Annonce

Réduire
Aucune annonce.

La BCE sonne l’alarme sur la montée de l’endettement des entreprises

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • La BCE sonne l’alarme sur la montée de l’endettement des entreprises

    Flambée des taux, refinancement renchéri et fusions en berne rattrapent les sociétés non cotées.

    La montagne de dette accumulée par la hausse des taux risque-t-elle de déclencher une crise financière? Avec le recul, l’impact en Europe de la crise des banques régionales américaines et de Credit Suisse, en mars dernier, aura été «négligeable», se rassure Luis de Guindos, vice-président de la Banque centrale européenne (BCE). Mais elle a pu servir de «signal d’alarme» sur les risques présentés par le nouvel environnement de taux d’intérêt élevés pour le système financier. Dans son dernier rapport sur la stabilité financière, publié mercredi, la BCE alerte sur la «fragilité» du secteur, en raison du durcissement des conditions de crédit, de l’incertitude géopolitique et du ralentissement de l’économie.

    D’aucuns pourraient juger ironique de voir la BCE s’inquiéter soudain des conséquences de la politique qu’elle a mise en œuvre depuis un peu plus d’un an, à savoir une hausse sans précédent des taux d’intérêt, passés de - 0,50 % à 4 %. C’est que, après sa première mission, consacrée à l’inflation, la seconde consiste à veiller à la stabilité financière. «L’impact complet du resserrement des conditions financières n’est pas encore ressenti», prévient la BCE. La transmission de la politique monétaire à l’économie réelle prend entre 18 et 24 mois. On y arrive maintenant.


    «Les coûts plus élevés des emprunts et du remboursement de la dette vont de plus en plus mettre à l’épreuve la résilience des ménages, des entreprises et des gouvernements de la zone euro», prévient le rapport. Cette fragilité pourrait à son tour, par ricochet, déstabiliser le secteur bancaire, face à une augmentation des défaillances des emprunteurs. Le niveau de profits, au plus haut depuis quinze ans, atteint par les banques en 2022, risque de n’être que de courte durée en raison de ces «vents contraires» pesant sur leurs bilans.

    Pour les États européens, malgré une petite poussée de fièvre en octobre, la volatilité sur les marchés des obligations souveraines est restée limitée. Le relèvement par Moody’s des notations ou des perspectives des dettes de l’Italie, de la Grèce ou du Portugal la semaine dernière a rassuré. «Le pire scénario serait celui d’une absence d’accord des Européens sur la réforme des règles budgétaires de la zone euro qui pourrait créer de l’incertitude et une nouvelle hausse de leurs taux d’intérêt, en particulier ceux des pays susceptibles de faire face à des procédures pour déficit excessif», précise Luis de Guindos.

    Augmentation sensible des faillites


    Les marchés financiers sont trop optimistes au goût de la BCE, à la fois sur la conjoncture, sur une baisse prochaine des taux et sur les valorisations des entreprises. La hausse des taux se traduit déjà par une augmentation sensible des faillites. Particulièrement vulnérable, le secteur financier non bancaire pourrait faire face à des problèmes de liquidités conduisant à des ventes forcées d’actifs. «Le mur de refinancement est devant nous, prévient Raphaël Thuin, directeur de la stratégie marchés du fonds Tikehau. En 2024, 2025 et 2026, les entreprises vont avoir un gros besoin de refinancement à un moment où les marchés ont peu d’appétit pour le risque. Plusieurs émetteurs ont dû abandonner leur refinancement faute de demande. Une crise de liquidités se propage par le bas. S’il y a un grain de sable, les taux de défauts augmenteront.»


    Le problème concerne notamment les entreprises non cotées détenues par des sociétés de capital-investissement. La hausse des taux fait surtout peser une menace sur celles acquises par dette avec effet de levier (LBO), qui ont généralement un endettement important, et à taux variable. Certes, ces entreprises sont le plus souvent couvertes contre une hausse des taux. Mais cette couverture n’est pas totale. Et lors du renouvellement des contrats de couverture, les taux proposés seront inévitablement bien plus élevés. Dans certains cas, la société sera tellement en difficulté qu’il lui faudra restructurer sa dette. On n’en est pas encore là.

    «Les taux de défaillance d’entreprises rachetées par des fonds sont généralement très bas, tempère Céline Méchain, codirectrice de Goldman Sachs en France. C’était même le cas après la crise financière de 2008.» Cela tient notamment à la qualité des entreprises acquises par les fonds. Certains dossiers ont cependant défrayé la chronique ces dernières années. Confronté à une dette abyssale liée à une série de LBO géants, le groupe Vivarte, empire français de l’habillement, a disparu en 2021.

    Le fin de plusieurs années d’exubérance


    La remontée des taux d’intérêt a par ailleurs mis brutalement fin à plusieurs années d’exubérance, marquées par des levées de fonds toujours plus abondantes et des acquisitions et des cessions d’entreprises de plus en plus rapides et chères. «La remontée des taux a durablement rebattu les cartes. Le secteur a changé de paradigme et vient d’entrer dans l’âge de raison», souligne Emmanuel Laillier, directeur de l’activité de private equity chez Tikehau.

    Les difficultés du secteur, apparues en 2022, se sont amplifiées cette année. Les cessions et les rachats d’entreprises ont chuté. C’est surtout vrai pour les opérations avec LBO qui ont quasiment disparu. Depuis janvier, seules 37 opérations ont été recensées au niveau mondial par le fournisseur de données Preqin, contre 184 en 2022 et 504 en 2021! Les raisons sont multiples. La première d’entre elles est liée aux difficultés de financement des opérations. Devenues frileuses, les banques ont cessé il y a 18 mois environ de financer les acquisitions d’entreprises à plus de 300 millions d’euros. Certes, récemment, elles ont un peu rouvert les vannes du crédit mais sont toujours très prudentes et restent à l’écart des opérations avec un fort effet de levier. Les fonds de dette privée ont pris le relais des établissements financiers. Mais ils ne peuvent pas tout financer. Surtout, «la hausse des coûts de financement est ce qui impacte le plus les acteurs du capital-investissement», assure Emmanuel Laillier. Ils ont presque doublé, passant de 6,5 % à 7 % en moyenne lorsque l’opération est financée par un fonds de dette à 10 % à 12 %. Et de 3,5 % à 4 % à plus de 8 % dans le cadre d’un crédit bancaire.

    Dans le même temps, les vendeurs n’ont pas encore vraiment baissé leurs prix, à l’image de ce qui se passe dans le secteur immobilier. «Les fonds espèrent toujours céder à très bon prix leurs entreprises en dépit de la période qui est plus difficile et incertaine», note Michaël Doumet, avocat, associé au cabinet Baker McKenzie. Ce qui peut rallonger voire suspendre les opérations de ventes.

    Le marché des cessions bloqué


    Résultat, «seules, les belles sociétés très recherchées car positionnées sur des secteurs en pleine croissance (santé, technologies, éducation… NDLR) trouvent encore preneur», note Dominique Gaillard, président de la société de capital-investissement Armen. Idem pour les sociétés de petite taille, moins touchées par les difficultés de financements. Pour les autres, le marché est bloqué. «D’autant que l’incertitude économique pèse aussi beaucoup, carles fonds éprouvent souvent des difficultés à anticiper les résultats futurs des entreprises», explique Louis Godron, président d’Argos Wityu, société de capital-investissement. Faute de trouver un accord avec des acquéreurs potentiels, de nombreux fonds retirent de la vente leurs entreprises de bonne qualité, en attendant des jours meilleurs. C’est le cas, par exemple, d’Ardian qui ne serait plus vendeur des écoles d’AD Éducation.

    «Pour l’instant, on ne voit pas de fonds devant vendre de manière forcée une entreprise, relève Céline Méchain. Tous cherchent des solutions, en allongeant par exemple la vie de leurs fonds.» Ils misent ainsi dans l’intervalle sur le développement de l’entreprise dans l’espoir de la vendre plus cher ultérieurement. Alors que la Bourse n’offre plus d’option de sortie, le marché des introductions étant fermé, les fonds sont également de plus en plus nombreux à transférer les actifs - de qualité - qu’ils ne parviennent pas à vendre dans un fonds de continuation, dont la durée de vie n’est pas limitée.

    Levées de fonds plus rares


    «Beaucoup de fonds peuvent se permettre d’avoir une année blanche, sans cessions, explique Franck Portais, associé à la banque d’affaires Alantra. Mais ils ne pourront pas le faire une deuxième année consécutive. Certains devront trouver des options de liquidités dont, dans certains cas, des cessions, quitte à le faire dans des conditions dégradées par rapport à leurs attentes initiales.»D’autant que les fonds doivent rendre régulièrement l’argent aux investisseurs. Or, avec le fort ralentissement du marché, cela devient difficile et pèse sur les levées de fonds qui se raréfient et se compliquent. «Les investisseurs qui ne récupèrent pas leur mise réinvestissent moins dans le capital-investissement», souligne Emmanuel Laillier. D’autant que le secteur aux rendements alléchants (10 % à 18 %) est désormais concurrencé par les emprunts d’État, moins risqués, liquides et rémunérateurs.

    Après de longs mois de travail, les français Astorg, PAI et Montefiore par exemple sont parvenus récemment à boucler les leurs. Idem au niveau européen avec CVC (26 milliards d’euros!) ou Keensight. Mais les difficultés risquent de se prolonger. «Les levées devraient rester difficiles l’an prochain. Ce qui va conduire à une réduction du nombre d’acteurs de capital-investissement», avance Jean Raby, associé chez Astorg.

    La concentration du secteur est déjà à l’œuvre. Wendel vient par exemple de racheter le gestionnaire IK Partners. D’autres opérations vont suivre. Les fonds de trop petite taille ou trop généralistes sont les plus fragilisés. En attendant, les fonds de capital-investissement ont gelé leurs embauches. Et les rémunérations astronomiques au temps de l’âge d’or se réduisent. Le début de l’année 2024 s’annonce morose. «Tant que les taux ne se stabiliseront pas, le marché tournera au ralenti», prévoit Dominique Gaillard.

    Par Bertrand Collomb et Danièle Guinot
    وألعن من لم يماشي الزمان ،و يقنع بالعيش عيش الحجر
Chargement...
X