négociations, au point de déclencher la fureur du gérant des affaires royales.

        “Majidi lui a fait transmettre le message qu’il ne voulait plus le voir, ni même l’avoir au téléphone”, assure une source très proche du PDG de Siger. Othman Benjelloun, lui, nie avec véhémence. “J’appelle Majidi quand je veux. Il y a un respect mutuel entre nous”, affirme-t-il en souriant calmement. à bout de patience, Majidi finira par changer son fusil d’épaule. En 2003, il jette son dévolu sur Wafabank qu’il rachète aux héritiers Kettani, une proie sans conteste plus facile que le coriace Benjelloun. Depuis, c’est la paix des braves, et le patron de Finance.Com fait comprendre qu’il ne la rompra pour rien au monde. Sa priorité, désormais, est de panser ses plaies et de remettre son empire en ordre de marche. Mais les croche-pattes ne s’arrêtent pas pour autant…

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        • #5
          La renaissance du phénix
          En 2003, toujours, dans la foulée du rachat de Wafabank par la BCM, Abdellatif Jouahri, que Benjelloun, en 1995, avait remplacé à la tête de la BMCE Bank, est nommé wali de Bank Al-Maghrib. Dans le microcosme financier, on explique que ce choix est un moyen de compliquer la vie à Othman Benjelloun. Lequel refuse, bien entendu, d’alimenter la polémique. “Vous pensez vraiment que Sa Majesté choisit ses collaborateurs sur de tels critères ?”, réplique-t-il. Pourtant, le nouveau gouverneur de la Banque centrale ne tarde pas à chercher des poux dans la tête de son ancien collègue. Peu après sa nomination, il s’inquiète ouvertement de la solvabilité de la BMCE Bank. à nouveau, Benjelloun se retrouve acculé dans un coin du ring. Mais il se sort des cordes avec brio en usant d’une parade comptable jusque-là inédite au Maroc : pour augmenter les fonds propres de sa banque, il a recours à une “dette subordonnée”, et se cherche de nouveaux partenaires à l’international. Le comité des établissements de crédit (dépendant de la Banque centrale) lui refuse son partenariat avec la Caisse d’épargne française ? Qu’à cela ne tienne. Il revient quelques mois plus tard à la charge, avec un nouveau partenaire français, le CIC. Cette fois, le dossier passe. Et quand ses actionnaires étrangers veulent se retirer du capital, la BMCE Bank accorde des crédits à ses salariés pour racheter les actions de leur banque. Une mesure imposée en 2003, qui enrichira conséquemment ses collaborateurs quelques années plus tard.

          Depuis, l’empire Benjelloun a repris des couleurs. En 2005, RMA Watanya boucle sa première année de fusion sur des performances phénoménales. Méditel commence à gagner de l’argent. La banque, de son côté, fête une première : le milliard de dirhams de bénéfices. L’action BMCE Bank a renoué avec les sommets de la cote et le président le fait savoir à tous les Casablancais, en s’offrant un écran géant où défilent les cours de Bourse, “à la Time square”. Les happy few, eux, auront droit à une soirée fastueuse à l’occasion des 10 ans de privatisation de la BMCE, avec le spécialiste des galas, Frédéric Mitterrand soi-même, à l’animation. Tout baigne à nouveau pour Othman Benjelloun, qui repart à la chasse. Après s’être ouvert de nouveaux marchés au Sénégal, en Tunisie et en Algérie, il se verrait bien roi d’Afrique. C’est ainsi qu’il se paie 35% de Bank of Africa (3ème groupe bancaire de l’Union économique et monétaire ouest-africaine), s’ouvrant pour l’occasion les portes d’une dizaine de pays du continent. En novembre 2007, Benjelloun s’offre même le luxe de créer Medi Capital Bank (MCB), un établissement financier au cœur de Londres ! Dans les salons, ceux qui le disaient à terre ravalent leur chique.

          La gloire et les honneurs
          Pour “Sir Othman”, le lancement de MCB est l’occasion de s’afficher avec quelques têtes couronnées (anglaises) et de s’entourer de stars de la finance mondiale. Il constitue un conseil d’administration où on retrouve notamment Peter Cook, inventeur du ratio du même nom, un dieu pour tous les banquiers de la planète. Et pour l’inauguration, il invite carrément le prince Andrew, fils de la reine Elisabeth II. Othman Benjelloun est définitivement relancé. Il a désormais pignon sur rue à la City et le fait savoir, en faisant circuler auprès des rédactions des photos de lui aux allures de Lord. C’est d’ailleurs l’une des coquetteries du président : se montrer toujours sous son meilleur profil, en contrôlant très étroitement son image. Son staff a ainsi refusé le photographe de TelQuel, préférant fournir le magazine en images soigneusement triées.

          Outre le wissam toujours accroché à sa boutonnière, Othman Benjelloun enfile comme des perles médailles et titres honorifiques. Il est ainsi commandeur de “l’étoile polaire” du royaume de Suède, de “l’ordre national du lion” du Sénégal, et cumule les fonctions d’apparat dans le milieu de la finance maghrébine et arabe : président de l’Union des banques du Maghreb (UBM), membre fondateur de l’Union mondiale des banquiers arabes, on en passe et des meilleures. Devant ses pairs, réunis à Paris le mois dernier pour lui rendre hommage, il rêve tout haut d’une “monnaie arabe unique”. “Une vision digne d’un chef d’Etat”, se pâment ses proches collaborateurs sans crainte d’en rajouter. Pas de danger, le président aime ça. Aux journalistes qui le questionnent sur les zones d’ombre de sa carrière, il préfère lire, l’œil pétillant, une lettre de félicitations d’un de ses directeurs frappée du sceau de la courtisanerie. Trop élogieuse pour être honnête, mais si réjouissante pour le président, qui gâte les membres de son état-major en leur offrant des Jaguar pour voitures de fonction. Et le petit personnel n’est pas en reste. Les actions de la BMCE Bank, qu’il leur a vendues à crédit en 2003, ont vu leur cours quadrupler. Résultat : une prime d’un an de salaire (en moyenne) par collaborateur. Un pactole inespéré qui vaut à Othman Benjelloun d’être vénéré par ses cadres. à la présentation des résultats 2007, ils étaient 300 à l’applaudir dans l’auditorium de la banque, vêtus d’un T-shirt flanqué de l’inscription “Merci président”. Un titre de noblesse, au royaume de Sir Othman.

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          • #6
            Couacs. Les ratés du président

            En marge d’une carrière de financier de haut vol, Othman Benjelloun a vécu deux mésaventures rocambolesques, sur lesquelles la lumière n’est toujours pas faite à ce jour. Récit.


            L’Affaire Mandari
            La scène a tout l’air d’être extraite d’un mauvais film policier. Elle a pourtant bien eu lieu, à Paris. Nous sommes en septembre 2003. Au bar de l’hôtel Vendôme, Othman Benjelloun est attablé face à Hicham Mandari, ennemi public numéro 1 du royaume, qui a volé Hassan II et l’a fait chanter en se payant des placards dans le New York Times et en accordant des interviews plus qu’agressives à la presse espagnole et algérienne. Le banquier porte une mallette censée contenir 2,2 millions d’euros. En fait, elle contient du papier journal. Mandari, qui aurait exigé cette somme en échange de “documents compromettants”, porte un gilet pare-balles et garde un revolver dans la boîte à gants de sa voiture. Au moment où les deux hommes sont censés faire l’échange, une quinzaine d’éléments de la brigade financière de Paris surgissent, arme au poing, et interpellent Mandari en flagrant délit. C’était un piège. Avant de rencontrer le maître-chanteur, Benjelloun avait déposé plainte pour chantage et averti la police du lieu du rendez-vous…

            Sur cette affaire rocambolesque, Othman Benjelloun a toujours refusé de dire le moindre mot. De quelle nature étaient ces “documents compromettants” ? Concernaient-ils vraiment Benjelloun, ou bien ce dernier agissait-il sur commande du Palais ? Cette dernière hypothèse fait sens, à une époque où Othman Benjelloun, mis à mal par sa guerre économique contre l’ONA, aurait donné cher pour revenir dans les bonnes grâces de Mohammed VI… Aujourd’hui encore, quatre ans après que le maître-chanteur, sorti de prison, a été abattu d’une balle dans la nuque dans un parking de Malaga, Othman Benjelloun se ferme comme une huître dès qu’on aborde cet épisode peu glorieux de sa carrière. Selon toute vraisemblance, il emportera le secret dans sa tombe.

            L’affaire Dassault
            Alors que Othman Benjelloun fête les 10 ans de privatisation de sa banque, le Canard enchaîné remet sur la place publique ses liens avec l’industrie de l’armement. La rumeur du partenariat de Benjelloun avec l’Américain Westinghouse circulait depuis au moins 10 ans. En novembre 2005, l’hebdomadaire d’investigation attribue à Othman Benjelloun un rôle d’intermédiaire dans un contrat d’armement négocié par le Maroc avec le groupe français Dassault, pour l’acquisition d’avions Rafale. “Les dirigeants du groupe d’aviation ont été surpris par les exigences de certains intermédiaires, apparus dans la phase finale de négociation du contrat. Parmi eux, un homme d’affaires et banquier, Othman Benjelloun. Il avait été au début des années 1980 l’intermédiaire plutôt gourmand dans de gros contrats de Westinghouse et de Lockheed”, rapporte le Canard enchaîné. Othman Benjelloun refuse, bien entendu, de commenter ces allégations. A peine admet-il connaître Serge Dassault, qu’il aurait rencontré “une fois, dans un mariage”…




            L’épisode “le Matin du Sahara”.

            En 2001, Benjelloun reprend le “quotidien du Palais”, surendetté et au bord de la faillite. Après 3 ans d’investissements soutenus, il le cède au Saoudien Othman El Oumeir pour un montant secret à ce jour. Pourquoi cette vente précipitée ? A-t-il au moins récupéré sa mise ? Rendait-il un “service” au Palais ? 4 ans plus tard, le mysthère reste entier.




            Héritage. Cherche successeur désespérément

            Le “Président” a beau être une légende, il n’est pas éternel. Pesant lui-même dans les 20 milliards de dirhams, il règne sur un vaste empire financier qui en pèse plus de 100. A près de 80 ans, pourtant, la question de sa succession se pose encore. Son fils, Kamal, 43 ans, est toujours resté à l’écart des affaires de son père. Son truc à lui, c’est l’écologie. Après avoir passé quelques années en Amazonie, il s’implique aujourd’hui fortement aux côtés de Greenpeace. Ce n’est qu’en 2005, après son retour au Maroc, qu’il a assumé ses premières fonctions au sein du holding Finance.com. Et encore, elles ont tout l’air d’être honorifiques. L’intégration de Kamal Benjelloun à l’organigramme du groupe était sans doute, pour son père, une manière de se rassurer après le départ de Saâd Bendidi, en décembre 2004, pour prendre la tête de l’ONA. “Bendidi était le deuxième fils de Othman Benjelloun”, racontait-on dans les milieux de la finance. C’est à lui que le président avait confié la fusion RMA/Al Watanya et la présidence du conseil de surveillance de Méditelecom. Impassible devant ce qui avait tout l’air d’une trahison, Othman Benjelloun s’est drapé dans sa dignité en organisant une belle réception pour “saluer” les efforts de son ex-dauphin en faveur du groupe. Mieux, Benjelloun affirme aujourd’hui… avoir demandé lui-même à Bendidi, qu’il qualifie “d’excellent collaborateur”, de rejoindre l’ennemi. “Parce que l’ONA avait besoin de lui”, ajoute-t-il sans ciller. Violemment débarqué de l’ONA en avril 2008, Bendidi a rendu, peu après, une visite de courtoisie à son ancien mentor. Peu de chances, cela dit, de voir revenir le fils prodigue au bercail. “Il est venu me voir il y a un mois et il m’a confié sa volonté de ne plus être salarié, et de ne plus travailler que pour son propre compte. Je l’ai bien entendu encouragé dans cette voie”, nous explique Othman Benjelloun, un brin paternaliste. Le message est clair : “Sir Othman” ne lave pas son linge sale en public. En attendant, la succession reste ouverte…

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            • #7
              http://www.telquel-online.com/332/images/schema.pdf

              Ci dessus le lien qui clarifie l'étendue de l'empire Benjelloun.

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