The Wall Street Journal
L’entreprise a fait fortune grâce au granulé de bois avant de faire un pari désastreux qui l’a conduit à la faillite.
Ryan Dezember
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L'entreprise américaine Enviva a fait fortune grâce au granulé de bois avant de faire un pari désastreux qui l’a conduit à la faillite. - Gerald Herbert/AP/SIPA/Gerald Herbert/AP/SIPA
Quand Enviva a posé la première pierre de la plus grande usine à granulés de bois au monde, à Epes, dans l’Alabama, son carnet de commandes dépassait les 20 milliards de dollars. L’entreprise devait fournir aux centrales électriques une alternative au charbon ; son cours de Bourse frôlait ses records historiques.
Deux ans plus tard, le site est toujours en construction. Et Enviva, en faillite.
Ce n’est pas la demande qui a poussé le groupe dans l’abîme : en Europe et en Asie, les subventions en faveur des énergies renouvelables incitent les producteurs d’électricité à brûler du bois plutôt que des énergies fossiles. Les exportations de granulés américaines devraient, cette année, battre le record établi l’an passé.
Le problème d’Enviva, c’est que le groupe a promis à ses clients plus de granulés qu’il ne pouvait en produire, à un prix inférieur à ce que la production lui coûtait. Et pour tenter quand même de tenir ses promesses, il a fait un ultime pari désastreux.
Résultat : une dette de 350 millions vis-à-vis d’un producteur d’électricité allemand (l’un de ses meilleurs clients) a obligé Enviva à se déclarer en faillite en mars pour pouvoir apurer ses finances et tenter de renégocier des contrats qui ne lui permettent pas de gagner d’argent.
L’effondrement d’Enviva a ébranlé une partie des grands investisseurs américains spécialisés dans les énergies propres et vient s’ajouter à la liste des déceptions suscitées par la démarche ESG, qui a levé des milliers de milliards de dollars en promettant de soigner les aspects environnementaux, sociaux et de gouvernance des placements. Certaines entreprises — des start-up qui se sont lancées dans les véhicules électriques notamment — ont fait faillite, tandis que la remontée des taux d’intérêt a fragilisé des activités à la technologie pourtant éprouvée, comme l’énergie solaire.
Pour les granulés, le doute est venu des scientifiques et des écologistes, qui s’interrogent sur leurs qualités environnementales. Ils affirment en effet que brûler du bois est moins efficace que brûler des énergies fossiles, donc qu’à production d’énergie comparable, ils génèrent plus d’émissions de carbone. En outre, ajoutent-ils, pour produire des granulés, il faut abattre des arbres qui auraient pu rester dans les forêts et absorber le dioxyde de carbone présent dans l’atmosphère.
Si l’essor du charbon dans les années 1800 a sauvé les forêts d’Europe de l’Ouest, l’idée n’est pas de renoncer aujourd’hui au charbon pour brûler les forêts, s’insurgeait en 2018 un groupe de 772 scientifiques dans un courrier adressé au Parlement européen.
Pour les défenseurs des granulés, la question climatique est plus complexe, puisque le dioxyde de carbone émis par la combustion du bois provenant des pinèdes méridionales est, à terme, absorbé par les arbres qui sont replantés : ils constituent donc une source d’énergie à la fois renouvelable et neutre en carbone. Par ailleurs, une grande partie des granulés provient des chutes des scieries et des déchets des exploitations forestières, qui émettraient du carbone si on les laissait pourrir sur place.
Les investisseurs ont misé sur le bois éligible aux subventions en faveur des énergies renouvelables censées remplacer le charbon dans les centrales électriques.
Il y a quelques années, la société de private equity Riverstone Holdings estimait qu’Enviva serait le grand gagnant de cette ruée vers les granulés, loin devant des concurrents moins fringants. La valeur de ses 43% dans Enviva est passée d’environ 3 milliards de dollars en 2022 à moins de 20 millions aujourd’hui.
Jeff Ubben, investisseur activiste à la tête d’Inclusive Capital Partners, avait longtemps été le deuxième plus gros investisseur d’Enviva. Il a perdu plus de 200 millions de dollars quand il a liquidé sa position, révèlent des documents boursiers. Son fonds spécialisé dans l’investissement à impact a cessé de faire de nouveaux placements et rémunère ses investisseurs.
Du Japon à l’Allemagne, nombreux sont les producteurs d’électricité qui comptent sur les livraisons promises par Enviva pour alimenter leurs clients en courant (et tenir leurs engagements écologiques). Enviva continue de fonctionner pendant l’apurement de ses dettes et s’est rapproché de ses clients pour négocier de nouveaux contrats.
L’usine d’Epes doit ouvrir l’année prochaine. Elle a été financée par des obligations défiscalisées conçues pour les projets dédiés aux énergies vertes et des fonds publics ; outre l’aspect écologique, elle devrait permettre de redynamiser une région désolée du sud des Etats-Unis. L’avenir de l’autre usine, située à Bond, dans le Mississippi, est en revanche en suspens.
L’un des plus gros clients d’Enviva, le producteur d’électricité Drax, affirme que le groupe lui doit plus de 75 millions de dollars de produits non livrés. Située dans la campagne anglaise, sa centrale électrique consomme plus de sept millions de tonnes de granulés par an. Drax a augmenté sa propre production de granulés, notamment en investissant 50 millions de dollars pour agrandir son site d’Aliceville, pas très loin d’Epes, mais a toujours besoin des granulés d’Enviva.
« Nous avons tout fait pour protéger notre chaîne d’approvisionnement, a souligné Will Gardiner, directeur général de Drax, lors d’un entretien. Nous sommes capables de gérer les risques, quoi qu’il leur arrive. »
Enviva n’a pas souhaité commenter. Quand le groupe s’est placé sous la protection de la loi sur les faillites, son patron par intérim, Glenn Nunziata, a expliqué que cette décision permettrait à Enviva d’apurer ses dettes, de réduire ses coûts et d’améliorer l’efficacité de ses usines. L’objectif, selon lui, était de faire en sorte qu’Enviva devienne « une entreprise plus forte, avec des bases financières solides et un meilleur positionnement », pour qu’elle soit « le leader du secteur de la biomasse forestière de demain ».
Verte ou pas verte ?
La course à la réduction des émissions de gaz à effet de serre a dopé le marché des granulés (des petits cylindres de sciure compressée), qui intéressent désormais les particuliers qui veulent alimenter leur poêle, mais aussi les industriels qui veulent consommer moins d’énergies fossiles.
Fondé par d’anciens étudiants de l’école de commerce de l’université de Virginie, Enviva a d’abord été largement financée par Riverstone. L’entreprise a acheté sa première usine de granulés à Amory, dans le Mississippi, en 2010.
Corey Glenn, aujourd’hui maire de la ville, a travaillé pour les anciens propriétaires du site, des investisseurs privés qui connaissaient la région. Au départ, l’usine devait produire des granulés pour les barbecues et les poêles à bois à partir des sciures et autres déchets des scieries des alentours. Pour les producteurs de granulés, la mise en place de subventions européennes aux énergies vertes a permis de vendre la production en cargaisons plutôt qu’en petits sacs.
L’usine d’Amory ne traite que les sciures et les copeaux de bois. Après le rachat par Enviva, M. Glenn a aidé les nouveaux propriétaires à trouver des endroits où bâtir de nouvelles installations, qui traitent aussi des troncs entiers.
Le groupe cherchait d’anciennes usines de pâte à papier et a acheté les arbres qui étaient trop petits ou pas adaptés à la transformation en bois de charpente ou en planches. « Dans un contexte de déclin constant du papier et de la pâte à papier, la quête n’a pas été trop difficile », confiait John Keppler, cofondateur et alors directeur général d’Enviva, lors d’un entretien accordé en 2022 au Wall Street Journal.
A ce moment-là, le groupe possédait dix usines situées près de six ports du sud-est des Etats-Unis et en construisait six autres, d’abord à Epes.
L’essentiel des granulés sont vendus dans le cadre de contrats à long terme et prix fixe, le reste étant écoulé au fur et à mesure, aux prix du marché. Comme cela a été le cas pour le charbon et le gaz naturel, les cours des granulés ont bondi quand la Russie a envahi l’Ukraine en février 2022 et que les Européens ont cessé d’acheter du pétrole russe.
Pour faire face à l’envolée de la demande, Enviva a augmenté la production de ses usines, soulevant des questions : le groupe utilisait-il vraiment les déchets dont personne d’autre ne voulait ?
En octobre 2022, Blue Orca Capital a publié un rapport dans lequel le fonds spécialiste de la vente à découvert s’interrogeait sur l’approvisionnement et les promesses environnementales d’Enviva. Il affirmait que l’entreprise ne gagnait pas assez d’argent pour payer les dividendes promis sans devoir emprunter ou vendre des titres, ce qui entraînerait une dilution des actionnaires existants. Pour Blue Orca, l’action Enviva allait s’effondrer.
« Enviva, c’est la nouvelle farce des ESG, un pur produit de ces subventions européennes totalement à côté de la plaque », persiflait le fonds, ajoutant que le groupe exagérait l’intérêt écologique de ses granulés. « Le greenwashing est avéré au niveau de l’approvisionnement, ce qui détruit la crédibilité d’Enviva comme investissement ESG et mine l’avenir de la demande en granulés », ajoutait le rapport.
Enviva avait répliqué en disant que le document comportait « de nombreuses aberrations » et des « erreurs de calcul grossières », qu’il reprenait « des spéculations sans aucun fondement » et qu’il aboutissait à « des conclusions trompeuses ».
Dans le même temps, les usines d’Enviva accumulaient les violations des normes de qualité de l’air et les plaintes des voisins, mécontents du bruit et de la poussière. Une partie des sites rencontraient des problèmes mécaniques qui réduisaient la production.
Quand Enviva s’est rendu compte que sa production ne suffisait plus pour honorer les contrats, l’entreprise a décidé d’aller en acheter, au prix du marché, pour les livrer aux clients, précise M. Nunziata dans un des documents du dossier de faillite. Mais quand les prix se sont envolés, cela n’a plus été possible, ajoute-t-il. A l’époque, il ne faisait pas partie de l’entreprise.
Dans son rapport financier 2022, Enviva indique avoir versé 141 millions de dollars à ses clients en contrepartie de retards de livraison ou d’annulations de commande.
L’entreprise n’avait pas évoqué, à ce moment-là, l’accord conclu avec RWE qui avait tout d’une catastrophe financière. Enviva avait convenu d’acheter des granulés à l’énergéticien allemand, granulés qu’il devait revendre plus cher ensuite. Sauf que la douceur de l’hiver a pesé sur la demande et sur les cours : Enviva a donc revendu ses granulés bien moins cher qu’il les avait achetés à RWE.
L’entreprise a fait fortune grâce au granulé de bois avant de faire un pari désastreux qui l’a conduit à la faillite.
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L'entreprise américaine Enviva a fait fortune grâce au granulé de bois avant de faire un pari désastreux qui l’a conduit à la faillite. - Gerald Herbert/AP/SIPA/Gerald Herbert/AP/SIPA
Quand Enviva a posé la première pierre de la plus grande usine à granulés de bois au monde, à Epes, dans l’Alabama, son carnet de commandes dépassait les 20 milliards de dollars. L’entreprise devait fournir aux centrales électriques une alternative au charbon ; son cours de Bourse frôlait ses records historiques.
Deux ans plus tard, le site est toujours en construction. Et Enviva, en faillite.
Ce n’est pas la demande qui a poussé le groupe dans l’abîme : en Europe et en Asie, les subventions en faveur des énergies renouvelables incitent les producteurs d’électricité à brûler du bois plutôt que des énergies fossiles. Les exportations de granulés américaines devraient, cette année, battre le record établi l’an passé.
Le problème d’Enviva, c’est que le groupe a promis à ses clients plus de granulés qu’il ne pouvait en produire, à un prix inférieur à ce que la production lui coûtait. Et pour tenter quand même de tenir ses promesses, il a fait un ultime pari désastreux.
Résultat : une dette de 350 millions vis-à-vis d’un producteur d’électricité allemand (l’un de ses meilleurs clients) a obligé Enviva à se déclarer en faillite en mars pour pouvoir apurer ses finances et tenter de renégocier des contrats qui ne lui permettent pas de gagner d’argent.
Du Japon à l’Allemagne, nombreux sont les producteurs d’électricité qui comptent sur les livraisons promises par Enviva pour alimenter leurs clients en courant
L’effondrement d’Enviva a ébranlé une partie des grands investisseurs américains spécialisés dans les énergies propres et vient s’ajouter à la liste des déceptions suscitées par la démarche ESG, qui a levé des milliers de milliards de dollars en promettant de soigner les aspects environnementaux, sociaux et de gouvernance des placements. Certaines entreprises — des start-up qui se sont lancées dans les véhicules électriques notamment — ont fait faillite, tandis que la remontée des taux d’intérêt a fragilisé des activités à la technologie pourtant éprouvée, comme l’énergie solaire.
Pour les granulés, le doute est venu des scientifiques et des écologistes, qui s’interrogent sur leurs qualités environnementales. Ils affirment en effet que brûler du bois est moins efficace que brûler des énergies fossiles, donc qu’à production d’énergie comparable, ils génèrent plus d’émissions de carbone. En outre, ajoutent-ils, pour produire des granulés, il faut abattre des arbres qui auraient pu rester dans les forêts et absorber le dioxyde de carbone présent dans l’atmosphère.
Si l’essor du charbon dans les années 1800 a sauvé les forêts d’Europe de l’Ouest, l’idée n’est pas de renoncer aujourd’hui au charbon pour brûler les forêts, s’insurgeait en 2018 un groupe de 772 scientifiques dans un courrier adressé au Parlement européen.
Pour les défenseurs des granulés, la question climatique est plus complexe, puisque le dioxyde de carbone émis par la combustion du bois provenant des pinèdes méridionales est, à terme, absorbé par les arbres qui sont replantés : ils constituent donc une source d’énergie à la fois renouvelable et neutre en carbone. Par ailleurs, une grande partie des granulés provient des chutes des scieries et des déchets des exploitations forestières, qui émettraient du carbone si on les laissait pourrir sur place.
Les investisseurs ont misé sur le bois éligible aux subventions en faveur des énergies renouvelables censées remplacer le charbon dans les centrales électriques.
Il y a quelques années, la société de private equity Riverstone Holdings estimait qu’Enviva serait le grand gagnant de cette ruée vers les granulés, loin devant des concurrents moins fringants. La valeur de ses 43% dans Enviva est passée d’environ 3 milliards de dollars en 2022 à moins de 20 millions aujourd’hui.
Jeff Ubben, investisseur activiste à la tête d’Inclusive Capital Partners, avait longtemps été le deuxième plus gros investisseur d’Enviva. Il a perdu plus de 200 millions de dollars quand il a liquidé sa position, révèlent des documents boursiers. Son fonds spécialisé dans l’investissement à impact a cessé de faire de nouveaux placements et rémunère ses investisseurs.
Du Japon à l’Allemagne, nombreux sont les producteurs d’électricité qui comptent sur les livraisons promises par Enviva pour alimenter leurs clients en courant (et tenir leurs engagements écologiques). Enviva continue de fonctionner pendant l’apurement de ses dettes et s’est rapproché de ses clients pour négocier de nouveaux contrats.
L’usine d’Epes doit ouvrir l’année prochaine. Elle a été financée par des obligations défiscalisées conçues pour les projets dédiés aux énergies vertes et des fonds publics ; outre l’aspect écologique, elle devrait permettre de redynamiser une région désolée du sud des Etats-Unis. L’avenir de l’autre usine, située à Bond, dans le Mississippi, est en revanche en suspens.
L’un des plus gros clients d’Enviva, le producteur d’électricité Drax, affirme que le groupe lui doit plus de 75 millions de dollars de produits non livrés. Située dans la campagne anglaise, sa centrale électrique consomme plus de sept millions de tonnes de granulés par an. Drax a augmenté sa propre production de granulés, notamment en investissant 50 millions de dollars pour agrandir son site d’Aliceville, pas très loin d’Epes, mais a toujours besoin des granulés d’Enviva.
« Nous avons tout fait pour protéger notre chaîne d’approvisionnement, a souligné Will Gardiner, directeur général de Drax, lors d’un entretien. Nous sommes capables de gérer les risques, quoi qu’il leur arrive. »
Enviva n’a pas souhaité commenter. Quand le groupe s’est placé sous la protection de la loi sur les faillites, son patron par intérim, Glenn Nunziata, a expliqué que cette décision permettrait à Enviva d’apurer ses dettes, de réduire ses coûts et d’améliorer l’efficacité de ses usines. L’objectif, selon lui, était de faire en sorte qu’Enviva devienne « une entreprise plus forte, avec des bases financières solides et un meilleur positionnement », pour qu’elle soit « le leader du secteur de la biomasse forestière de demain ».
Verte ou pas verte ?
La course à la réduction des émissions de gaz à effet de serre a dopé le marché des granulés (des petits cylindres de sciure compressée), qui intéressent désormais les particuliers qui veulent alimenter leur poêle, mais aussi les industriels qui veulent consommer moins d’énergies fossiles.
Fondé par d’anciens étudiants de l’école de commerce de l’université de Virginie, Enviva a d’abord été largement financée par Riverstone. L’entreprise a acheté sa première usine de granulés à Amory, dans le Mississippi, en 2010.
Corey Glenn, aujourd’hui maire de la ville, a travaillé pour les anciens propriétaires du site, des investisseurs privés qui connaissaient la région. Au départ, l’usine devait produire des granulés pour les barbecues et les poêles à bois à partir des sciures et autres déchets des scieries des alentours. Pour les producteurs de granulés, la mise en place de subventions européennes aux énergies vertes a permis de vendre la production en cargaisons plutôt qu’en petits sacs.
L’usine d’Amory ne traite que les sciures et les copeaux de bois. Après le rachat par Enviva, M. Glenn a aidé les nouveaux propriétaires à trouver des endroits où bâtir de nouvelles installations, qui traitent aussi des troncs entiers.
Le groupe cherchait d’anciennes usines de pâte à papier et a acheté les arbres qui étaient trop petits ou pas adaptés à la transformation en bois de charpente ou en planches. « Dans un contexte de déclin constant du papier et de la pâte à papier, la quête n’a pas été trop difficile », confiait John Keppler, cofondateur et alors directeur général d’Enviva, lors d’un entretien accordé en 2022 au Wall Street Journal.
A ce moment-là, le groupe possédait dix usines situées près de six ports du sud-est des Etats-Unis et en construisait six autres, d’abord à Epes.
L’essentiel des granulés sont vendus dans le cadre de contrats à long terme et prix fixe, le reste étant écoulé au fur et à mesure, aux prix du marché. Comme cela a été le cas pour le charbon et le gaz naturel, les cours des granulés ont bondi quand la Russie a envahi l’Ukraine en février 2022 et que les Européens ont cessé d’acheter du pétrole russe.
« Enviva, c’est la nouvelle farce des ESG, un pur produit de ces subventions européennes totalement à côté de la plaque »
En octobre 2022, Blue Orca Capital a publié un rapport dans lequel le fonds spécialiste de la vente à découvert s’interrogeait sur l’approvisionnement et les promesses environnementales d’Enviva. Il affirmait que l’entreprise ne gagnait pas assez d’argent pour payer les dividendes promis sans devoir emprunter ou vendre des titres, ce qui entraînerait une dilution des actionnaires existants. Pour Blue Orca, l’action Enviva allait s’effondrer.
« Enviva, c’est la nouvelle farce des ESG, un pur produit de ces subventions européennes totalement à côté de la plaque », persiflait le fonds, ajoutant que le groupe exagérait l’intérêt écologique de ses granulés. « Le greenwashing est avéré au niveau de l’approvisionnement, ce qui détruit la crédibilité d’Enviva comme investissement ESG et mine l’avenir de la demande en granulés », ajoutait le rapport.
Enviva avait répliqué en disant que le document comportait « de nombreuses aberrations » et des « erreurs de calcul grossières », qu’il reprenait « des spéculations sans aucun fondement » et qu’il aboutissait à « des conclusions trompeuses ».
Dans le même temps, les usines d’Enviva accumulaient les violations des normes de qualité de l’air et les plaintes des voisins, mécontents du bruit et de la poussière. Une partie des sites rencontraient des problèmes mécaniques qui réduisaient la production.
Quand Enviva s’est rendu compte que sa production ne suffisait plus pour honorer les contrats, l’entreprise a décidé d’aller en acheter, au prix du marché, pour les livrer aux clients, précise M. Nunziata dans un des documents du dossier de faillite. Mais quand les prix se sont envolés, cela n’a plus été possible, ajoute-t-il. A l’époque, il ne faisait pas partie de l’entreprise.
Dans son rapport financier 2022, Enviva indique avoir versé 141 millions de dollars à ses clients en contrepartie de retards de livraison ou d’annulations de commande.
L’entreprise n’avait pas évoqué, à ce moment-là, l’accord conclu avec RWE qui avait tout d’une catastrophe financière. Enviva avait convenu d’acheter des granulés à l’énergéticien allemand, granulés qu’il devait revendre plus cher ensuite. Sauf que la douceur de l’hiver a pesé sur la demande et sur les cours : Enviva a donc revendu ses granulés bien moins cher qu’il les avait achetés à RWE.
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