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Patrick Martin, patron du Medef: «Nous aurons besoin de main-d’œuvre venue de l’extérieur»

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  • Patrick Martin, patron du Medef: «Nous aurons besoin de main-d’œuvre venue de l’extérieur»


    ENTRETIEN - Réformes, dialogue social, fiscalité, environnement, immigration… À la tête du Medef depuis six mois, Patrick Martin veut faire davantage entendre la voix des entreprises, et déplore les mauvais signaux envoyés par le gouvernement.

    LE FIGARO MAGAZINE. - L’activité économique ralentit. Faut-il s’en inquiéter?


    Patrick MARTIN. - Avec ses 190.000 entreprises adhérentes employant 10 millions de salariés, le Medef dispose en temps réel d’une perception fine de la situation économique française. On constate un ralentissement conjoncturel plus ou moins marqué selon les secteurs. La filière immobilière, qui représente 8 % du PIB et 10 % des emplois, souffre particulièrement. Cela aura un impact sur le PIB et l’emploi. Nous pronostiquons une légère phase de récession en France pour les mois à venir ; mais en aucun cas un effondrement.

    Vous dirigez le Medef depuis juillet. Quelle sera la ligne de votre mandat?

    Nous voulons aller vers un Medef d’affirmation. La cote de confiance de l’entreprise n’a jamais été aussi élevée. On lui demande d’apporter des solutions à toutes sortes de problèmes: environnement, social, inclusion… Sa voix est essentielle dans le débat public. Sur la décroissance par exemple, que certains veulent imposer comme une sorte de pensée unique, il nous appartient de dire la vérité aux Français: si cette thèse, devait déboucher sur un choix collectif national, ce serait fatal pour le pays. Sans croissance, comment financer les investissements colossaux des entreprises en matière d’innovation et de décarbonation? Comment préserver l’emploi, le pouvoir d’achat, l’équilibre de nos régimes sociaux qui reposent sur la répartition et le travail? Je veux réconcilier croissance et climat.


    Votre fermeté face au souhait du gouvernement de ponctionner l’Agirc-Arrco, le régime de retraite complémentaire des salariés du privé, a été payante. Ce projet est-il enterré?

    Je l’espère sincèrement pour les 38 millions de salariés et retraités du secteur privé. Il s’agit d’un symbole: cela ne portait que sur 0,3 % des dépenses, et un trois-millièmes de la dette publique…. Nous avons affirmé l’autonomie de ce régime, parfaitement géré par les partenaires sociaux. Pourquoi sanctionner les plus vertueux au bénéfice de ceux qui le sont moins?

    N’était-il pas légitime de faire appel à la solidarité, alors que la réforme des retraites va profiter à l’Agirc-Arrco?

    Le recul de l’âge légal de départ à la retraite va effectivement contribuer aux excédents de l’Agirc-Arrco. Mais les entreprises, de leur côté, ont créé 2 millions d’emplois ; elles ont par ailleurs joué le jeu en matière de revalorisations salariales. Tout cela a contribué aux excédents du régime qui nous ont permis d’augmenter les pensions. Ils permettront à l’avenir, s’ils se confirment, d’alléger le poids des cotisations pesant sur les entreprises et les salariés.

    Sur le modèle de l’accord signé entre le Medef et les syndicats sur l’Unedic?

    À une différence près: les cotisations chômage sont supportées depuis 2018 exclusivement par les employeurs. Il n’est pas indifférent de voir trois syndicats (CFTC, FO, CFDT) accepter une diminution des cotisations patronales! C’est une manifestation de leur souci de préserver le champ paritaire, mais aussi la compétitivité des entreprises qui reste un vrai problème en France, du fait du poids prohibitif des charges sociales. Cela ne s’arrangera pas avec l’arrêt de la Cour de cassation imposant aux entreprises de payer des congés sur les arrêts maladie! Cette décision va renchérir le coût du travail de 2,5 milliards d’euros par an pour les entreprises.
    Le gouvernement doit trouver un chemin de crête pour consolider les finances publiques sans renier la politique de l’offre qu’il a initiée

    Comment qualifieriez-vous vos relations avec le gouvernement?

    Elles sont intenses et mutuellement respectueuses. Mais il y a une forme d’interrogation de la part des entreprises à l’égard du gouvernement qui réaffirme son souhait de poursuivre une politique de l’offre sans qu’on en trouve toujours la traduction dans certaines décisions récentes. Le ralentissement de la trajectoire de baisse de la CVAE (impôt qui a remplacé la taxe professionnelle NDLR), qui devait initialement disparaître en 2023, a été un mauvais signal. En matière d’impôts de production, nous avons 60 milliards d’euros de différentiel négatif par rapport à l’Allemagne. Au moment où nous faisons face à une forte augmentation de la concurrence, en particulier avec les États-Unis, il y a une contradiction entre cette décision purement budgétaire et la volonté justifiée du gouvernement de réindustrialiser le pays.

    Autre décision que nous regrettons: l’écrêtement des allégements de charges sur les salaires de 2,5 à 3,5 Smic. À ces niveaux de rémunération, on touche aux secteurs et aux niveaux de qualification les plus exposés à la concurrence internationale. Les salaires français ne sont compétitifs qu’en dessous de 2 Smic. Au-delà, la France se disqualifie progressivement en termes de coûts salariaux ; à partir de 4 Smic, le coût du travail est de 40 % supérieur à celui de l’Allemagne. Cette mesure va pénaliser l’industrie, l’encadrement intermédiaire, les métiers à forte valeur ajoutée tels que l’ingénierie… C’est un autre mauvais signal envoyé aux entreprises. Il est urgent que le gouvernement trouve un chemin de crête pour consolider les finances publiques sans renier la politique de l’offre qu’il a initiée ces dernières années. Celle-ci a été bénéfique: l’abaissement de l’impôt sur les sociétés (IS) de 33 % à 25 a généré, cette année, 68 milliards d’euros de recettes pour l’État au titre de l’IS… soit deux fois plus qu’il y a cinq ans.


    Croyez-vous à la campagne de simplification administrative que veut lancer Bruno Le Maire?

    Si l’on peut alléger le fardeau des entreprises en enrayant la folie normative, tant mieux! Selon l’OCDE, l’excès de réglementations coûte 2 à 3 points de PIB à la France. C’est énorme. Cette nouvelle campagne antipaperasse doit aussi s’appliquer à l’Europe: 850 nouvelles normes concernant les entreprises ont été édictées par l’Union européenne entre 2019 et 2022! Il ne faudrait pas, cependant, que cette campagne soit un dérivatif pour ne pas aborder le sujet central de l’efficience de la sphère publique française. L’État a une prédisposition naturelle à vouloir s’occuper de tout ; peut-être devrait-il d’abord s’attacher à améliorer son fonctionnement, lutter contre l’absentéisme dans ses services, réduire ses effectifs. Est-il normal que dans l’Éducation nationale, il y ait 300.000 emplois administratifs alors même que l’on manque d’enseignants? De même, est-il normal qu’en raison de surcoûts d’administration, notre système public de santé coûte 10 % de plus qu’en Allemagne Des milliards d’euros d’économies sont possibles sans altérer le service rendu, voire en l’améliorant.



    Nous ne passons plus que 15 % de notre temps de vie au travail. En 1960, c’était 40 %! L’allongement de la durée de vie y contribue évidemment. Mais je crois aussi que les Français sont de moins en moins nombreux à considérer le travail comme une source d’épanouissement personnel. Beaucoup d’entreprises sont allées trop loin dans la standardisation et l’anonymisation de leurs organisations, générant chez certains salariés un sentiment de déconsidération. Pour autant, je ne crois pas un instant à la «grande démission» des Français. Les sondages le montrent, leur attachement à l’entreprise est plus fort que jamais.
    Pour ­s’approcher du plein-emploi, d’autres priorités sont là : nous devrons relever le défi de la formation, celle des jeunes comme celle des seniors.

    L’indemnisation du chômage devrait-elle être plus stricte?

    Sans doute un durcissement des conditions d’indemnisation inciterait-il certains chômeurs à retrouver plus rapidement le chemin de l’emploi. Mais ce n’est pas ce que prévoit l’accord que nous venons de signer avec les syndicats qui répond à la lettre de cadrage du gouvernement. Soyons attentifs au climat social ; l’entreprise privée est l’un des derniers lieux pacifiés dans notre pays. Le dialogue social est plus que jamais nécessaire dans la confusion actuelle. Si nous encourageons la réforme du pays, il faut que celle-ci s’opère, autant que possible, avec l’adhésion des salariés. Pour s’approcher du plein-emploi, d’autres priorités sont là: nous devrons relever le défi de la formation, celle des jeunes comme celle des seniors. La réforme des lycées professionnels est par exemple une urgence absolue. Sur les 700.000 jeunes qui y sont scolarisés, 40 % sont orientés vers les fonctions administratives et acquièrent des qualifications ne correspondant pas aux besoins des entreprises ; 60 % sont sans emploi un an après la fin de leurs études.

    Êtes-vous favorable à la régularisation des clandestins dans les métiers en tension?

    Cela concerne chaque année, moins de 10.000 personnes qui travaillent aujourd’hui en situation irrégulière. Je pense pour ma part, d’une manière ou d’une autre, qu’il serait utile de clarifier une réglementation qui est complexe et met des chefs d’entreprise et des salariés en insécurité juridique. Au-delà, la question est de savoir comment notre pays pourra répondre au choc démographique. Comme tous les pays européens, nous aurons besoin de main-d’œuvre venue de l’extérieur. D’ici à 2050, il nous manquera 3 millions d’actifs, à tous les niveaux de qualification. Du simple fait du vieillissement de la population, le secteur de l’aide à la personne, par exemple, devra créer 800.000 emplois supplémentaires. Or ces métiers ont d’ores et déjà du mal à recruter.



    Une victoire du Rassemblement national (RN) est possible en 2027 ; quelles sont vos relations avec ses représentants?

    Il n’est pas inimaginable que nous discutions avec ses élus, comme nous le faisons avec tous les partis représentés au Parlement. Mais le programme économique et social du RN, que nous avions vivement critiqué lors de la dernière élection présidentielle, a-t-il évolué? À ma connaissance, ses dirigeants ne sont pas revenus sur la question de l’âge de départ à la retraite, du coût du travail, de l’Europe… Le RN est éloigné des positions de notre mouvement patronal qui défend la performance économique, celles des entreprises et le sérieux budgétaire et considère qu’il est dans l’intérêt de la France de s’inscrire dans une Europe puissante.
    وألعن من لم يماشي الزمان ،و يقنع بالعيش عيش الحجر
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