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La crise bancaire américaine se propage à l'Europe

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  • La crise bancaire américaine se propage à l'Europe

    Après les Etats-Unis, l'Europe ? Vendredi 26 septembre, la tempête bancaire venue d'outre-Atlantique a commencé à souffler sur le Vieux Continent. Et elle a fait sa première victime. Dans la soirée, Herman Verwilst, directeur général de la grande banque belgo-néerlandaise Fortis, a annoncé sa démission, après une journée folle qui a vu se multiplier les rumeurs - et les démentis - de défaillance de l'établissement ou de son possible rachat, une journée au cours de laquelle le cours de l'action a une nouvelle fois plongé sur les Bourses d'Amsterdam et de Bruxelles. Le titre a perdu plus de 20 %, pour terminer la séance à 5,20 euros, son plus bas niveau depuis quinze ans. Depuis le début de l'année, il a abandonné plus de 70 % de sa valeur.

    Au cours des derniers jours, le mouvement de baisse s'est accéléré, le groupe semblant être devenu la cible privilégiée d'attaques spéculatives de la part de gestionnaires convaincus qu'il s'est laissé prendre au piège des subprimes. La situation alarmante de la banque a amené, vendredi, le gouvernement belge à tenter de rassurer les marchés. La commission de contrôle du secteur financier (CBFA) devrait lancer une enquête sur la diffusion de certaines informations concernant la banque, et leurs possibles conséquences spéculatives.

    Appelant à la fin des "fausses informations", Didier Reynders, le ministre des finances, a tenu à souligner qu'aucune banque belge ne souffrait d'un problème de solvabilité. "On ne laissera jamais tomber aucun épargnant en rade", a indiqué de son côté le premier ministre, Yves Leterme. Au cours d'une conférence de presse organisée à la hâte, les dirigeants de la banque ont indiqué que "Fortis n'a aucun problème de liquidité", mis en avant une base de financement de 300 milliards d'euros et des ratios de solvabilité élevés. Ils ont aussi annoncé de nouvelles cessions d'actifs pouvant atteindre 5 à 10 milliards d'euros.

    Ces mises au point n'ont pas suffi à ramener le calme. La tension est même remontée d'un cran sur les marchés, lorsque les opérateurs ont appris que le président de la banque centrale néerlandaise, Nout Wellink, qui se trouvait aux Etats-Unis, avait annulé sa participation à une conférence programmée à Chicago pour rentrer aux Pays-Bas.
    La tourmente boursière autour de Fortis semble indiquer que les banques européennes sont rattrapées par la crise financière américaine. Dès mercredi, Dominique Strauss-Kahn, directeur général du Fonds monétaire international (FMI), avait été le premier à s'alarmer. "Même si les banques européennes (...) sont globalement dans une position meilleure que les institutions financières américaines, avait-il expliqué, les Européens ne devraient pas être trop confiants et devraient se préparer au pire scénario."


    "EN EAUX TROUBLES"


    Vendredi, Jean-Claude Juncker, le président de l'Eurogroupe, qui réunit les ministres des finances de la zone euro, ne s'est guère montré plus rassurant. Exhortant les Etats-Unis à trouver rapidement un accord sur le plan de sauvetage bancaire, il a souligné que "les banques européennes, qui commencent à naviguer en eaux troubles, souffrent de cette incertitude".

    De fait, même si, globalement, elles sont en meilleure santé que leurs homologues américaines, même si, pour les plus grandes d'entre elles, il est prévu qu'elles bénéficient de la reprise de leurs actifs "toxiques" par l'Etat américain, les banques européennes souffrent de plus en plus de la grave crise de confiance qui ébranle le système bancaire occidental. Malgré les injections répétées et massives de liquidités effectuées par la Banque centrale européenne (BCE), elles sont de plus en plus pénalisées par les tensions extrêmes sur le marché monétaire.

    D'autre part, l'aggravation de la crise financière aux Etats-Unis, avec les défaillances de Lehman Brothers, d'AIG, de WaMu, fragilise les comptes des banques européennes, déjà grevés par les pertes directes sur les subprimes. Nombre d'entre elles avaient acquis des montants importants de titres ou de produits dérivés émis par ces établissements qui, il y a quelques semaines encore, paraissaient au-dessus de tout soupçon.
    Dans ces conditions, beaucoup craignent que les fonds spéculatifs qui, jusqu'à présent, s'étaient concentrés sur les banques américaines jettent désormais leur dévolu sur les établissements européens, faisant plonger leurs cours de Bourse, provoquant des crises de confiance aboutissant à des crises de solvabilité.

    Dans ce contexte anxiogène, les autorités s'organisent pour empêcher le pire et pouvoir, le cas échéant, faire face à un scénario de "panique bancaire" (bank run), qui précipiterait les déposants aux guichets des banques.

    Les uns après les autres, les dirigeants des pays de la zone euro martèlent qu'ils interviendraient si une grande banque venait à défaillir. Les contacts entre ministres des finances se resserrent. Il ne se passe plus un jour désormais sans que la ministre de l'économie Christine Lagarde, ses homologues britannique, Alistair Darling, et allemand, Peer Steinbrück, se parlent. De leur côté, les directeurs des Trésors européens échangent informations et analyses.

    En France, les banques renseignent quotidiennement la Commission bancaire sur leurs états financiers, tandis que Mme Lagarde téléphone au moins deux fois par jour au gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer. "Même si les banques françaises forment un îlot de tranquillité, même si nous savons qu'aucune banque européenne ne rencontrera de problèmes de liquidités grâce à l'intervention de la Banque centrale européenne, nous sommes en alerte 24 heures sur 24", témoigne un proche des autorités. "Tout le monde se parle en permanence, nous misons tout sur la restauration de la confiance envers le système bancaire, qui permettra à l'activité de redémarrer."

    Pierre-Antoine Delhommais, Anne Michel et Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, correspondant)

    Le Monde
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