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Pollution. Le temps des taxes carbone est bien arrivé

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  • Pollution. Le temps des taxes carbone est bien arrivé

    La tarification des émissions de gaz à effet de serre est l’un des outils privilégiés pour contraindre l’industrie à verdir sa production. Instauré le 1ᵉʳ octobre, le système européen d’ajustement carbone aux frontières (MACF) fait figure d’exemple. Aujourd’hui, 49 pays ont instauré un mécanisme de prix ou de compensation carbone, relève “The Economist”.



    Aujourd’hui, 49 pays auraient instauré un mécanisme de prix ou de compensation carbone selon “The Economist”. DESSIN DE CÔTÉ PARU DANS LE SOLEIL, QUÉBEC.Partager
    Pour limiter le réchauffement climatique, tout le monde ou presque est d’accord, il faut renoncer au plus vite aux combustibles fossiles. Choisir la façon d’y parvenir est plus compliqué. Les économistes sont favorables à la fixation d’un prix des émissions de gaz à effet de serre (GES), mécanisme que l’Union européenne a introduit dès 2005. Le marché peut ainsi identifier les sources de GES les moins onéreuses à réduire et la société lutte ainsi à moindres frais contre le changement climatique.

    Mais certains responsables politiques redoutent que cela provoque une hausse des coûts – et la colère des consommateurs. Les États-Unis, sous la présidence de Joe Biden, ont ainsi préféré distribuer des centaines de milliards de dollars pour verdir les chaînes d’approvisionnement.

    Pourtant, le reste du monde commence à adopter la méthode européenne, et la tarification des émissions [par un mécanisme d’échanges de quotas] se développe dans les pays riches comme dans les pays pauvres. Voyez l’Indonésie, neuvième plus gros pollueur de la planète. L’archipel affiche des ambitions vertes, alors qu’il émet 620 millions de tonnes d’équivalent CO2 par an, et que près de la moitié de sa consommation d’énergie (en forte hausse) provient du charbon.

    23 % des émissions mondiales

    Le 26 septembre, lors du lancement du premier marché carbone indonésien, le président Joko Widodo s’est targué de faire du pays une plaque tournante du commerce du carbone, et les banques locales se sont empressées d’acheter les crédits d’un fournisseur d’énergie géothermique. Le pays a aussi mis en place un système d’échange de quotas d’émissions en février, qui oblige les grandes centrales à charbon à acheter des permis au-delà d’un certain seuil d’émissions.

    Bref, même dans les pays connus pour être plutôt des pollueurs, les choses bougent. Au début 2023, le marché carbone couvrait 23 % des émissions mondiales, contre seulement 5 % en 2010. Selon le Fonds monétaire international (FMI), 49 pays ont instauré des mécanismes de tarification du carbone et 23 autres envisagent de le faire.

    La politique novatrice lancée par l’Union européenne le 1er octobre, avec le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), prévoit de soumettre les produits importés dans l’Union à une tarification du carbone, à partir de 2026. Ce qui devrait fortement inciter les entreprises du continent à pousser leurs fournisseurs, partout dans le monde, à se montrer plus vertueux.

    Il y a trois façons de pratiquer la tarification carbone. La première passe par la création de nouveaux marchés et de nouvelles taxes. C’est ce qu’a fait l’Indonésie. Si tout se passe comme prévu, une taxe carbone viendra s’ajouter à son marché. Le Japon, lui, a lancé en avril un marché national de compensation volontaire des émissions carbone, qui vient compléter un système régional de plafonnement et d’échange des droits d’émissions.

    En vertu de ce système, appelé à se durcir, les entreprises responsables d’environ 40 % de la pollution du pays devront rendre publiques leurs émissions de GES et se fixer des objectifs de réduction. Le Vietnam travaille de son côté sur un système d’échange de quotas qui devrait être opérationnel en 2028. Les entreprises dépassant un certain seuil d’émissions devront les compenser en achetant des crédits.

    Des mesures plus contraignantes


    Deuxième approche : les pays qui disposent déjà de marchés établis en durcissent les règles. Le Centre national chinois de stratégie climatique a annoncé en septembre que son système d’échange de quotas d’émissions, le plus important du monde, ne se concentrera plus uniquement sur l’intensité carbone [le rapport des émissions de CO2 à la production de l’entreprise] des centrales au charbon, mais à la fois sur leur intensité et sur leurs émissions totales. Le système sera lié à un marché de crédits carbone, ce qui permettra aux centrales électriques de remplir leurs obligations en achetant des crédits pour des projets d’énergies renouvelables, de forestation ou de restauration des mangroves.

    L’Australie, qui avait abandonné sa première taxe carbone en 2014, a pour sa part réformé son “mécanisme de sauvegarde”. Depuis juillet, les [215] installations industrielles responsables de 28 % des émissions du pays doivent les réduire de 4,9 % par an. Celles qui n’y parviendraient pas doivent acheter des compensations, qui se négocient à environ 20 dollars la tonne.

    Enfin, il y a les mécanismes transfrontaliers. Celui de l’UE est de loin le plus avancé. Dans le cadre du MACF, pendant la phase de transition [dite “à blanc”, du 1er octobre 2023 à la fin 2025], les importateurs d’aluminium, de ciment, d’électricité, d’engrais, d’hydrogène, de fer et d’acier devront déclarer ce qu’ils achètent hors de l’UE et l’équivalent d’émissions de carbone (générées par la production et le transport). À partir de 2026, ils devront payer une taxe équivalente à la différence entre le coût carbone de ces émissions dans le système de l’UE et le prix du carbone payé par l’exportateur sur son marché intérieur. Par ailleurs, les quotas gratuits accordés à certains secteurs seront peu à peu supprimés, tandis que les secteurs du bâtiment et des transports seront intégrés au marché.

    Les prix du carbone sont-ils efficaces ?


    Il faudra du temps pour que la plupart de ces systèmes fassent sentir leurs effets. Beaucoup en Asie sont fragiles et les prix trop bas pour entraîner de vrais changements – bien en deçà du prix actuel [moyen du quota d’équivalent CO2] de l’UE. À environ 90 euros, il n’atteint toujours pas l’estimation du coût social des émissions de CO2 établi par les économistes du climat [en compilant les effets négatifs sur la santé, sur l’économie de l’émission d’une tonne de CO2]. Par exemple, la moitié des centrales au charbon visées par le système chinois d’échange de quotas d’émissions sont soumises à un prix du carbone négatif : elles sont en fait payées pour brûler du combustible sale, l’intensité de leurs émissions étant inférieure à la moyenne nationale, explique Lauri Myllyvirta, du Centre for Research on Energy and Clean Air [un groupe de recherche finlandais indépendant].

    Partout dans le monde, les militants dénoncent le système des compensations, qui permet aux entreprises de faire du greenwashing en se présentant faussement comme écoresponsables. Certains programmes peinent par ailleurs à prouver leur efficacité. L’an dernier, une équipe d’universitaires, dirigée par Andrew Macintosh, de l’Université nationale australienne, a affirmé que le reboisement comptabilisé en crédits carbone dans le pays n’avait pas eu lieu ou qu’il aurait été de toute façon effectué même sans les paiements au titre de compensations.
    LIRE AUSSI : Une du jour. Le marché des compensations carbone est un “scandale climatique”
    Même limités, les systèmes de tarification carbone aideront malgré tout à modifier les comportements, tout simplement parce qu’ils poussent à mesurer les émissions. Deux ans après sa mise en œuvre, le programme chinois d’échange de quotas a été entaché de fraudes, des consultants étant soupçonnés d’avoir aidé des usines à falsifier leurs échantillons. Les autorités ont annoncé au début de l’année des mesures de répression et se disent désormais satisfaites de la qualité des informations.

    Aux États-Unis, malgré l’absence de tarification carbone, les entreprises sont également incitées à contrôler leurs émissions. Joe Biden a imposé aux fournisseurs de l’État fédéral de publier le montant de leurs émissions et de mettre en place des plans pour les réduire. De nombreuses grandes entreprises se sont fixé un objectif de zéro émission nette. C’est le cas d’Apple, la plus grande entreprise du monde, qui s’est engagée à atteindre la neutralité carbone pour sa chaîne d’approvisionnement d’ici 2030.

    Le MACF constitue pour les industriels une incitation encore plus forte à suivre avec précision leur empreinte carbone. Son principal objectif est de permettre à l’UE de lutter contre les “fuites de carbone”. En effet, avant son introduction, la tarification carbone en Europe équivalait à faire davantage payer les industriels des États membres que ceux d’autres pays aux plans de décarbonation moins ambitieux. Ce qui incitait les importateurs à s’approvisionner en matières premières à l’étranger, même si celles-ci étaient plus polluantes. Pour y remédier, l’UE a alors délivré des permis [de polluer] aux industriels. Ces quotas gratuits disparaîtront au fur et à mesure de la montée en charge du MACF.

    Vers des droits de douane carbone



    Pendant sa phase de transition, le MACF constitue simplement un obstacle supplémentaire (une “barrière non tarifaire”) pour les exportateurs vers l’UE. Il oblige les entreprises européennes à déclarer les émissions réelles de leurs importations. Si elles ne disposent pas de ces données, elles doivent utiliser les valeurs de référence fournies par l’UE, basées sur les émissions des industries les plus polluantes de l’Union.

    On pourrait bientôt voir les droits de douane carbone se multiplier. En Australie, le gouvernement a récemment annoncé une étude sur les fuites de carbone qui devrait envisager ce genre de solution. En 2021, les États-Unis et l’Union européenne ont mis un terme à un différend commercial né sous la présidence de Donald Trump, en entamant des négociations sur un accord mondial sur l’acier et l’aluminium durables. Les États-Unis souhaitent qu’un tarif douanier externe commun s’applique aux aciéristes polluants. Cependant, comme le pays n’a pas instauré de tarification nationale du carbone, la mesure enfreindrait les règles de l’Organisation mondiale du commerce. Si l’UE et les États-Unis ne parviennent pas à un accord, les droits de douane de l’ère Trump et les mesures de rétorsion de l’UE seront rétablis.

    Il existe un effet domino de la tarification carbone. Dès lors qu’un secteur y est soumis, les entreprises concernées exigent naturellement que leurs concurrents respectent les mêmes règles. Les centrales au charbon font ainsi pression pour que les centrales au gaz subissent les mêmes contraintes. Et les États ont intérêt à ce que leurs entreprises exportatrices s’acquittent d’une compensation carbone chez eux plutôt que de droits de douane à l’étranger.

    Reste à savoir si la chute des dominos sera assez rapide. Aucun système d’échange de quotas ou presque ne s’attaque par exemple aux émissions de l’immobilier résidentiel ou de l’automobile, ce qui serait vraiment douloureux pour les consommateurs. Dans leur choix d’instaurer des systèmes de tarification du carbone, puis de les élargir et de les muscler, les décideurs politiques sont soutenus par la plupart des économistes et progressent plus rapidement qu’on ne l’imagine. Mais à l’avenir, ils n’auront pas d’autre solution que de rendre ces mesures encore plus gênantes s’ils veulent minimiser les effets du changement climatique. Alors, il leur faudra aussi convaincre les électeurs.

    The Economist.
    وألعن من لم يماشي الزمان ،و يقنع بالعيش عيش الحجر
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