Le bateau algérien vogue sur l’océan de l’économie mondiale
Combien de fois faut-il que l’Histoire se répète, pour que ceux qui sont supposés la faire en tirent les leçons ? Y a-t-il une réponse à cette question ?
On peut suggérer que, le temps aidant, la réponse à cette question pourrait apparaître avec la clarté des vérités qui sont tellement évidentes qu’on ne pense même pas à les proclamer. Dans le long terme, les questions les plus ardues trouveront réponse. Mais, hélas ! Comme se plaisait à le répéter l’économiste John Maynard Keynes : « Dans le long terme, nous serons tous morts ».
Eviter l’aveuglement de la complaisance
La question posée n’a rien de philosophique : il s’agit simplement de se demander si les réactions officielles suscitées par les crises économiques passées vont se reproduire face aux circonstances actuelles. On sait comment les milieux officiels ont réagi à la crise économique du milieu des années quatre-vingt du siècle passé, qui a entraîné l’effondrement du prix du pétrole. Ils ont simplement proclamé que cette crise ne concernait pas l’Algérie, qui, suivant l’expression utilisée par certains, « n’est pas le Mexique ; » ils ont même été jusqu’à se déclarer « prêts à aider financièrement certains pays industriels s’ils en faisaient la demande ». Il est à souhaiter que la terrible leçon d’économie infligée à l’Algérie du fait de l’irresponsabilité des dirigeants de l’époque a été assimilée et que l’autosatisfaction, la complaisance et la condescendance ne vont pas de nouveau être affichées en réponse à la tempête qui se prépare et dont même l’économie algérienne subira les conséquences destructives, tout comme le reste du monde, dont elle est partie.
Une crise rampante depuis deux années
C’est une crise dont les premiers signes sont apparus, dès 2006, essentiellement dans un certain nombre de pays les plus avancés, dont les secteurs financiers - échappant à tout contrôle au nom du principe cher à Adam Smith suivant lequel les mécanismes du marché constituent les remèdes automatiques aux outrances du capitalisme débridé, et profitant de politiques monétaires laxistes des gouvernements en cause - se sont lancés dans le financement spéculatif d’opérations portant tant sur l’immobilier que sur les matières premières et les transactions en bourse. Il a suffi qu’un élément, important certes, de cette vaste pyramide Ponzi - à savoir le marché des prêts hypothécaires - s’affaiblisse pour que tout l’édifice complexe du système financier de ces pays montre des signes d’effritement, plus ou moins accéléré suivant le pays en cause.
Il se trouve que le pays où le principe de la totale liberté de transaction est appliqué dans toute son implacable et barbare logique, à savoir les Etats-Unis d’Amérique - où la spéculation financière a atteint des niveaux et des montants incommensurables - est celui également où la déliquescence du secteur bancaire est la plus poussée.
L’effondrement de la pyramide Ponzi
A ce jour, 285 banques américaines ont été déclarées insolvables ; deux grandes sociétés d’investissement séculaires et brassant des centaines de milliards de dollars, Lehman Brothers et Merrill Lynch ont été purement et simplement dissoutes, la première se déclarant en faillite, la seconde acceptant d’être vendue à une grande banque américaine ; les deux grandes sociétés d’investissement restantes ont été obligées de transformer leur statut pour diluer les risques causés par leurs pertes dans certaines transactions spéculatives portant sur l’immobilier comme sur les opérations boursières.
La plus grande banque mutuelle américaine - la WAMU - dont les actifs sont évalués à plus de trois cents milliards de dollars, vient de se déclarer en état de cessation de payement, ce qui constitue la plus faillite bancaire de l’histoire américaine.
Les deux grandes institutions de refinancement des prêts hypothécaires - Freddie Mac et Fannie Mae - ont été placées sous administration de l’Etat central. AIG, la plus grande compagnie d’assurance du monde a subi le même sort. Autre mesure indice de la gravité de la situation du secteur financier américain : le gouvernement fédéral, soutenu par le Federal Reserve System, ou FED, la banque centrale des USA, se propose de verser une subvention aux banques dont le bilan est alourdi par des crédits hypothécaires douteux, pour un montant de sept cents milliards de dollars, dont les règles d’utilisation seraient laissées à la discrétion du ministre américain des Finances - le Secrétaire d’Etat au Trésor. Ce montant représente dix-sept et demi pour cent des créances hypothécaires douteuses, dont le montant est évalué à quatre mille milliards de dollars. Le fait même que le Trésor américain ait pris l’initiative de faire cette proposition qui vise à impliquer en concours définitif le budget fédéral dans les opérations de sauvetage des entreprises financières, prouve, s’il le fallait encore, que la situation exige plus que de simples avances à court terme de la banque centrale, et qu’elle va perdurer.
Cette avalanche de mise en faillite et de placement sous administration n’est pas prête de s’arrêter ; il ne semble pas que la débâcle du secteur financier américain ait atteint son paroxysme. D’autres entreprises bancaires sont en situation d’extrême fragilité et peuvent être contraintes d’un moment à l’autre d’arrêter leurs opérations et de connaître le même sort que les 285 banques en état de cessation de payement. Il ne s’agit pas ici de proposer une analyse des multiples causes de cet effondrement cataclysmique du secteur financier américain, qui commence à donner des signes de contagion sur le secteur productif, mais de s’interroger sur les conséquences qui peuvent en être attendues sur l’économie algérienne.
Il apparaît évident, à travers les informations publiques, que l’effet de domino enclenché par le cataclysme financier n’a pas encore fini de dévoiler toutes ses conséquences, quelles que soient par ailleurs les décisions prises en catastrophe pour atténuer ces conséquences. La crise économique n’en est, en fait, qu’à ses débuts et, comme le montrent le cafouillage actuel dans les mesures prises ça et là par les autorités politiques et financières de différents pays industrialisés, nul ne peut prédire comment elle évoluera.
La dévaluation du dollar va se poursuivre
La conséquence la plus visible est que le taux de change du dollar par rapport aux monnaies internationales principales, à savoir l’euro et le yen, ne se redressera pas de si tôt. L’énorme dette extérieure américaine, évaluée par les services du Trésor à plus de treize mille milliards de dollars, le déficit budgétaire pour l’année fiscale 2009, qui va crever le plafond des mille cents milliards de dollars lorsque la mesure de subventions des entreprises financières américaines sera mise en oeuvre, le déficit de la balance des comptes courants sont des indicateurs qui ne peuvent que corroborer la conclusion que la principale monnaie de réserve mondiale connaitra des jours difficiles dans les années à venir.
La relance de l’endettement international, conséquence de l’accroissement du déficit budgétaire va avoir également des effets sur le service de la dette extérieure, rendant impossible le redressement de la valeur du dollar, et présageant de la continuation de son affaiblissement, même si les pays qui en conservent dans leurs réserves de change n’ont pas intérêt à jouer sa dévaluation, et prendront toutes les mesures nécessaires pour éviter son effondrement sur le marché des changes, y compris des opérations d’achat massives, comme celle des récents jours.
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