Portrait-Enquête. Sir Othman et ses mystères
Siège de la BMCE Bank, sur l’avenue Hassan II à Casablanca. Nous sommes au huitième étage, dans le bureau du président. “Président”, sans “Monsieur le”. C’est ainsi que ses collaborateurs l’appellent, dans un mélange inédit de snobisme, d’obséquiosité et d’admiration. Ce qui n’est pas pour déplaire à Othman Benjelloun, dont le vernis aristocratique semble volontairement poli chaque matin - devant un miroir en pied ceint de moulures dorées, se surprend-on à rêvasser. Ici, point de fautes de goût, ni de traces de cette ostentation tapageuse chère aux milliardaires marocains. Le bureau du PDG d’un groupe financier tentaculaire qui pèse plus de 100 milliards de dirhams, et dont les ramifications s’étendent de la banque à l’automobile en passant par l’assurance, la distribution alimentaire et les télécoms… est de dimensions étonnamment modestes. 50 m2 à tout casser. Ce qui compte n’est pas le contenant, mais le contenu : Sir Othman lui-même, pour commencer, avec son allure so british, ses 76 ans et ses cheveux gris plaqués en arrière, son costume sombre de la meilleure coupe, sa cravate beurre frais sur sa chemise ivoire, et son wissam alaouite épinglé à la boutonnière. Ses meubles en bois précieux et cuir piqué, ensuite, et son coin salon qui a vu défiler presque tous les capitaines d’industrie et grands banquiers du royaume, invités à jongler avec les milliards en dégustant un verre de thé servi par un majordome aux gants blancs. Ses multiples œuvres d’art enfin, qui parsèment les lieux dans une anarchie soigneusement étudiée : ici, une sculpture de la Chine du Xème siècle sous la dynastie T’ang, là des toiles orientalistes des années 1940, ça et là des pièces rares posées sur des tables basses là où de simples mortels auraient placé des cendriers. Un point commun à toutes ces œuvres d’art, témoins de la patine des fortunes anciennes : le cheval. C’est la passion du président, qui dispose d’un haras dans son “ranch” personnel. Il ne se “souvient pas” du nombre de chevaux qu’il possède, mais porte une affection particulière à une de ses juments blanches, Mahassine, qui a “remporté le premier prix de beauté à Cannes” (voir la photo de couverture).
Dans le coin opposé du bureau du président, la thématique est plutôt royale. Ornant murs et étagères, des portraits de Othman Benjelloun avec Hassan II et Mohammed VI, mais aussi des photos privées (“signées Maradji”) de son père, l’Haj Abbas Benjelloun, en compagnie de Mohammed V… et même quelques lettres de sollicitude estampillées du sceau d’or alaouite. Une manière, sans doute, de faire mentir ces méchantes rumeurs qui le disent en disgrâce, “puni” pour avoir osé livrer une bataille financière féroce contre le holding royal ONA. “La dernière fois où j’ai vu Sa Majesté remonte à sept semaines. Il est toujours très chaleureux avec moi”, affirme Othman Benjelloun avec une douce conviction. Dernier élément notable du décor : un portrait à l’huile du président, réalisé sur commande par un peintre anglais qu’il a rencontré en marge de l’inauguration de sa nouvelle filiale bancaire, au cœur de la City londonienne. “Je viens de recevoir cette toile, aujourd’hui, nous explique-t-il. Elle est destinée à remplacer ma photo dans la salle du conseil”. Pas de doute : Othman Benjelloun s’aime. Et il peut se le permettre : au Maroc, les success stories de son envergure se comptent sur les doigts d’une seule main.
(TNIOOUNI)
Avec une fortune estimée à 20 milliards de dirhams et des manières de lord anglais, Othman Benjelloun reste malgré tout une énigme. Retour sur un parcours d’exception, jalonné de zones d’ombre et de batailles financières titanesques.Siège de la BMCE Bank, sur l’avenue Hassan II à Casablanca. Nous sommes au huitième étage, dans le bureau du président. “Président”, sans “Monsieur le”. C’est ainsi que ses collaborateurs l’appellent, dans un mélange inédit de snobisme, d’obséquiosité et d’admiration. Ce qui
Dans le coin opposé du bureau du président, la thématique est plutôt royale. Ornant murs et étagères, des portraits de Othman Benjelloun avec Hassan II et Mohammed VI, mais aussi des photos privées (“signées Maradji”) de son père, l’Haj Abbas Benjelloun, en compagnie de Mohammed V… et même quelques lettres de sollicitude estampillées du sceau d’or alaouite. Une manière, sans doute, de faire mentir ces méchantes rumeurs qui le disent en disgrâce, “puni” pour avoir osé livrer une bataille financière féroce contre le holding royal ONA. “La dernière fois où j’ai vu Sa Majesté remonte à sept semaines. Il est toujours très chaleureux avec moi”, affirme Othman Benjelloun avec une douce conviction. Dernier élément notable du décor : un portrait à l’huile du président, réalisé sur commande par un peintre anglais qu’il a rencontré en marge de l’inauguration de sa nouvelle filiale bancaire, au cœur de la City londonienne. “Je viens de recevoir cette toile, aujourd’hui, nous explique-t-il. Elle est destinée à remplacer ma photo dans la salle du conseil”. Pas de doute : Othman Benjelloun s’aime. Et il peut se le permettre : au Maroc, les success stories de son envergure se comptent sur les doigts d’une seule main.
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