En 2021, le Pacte climatique de Glasgow, signé par 200 pays, établit que la suppression progressive des subventions aux combustibles fossiles est une étape fondamentale pour la réussite de la transition vers des énergies respectueuses de l’environnement.
Deux ans plus tard, l’Agence internationale de l’énergie (IAE) et l’OCDE révèlent que ces subventions ont doublé en 2022 par rapport à 2021. Elles atteignent désormais 1 500 milliards de dollars de soutien pour l’ensemble des secteurs de l’économie pour faire face à l’augmentation des prix de l’énergie.
Si ces subventions semblent de prime abord favorables au consommateur (notamment dans le cas du bouclier tarifaire ou des chèques énergie), elles sont en réalité mal fléchées. Elles ne profitent pas aux plus démunis, accroissent les inégalités, creusent les dettes et dégradent le climat.
Le Fonds Monétaire International (FMI) a récemment apporté un complément à cette étude avec une estimation des préjudices sociaux et environnementaux engendrés mondialement par ces subventions. Ce sont 6 000 milliards de dollars par an de coûts supplémentaires qui sont supportés par les collectivités.
Montant qui est à mettre en regard des 4 000 à 6 000 milliards de dollars par an d’investissement nécessaires selon l’Organisation des Nations Unies (ONU) pour la transformation mondiale vers une économie à faibles émissions de carbone.
Et, cerise sur le gâteau, si les profits des compagnies pétrolières et gazières explosent, elles rechignent aujourd’hui à participer à l’effort collectif et n’hésitent pas comme Shell à pratiquer l’évasion fiscale. Hélas, cela pourrait être pire demain.
Certains acteurs majeurs du secteur (Shell ou Exxon Mobil) vendent leurs puits de pétrole moribonds à des firmes moins capitalisées pour échapper à leurs obligations futures de remise en état environnementale de leurs exploitations.
Rien qu’en Californie, le rebouchage des 250 000 puits de pétrole ou de gaz – pour protéger les ressources en eaux souterraines, prévenir la pollution de surface et arrêter les émissions de méthane –est estimé à 21 milliards de dollars. Par ailleurs, les profits projetés des compagnies exploitant ces puits atteignent à peine un tiers de cette somme… Sans compter les mises en faillite délibérées de certaines entreprises pour se défaire de leurs obligations.
Avec plus de 2 millions de puits de pétrole non bouchés qui seraient disséminés rien qu’aux États-Unis, la facture risque d'être lourde… et probablement à la charge du contribuable. À l’échelle mondiale, c’est près de 30 millions de puits « zombies » qui sont ainsi laissés à l’abandon…
Les subventions directes aux combustibles fossiles tutoient les sommets : 1 500 milliards en 2022
Avec les tensions causées par la guerre entre l'Ukraine et la Russie et les coupures brutales des livraisons de gaz naturel russe à l'Europe, les prix des combustibles fossiles ont été élevés et volatils en 2022.
Les interventions politiques des gouvernements ont permis de protéger les consommateurs de l’explosion des prix sur les marchés internationaux. Elles ont revêtu différentes formes selon les pays : recapitalisation de sociétés, suspension de la dette et soutien aux entreprises du secteur de l'énergie ou aux industries clés à forte intensité énergétique, allègement de taxes, plafonnement des prix, facilités ou aides aux paiements de factures énergétiques, etc.
En maintenant les prix réellement payés par les différents consommateurs inférieurs aux prix des marchés mondiaux, ces interventions ont rendu les combustibles fossiles artificiellement compétitifs par rapport aux alternatives à faibles émissions de gaz à effet de serre.
Les dépenses publiques affectées aux contrôles des prix des combustibles fossiles dans les pays ont ainsi atteint en 2022 plus de 1 000 milliards de dollars à l'échelle mondiale.
C’est de loin le montant le plus élevé jamais relevé par l’IAE, le double par rapport à 2021 et presque l'équivalent du produit intérieur brut (PIB) d’une économie comme celle du Mexique.
Si ces aides sont en majorité le fait des pays émergents ou en développement, l’organisme estime d'autre part à plus de 600 milliards de dollars supplémentaires les subventions au consommateur pour réduire la facture énergétique des combustibles fossiles, dont 350 milliards rien qu’en Europe. Un montant très certainement sous-estimé de l'aveu même de l'OCDE dans la description de sa méthodologie.
Les derniers chiffres de l’OCDE pour la France montrent que l’hexagone est sur des sommets depuis 2018 (bien avant le déclenchement de la guerre en Ukraine) avec 10 milliards de dollars dépensés sous forme d’allègement de taxes et de « chèques solidarité » aux particuliers et industriels. Fléchés essentiellement vers les dérivés du pétrole, c’est trois fois plus qu’en 2010.
Un chiffre bien loin des estimations du dernier rapport d’information du Sénat, pour qui les aides aux consommateurs d’énergie – dont l’électricité d’origine non fossile – sont de l’ordre de 85 milliards d’euros depuis 2021. Si le soutien français cible en majorité une électricité qui est largement décarbonée en France (50 milliards à 60 milliards sur les 85 milliards d’euros d’aide), celle-ci est soumise aux évolutions des prix du marché européen de l’électricité, lequel est fortement corrélé au prix du gaz... Il est difficile dans ces conditions d’identifier clairement la part dévolue aux énergies fossiles.
Si ces subventions semblent de prime abord favorables au consommateur qui ne voit pas sa facture énergétique exploser, elles infligent pourtant une lourde peine aux populations. Mal ciblées, ces mesures ne bénéficient pas aux plus vulnérables. Elles exacerbent les inégalités, aggravent les dettes, contribuent à la détérioration de la qualité de l'air et au changement climatique.
Elles favorisent également le maintien du « business as usual » et avec lui l’augmentation constante des émissions de gaz à effet de serre et de la pollution. L'année 2022 a d’ailleurs marqué un record d'émissions avec 36,6 milliards de tonnes de CO2, presque 1 % de plus que 2021 et un niveau plus élevé que pré-pandémie de Covid.
Les préjudices liés à ces subventions sont au minimum de 6 000 milliards de dollars supplémentaires
Un récent rapport du FMI évalue à 6 000 milliards de dollars par an les subventions supplémentaires dites « indirectes » ou « implicites » aux énergies fossiles. Il s’agit du coût indirect infligé à la population et à la planète par ces subventions : pollution, émissions de gaz à effet de serre, externalités liées au transport, destruction du milieu naturel, etc. À elle seule, la pollution est responsable de 7 millions de décès prématurés par an dans le monde, principalement dans les pays les plus pauvres.
Dit autrement, 6 000 milliards de dollars de coûts environnementaux n’ont pas été facturés aux entreprises l’année dernière. Une estimation certainement sous-évaluée et qui devrait plutôt être presque du double selon une récente étude publiée dans la revue scientifique Nature.
Avec les aides directes (subventions amenant le coût pour l'utilisateur en dessous du prix du marché), c'est un total de plus 7 000 milliards, soit 7 % du PIB mondial, qui est destiné à subventionner de manière directe ou indirecte les combustibles fossiles. Une réaffectation de ces aides permettrait, selon Richard Damania, économiste en chef du pôle Développement durable à la Banque mondiale :
Des données qui battent en brèche les discours selon lesquels il n’y aurait pas d’argent pour les défis environnementaux et civilisationnels de notre temps.
Parmi les recommandations du FMI, la suppression des subventions aux énergies fossiles est au sommet de la liste. Elles donnent un mauvais signal aux entreprises et aux ménages les plus aisés, qui ne réalisent pas que les énergies fossiles ne sont pas compétitives.
En complément, une partie de l’augmentation des revenus associée pourrait être réallouée aux ménages vulnérables à la hausse des prix de l’énergie. Le reste pourrait être utilisé pour aider aux financements des biens publics tels que l’éducation, la santé et les moyens de production d’énergie décarbonée.
Ces préconisations trouvent un écho dans le dernier rapport d’étude de la Banque centrale européenne sur la résilience de l’économie au changement climatique. Les résultats montrent que les entreprises et les ménages ont tout à gagner d'une transition plus rapide. Les investissements et les coûts énergétiques sont dans un premier temps plus élevés, mais les risques financiers diminuent considérablement à moyen terme.
Le pouvoir d’achat est moins pénalisé, car les investissements ciblés dans les énergies renouvelables sont rentables plus tôt et réduisent finalement les dépenses énergétiques. Retarder la transition comme le font les subventions des États aux énergies fossiles entraîne des coûts et des risques beaucoup plus élevés à long terme.
Le coup de canif au pacte de Glasgow de 2021
En 2021, le Pacte climatique de Glasgow marquait la réaffirmation par les 200 pays signataires de l’Accord de Paris de maintenir l’augmentation de la température moyenne mondiale à un niveau bien inférieur à +2 °C et de poursuivre les efforts pour la limiter à +1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels.
Pour y parvenir, les émissions de dioxyde de carbone doivent diminuer de 45 % d’ici 2030 pour atteindre le « zéro absorption de CO2 par l’atmosphère » ou « net zéro » en 2050, sachant que le charbon, le pétrole et le gaz constituent des facteurs majeurs du dérèglement climatique.
Deux ans plus tard, l’Agence internationale de l’énergie (IAE) et l’OCDE révèlent que ces subventions ont doublé en 2022 par rapport à 2021. Elles atteignent désormais 1 500 milliards de dollars de soutien pour l’ensemble des secteurs de l’économie pour faire face à l’augmentation des prix de l’énergie.
Si ces subventions semblent de prime abord favorables au consommateur (notamment dans le cas du bouclier tarifaire ou des chèques énergie), elles sont en réalité mal fléchées. Elles ne profitent pas aux plus démunis, accroissent les inégalités, creusent les dettes et dégradent le climat.
Le Fonds Monétaire International (FMI) a récemment apporté un complément à cette étude avec une estimation des préjudices sociaux et environnementaux engendrés mondialement par ces subventions. Ce sont 6 000 milliards de dollars par an de coûts supplémentaires qui sont supportés par les collectivités.
Montant qui est à mettre en regard des 4 000 à 6 000 milliards de dollars par an d’investissement nécessaires selon l’Organisation des Nations Unies (ONU) pour la transformation mondiale vers une économie à faibles émissions de carbone.
« On dit qu'il n'y a pas d'argent pour le climat. En réalité, il y en a, mais pas là où il faut. Si nous pouvions rediriger les milliers de milliards de dollars gaspillés en subventions inadéquates vers des utilisations plus écologiques et plus appropriées, nous pourrions ensemble relever nombre des défis les plus urgents pour la planète. » – Axel van Trotsenburg, directeur général senior de la Banque mondiale
Certains acteurs majeurs du secteur (Shell ou Exxon Mobil) vendent leurs puits de pétrole moribonds à des firmes moins capitalisées pour échapper à leurs obligations futures de remise en état environnementale de leurs exploitations.
Rien qu’en Californie, le rebouchage des 250 000 puits de pétrole ou de gaz – pour protéger les ressources en eaux souterraines, prévenir la pollution de surface et arrêter les émissions de méthane –est estimé à 21 milliards de dollars. Par ailleurs, les profits projetés des compagnies exploitant ces puits atteignent à peine un tiers de cette somme… Sans compter les mises en faillite délibérées de certaines entreprises pour se défaire de leurs obligations.
Avec plus de 2 millions de puits de pétrole non bouchés qui seraient disséminés rien qu’aux États-Unis, la facture risque d'être lourde… et probablement à la charge du contribuable. À l’échelle mondiale, c’est près de 30 millions de puits « zombies » qui sont ainsi laissés à l’abandon…
Les subventions directes aux combustibles fossiles tutoient les sommets : 1 500 milliards en 2022
Avec les tensions causées par la guerre entre l'Ukraine et la Russie et les coupures brutales des livraisons de gaz naturel russe à l'Europe, les prix des combustibles fossiles ont été élevés et volatils en 2022.
Les interventions politiques des gouvernements ont permis de protéger les consommateurs de l’explosion des prix sur les marchés internationaux. Elles ont revêtu différentes formes selon les pays : recapitalisation de sociétés, suspension de la dette et soutien aux entreprises du secteur de l'énergie ou aux industries clés à forte intensité énergétique, allègement de taxes, plafonnement des prix, facilités ou aides aux paiements de factures énergétiques, etc.
En maintenant les prix réellement payés par les différents consommateurs inférieurs aux prix des marchés mondiaux, ces interventions ont rendu les combustibles fossiles artificiellement compétitifs par rapport aux alternatives à faibles émissions de gaz à effet de serre.
Les dépenses publiques affectées aux contrôles des prix des combustibles fossiles dans les pays ont ainsi atteint en 2022 plus de 1 000 milliards de dollars à l'échelle mondiale.
C’est de loin le montant le plus élevé jamais relevé par l’IAE, le double par rapport à 2021 et presque l'équivalent du produit intérieur brut (PIB) d’une économie comme celle du Mexique.
Si ces aides sont en majorité le fait des pays émergents ou en développement, l’organisme estime d'autre part à plus de 600 milliards de dollars supplémentaires les subventions au consommateur pour réduire la facture énergétique des combustibles fossiles, dont 350 milliards rien qu’en Europe. Un montant très certainement sous-estimé de l'aveu même de l'OCDE dans la description de sa méthodologie.
Les derniers chiffres de l’OCDE pour la France montrent que l’hexagone est sur des sommets depuis 2018 (bien avant le déclenchement de la guerre en Ukraine) avec 10 milliards de dollars dépensés sous forme d’allègement de taxes et de « chèques solidarité » aux particuliers et industriels. Fléchés essentiellement vers les dérivés du pétrole, c’est trois fois plus qu’en 2010.
Un chiffre bien loin des estimations du dernier rapport d’information du Sénat, pour qui les aides aux consommateurs d’énergie – dont l’électricité d’origine non fossile – sont de l’ordre de 85 milliards d’euros depuis 2021. Si le soutien français cible en majorité une électricité qui est largement décarbonée en France (50 milliards à 60 milliards sur les 85 milliards d’euros d’aide), celle-ci est soumise aux évolutions des prix du marché européen de l’électricité, lequel est fortement corrélé au prix du gaz... Il est difficile dans ces conditions d’identifier clairement la part dévolue aux énergies fossiles.
Si ces subventions semblent de prime abord favorables au consommateur qui ne voit pas sa facture énergétique exploser, elles infligent pourtant une lourde peine aux populations. Mal ciblées, ces mesures ne bénéficient pas aux plus vulnérables. Elles exacerbent les inégalités, aggravent les dettes, contribuent à la détérioration de la qualité de l'air et au changement climatique.
Elles favorisent également le maintien du « business as usual » et avec lui l’augmentation constante des émissions de gaz à effet de serre et de la pollution. L'année 2022 a d’ailleurs marqué un record d'émissions avec 36,6 milliards de tonnes de CO2, presque 1 % de plus que 2021 et un niveau plus élevé que pré-pandémie de Covid.
Les préjudices liés à ces subventions sont au minimum de 6 000 milliards de dollars supplémentaires
Un récent rapport du FMI évalue à 6 000 milliards de dollars par an les subventions supplémentaires dites « indirectes » ou « implicites » aux énergies fossiles. Il s’agit du coût indirect infligé à la population et à la planète par ces subventions : pollution, émissions de gaz à effet de serre, externalités liées au transport, destruction du milieu naturel, etc. À elle seule, la pollution est responsable de 7 millions de décès prématurés par an dans le monde, principalement dans les pays les plus pauvres.
Dit autrement, 6 000 milliards de dollars de coûts environnementaux n’ont pas été facturés aux entreprises l’année dernière. Une estimation certainement sous-évaluée et qui devrait plutôt être presque du double selon une récente étude publiée dans la revue scientifique Nature.
Avec les aides directes (subventions amenant le coût pour l'utilisateur en dessous du prix du marché), c'est un total de plus 7 000 milliards, soit 7 % du PIB mondial, qui est destiné à subventionner de manière directe ou indirecte les combustibles fossiles. Une réaffectation de ces aides permettrait, selon Richard Damania, économiste en chef du pôle Développement durable à la Banque mondiale :
« … un surcroît de ressources pour améliorer la qualité de vie des populations et l'avenir de la planète. On en sait déjà beaucoup sur les bonnes pratiques en matière de réformes des subventions, mais leur mise en œuvre n'est pas une mince affaire, en raison d'intérêts tenaces et de dynamiques politiques difficiles à surmonter, entre autres obstacles. »
Parmi les recommandations du FMI, la suppression des subventions aux énergies fossiles est au sommet de la liste. Elles donnent un mauvais signal aux entreprises et aux ménages les plus aisés, qui ne réalisent pas que les énergies fossiles ne sont pas compétitives.
En complément, une partie de l’augmentation des revenus associée pourrait être réallouée aux ménages vulnérables à la hausse des prix de l’énergie. Le reste pourrait être utilisé pour aider aux financements des biens publics tels que l’éducation, la santé et les moyens de production d’énergie décarbonée.
Ces préconisations trouvent un écho dans le dernier rapport d’étude de la Banque centrale européenne sur la résilience de l’économie au changement climatique. Les résultats montrent que les entreprises et les ménages ont tout à gagner d'une transition plus rapide. Les investissements et les coûts énergétiques sont dans un premier temps plus élevés, mais les risques financiers diminuent considérablement à moyen terme.
Le pouvoir d’achat est moins pénalisé, car les investissements ciblés dans les énergies renouvelables sont rentables plus tôt et réduisent finalement les dépenses énergétiques. Retarder la transition comme le font les subventions des États aux énergies fossiles entraîne des coûts et des risques beaucoup plus élevés à long terme.
Le coup de canif au pacte de Glasgow de 2021
En 2021, le Pacte climatique de Glasgow marquait la réaffirmation par les 200 pays signataires de l’Accord de Paris de maintenir l’augmentation de la température moyenne mondiale à un niveau bien inférieur à +2 °C et de poursuivre les efforts pour la limiter à +1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels.
Pour y parvenir, les émissions de dioxyde de carbone doivent diminuer de 45 % d’ici 2030 pour atteindre le « zéro absorption de CO2 par l’atmosphère » ou « net zéro » en 2050, sachant que le charbon, le pétrole et le gaz constituent des facteurs majeurs du dérèglement climatique.
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