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En Suède, “les gens montent aux barricades” contre les éoliennes

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  • En Suède, “les gens montent aux barricades” contre les éoliennes


    Le pays scandinave fait figure de modèle en matière d’éolien. Pourtant la transition énergétique se heurte désormais à un mouvement de résistance à la tournure de plus en plus “idéologique”. Notamment en Dalécarlie, où le quotidien “Dagens Nyheter” est parti en reportage en mars dernier pour mieux comprendre le phénomène.

    Dagens Nyheter
    Traduit du suédois




    Selon les chercheurs, les institutions et le gouvernement suédois, c’est grâce au développement accéléré de l’éolien que le pays pourra atteindre ses objectifs climatiques.
    DESSIN DE BOLIGÁN PARU DANS “EL UNIVERSAL”, MEXICO.Partager



    Au milieu des forêts de la Dalécarlie, le sentier serpente sur des kilomètres avant d’arriver à la propriété de Kybacken. “Le silence et le calme : tout ce que les gens aiment ici. Sauf que maintenant, ils veulent nous mettre des tours Eiffel là-haut”, se désole Angelica Klockar en jetant un regard en direction de la colline derrière elle.

    Arrivée ici avec sa famille quand elle était encore enfant, Angelica travaille avec les chevaux depuis qu’elle a fini le collège, voilà treize ans. Dans la cuisine, les murs sont recouverts de récompenses résumant sa carrière de jockey. C’est ici qu’elle vit avec sa mère, Annika Larsson. Mère et fille font désormais partie du mouvement d’opposition aux éoliennes dans la commune de Smedjebacken, où quatre nouveaux projets doivent voir le jour, représentant au total 83 éoliennes.

    Installées à la table de la cuisine, les deux femmes confient leurs craintes – pour elles-mêmes mais surtout pour leurs chevaux. Comment vont-ils réagir aux ombres projetées par ces ailes toujours en mouvement ? Et aux lumières scintillantes dont doit être équipé chaque mât ? Sans parler du chantier de construction. Il faudra peut-être élargir les routes ou en aménager d’autres. Pourra-t-on encore passer avec un cheval et son sulky pour s’entraîner comme d’habitude ?

    L’avenir du pays en jeu


    Les échanges avec les sociétés d’éoliennes ne les ont pas rassurées. “Il y a un déficit d’information alors on commence à chercher par nous-mêmes”, explique Angelica, avant de citer un article sur le syndrome éolien et l’impact sur le développement des fœtus chez les animaux. Elle est consciente que tout n’est pas vrai sur Internet. “Mais cela vient bien de quelque part ?” Alors que les questions s’accumulent et que les réponses demeurent insuffisantes, les conclusions, elles, sont drastiques. “On ne pourra pas rester ici.”


    COURRIER INTERNATIONAL

    Il ne s’agit pas seulement de la vie d’une ferme équestre, mais de l’avenir de la Suède.

    Les conflits comme celui-ci ne sont qu’un avant-goût de ce qui risque de se produire dans de nombreuses autres régions dans les années à venir. Car selon les chercheurs, les institutions et maintenant le gouvernement, c’est grâce au développement accéléré de l’éolien que le pays pourra atteindre ses objectifs climatiques. La ministre de l’Énergie, Ebba Busch (KD, Chrétiens-démocrates) en convient : après avoir mis en garde contre les “forêts d’acier” pendant sa campagne électorale, elle estime à présent qu’il “faut de l’éolien partout”.

    Il s’agit d’ériger des milliers de nouvelles éoliennes. Et il faut bien les mettre quelque part. Pour les autorités, “l’acceptation des citoyens” est la clé de voûte de ces projets. Autrement dit, il faut convaincre la population des bienfaits des éoliennes pour faire accepter leur présence.

    L’éolien, une fausse piste ?


    Sven et Görel Willen, eux, ne l’entendent pas de cette oreille. S’ils se sont installés ici à Resmoren, sur la commune de Smedjebacken, c’est pour vivre en liberté, près de la nature et des animaux : chevaux, chiens, poules. Ils ont renoncé aux moutons à cause des loups. Ici, on fait les chemins soi-même avec son tracteur et on se chauffe avec son propre bois. On vit loin d’à peu près tout.

    Ils ont appris la mauvaise nouvelle alors qu’ils préparaient la rénovation de leur cuisine. Par courrier, leur banque leur a annoncé qu’elle “ne pouvait malheureusement pas [leur] accorder de crédit sur la valeur de leur propriété” en raison d’un projet d’éoliennes à proximité qui allait “réduire de moitié la valeur de [leur] terrain”. “Ç’a été très dur pour nous”, reconnaît Sven Willen.

    Selon lui, l’éolien est une fausse piste qui met en péril le réseau électrique autant que le bien-être des habitants. Ingénieur civil de métier, il assure comprendre les questions liées à l’électricité. Avec Görel, il estime que c’est l’énergie nucléaire qui permettra de résoudre la crise énergétique et les défis climatiques.

    Pas question pour autant de se plaindre sans rien faire. Le couple est désormais un maillon central du mouvement de résistance locale. Sur leur site Internet, “Non aux éoliennes à Smedjebacken”, on trouve une rubrique “la démocratie en question”.

    Changement d’attitude


    Changement d’attitude


    La Suède a déjà connu une première vague de multiplication des éoliennes : entre 2011 et 2021, leur nombre est passé d’environ 2 000 à près de 5 000. Aujourd’hui, l’éolien représente près d’un cinquième de la production d’électricité du pays. Pourtant, le rythme ralentit. En 2021, près de 8 communes sur 10 ont exercé leur droit de veto pour bloquer la construction d’éoliennes. Les autorités reconnaissent qu’il n’est pas du tout certain que l’éolien poursuive son développement au rythme prévu dans les prochaines années.

    Si les éoliennes sont une source d’énergie relativement populaire, on observe un net changement d’attitude concernant leur présence à proximité des habitations. Pour la première fois, des travaux de l’Institut SOM, à Göteborg, montrent une claire majorité d’opinions négatives. Des études du même institut révèlent également une forme de désaffection à l’égard des éoliennes dans les communes où plusieurs ont déjà été érigées.

    Derrière les chiffres, il y a des hommes et des femmes – qui se mobilisent. Ce qui n’était autrefois qu’une poignée d’initiatives locales forme à présent un réseau d’action national au cœur duquel se trouve Madeleine Staaf Kura. Elle est l’une des figures de proue de Motvind Sverige, un centre de coordination suédois de la résistance aux éoliennes lié à des organisations similaires dans toute l’Europe.

    Avant, c’était essentiellement des zones rurales qui étaient touchées et elles n’avaient aucune possibilité de se défendre face aux entreprises, aux avocats, aux autorités et à leurs soi-disant experts. Aujourd’hui, cela touche des régions plus peuplées où davantage de gens peuvent se mobiliser. Les Suédois n’ont pas l’habitude de monter aux barricades, mais c’est ce qui se passe aujourd’hui”, explique Madeleine Staaf Kura.

    Un nouveau front dans la guerre idéologique


    Madeleine Staaf Kura a trouvé un allié en la personne de Kent Ekeroth, ancien député des Démocrates de Suède (extrême droite), aujourd’hui responsable régional en Dalécarlie. S’il s’est surtout illustré par ses virulentes critiques de l’islam, Ekeroth s’est aussi intéressé à la question des éoliennes.

    Ensemble, ils ont eu l’idée de réaliser un documentaire pour présenter leurs points de vue. Financé via Samnytt, un site d’information populiste animé par Ekeroth, le film a été publié sur YouTube et enregistrait plus de 200 000 vues [en mars dernier]. Pour Ekeroth, les éoliennes sont une nouvelle preuve que l’establishment prend des décisions sans écouter le peuple. “Ce sont les mêmes personnes qui se sont déjà trompées sur les questions d’immigration et de criminalité”, assure-t-il.

    Au-delà des questions de politique énergétique sur les kilowattheures ou les nuisances sonores, le débat a pris une tournure idéologique. L’éolien est un nouveau front dans la guerre idéologique d’aujourd’hui, explique Andreas Johansson Heinö, directeur du laboratoire d’idées Timbro.

    “[C’est un sujet qui permet de] faire le tri entre ses amis et ses ennemis. Ceux qui pensent la même chose sur les questions d’immigration, les droits LGBTQ et les valeurs en général se retrouvent souvent dans le débat sur les éoliennes”, explique-t-il.

    “Les détracteurs des éoliennes ont l’impression qu’une élite décide d’implanter une éolienne ici ou là, et tant pis si cela leur gâche le paysage.”
    “Ils ont tout intérêt à jouer sur ce sentiment de menace, poursuit-il. [Les Démocrates de Suède] est le parti le plus opposé à l’éolien, le seul qui compte encore des climato-sceptiques dans ses rangs.”

    Intérêt général


    On observe également la même ligne de fracture entre villes et campagnes, déjà constatée sur d’autres sujets. Les zones rurales sont désormais beaucoup plus hostiles aux éoliennes que les villes. Il y a dix ans, c’était l’inverse.

    Les éoliennes sont devenues un sujet qui touche à l’identité, explique Andreas Johansson Heinö. “À mesure que la question devient plus pressante, de plus en plus de gens se sentent obligés de choisir un camp.”


    Elle s’élève droit dans le ciel, au sommet de Uvberget, juste à côté du centre de Smedjebacken : une colonne de 74 mètres de haut traçant comme une ligne blanche dans le ciel bleu de cette fin d’hiver. Ses lourdes pales tranchent l’air. Voilà Hanna, dit Kalle Johansson, représentant social-démocrate de Smedjebacken. “Hanna appartient à un groupement économique dont les habitants ont pu acheter des parts. Ce que beaucoup ont fait”, explique-t-il.

    Non loin de là se dresse Boel. En quelques années, Smedjebacken pourrait voir son nombre d’éoliennes passer de deux à 85. En tant que vice-président du comité de construction, Johansson a reçu de nombreuses questions. Il est fondamentalement optimiste. “Nous vivons dans une région où les besoins en énergie sont importants, explique-t-il. Nous avons un laminoir qui a toujours été le pilier de l’activité de Smedjebacken. Hitachi a installé une usine ici.”


    “Non, un point c’est tout”


    C’est pourquoi il a le soutien des représentants de l’industrie locale. “Je comprends très bien que des gens ne veuillent pas d’éoliennes à côté de chez eux. Mais dans cette région, de tout temps, nous avons dû exploiter les ressources. Autrefois c’était les mines, puis la forêt, et maintenant c’est le vent.”
    “Il y a toujours des mécontents. Mais il faut arbitrer entre un individu et la collectivité.”
    Il y a onze ans, le premier projet d’éoliennes n’a suscité aucune opposition majeure dans la commune. Aujourd’hui, les esprits sont divisés. Kalle Johansson estime qu’un des parcs pourrait bien être rejeté. “Il y a peut-être un peu trop de projets éoliens à Smedjebacken”, reconnaît-il. “Nous verrons bien au fur et à mesure.”

    Y aurait-il moyen d’apaiser les tensions ? Pour Johansson, il serait bon d’offrir des compensations aux habitants et aux communes concernés, mais les opposants de Smedjebacken ne semblent pas intéressés. “Cela ressemble à un pot-de-vin”, lâche Annika Larsson à Kybacken.

    “Ce n’est pas seulement pour moi. Nous disons non aux éoliennes, un point c’est tout”, conclut Görel Willen à Resmoren.

    Hans Rosén et Hugo Ewald Hurinsky
    وألعن من لم يماشي الزمان ،و يقنع بالعيش عيش الحجر
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