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Olivier Blanchard, ancien chef économiste du FMI, tire la sonnette d’alarme sur la dette

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  • Olivier Blanchard, ancien chef économiste du FMI, tire la sonnette d’alarme sur la dette

    L’ancien chef économiste du Fonds monétaire international s’inquiète des risques d’explosion de l’endettement aux Etats-Unis et des conséquences des mesures prises pour réduire les déficits en Europe.

    Par Arnaud Leparmentier(New York, correspondant)




    L’économiste français et ancien économiste en chef du Fonds monétaire international, Olivier Blanchard, au siège du FMI, à Washington, le 9 novembre 2023. JIM WATSON / AFP

    L’affaire commence par une plaisanterie d’économistes, et c’est Jean Pisani-Ferry qui la fait sur X (anciennement Twitter). « Une citation de Keynes que j’adore est “Quand les faits changent, je change d’avis. Que faites-vous, Monsieur ?” Comme l’illustre ce court article du Peterson Institute, OIivier Blanchard est définitivement un économiste keynésien », écrit Jean Pisani-Ferry. Indeed.

    Olivier Blanchard, 74 ans, est keynésien depuis toujours, quand plus personne ne l’était ou presque. L’ancien économiste en chef du Fonds monétaire international (2008-2015) était de ceux qui avaient reproché, après la grande faillite financière de 2008 et lors de la crise des dettes souveraines, un soutien budgétaire trop timoré aux économies occidentales, en raison de l’obsession de l’équilibre budgétaire. Il fait aussi partie de ceux qui ont mis en garde sur le retour de l’inflation dans la foulée de la pandémie de Covid-19, notamment lors de l’adoption du plan de soutien jugé excessif et à contretemps de Joe Biden en mars 2021. Un pedigree donc impeccable pour un économiste modéré et fort influent outre-Atlantique.

    Et voilà que, dans un texte publié sur le site du Peterson Institute, cercle de réflexion pro-mondialisation de Washington, Olivier Blanchard réalise une volte-face magistrale sur la dette et les déficits publics. En cause, l’envolée des taux d’intérêt à long terme américains, qui ont dépassé 5 % courant octobre, du jamais vu depuis 2007, et sont aujourd’hui à plus de 4,5 %.

    Une nouvelle cure d’austérité


    « Si les marchés ont raison sur les taux longs réels, les ratios de dette publique augmenteront pendant un certain temps. Nous devons nous assurer qu’ils n’explosent pas », écrit Olivier Blanchard. « Je n’avais certainement pas prévu l’envolée des taux longs », confie au Monde l’économiste, qui reprend à son compte la plaisanterie de Pisani-Ferry. « A titre personnel, je pense que les marchés se trompent, mais il est trop dangereux de faire ce type d’hypothèse. Si je suis ministre des finances, je dois présenter un plan budgétaire cohérent pour ne pas terroriser les marchés. »

    L’affaire fait déjà très mal aux Etats-Unis. Pour l’exercice clos le 30 septembre 2023, les dépenses d’intérêts sur la dette américaine ont bondi de 184 milliards de dollars (172 milliards d’euros) pour atteindre 659 milliards de dollars, soit 2,4 % du PIB. Le taux moyen de la dette américaine est actuellement de 2,97 %. Et l’addition risque de s’amplifier, avec la hausse des taux. Pour éviter d’hypothéquer trop durement l’avenir, le Trésor américain a décidé de s’endetter moins que prévu à dix ans et trente ans, privilégiant des durées de deux à cinq ans et en espérant que le loyer de l’argent allait retomber.

    « Ce qu’il faut en effet éviter à tout prix, c’est l’explosion de la dette, qui se produirait si les déficits primaires [qui ne prennent pas en compte les intérêts de la dette] ne disparaissaient pas », écrit Olivier Blanchard. Plus facile à dire qu’à faire : « L’assainissement budgétaire est confronté à deux défis. Premièrement, la nécessité de supprimer des programmes populaires ou d’augmenter des impôts impopulaires. Deuxièmement, le risque d’une contraction durable de la demande globale, générant une hausse du chômage. »

    L’économiste s’inquiète déjà d’un Occident qui s’infligerait une nouvelle cure d’austérité. « Le tournant radical vers l’austérité budgétaire, qui a eu lieu de 2010 à 2014 en Europe et qui est largement considéré aujourd’hui comme ayant été trop rapide, entravant la reprise européenne, devrait servir de mise en garde », écrit Olivier Blanchard, qui note que les pays développés doivent de surcroît financer la défense et la transition énergétique. « Il y a moins d’espace budgétaire qu’il n’y en avait avant. Mais je dis cela aussi pour éviter une surréaction. Il faut faire les choses lentement, calmement », décrypte l’économiste, joint par Le Monde.

    « Je vois les règles budgétaires discutées à Bruxelles et je suis un peu inquiet », poursuit Olivier Blanchard, déplorant en particulier l’obligation de réduire la dette dans un délai précis : « Cela me paraît rigoureusement impossible. » « Si une telle règle est introduite, elle sera soit violée, au détriment de la crédibilité des nouvelles règles, soit elle entraînera des conséquences économiques et politiques catastrophiques, sans parler d’une probable réduction des investissements verts publics indispensables », écrit l’économiste sur son blog.

    « Des scénarios assez terrorisants »


    Quant aux Etats-Unis, la situation y est hors de contrôle. Les républicains refusent toute hausse d’impôts – et Joe Biden y est lui aussi largement opposé, refusant de taxer les ménages gagnant moins de 400 000 dollars par an. Nul ne veut s’attaquer aux dépenses sociales, la retraite par répartition (la Social Security) et les dépenses publiques de santé pour les personnes âgées Medicare. Enfin, le financement la transition énergétique se fait à coups de subventions budgétairement très coûteuses.

    « En ce qui concerne les Etats-Unis, où le déficit primaire est d’environ 4 % et où les taux semblent supérieurs à la croissance, le défi est encore plus grand. Et compte tenu du dysfonctionnement actuel du processus budgétaire, il faut craindre que l’ajustement n’ait pas lieu de sitôt. Le taux d’endettement devrait donc augmenter pendant un certain temps. Il faut espérer qu’il n’explosera pas un jour », s’inquiète pudiquement Olivier Blanchard dans son texte.

    Les Etats-Unis disposent d’une telle puissance économique avec le dollar et leur technologie que nul ne veut croire à la possibilité rapide d’une grave crise financière. Pourtant, glisse l’économiste, « il existe des scénarios assez terrorisants qu’on peut imaginer ». Par exemple celui d’un Donald Trump réélu, qui nommerait à la tête de la banque centrale, la Fed, un président acceptant de monétiser le déficit budgétaire américain (en créant de la monnaie) et ferait s’envoler les anticipations d’inflation.

    On n’en est pas là, mais son texte, parce qu’il vient d’un modéré, révèle un sérieux changement de climat : « L’avantage d’être une colombe, résume Olivier Blanchard, c’est que cela me donne un peu plus d’autorité. » Chacun sera prévenu.
    وألعن من لم يماشي الزمان ،و يقنع بالعيش عيش الحجر
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