Échec de la cession de la vieille flotte d’Air Algérie : Un rapport de l’IGF révèle de graves incohérences
La vieille flotte d’Air Algérie, retirée de l’exploitation dans le cadre de la modernisation de ses aéronefs, a fait l’objet d’une enquête menée par l’Inspection générale des finances (IGF). Cette mission d’investigation concernait surtout des transactions conclues entre Air Algérie et une société de droit libyen, la Guardian Transport Ltd ; un contrat qui est tombé assez vite à l’eau. L’opération de cession des aéronefs de la compagnie nationale a fait l’objet d’une saisine du chef du gouvernement le 22 mai 2005.
L’objectif premier étant d’élucider les conditions dans lesquelles ont été conclues ces transactions. Le retrait de la flotte « déclassée ayant plus de 21 ans d’âge » a été décidé le 25 mars 2001. Des accords des organes sociaux, dont le dernier remonte au 12 mai 2004, autorisait Air Algérie à céder 31 de ses appareils. Bien avant cette date, plusieurs résolutions des organes sociaux, notamment celles du conseil d’administration du 2 avril 2000 et du 17 juin 2000, ont été adoptées. Le principe de ces résolutions était clair : il s’agissait du retrait et de l’exploitation de la flotte.
C’est à partir de mai 2004 que surviennent les premières transactions, notamment avec la société Guardian Transport Ltd pour l’achat de 31 aéronefs. Une commission spéciale chargée de la cession des avions concernés par le plan de retrait a été alors créée, avec pour mission de préparer les opérations de cession et de négociation, mais aussi d’élaborer des projets de support et de maintenance. Premier défaut : cette première commission fonctionnait alors sans règlement intérieur. En conséquence, « la méthodologie de travail suivie par la commission ne s’inscrit pas dans les démarches généralement connues en la matière, à savoir la tenue des registres de réception et d’ouverture des plis ainsi que ceux relatifs aux négociations et choix des offres. La méthode adoptée et suivie par la commission privilégie le contact téléphonique et/ou électronique pour négocier les offres des uns et des autres », lit-on dans le rapport d’enquête de l’IGF, dont une copie nous a été remise par une source qui a voulu garder l’anonymat. S’agissant des prix, la commission a arrêté, lors de sa réunion du 15 juillet 2002 des tarifs de 1,1 million de dollars pour les Boeing 727-200 et de 700 000 dollars pour les Boeing 737-200. Le motif avancé pour justifier ces prix inférieurs est lié à « l’érosion des prix des avions d’occasion et la morosité du marché de l’aviation en général, suite aux événements du 11 septembre 2001 ».
Pour les beaux yeux du prince héritier
Des offres ont émané de plusieurs soumissionnaires, en majorité des regroupements américains, désirant assister Air Algérie dans le processus de vente à travers la recherche des meilleures formules. Toutefois, des procès-verbaux de réunions de la commission font ressortir que la plupart de ces offres n’étaient pas suivies de propositions concrètes. Vrai ou faux ? Certaines offres ont fait objet d’examen, à l’instar de l’offre de Aéroconsult, de celle de la compagnie qatarie Gulf Falcon Group, un holding qui a agi au profit de la compagnie libyenne Buraq Air. Deux contrats ont été signés entre Air Algérie et Gulf Falcon Group le 18 avril 2002 pour l’achat de 3 B 727-200 et 3 B737-200. L’acheteur a procédé au versement d’un acompte de 185 000 dollars, mais en mai 2003 ce même acheteur a saisi Air Algérie pour la notification de la résiliation du contrat.
Air Algérie a tenté à plusieurs reprises d’amener l’acheteur à respecter ses engagements. Une proposition directe a été faite ensuite pour que ces avions soient vendus ou affrétés à la compagnie de droit libyen Buraq Air. Cette proposition est tombée à l’eau à cause de l’embargo imposé à l’époque à la Libye. Les dirigeants d’Air Algérie, après avoir consulté leurs avocats américains et l’ambassadeur des USA en Algérie, ont fini par rejeter cette offre et, après huit mois de tergiversations, ont mis en demeure les responsables de Gulf Falcon Group de respecter les dispositions contractuelles au risque de recourir à l’arbitrage de la Chambre internationale de commerce de Paris.
Cependant, il se trouve que Gulf Falcon Group était la propriété du prince héritier du Qatar. Du coup, d’éventuelles poursuites auraient donc pu provoquer une crispation dans les relations politiques entre les deux pays. La commission de vente s’était contentée donc de l’acompte versé et a confié le dossier à la direction des affaires juridiques pour sa prise en charge. Les acomptes versés étaient donc à hauteur de 185 000 dollars, tandis que Air Algérie a subi un préjudice de l’ordre de 602 048 dollars (frais de stationnement, coût de la peinture…) du fait de la non-exécution du contrat. Après cet échec, la commission a mis le paquet sur des négociations pour la cession de la flotte des travaux aériens (DTA).
Plusieurs offres sont parvenues après la diffusion sur internet des avis d’appel à manifestation d’intérêt. La décision de vente a été prise après plusieurs tractations et accords des organes sociaux. Tassili Airlines a pris possession de 14 avions pour un montant de 8,2 milliards de dinars, tandis que le deuxième acheteur, en l’occurrence Addison Aircraft Europe, a acquis 3 Cessna, un moteur pour un montant de 1 850 000 dollars. Dynamic Aviation, quant à elle, a acquis une flotte composée de 2 KingAir et 9 Grumman et leurs pièces de rechange ainsi qu’un lot de pièces de rechange Queen Air (B 80) et huit moteurs de type Pratt et Withney, pour un montant global de 767 600 dollars. Il a été constaté que la commission de vente continue toujours à assumer le mandat pour lequel elle a été mise en place. Cependant, son champ de compétence a été circonscrit, de facto, à la seule flotte des travaux aériens (DTA) depuis le 16 mars 2004, date de la création de la commission ad hoc.
Celle-ci a été chargée, entre autres missions, de « mettre en œuvre toutes les actions en vue de la vente et la maintenance des aéronefs retirés de la flotte à Guardian Transport (GTL) ». L’enquête de l’IGF révèle que l’offre de GTL n’a pas fait l’objet d’une étude de la part de la première commission. Celle-ci n’a pas été saisie de cette proposition. L’offre de GTL, une société de droit libyen, est parvenue à la direction générale d’Air Algérie en date du 25 février 2004, sous forme de lettre d’intention. L’offre de Guardian Transport concerne 31 aéronefs pour un montant global de 12 millions de dollars, contrat de maintenance non compris. Durant la même période, en date du 11 avril 2004, une offre avec quatre variantes est parvenue de la compagnie Air Libya Tebesti. A l’issue des deux offres, la commission ad hoc a statué en faveur de Guardian Transport. Mais il se trouve que la commission a commis des erreurs fatales qui ont préludé à l’échec de l’opération de vente. Primo, la surface financière de l’acheteur n’a fait l’objet d’aucune étude de la part de la commission ad hoc qui aurait dû exiger les bilans comptables et financiers de la société, principaux indicateurs de sa santé financière. Secundo, la commission devait exiger de M. El Badri Ali Hassan, en sa qualité de co-gestionnaire de Guardian Transport, un mandat en bonne et due forme l’habilitant à engager la société dans cette opération d’achat.
El Watan
La vieille flotte d’Air Algérie, retirée de l’exploitation dans le cadre de la modernisation de ses aéronefs, a fait l’objet d’une enquête menée par l’Inspection générale des finances (IGF). Cette mission d’investigation concernait surtout des transactions conclues entre Air Algérie et une société de droit libyen, la Guardian Transport Ltd ; un contrat qui est tombé assez vite à l’eau. L’opération de cession des aéronefs de la compagnie nationale a fait l’objet d’une saisine du chef du gouvernement le 22 mai 2005.
L’objectif premier étant d’élucider les conditions dans lesquelles ont été conclues ces transactions. Le retrait de la flotte « déclassée ayant plus de 21 ans d’âge » a été décidé le 25 mars 2001. Des accords des organes sociaux, dont le dernier remonte au 12 mai 2004, autorisait Air Algérie à céder 31 de ses appareils. Bien avant cette date, plusieurs résolutions des organes sociaux, notamment celles du conseil d’administration du 2 avril 2000 et du 17 juin 2000, ont été adoptées. Le principe de ces résolutions était clair : il s’agissait du retrait et de l’exploitation de la flotte.
C’est à partir de mai 2004 que surviennent les premières transactions, notamment avec la société Guardian Transport Ltd pour l’achat de 31 aéronefs. Une commission spéciale chargée de la cession des avions concernés par le plan de retrait a été alors créée, avec pour mission de préparer les opérations de cession et de négociation, mais aussi d’élaborer des projets de support et de maintenance. Premier défaut : cette première commission fonctionnait alors sans règlement intérieur. En conséquence, « la méthodologie de travail suivie par la commission ne s’inscrit pas dans les démarches généralement connues en la matière, à savoir la tenue des registres de réception et d’ouverture des plis ainsi que ceux relatifs aux négociations et choix des offres. La méthode adoptée et suivie par la commission privilégie le contact téléphonique et/ou électronique pour négocier les offres des uns et des autres », lit-on dans le rapport d’enquête de l’IGF, dont une copie nous a été remise par une source qui a voulu garder l’anonymat. S’agissant des prix, la commission a arrêté, lors de sa réunion du 15 juillet 2002 des tarifs de 1,1 million de dollars pour les Boeing 727-200 et de 700 000 dollars pour les Boeing 737-200. Le motif avancé pour justifier ces prix inférieurs est lié à « l’érosion des prix des avions d’occasion et la morosité du marché de l’aviation en général, suite aux événements du 11 septembre 2001 ».
Pour les beaux yeux du prince héritier
Des offres ont émané de plusieurs soumissionnaires, en majorité des regroupements américains, désirant assister Air Algérie dans le processus de vente à travers la recherche des meilleures formules. Toutefois, des procès-verbaux de réunions de la commission font ressortir que la plupart de ces offres n’étaient pas suivies de propositions concrètes. Vrai ou faux ? Certaines offres ont fait objet d’examen, à l’instar de l’offre de Aéroconsult, de celle de la compagnie qatarie Gulf Falcon Group, un holding qui a agi au profit de la compagnie libyenne Buraq Air. Deux contrats ont été signés entre Air Algérie et Gulf Falcon Group le 18 avril 2002 pour l’achat de 3 B 727-200 et 3 B737-200. L’acheteur a procédé au versement d’un acompte de 185 000 dollars, mais en mai 2003 ce même acheteur a saisi Air Algérie pour la notification de la résiliation du contrat.
Air Algérie a tenté à plusieurs reprises d’amener l’acheteur à respecter ses engagements. Une proposition directe a été faite ensuite pour que ces avions soient vendus ou affrétés à la compagnie de droit libyen Buraq Air. Cette proposition est tombée à l’eau à cause de l’embargo imposé à l’époque à la Libye. Les dirigeants d’Air Algérie, après avoir consulté leurs avocats américains et l’ambassadeur des USA en Algérie, ont fini par rejeter cette offre et, après huit mois de tergiversations, ont mis en demeure les responsables de Gulf Falcon Group de respecter les dispositions contractuelles au risque de recourir à l’arbitrage de la Chambre internationale de commerce de Paris.
Cependant, il se trouve que Gulf Falcon Group était la propriété du prince héritier du Qatar. Du coup, d’éventuelles poursuites auraient donc pu provoquer une crispation dans les relations politiques entre les deux pays. La commission de vente s’était contentée donc de l’acompte versé et a confié le dossier à la direction des affaires juridiques pour sa prise en charge. Les acomptes versés étaient donc à hauteur de 185 000 dollars, tandis que Air Algérie a subi un préjudice de l’ordre de 602 048 dollars (frais de stationnement, coût de la peinture…) du fait de la non-exécution du contrat. Après cet échec, la commission a mis le paquet sur des négociations pour la cession de la flotte des travaux aériens (DTA).
Plusieurs offres sont parvenues après la diffusion sur internet des avis d’appel à manifestation d’intérêt. La décision de vente a été prise après plusieurs tractations et accords des organes sociaux. Tassili Airlines a pris possession de 14 avions pour un montant de 8,2 milliards de dinars, tandis que le deuxième acheteur, en l’occurrence Addison Aircraft Europe, a acquis 3 Cessna, un moteur pour un montant de 1 850 000 dollars. Dynamic Aviation, quant à elle, a acquis une flotte composée de 2 KingAir et 9 Grumman et leurs pièces de rechange ainsi qu’un lot de pièces de rechange Queen Air (B 80) et huit moteurs de type Pratt et Withney, pour un montant global de 767 600 dollars. Il a été constaté que la commission de vente continue toujours à assumer le mandat pour lequel elle a été mise en place. Cependant, son champ de compétence a été circonscrit, de facto, à la seule flotte des travaux aériens (DTA) depuis le 16 mars 2004, date de la création de la commission ad hoc.
Celle-ci a été chargée, entre autres missions, de « mettre en œuvre toutes les actions en vue de la vente et la maintenance des aéronefs retirés de la flotte à Guardian Transport (GTL) ». L’enquête de l’IGF révèle que l’offre de GTL n’a pas fait l’objet d’une étude de la part de la première commission. Celle-ci n’a pas été saisie de cette proposition. L’offre de GTL, une société de droit libyen, est parvenue à la direction générale d’Air Algérie en date du 25 février 2004, sous forme de lettre d’intention. L’offre de Guardian Transport concerne 31 aéronefs pour un montant global de 12 millions de dollars, contrat de maintenance non compris. Durant la même période, en date du 11 avril 2004, une offre avec quatre variantes est parvenue de la compagnie Air Libya Tebesti. A l’issue des deux offres, la commission ad hoc a statué en faveur de Guardian Transport. Mais il se trouve que la commission a commis des erreurs fatales qui ont préludé à l’échec de l’opération de vente. Primo, la surface financière de l’acheteur n’a fait l’objet d’aucune étude de la part de la commission ad hoc qui aurait dû exiger les bilans comptables et financiers de la société, principaux indicateurs de sa santé financière. Secundo, la commission devait exiger de M. El Badri Ali Hassan, en sa qualité de co-gestionnaire de Guardian Transport, un mandat en bonne et due forme l’habilitant à engager la société dans cette opération d’achat.
El Watan
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